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[RP] Le triptyque d'hyménée - Part II

Judas
[ Résumé de l'épisode précédent.

Judas apprend la grossesse de son épouse en Bourgogne. Ebranlé par cette nouvelle qui lui fait réaliser beaucoup de choses il décide de partir à Paris officiellement pour acheter à l'un des meilleur artisan de France un berceau. Pourtant officieusement il espère retrouver en secret la trace d'Anaon, dont la dernière destination connue avant leurs adieux était la capitale. Une fois arrivé à Paris, il ne trouvera nulle trace de son amante jusqu'au courrier salvateur de Rose, son intendante restée auprès de son épouse à Petit Bolchen en Bourgogne. Elle l'entretient d'une missive malheureuse interceptée in extrémis.]

    J'aimerai me réincarner en un pont de pierres, subir le mauvais temps durant 500 ans...
    Qu'importe si le soleil me brûle ou si la pluie me fouette, tant que je sais qu'un jour elle viendra me fouler de ses pieds.
    - Le Règne des Assassins. -


Citation:
Je doute que l'information vous intéresse, mais...
Je sais où se trouve Anaon.

Et j'ai besoin d'une paire de gants, pour cet hiver.

Bien à vous,

R.

Citation:
Gants et pelisse, le message est bien passé... Mais pas tout à fait entier. Ma chère, parlez où gelez-vous le séant cet hiver.

J.

Citation:
La chère disparue se trouve à Château-Gontier, en Anjou.

Félicitez-vous que l’Œil n'ait rien perdu de sa sournoiserie malgré son exil forcé auprès de la Frigide.

Bons baisers de Bourgogne,


R.


Il n'en avait pas fallu plus au seigneur Bourguignon pour mettre le cap en Anjou, un mois seulement après la tragique fin de la Marquise dans ce même duché, témoin maudit d'une nuit qui n'aurait jamais du tourner aussi mal. Adieu Paris et sa rue Saint Opportune, bonjour Chateau Gontier. La missive de Rose était on ne peut plus claire, et ce malgré cette tendance accentuée au fil des saisons à racketter son seigneur... Sans doute parce que n'étant plus désormais "Limier" de la maison mais "Intendante", la nuance promotionnelle exigeait qu'elle se fasse payer grassement ses anciens services... Mais c'était de bonne guerre si l'on soulignait que Judas l'avait plus ou moins assignée à résidence le soir dans la chambre de Gwenn, alias "La Frigide", suivante d'Isaure, afin que son ami Finn de Pommières , alias "Cazayous" puisse jouir d'une chambre rien que pour lui lors de son séjour chez lui... L'oeil de Petit Bolchen avait une fois de plus mis la main sur un élément capital pour la quête de Judas, à savoir retrouver la Roide. Il ignorait qu'en secret, dans son dos et malgré l'interdiction formelle qu'il avait formulée Anaon et sa jeune suivante Nyam entretenaient encore une correspondance. Rose tenait son information d'une de ces lettres, et c'est en chevauchant vers Saumur qu'il pensa avec un espoir certain retrouver la bretonne et renouer, le plus paisiblement possible... Sans doute avait-il la mémoire courte... Car c'était le port altier, l'allure déterminée qu'il passait les portes de la ville, sans une once d'hésitation quant à son objectif: reconquérir sa maitresse. Et ce alors même qu'il l'avait sévèrement blessée dans son amour propre le jour où elle s'en était allée.

Judas avait besoin d'elle. Pas ce besoin habituel, passionnel et déraisonné non. Un besoin plus tendre, rassurant. Juste la retrouver, l'entendre lui parler comme si toute cette violence passée n'avait été qu'un mauvais rêve. Retrouver fugacement l'apaisement qu'elle pouvait lui inspirer au coeur de la tourmente. De sa tourmente. Il allait être père... Et il savait très bien qu'il ne pourrait pas tenir son mariage à bout de bras sans une autre paire de mains. Il l'avait toujours su. L'annonce de cette grossesse avait effacé ses dernières rancoeurs, depuis des mois il se mourrait intérieurement seul au coté de sa femme. Femme... Quel bien grand mot. Une enfant, qui enfanterai bientôt un enfant.

