Matalena
Les mômes. Êtres de petite taille. Qui pigent certains trucs, et qui n'en pigent pas d'autres : aucun moyen de prévoir. Qui chialent, qui braillent, qui rigolent pour un rien. Portent en germes les adultes qu'ils deviendront. Êtres humains miniatures, du moins à partir de sept ans, quand on peut plus ou moins parier qu'ils ont une chance de n'avoir pas été élevés et nourris pour crever de la première maladie et/ou famine qui passe. Gouffre à écus jusqu'à ce que les muscles leur poussent. Enfin... Ici il était question de gosses de haute noblesse, fussent-ils ou non bâtards : leur chance de survie était nettement plus élevée que les gueux qui pondaient autant de chiards que les chiennes de chiots en espérant en sauver une paire dans le lot. S'il n'y a pas de guerre, bien sur.
Tout ceci, et une autre chose encore : cette graine de duchesse en herbe, plus tard, ferai partie de ces grands qui dominent et gèrent le monde. Qui lancent les ordres de bataille, décident de vie et de mort, des choix politiques et de ceux qui en occupent les sièges. Et d'autres, d'autres qui seraient comme la réformée d'antan, seraient là pour les seconder en restant dans l'ombre. Exécuter leurs volontés, porter l'épée, verser pour eux le tribu du sang. Se renier pour eux. Mourir. Être aimé est un luxe. L'avoir été, une faible probabilité. Pour petites comme grandes gens. Ce qu'il faut saisir, en revanche, c'est comment mener son rang de manière juste et droite. Qui lui avait apprit ça déjà... ?
Voilà la petite qui se rebique, la bouche en cul de poule et les yeux furibonds. L'aînée dynastique qui la darde de toute la hauteur de son nom, à défaut de sa personne. La Ladivèze sourit en coins, se tâtant entre un prodigieux agacement et une certaine compassion. Car douce, elle ne l'était vraiment qu'avec les siens, de chiots. Et encore. Je vous écoute ? Allons donc. Qui venait de beugler dans le couloir ? Et par quoi commencer ? Pas de chaise propice laissée comme de par hasard dans ce couloir désert, aussi faudrait-il converser debout. Encore heureux que la petite taille de la noiraude permette à son interlocutrice de ne pas se dévisser la tête se faisant.
Vous êtes une héritière Saint Just. Et cela, nul ne pourra vous l'ôter, mâle, femelle, bâtard ou légitime. Bien que vous soyez encore jeune, vous êtes en âge de comprendre ce qui se passe ici. A l'avenir, il faudra vous appliquer à ce que des moments de faiblesse comme celui-ci ne puissent être surpris, se déroulent dans le privé des personnes de confiance que vous placerez autour de vous. Ceci étant précisé...
C'est dans ce genre de moments qu'on regrette d'avoir oublié sa pipe dans la salle d'armes. Un peu de fumée serait pas de refus.
Votre mère a trop bien intégré la leçon précédente. Car si toute femme se doit d'être forte et présenter un visage serein, nier tout à plein ses souffrances et ses attachements revient à planter une épée dans le pied. Entendez-moi bien : à blinder l'extérieur au détriment de l'intérieur, on se creuse, et le moindre impact peu faire tout éclater. Gardez-vous en. Pour résister aux épreuves de sa vie, mener à bien la mission de faire grandir le blason familial, votre blason, elle a fait certains choix. Des choix qu'elle considère aujourd'hui sous un jour nouveau.
Seconde de silence. La jeune femme ne cherche pas à détourner le regard de celui qui la dévore, comme prêt à la broyer à la moindre entourloupe. Mais les entourloupes, c'est pas son style.
Ce qu'il faut que vous sachiez, c'est que les choses, Agnès, a évolué. Elle tente de renouer les liens avec sa descendance, que ce soit par l'éducation, avec vous, ou la pure et simple découverte, avec Lonàn. Je sais que l'on exige, que l'on attend beaucoup de vous. Mais il faudra que vous trouviez une façon de comprendre la réalité pour ce qu'elle est et de vous y adapter. Laissez-leur une chance, cela vous rendra plus forte. On ne ravale pas ses plaies. On les affronte, on les domestique et, quand on le peut, on les transforme.
Si vous souhaitez vous exprimer, je suis à votre service.
