Astana
Bruges, une froide nuit d'automne.
Les plis de la cape se resserrent autour du corps affaibli de la danoise. Chancelante, elle remonte les venelles désertes. Les âmes s'y font rares, il faut préciser qu'il est tard. Et que la lune refuse d'honorer ces pauvres ères de part sa présence. Une main blessée et tremblante, entaillée à la paume, s'accroche à son bras. La sienne. Mignonne, qu'as-tu encore fait ? Le Carmin tâche une étoffe déjà Noire. L'oeil hagard, la vision trouble et les pensées tourmentées, la faiblarde anciennement Rude cherche asile.
Des illusions.
Astana n'a rien laissé. Rien. Dans le cimetière désabusé de sa chambre, prison sans barreaux, où jours et nuits se confondaient pour ne faire qu'un. Rien qu'une suite d'heurts interminables, où l'attente n'aura jamais mieux porté son funeste nom. La pluie tombant sur le carreau comme seul repère. Cet ignoble ploc incessant, ritournelle d'une blessure lancinante. Doucereuse torture pour les nerfs. Et quand la Peine disparue fit place à la Haine... La bête ensommeillée refit surface. Sans âme.
Désillusion.
Mâchoire crispée, qui se mue en un sourire macabre alors que la tête se penche sur le coté. J'ai trouvé. Alors elle se met à rire ! Si fort que ç'en devient frénétique. Et tout s'arrête alors... brusquement. Son plus beau cauchemar se réalise. L'expression grise reprend ses droits, sur un visage cerné, aux joues creusées. Six feet under* ? Il faut bien Recommencer quelque part. A bout de souffle. Le simple fait de sentir sa poitrine asphyxiée se soulever lui donne la nausée. Vertige. Tout tourne, tout va trop vite.
Déplumée.
Là, appuyée contre la porte d'un rade miteux, l'Astana compte ses soubresauts. Un... deux... trois... Compter pour s'accrocher à la réalité. Quatre... Cinq... Six... Dans quel pétrin t'es-tu encore fourrée, Sa Blondeur ?! Respire. Les secondes s'écoulent à mesure que les spasmes s'effilochent. Et la respiration de se faire bruyante, énervée. Enragée. Danoise, tu es passée maitre dans l'art de vriller d'un extrême à l'autre. Cette gorge trop longtemps serrée dans un étau a soif à présent. Soif de larmes et de sang.
Désespérée.
La lourde grinçante s'ouvre sur une vaste pièce enfumée. Surpeuplée, aussi. Silence. Tous la dévisagent longuement avant de reprendre le fil de leur morne existence. Un signe pour le tenancier qui affiche un sourire mi figue-mi raisin. Il sait à quoi s'en tenir ; puisqu'il connait la bestiole. Et avec ça ? Une bouteille de rhum et un verre, là-bas, à la table du fond. L'Habituelle. Et comme d'habitude donc, celle qu'ils appellent la muette restera assise une bonne heure ; à fixer sa bouteille en chien de faïence. Avant de se lever, et de repartir... sans consommer.
Mais pas ce soir. Non, pas ce soir.
Un soupir. Résignation. Le liquide passe de la bouteille au verre. Du verre à sa bouche. De sa bouche à sa gorge.
Ce soir, je tue mon Foie. Faute de mieux.
* Six pieds sous terre
RP ayant initialement lieu en halle de Bruges, continué ici pour des raisons pratiques.
_________________