Sans se rendre à son appartement Andégave - loin de lui l'envie de pénétrer dans le tombeau de Marie de Kermorial - il décida de s'établir à Saumur. Judas aimait bien Saumur, ses tripots et ses étranges habitants quoi qu'en beaucoup de point il détestait l'Anjou. Il y avait aussi quelques connaissances, cela lui faciliterai la tâche. Le seigneur se rendit donc en ville à la recherche d'un visage familier, il ne tarda pas à croiser en croiser un... Celle là même à qui il troquait lorsqu'elle était plus jeune quelques fioles de ses cargaisons contre son silence. Une charmante enfant. Enfant... Quel bien mauvais mot. Une damoiselle, jeune femme qui n'avait certainement plus la même innocence qu'auparavant. Il prit des nouvelles de la pluie et du beau temps, de ses galants et de ses centimètres de plus avant de rentrer le plus innocemment du monde dans le vif du sujet.

- Château-Gontier ... Cela vous dit quelque chose?
- Oui bien sûr.
- Que pouvez-vous m'en dire?
- C'est le lieu de vie de la jeune De Josselinière, avec toute ses damoiselles.
- Vraiment? La Josselinière? Comment s'appelle-t-elle déjà...
- Yolanda.
-Yolanda! Voilà...!
- Si vous cherchez un guide pour vous y conduire je peux trouver cela.
- Ha mais oui. Oui , avec plaisir. Disons demain?
- Va pour demain.

Une aubaine, Judas connaissait ladite Yolanda depuis une certaine ballade en bourgogne. Elle était même à ses noces au mois de juillet dernier. Ainsi donc Anaon demeurait chez la soeur d'Aimbaud, qui quelque part n'était pas moins que son cousin par alliance... Si l'on tirait un peu par les cheveux. Un arrogant marquis qui avait encore du lait dans les narines... Comme s'était plu à le lui rappeler Judas lors de la table ronde organisée pour son contrat de mariage . Il fallait la jouer fine... Très fine. Se rendre à Chateau Gontier la fleur à la bouche en prétextant une visite de courtoisie à la jeune noble et surtout, surtout ne pas aborder la bretonne en public mais à l'insu de Yolanda.

Au petit matin, frais et dispo le Von Frayner attendit son guide aux portes de la ville...
_________________
Gervaise
Le Guide est une femme.

Multifonctions la rombière de Brissac. Un jour cuisinière, dentellière le lendemain et parfois elle joue les guides touristiques-faute à la crise économique. Une grande connaisseuse des routes angevines. Depuis le temps qu'elle les parcourt de long, en large, en travers...Bref, c'est LA femme de la situation.

Château-Gontier , elle connait. Elle connait même très bien. C'est là qu'il y a le couvent où elle a grandi... Les Ursulines. Berk. Heureusement que c'est pas le seul truc marquant de ces terres, ils y font du bon vin aussi. Elle paumera pas le Seigneur qu'elle doit guider ce jour. Elle l'a promis de toutes façons. Elle y était bien obligée.

-Si vous l'perdez, si il se plaint de vous...vous m'foutez la honte, je vous perds dans le puits !
-Promis. J'vous l'jure sur la dernière dent qui m'reste et l'Très-Haut sait combien j'y tiens ! 's'appelle comment le m'sieur ?
- Le Seigneur von Frayner.
-C'est pas très ang'vin comme nom ça, z'êtes sûre qu'on le paume pas ?
-Le puits...
-Von Frayner, noté !

En retard mais c'est de la faute à ce qui lui sert de monture. Pas foutu d'avancer quand on lui en donne l'ordre, ça galope quand on y dit de s'arrêter... Vous l'aurez compris, la monture est un âne. Un vieux baudet au cou duquel pend un panneau de bois sur lequel on a gravé quelques mots : Judas von Frayner. Chateau-Gontier.

Le Guide est dans la place.
Judas
Le guide est une femme. Bon. Jusque là tout va. Mais le guide est une femme sans dents. Diantre, l'Anjou resterai toujours l'Anjou... Le Von Frayner la considéra en plissant le nez.

Ha! Voilà, voilà!

De loin Judas agita sa main baguée vers la femme à la pancarte, se rapprochant d'elle.

J'imagine que vous êtes le guide pour Chateau Gontier de damoiselle Calyce.

-Calyce qui entre temps et à l'insu de Judas avait raflé tout de même quelques titres... -

Allons, pressons, j'ai une amie à revoir... Et une grande nouvelle à lui annoncer! Menez moi à Yolanda Isabel de Josselinière. Passez devant.