Car le service n'est point toujours la servitude, ni l'amour le mensonge. Et le regard de la brune en témoignait bien assez. Elle resta là cependant, sans donner l'apparence de s'inquiéter de quoi que ce soit d'autre que de la jeune fille qui lui faisait face. Petite Saint Just, as-tu compris ? Petite Saint-Just, veux-tu parler ? Petite Saint Just, veux-tu te taire ?
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Tout ceci, et une autre chose encore : cette graine de duchesse en herbe, plus tard, ferai partie de ces grands qui dominent et gèrent le monde. Qui lancent les ordres de bataille, décident de vie et de mort, des choix politiques et de ceux qui en occupent les sièges. Et d'autres, d'autres qui seraient comme la réformée d'antan, seraient là pour les seconder en restant dans l'ombre. Exécuter leurs volontés, porter l'épée, verser pour eux le tribu du sang. Se renier pour eux. Mourir. Être aimé est un luxe. L'avoir été, une faible probabilité. Pour petites comme grandes gens. Ce qu'il faut saisir, en revanche, c'est comment mener son rang de manière juste et droite. Qui lui avait apprit ça déjà... ?
Voilà la petite qui se rebique, la bouche en cul de poule et les yeux furibonds. L'aînée dynastique qui la darde de toute la hauteur de son nom, à défaut de sa personne. La Ladivèze sourit en coins, se tâtant entre un prodigieux agacement et une certaine compassion. Car douce, elle ne l'était vraiment qu'avec les siens, de chiots. Et encore. Je vous écoute ? Allons donc. Qui venait de beugler dans le couloir ? Et par quoi commencer ? Pas de chaise propice laissée comme de par hasard dans ce couloir désert, aussi faudrait-il converser debout. Encore heureux que la petite taille de la noiraude permette à son interlocutrice de ne pas se dévisser la tête se faisant.
Vous êtes une héritière Saint Just. Et cela, nul ne pourra vous l'ôter, mâle, femelle, bâtard ou légitime. Bien que vous soyez encore jeune, vous êtes en âge de comprendre ce qui se passe ici. A l'avenir, il faudra vous appliquer à ce que des moments de faiblesse comme celui-ci ne puissent être surpris, se déroulent dans le privé des personnes de confiance que vous placerez autour de vous. Ceci étant précisé...
C'est dans ce genre de moments qu'on regrette d'avoir oublié sa pipe dans la salle d'armes. Un peu de fumée serait pas de refus.
Votre mère a trop bien intégré la leçon précédente. Car si toute femme se doit d'être forte et présenter un visage serein, nier tout à plein ses souffrances et ses attachements revient à planter une épée dans le pied. Entendez-moi bien : à blinder l'extérieur au détriment de l'intérieur, on se creuse, et le moindre impact peu faire tout éclater. Gardez-vous en. Pour résister aux épreuves de sa vie, mener à bien la mission de faire grandir le blason familial, votre blason, elle a fait certains choix. Des choix qu'elle considère aujourd'hui sous un jour nouveau.
Seconde de silence. La jeune femme ne cherche pas à détourner le regard de celui qui la dévore, comme prêt à la broyer à la moindre entourloupe. Mais les entourloupes, c'est pas son style.
Ce qu'il faut que vous sachiez, c'est que les choses, Agnès, a évolué. Elle tente de renouer les liens avec sa descendance, que ce soit par l'éducation, avec vous, ou la pure et simple découverte, avec Lonàn. Je sais que l'on exige, que l'on attend beaucoup de vous. Mais il faudra que vous trouviez une façon de comprendre la réalité pour ce qu'elle est et de vous y adapter. Laissez-leur une chance, cela vous rendra plus forte. On ne ravale pas ses plaies. On les affronte, on les domestique et, quand on le peut, on les transforme.
Si vous souhaitez vous exprimer, je suis à votre service.
Car le service n'est point toujours la servitude, ni l'amour le mensonge. Et le regard de la brune en témoignait bien assez. Elle resta là cependant, sans donner l'apparence de s'inquiéter de quoi que ce soit d'autre que de la jeune fille qui lui faisait face. Petite Saint Just, as-tu compris ? Petite Saint-Just, veux-tu parler ? Petite Saint Just, veux-tu te taire ?
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