Ludwig_von_frayner
Ceci est un RP ouvert. Bien entendu.
Toute histoire a une fin. Pourtant, si on lui avait dit qu'il allait quitter Montpellier il y a quelques semaines encore, le vieux von Frayner ne l'aurait pas cru. Comment l'aurait-il pu ? L'âge a parfois ses raisons que la raison ignore.
Citoyen investi, omniprésent, responsable du Guet et c'est tout, le Vicomte se donnait corps et âme pour sa ville. Investi dans de nombreux de domaines, il avait très vite pris plaisir à faire résonner sa canne ça et là, une remarque acerbe pointant au coin des lèvres, au cas où on le chercherait. Sa présence avait le don d'exciter les murs. Soit on le détestait, soit on l'adorait, mais jamais le Vicomte ne laissait indifférent. Il faut dire qu'il cultivait l'art des coups de gueule et des coups de canne comme personne. Râleur né, moralisateur convaincu, il avait fait son trou, ici. Montpellier, c'était sa ville, son idylle, son chez lui. Pourtant, tout n'avait pas été si simple. Il avait fallu se battre.
Arrivé dans une ville de cinglés en tout genre, il avait dû s'employer pour faire le ménage des nuisibles. Dehors les Destron, les Cornazzano, et les autres canailles illettrées. Dehors les bien-pensants et les trop niais. Armé de son épouse, il avait fait de Montpellier un lieu saint, où chacun se retrouvait, où chacun pouvait vivre sa vie, son histoire, dans le respect des lois et des autres. Finie la réputation d'une ville malfamée, finis les clans, Montpellier brillait aujourd'hui par son unité, son éclat, son potentiel commercial, et sa sécurité. Il en était certain : ne résidaient ici plus que des gens biens. Pas des anges ! Oh non ! Tout le monde avait ses travers et c'était tant mieux. Aujourd'hui, Montpellier vivait de ses histoires, de ses murmures, de ses secrets.
Montpellier, c'était pour lui, les longues soirées avec Enzo et Gabrielle, ce couple si singulier et si décrié, dont il s'était pourtant pris d'affection. Pourquoi ? On ne saurait le dire tant il est vrai que cet air insupportable, grincheux, borné leur collait à la peau. Mais il y avait dans leur histoire dantesque, les souvenirs d'un chemin qu'il avait lui-même emprunté.
Montpellier, c'était pour lui, l'amour dérobé de Virgile et Coccinelle ; Pépino et ses pépitos ; les bonjours timides de Philosine ; les rapports matinaux d'Anastasia ; les questions impromptues et les folles sorties de sa fille ; l'innocence et les bouderies d'Ella ; les rivalités pour le cur de Kaelig ; les coups de canne au jeune Arthur_de_troy ; les pérégrinations toujours très philosophiques de Louis Track ; les coups de canne à Lexinias ; les insultes de Louisdeblois ; la sympathie de Theoze ; les manières emplumées du Baron Salvaire ; les coups de canne - fictifs, cette fois - à Yiralyon ; les veillées nocturnes ; l'absence de réponse du Prévôt, les coups de gueule au Conseil municipal... Et tous les autres. Ainsi s'était-il habitué à Montpellier, et ainsi Montpellier s'était-elle habituée à lui.
Seulement, lentement, irrémédiablement, la routine s'était installée. Refusant d'abord de la voir, la monotonie avait finie par triompher. Il ne sortait plus. Il ne parlait plus. Il se contentait simplement de répondre aux obligations qui lui incombaient : la défense de la Capitale. Et c'est tout. C'était tout. Que pouvait-il faire de plus ? Il avait tout fait pour Montpellier. Il avait tout dit. Tout donné. Il se sentait inutile. Bon à jeter. Il avait cru que cette période noire lui passerait naturellement. Elle s'était affirmée, jusqu'au jour fatidique où il s'était entendu prononcer :
« La Lorraine me manque. »
La marche s'était alors enclenchée. Rapide. Brutale. Certaine. Les champs furent vendus. Les valises furent bouclées. Et aujourd'hui, les von Frayner partaient, laissant derrière elle un nuage de souvenirs et de pensées. De beaux souvenirs. De belles pensées.
Mais un regret ? Jamais.
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