Il considéra le baudet et sa monture, et quelque chose lui dit qu'ils n'étaient pas sortis de la berge... Sinon "Bonjour", "Je vous prie" et " Ma belle pouliche" étant en option, il monta tout de go sa beste et montra de sérieux signes d'empressement. Le convoi se mit en route, et sans parler de la lenteur dudit Guide, le Bourguignon découvrit - ô joie - que pour gagner son point de rendez-vous à l'improviste la route était pentue.

La voie donnant accès au château était bordée par de grands arbres, Judas flanqué derrière l'âne observa sans mot dire au loin la herse, levée pour sa seule chance du jour. Il n'avait pas pipé mot pendant le cheminement, les femmes sans dents le laissaient vaguement muet. Alors bêtement, comme pour se faire pardonner son manque de conversation il dit seulement:

N'oubliez pas de faire annoncer Judas Von Frayner hein... VON-FRAY-NER.

Hé quoi, sans les dents sûr que ce ne devait pas être aussi compréhensible... Il passèrent les portes pour entrer dans la cour.
_________________
Yolanda_isabel
Cruel, esclavagiste, égoïste, égocentrique, égotiste, exclusif, indifférent, individualiste, ingrat, insensible, narcissique, personnel, violeur, misogyne, aigri. Voilà ce que peuvent dire de Judas von Frayner, ceux qui le connaissent bien mais là, où le bât blesse, c’est que Yolanda Isabel ne le connaît pas tant que ça, et qu’en lieu et place de tous ces défauts, elle aurait tendance à accoler au nom de Judas, les adjectifs plus agréables de sauveur, charmeur, croyant.

Aussi s’en veut-elle depuis la dernière fois où elle l’a croisé en taverne de n’avoir pensé à lui demander de venir la visiter à Château-Gontier. Elle en est là de ces considérations… Ou pas. En vérité, elle est les mains dans la boue du jardin des simples en train de tasser de la paille destinée à protéger les plants plus sensibles au froid. Rien n’a changé ou plutôt tout a changé.. Depuis que lui ai parvenu la nouvelle, que dis-je LA nouvelle, tout a changé. La néo-duchesse castrogontérienne hésite entre la fierté de posséder tout à fait cette terre ou la tristesse de savoir qu’elle ne verra plus sa mère qu’en allant la voir au couvent. Aussi s’occupe-t-elle les mains, faute de s’occuper l’esprit quand on vient l’appeler.

-« Ma demoiselle ! Ma de.. Vot’ Gras.. »
-« Au fait.. »

Non, elle ne veut pas entendre.. Elle reste une demoiselle, une jeune fille sans mari. La grâce viendra bien assez tôt.

-« Y a la Gervaise, v’savez la gosse qu’a vécu ‘ci pis qu’est partie sur Brissac ! »

Le sourcil se hausse.

-« J’étais née ? »
-« .. Non. Bon ! Bah v’là la Gervaise qui nous ramène du biau sire ! Judas Von Frayeur ! »
-« Frayner ! Oh ! Je viens ! Vite ! Aide-moi donc ! »

Et d’ôter le tablier de toile grossier qui recouvre la robe de dehors en laine des Flandres, les cheveux sont attachés en vitesse d’une main de maître, habituée à passer plus de temps à se coiffer qu’à frapper. Les mains sont essuyées tout aussi vite sur le tablier et l’entrée est rejointe à grandes enjambées, tandis que les ordres fusent.

-« Prévenez Linien et les cuisines, faites venir les filles et Ann. Nous avons un invité, il nous faut l’accueillir comme il se doit ! »

N’est-ce pas ? Surtout Judas qui l’a sauvé de ce vilain coupeur de mains, et déjà l’homme est en vue, qu’elle rejoint avec un plaisir évident comme on retrouve une connaissance plaisante qui a égayé quelques instants.

-« Vous voilà en Anjou, donc ! Racontez-moi la raison de votre venue hormis le plaisir de me voir, évidemment ! »

Elle glousse, pas de minauderie, de l’ironie. Elle sait que Judas ne perd pas son temps à visiter une pucelle s’il n’a de vraies raisons, quelques soient les raisons du reste. Et le pucelage n’est pas au programme.

