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[RP] De l'ombre à la lumière

Aphy...




L'homme sans âge parlait, parlait, s'asseyait, se relevait sous les regards médusés de l'assemblée, à présent bien silencieuse. D'ailleurs, il lui semblait qu'il ne restait que lui et elle, les autres avaient été comme aspirés par le décor. Ils n'étaient plus qu'à présent qu'éléments du décor, fondus dans la masse mordorée et humide.
Des rideaux de brume envahissaient peu à peu le lieu. Elle, perdue dans ce monde, devenait peu à peu moins consciente, à moins que ce ne fut le contraire et qu'elle ressente la vie qui anime chaque brin d'herbe, chaque parcelle de ce monde.
N'avait-elle pas quelques minutes auparavant entendu les paroles d'une fringante rainette.

Elle secoua avec violence la tête, comme pour remettre de l'ordre dans ses idées, comme pour ré-agencer tout ce qui tournoyait dans son esprit.
Des mots, encore des mots... des explications qui n'en sont pas, simplement des pistes lancées au hasard, juste des directions aléatoires, jeu étrange d'une roulette qu'elle ne parvenait à comprendre, dont elle n'arrivait pas à saisir le sens profond.

Désir et Liberté, tels étaient les mots qu'il répétait... et si le sens de son discours résidait en ces termes-là. De leur union, de leur opposition, de leur convergence tyrannique devait émerger un axe, une direction.
Une rafale un peu plus violente rabattit ses cheveux sur son visage, camouflage qu'elle appréciait pour masquer les sentiments qui l'animaient, le désarroi engendré par la situation.

Il gesticulait à présent, tapait l'arbre d'un bâton, elle se contentait de rester immobile, songeait à fuir, à se cacher à faire l'autruche et enfouir sa tête dans la boue, pour ne plus voir, ne plus entendre.
Illusion de lâche !
Elle savait qu'elle n'avait jamais aussi bien vu, discerné chaque chose qui l'entourait, chaque parcelle de son esprit, de ceux des autres.

S'ils étaient ombres dissoutes dans la clairière tout à l'heure, à présent, elle sentait chacun d'eux, percevait leurs angoisses, leurs souffrances, leurs doutes.
N'étaient-ils qu'un à présent ? Elle aurait voulu saisir une main, eut l'impression de battre l'air sans y parvenir à s'en saisir, elle n'était même pas parvenue à esquisser le moindre geste.

Le vieillard, car elle en était persuadée, c'est un vieillard, certes bien conservé, mais un ancêtre se mit soudain à la tutoyer, étrange sensation, que celle-là. Alors qu'elle perdait à nouveau le fil de son discours, s'attardant trop longtemps sur un détail, le couperet tomba et la question jaillit. Inutile de regarder ses compagnons, ils étaient, elle le percevait perdus pour la réalité de l'instant, trop emplis de leur propres hésitations.



Aaah, quel grand et banal malheur, que crois-tu qu'il arriva quand le désir se réduit à portion congrue ?


Si le désir disparaît... lorsque le désir disparaît c'est la force vitale qui nous anime qui s'envole.
Celui qui ne désire plus ne s'anime plus, n'est sans doute plus vivant.


Alors qu'elle parle, elle s'efforce de garder un ton ferme et assuré, elle déteste par dessus tout paraître faible. C'est néanmoins son propre ressenti qu'elle exprime, elle parle de cet instant où, du bord d'une falaise, elle aurait aimé sauter, s'élancer vers le néant pour ne plus s'interroger, ne plus souffrir, ne plus ressentir... elle sent les larmes à nouveau sur ses joues, n'en a cure, l'obscurité a recouvert la clairière, nul ne peut percevoir son trouble.

Toutefois, l'écueil consiste à confondre désir et envie. L'envie mène à la cupidité, l'avidité, la soif de pouvoir...
On envie son voisin et dès lors, on ne cherche qu'à nuire, pour se faire valoir... c'est toute la nature humaine sombre qui transparaît alors.
Dans le désir, il y a une forme de douceur... on désire une caresse, la chaleur réconfortante de l'autre, on désire donner la vie.
Sans désir, il n'est plus question de vivre, tout n'est que survie, satisfaction primitive de ses instincts.
Dans le désir, on trouve la dimension d'humain qui est en chacun de nous.

Aeltahir
Depuis un moment un jeune homme encharpé se tenait derrière un buisson épineux.
De temps ne temps il manipulait sa crosse volumineuse en la faisant tournoyer sur elle même.
Il la planta en terre comme un conquistador sur la terre promise après des mois de navigation.


Le désir... en voilà une vaste question !
Je me présente à la noble assemblée, je suis le curé de Tolosa.
Mon nom est Aeltahir né sous l'oeil d'un aigle, j'ai l'esprit d'un prédateur, comme l'aigle je fonds sur ma proie !


Si tu permets vieil homme sans rides, je vais te planter une de mes serres !


Manifestement, tu parles de liberté comme accomplissement du désir de devenir ce que nous sommes.
Et pour devenir soi-même, il est nécessaire d'apprendre à ce que connaitre.

Voilà résumé la situation, n'est-ce pas ?
Je passe outre ta prétention à rabaisser voire mépriser les autres religions.
Ce serait faire trop de cas de tes paroles, je ne doute point que ce ne soit une scorie à ta logique infernale !



Il regarda Aphy avec un grand sourire.

Toi, si silencieuse à l'office, te voilà bavarde face à un hérétique !
J'en suis étonné et heureux, car après tout mieux vaut parler que se taire en cette occasion.


Je rajouterai mon point de vue d'aristotélicien.
Plus que le désir, il y a le devoir et même plus que le devoir, il y a le pouvoir de choisir en dépit même du désir qui peut nous mener à notre perte.
Bref, le Très-Haut nous a donné le libre arbitre et c'est par ce biais divin que nous pouvons décider de notre vie, de faire le bien ou le mal.


D'ailleurs, j'en profite ! tous les dimanches je me décarcasse à faire la messe et fissa je veux tous y voir aussi ! vous aussi les spinozistes ! prenez en de la graine...



Le jeune curé s'appuya nonchalamment sur sa crosse enfoncée en terre...
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Licence ès théologie
Aphy...



Epuisée par l'énonciation d'un semblant de discours, elle ferme un instant les yeux avec le secret espoir que les autres, les hôtes obscurs de cette clairière interviendront.
La brise se fait plus fraîche, la sensation de froid de plus en plus pénétrante. Encore une idée saugrenue que de s'être séparée de sa cape, plus encore de l'avoir abandonnée à l'autre bout de la clairière. Elle n’ose bouger de peur de troubler le calme, de se faire remarquer. Elle est étourdie par le bruit de sa propre respiration. Elle attend quelques paroles de l’homme sans âge, mais celui-ci reste silencieux. La stupidité de son intervention a dû le laisser sans voix et le silence recouvre la clairière.

Soudain, une silhouette fantomatique émerge des volutes de brume, une voix forte, vaguement familière transperce le silence, elle sursaute, partagée une fois encore entre frayeur et fascination. Sa main boueuse glisse le long de sa jambe, toujours à la recherche de sa dague, amie fidèle parmi les fidèles. Le curé de Toulouse ! Elle le reconnaît, vêtu des plus beaux atours, crosse en main. A-t-il lui aussi été convié à ce rassemblement ? Cela est peu probable.

A peine arrivé, il harangue l’assemblée, avec la même fougue, la même prestance que celles dont il use lors des offices.
Un instant de répit pour la Brunette, il semble se concentrer sur l’Admor, elle espère qu’il en sera ainsi encore un bon moment. Il est à l’aise, le jeune curé, même trempé au fond d’une clairière, un soir d’automne. Aphy s’est prise d’une étrange passion pour le jeune homme, une passion tout ce qu’il y a de platonique bien entendu ! Et c’est ainsi qu’elle a pris l’habitude de se rendre à l’office tous les dimanches, sans contrainte, juste pour le plaisir de se laisser guider par les mots, par la conviction et la verve du jeune curé. Ici aussi, elle l’écoute avec un vif intérêt, il résume l’exposé de l’Admor, elle se garde bien d’ouvrir la bouche, espère passer inaperçue.
D’un geste vif, il se tourne brutalement vers elle, et l’apostrophe avec une étrange familiarité agrémentée d’un sourire ravageur.


Toi, si silencieuse à l'office, te voilà bavarde face à un hérétique !
J'en suis étonné et heureux, car après tout mieux vaut parler que se taire en cette occasion.


Elle reste coite, une fois encore, il ne manquerait plus qu’elle avale un insecte, ce serait le clou de la soirée ! Elle s’étonne qu’il ait remarqué sa présence à l’église, elle a toujours tout fait pour se dissimuler. Elle n’a pas le temps de lui rétorquer que les paroissiens ne doivent pas prendre la parole à l’église qu’il enchaîne et pose déjà les jalons de sa foi aristotélicienne, s’appuyant sur un élégant raisonnement. Elle apprécie la démonstration, même si elle n’y souscrit pas entièrement. L’idée d’opposer le désir et le devoir… pour terminer avec le pouvoir ne pas se soumettre au désir. Elle hoche involontairement la tête…
Son intervention se termine par une boutade et une invitation à se rendre à l’église. Elle sait déjà qu’elle y sera, elle n’a que rarement manqué l’occasion de s’y rendre, preuve s’il en est, du respect qu’elle éprouve pour lui.