-« Suivez-moi donc. Donnez moi votre mantel, et votre femme ? Comment se porte cette charmante Isaure ? Mais dites-moi donc ! Où logez-vous ? Mais où sont donc les filles !? »

Mais laisse le respirer !
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En retraite jusqu'à nouvel ordre. Vraie vie attends-moi, j'arrive !
Judas
Laissant sa monture à la valetaille il abandonne sans gêne aucune sa guide édentée, Yolanda est apparue, il n'a pu rater cette tête blonde là bas en face. Le port altier et la démarche pourtant décontractée Judas vient à sa rencontre. Bonjour, c'est joli chez vous, où est-elle? Non, ce n'est pas ainsi que cela devait se passer.

Belle enfant que voici, il me fallut venir en Anjou pour me rendre compte qu'ici les jolies telles que vous sont déjà presque femmes... Le temps passe et n'attend pas.

Léger soupir mélancolique. Il en rajoute un peu, il faut donner l'air d'être venu pour les beaux yeux bleus de Yolanda... De n'être que cet individu plus sage et plus âgé qui est entré chez elle drapé de bonnes intentions.

C'est damoiselle Calyce qui m'a montré le chemin de par chez vous, De Josselinière, et fort de cette information je n'ai pu me retenir de venir vous saluer avant de repartir vers la Bourgogne.

Léger sourire énigmatique. Il faut donner l'air d'être venu par hasard, d'être le plus courtois des nobles hommes de Bourgogne... Il lui sert du baise main, les temps changent, son attitude aussi. Lui qui l'avait gardée autoritairement dans son giron le temps de la ramener vers la cathédrale de Nevers semble soudain le plus doux des agneaux. Ce n'est plus cet inconnu qui l'a voulue endurcie le temps d'une rencontre, c'est l'ami cordial et disponible qu'il n'a jamais été. Et qu'il ne sera sans doute jamais.

... Cela et enfin... Quelques nouvelles.

Léger bruissement des gants qui frictionnent le mantel, Judas observe ostensiblement les alentours dans un frisson calculé. Quelques gens de maisons passent, aucun visage qu'il ne reconnaisse.

Il fait bien frais ce jour, rentrons je le veux, je vous conterai tout ce que vous voudrez.

Ses yeux reviennent à la jeune fille à qui il emboite le pas, sans le savoir elle lui servira l'apaisement sur un plateau, c'est certain. Judas qui semble détendu est pourtant sur le qui-vive, scrutant à chaque pas le moindre détail qui peut le conduire à l'Anaon. Elle est là, quelque part, et cela lui suffit pour sentir dans son ventre l'indicible sensation du faible.
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Alix.b
Depuis son arrivée et la déconvenue qui s'était ensuivie immédiatement après, on pouvait facilement admettre que la mini Baccard correspondait pile poil à la définition du terme "insupportable".
C'était pour elle une méthode comme une autre de faire regretter à tous ceux qui devraient la supporter la trahison fraîchement subie. Et par qui ! Son propre père, son protecteur et héros-monté-sur-piédestal, sa référence fixe dans le tourbillon d'évènements qui tourneboulait sa petite vie paisible, lui qui l'avait fourguée dans ce carrosse dont elle n'avait connu la destination qu'une fois arrivée, voyant ses illusions se briser en quelques mots...

Les mots rassurants qu'on lui soufflait, elle ne faisait même pas l'effort de les écouter toute occupée qu'elle était à ressasser ce qu'elle considérait comme un abandon. Les gestes attentionnés subissaient le même sort, ne passaient pas même le rempart qu'elle avait dressé entre le reste du monde, persuadée de vivre là le plus grand drame de sa vie.
Que les enfants sont naïfs.

Malgré tout la fille de l'Impétueux s'échappait de la chambre qu'elle partageait avec l'autre Alix dès qu'elle le pouvait pour parcourir incognito -ou presque- les couloirs et recoins du château. Son Dauphiné natal ne lui manquait pas encore mais elle éprouvait le besoin irrépressible de connaître son environnement, fut-il ceinturé de pierres et de portes gardées.
La petite avait été habituée aussi loin que ses souvenirs remontaient à côtoyer les serviteurs du peuple plus que les nobles du duché, elle se sentait plus à l'aise en les regardant évoluer qu'en cherchant la compagnie de ses camarades. Il y avait bien l'autre Alix, la blonde, qui à la voir si triste et fluette faisait naître en elle les prémices de la compassion, mais pour le moment elle était plus accaparée par son propre chagrin.