D'ailleurs, j'en profite ! tous les dimanches je me décarcasse à faire la messe et fissa je veux tous y voir aussi ! vous aussi les spinozistes ! prenez en de la graine...

Euh, mon père ? Mon Seigneur ?

Elle ne sait jamais comment il faut nommer les religieux. Elle tord sa bouche en une moue dépitée et poursuit.


Vous permettez ?

Sans attendre de réponse, elle continue à parler.

Oui, le Très-Haut nous a donné le pouvoir de choisir l’orientation de nos pensées, il a fait de nous les détenteurs d’un certain pouvoir, celui de réfléchir.
La parole aussi, il nous en a fait don, ces mots que nous pouvons utiliser pour animer les choses, pour comprendre raisonner… et chacun est détenteur de ses pensées, de ses aspirations de ces rêves.

Nous sommes certes soumis aux exigences du quotidien, dont il est difficile de se départir, mais notre liberté de penser, de concevoir le monde, nous nous devons de la défendre.

L’église impose des carcans parfois, l’obscurantisme est trop souvent moyen de propager la foi. On est alors ramené à l'état d'objets, de serviteurs de doctrines et de ce fait, nous nous éloignons de notre statut d'humain.

Je ne dis pas ça pour vous, soyez-en certain, mais j’ai vu, parfois les pires crimes commis au nom de la foi. A cet instant-là, dans ces exactions… nous perdons une part importante de notre humanité. De ce don qui nous a été fait.

C'est du libre-arbitre dont je parle et que vous invoquiez, vous aussi !



Un peu gênée par son intervention, elle regarde le jeune curé, dont la présence est toujours masquée par des rubans de brume, d’un geste de la main, elle l’invite à s’asseoir avec eux, pas bien certaine qu’il en ait la moindre envie, d’ailleurs. Et puis, se vautrer dans l’herbe humide et la boue, tout vêtu de blanc, ce doit être la pire des idées. Elle s'abstient donc de lui proposer sa cape comme protection, mais poursuit, d’une voix mal assurée.


De même, lorsque vous évoquez le devoir par opposition au désir, je ne pense pas que le problème se situe à ce niveau-là, car le devoir nous est imposé, on le vit comme un carcan, une entrave qui n’est en rien compatible avec notre humanité.
Epouser une ligne de pensée ne doit en aucun cas régir nos choix de manière absolue. On ne doit remettre en quiconque, le pouvoir de décider.

Nous sommes, nous existons, nous pensons… librement !
Tel est à mon sens ce que nous ne devons pas perdre de vue.


Aeltahir
En voilà de la démagogie !

Tu me fais de la peine ma chérie ! Grosso modo, l'Eglise rappelle des devoirs, devoir d'amitié, devoir de faire le bien, etc... et elle serait obscurantiste, elle imposerait un carcan et que sais-je encore. La Foy sauve sais-tu, la Foy rend plus fort, la Foy guide nos pas et le doute s'il affleure nos vies jamais ne nous fait sombrer du coté du mal. Notre devoir est de faire bien, et de repousser le mal, tout ceci est certes bien peu excitant pour une jeune femme, mais suffit à remplir une vie.

Messire Thamos, trêves de songeries, je pourrai apporter la preuve de mes dires en vous démontrant que l'âme débordante de Foy peut mener le corps sans faillir. Aphy, où es-tu, il est temps qu'en bon aristotélicien nous démontrions que notre Foy est plus forte que toutes les épreuves et les tentations, que la peur ne saurait la toucher. Nous savons passer outre toutes les douleurs de ce monde à l'exemple de Christos.

Le Très-Haut nous a donné le Libre Arbitre, le pouvoir de choisir et de s'y tenir par la volonté. Tout humain peut ainsi repousser ses limites, se surpasser comme ses athlètes de Dieu dans le désert que l'on nomme anachorète. Employer des arguments contre vous serait vain. J'ai ouï dire que les spinozistes entraînaient leur esprit à défendre les choses les plus absurdes afin d'avoir devant leurs adversaires réponse à tout !

Mon argumentaire sera tout autre...


Le jeune curé s'en alla dans la forêt d'un pas vigoureux et joyeux.

Attendez-moi je reviens !
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Licence ès théologie
Aphy...


De la démagogie ! Il y allait fort le joli curé de Toulouse.
Et ce ton familier qu'il employait, en d'autres circonstances, elle aurait trouvé cela charmant, mais là, d'un coup, elle le trouvait un brin paternaliste, un soupçon moqueur... enfin, il demeurait néanmoins intéressant, à tout point de vue.
Et une fois encore il rappela les devoirs de l'église... Puis l'apostropha, lui demandant de montrer sa Foy, de manière bien étrange.
Il parlait de douleurs physiques, d'épreuves, de tentations... l'étendue du programme annoncé n'avait rien de bien encourageant pour la jeune femme.
Avait-il dans l'intention de la sacrifier ? De la torturer ?
Elle grimaça, allait lui répondre, mais ses mots moururent au bord de ses lèvres.
Déjà, il s'éloignait, elle le suivit du regard, pantoise.


Mon Seigneur... euh...


Et puis zut, elle pourrait répondre à son retour. Elle aimait bien discuter à perdre la raison, et il n'était pas né celui qui la ferait taire. Si le jeune et séduisant curé l'ignorait, il en serait pour ses frais. Elle n'avait pas l'intention de se laisser torturer sans rien dire. Et encore moins de servir d'objet, à sa démonstration de la supériorité de la Foy, cela malgré tout le respect qu'elle éprouvait pour lui.
Thamos


Taisez-vous donc Prêtre ! Laissez-parler le silence.
Il a plus de choses à dire que vous !



Il regarda les trouées du ciel à travers les ramures des arbres...
Puis s'adressant à Celle devant lui, Celle qui n'osait répondre au baratineur, et à tous qui avez des oreilles pour entendre.



Je n'aime pas les messes, vous comprenez.
Je n'aime pas les croyances de toute sorte.
Dieu est bien souvent l'asile de l'ignorance !

Je préfère humer l'air, les odeurs de la mousse fraiche, me sentir vivant.

Vous allez faire quoi, cur'ton ! vous allez me prouver votre foy.
Je sais que vous avez LA foy, inutile de me prouver votre vaine évidence.
Je n'ai pas de doute sur ce point, vous aimez croire, ce qui est reposant...
Mais avez-vous la compréhension de Dieu ? comprendre et croire ne font pas toujours bon ménage.



Il soupira...


Hélas ! nous n'avons plus d'Admor en Tolosa, il s'en est allé avec le vent.
Nous revenons dans le désert, c'est beau le désert, par-delà il y a toujours des terres promises...

Quand je reviendrai dans la ville, je verrai ces campements de guerriers qui semblent menacer jusqu'au ciel.
Il y a beaucoup de lassitude de voir tant de passion bornée pour la violence !

J'ai beaucoup d'amour pour Toulouse, mais il y aura toujours un Montfort pour monter des buchers.
Non, non, oubliez-nous, laissez-nous, la Place Monjourat est vide. Nous vivons reclus dans nos maisons depuis l'époque funeste des illusions perdues.

Tant que les hommes préférerons la Croyance à la Connaissance, la Foy à la Raison, la Passion à la Pensée, l'illusion à la réalité, un Dieu fabriqué à l'image de l'homme à la Nature divine belle et impersonnelle, les cages dorées des cachots à la rigueur âpre de la liberté humaine, le monde semblera une ménagerie infâme où la maladie des cervelles sera confondue avec la santé ou pire encore avec le courage !



Il leva sa main droite, montrant sa paume ouverte...


Les convictions sont des serpents venimeux qui empoisonnent les pensées et les pervertissent.
Toutes les certitudes qui s'érigent en Vérité suprêmes sont des prisons !
Vous avez fait de vos temples, de vos églises, ô vous croyants de toutes obédiences, des oubliettes et des cachots, des forteresses inexpugnables où l'esprit se dessèche et se meurt de faim et de soif.

Est-ce donc si compliqué, si difficile de laisser les portes ouvertes, de donner libre cours aux fenêtres, de laisser circuler les vents, les lumières, les sources où la vie continue sa course fragile s'élargissant sur les rives de l'univers.



Il joignit ses mains et les posa sur ses genoux assis dans la position du tailleur...


Regardes le soleil ! les nuages y passent, il revient ! il est le foyer de la terre, le feu vibrant de la vie.
Penses-tu une seconde que le rêve de ma vie présente soit de renaitre dans le feu d'une cheminée ? Le feu est bon quand il reste à distance.
A ma mort je n'irai point au soleil, aucun Dieu n'y habite ni aucune âme, il est notre lumière qui fait le jour, mais il n'est pas le séjour des morts.

Tous les nœuds de la vie sont ceux que nous devons dénouer, l'homme ne va pas vers Dieu, il est homme avant tout et se doit de préserver les sources et d'agrandir les fleuves.

A quoi bon, parfois, à quoi bon...



Il ferma les yeux.



> Tanna Thamos de la lignée Monjourat member of Union Spinoza (Forum2 en bas)
> Le sage qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il est. Clic !
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