[changement de décor, retour à l'hôtesse et son invité]


L'épaisseur des murs en pierre aidant, de là où ils étaient la duchesse et son hôte n'entendirent rien de l'échange houleux entre la Baccard et son garde.
Rien... hormis un "NAAAAAAAAAAAAN !" que les cordes vocales de compétition de la petite réussirent à porter par monts z'et par vaux. Une légende raconte qu'à l'heure actuelle ce cri entame son 158 023 529 ième tour (à une vache près, calculs à l'appui) de la terre.

Une brève cavalcade après Alessio apparut portant sous son bras un sac à patate dont on aurait juré qu'il ressemblait à la fille chérie du multi-duc Thibérian.

Je vous avais pourtant prévenue, de gré ou de force...

M'enfous...

MADEM... ! Ahem. Damoiselle Alix se fait un plaisir de se joindre à vous. Où... dois-je la poser ?

Le dévouement incarné, Alessio. L'air digne, la livrée de la garde noire impeccable, pas un cheveux de travers. Il était resté sur les prières de sa petite maîtresse avec l'accord de la maîtresse des lieux, et tentait jour après jour de convaincre l'enfant de l'avenir radieux qui l'attendait ici.
Peine perdue, le paquet amorphe dans ses bras ne confirma pas ses propos.
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Anaon
    Jour de botanique. Il n'y a pas que la jeune Josselinière qui ait mit les mains dans la glèbe. Après l'épidémie de crève foudroyante qui a fauché la maitresse de maison en moissonnant une bonne partie de son entourage, l'Anaon avait décrété qu'il serait grand temps de se préparer à affronter l'hiver. Bruyère, Reine des pré, Ortie... toutes les plantes à floraison tardives ou vivaces ont été passé au peigne fin par les mains aguerries. Il fallait préparer élixirs et onguents qui pourront leurs garantir un hiver agréable, c'est ainsi que, délaissant Yolanda au jardin, le chaperon s'était réfugiée dans la cuisine pour continuer ses préparations.

    Sur la large table s'étalent des bocaux de verre, ceignant en leur sein plantes et alcools. Des fleurs et des feuilles, fraiches ou bien sèches exhalent leur dernier soupir. Restes d'élixir, onguents. Les cuisines sont devenues l'atelier de l'alchimiste. Assise sur une chaise, une main pensivement posée sur sa panse, le coude est perché sur le dossier et la tête repose mollement sur les doigts en trépied. L'oeil calme surveille patiemment l'élixir de thym qui se mêle à l'huile qui chauffe dans son bain-marie. L'eau clapote dans un son apaisant. Le crépitement du feu. La chaleur que crache la cheminée. Les paupières papillonnent.

    La femme frôle du doigts un instant d'apaisement. Les murmures des matrones dans son dos sont doux comme des frissons. Les yeux se ferment dans un soupir. La balafrée comate. C'est l'instant que des pas pressés choisissent de briser. Elle les entends arriver. Comme des percussions sur du coton. Elle ne réagit pas. Pas même aux mots qui se mêlent au doux rythme de l'eau qui bout. C'est quand un contact se raffermit sur épaule que la mercenaire sursaute en ouvrant les yeux.

    _ Petra zo?!

    Un sourcils se rehausse sur la trogne de l'homme, et dans son nouveau flot de paroles l'Anaon percute l'essentiel. Visite. Noble. Présence. Le regard de la mercenaire se pose sur son surcot laminé de terre avant de renvoyer l'homme en l'assurant de sa célérité. Un soupire et le chaperon se presse de se lever, déléguant quelques tâches aux matrones et dans une moue contrariée, elle abandonne à regret ses préparations.

    L'étage est bien vite gagné et à peine a-t-elle eu le temps de franchir la porte de sa petite chambre que la balafré a déjà jeté son surcot à terre. Les mains se plongent prestement dans une bassine d'eau puis elle s'agenouille à demie-nu devant le coffre qu'elle ouvre dans un claquement de clapet. Œillade aux braie et aux bottes portées. Noir nickel. Si en bas il y a du beau monde, il ne faut pas passer pour une pécore. Une chemise blanche enfilée, les canons de cuirs noirs rapidement liés au avant bras. L'Anaon réfléchit un bref instant avant de porter à son regard son précieux gilet. Ah! Son petit bijoux créer par ses soins. Les doigts froissent avec possessivité la peau souple. Deux épaisseurs de cuir sombres qui cachent l'éclat d'une cotte de maille. La protection dans la dissimulation. Cliquetis du métal étouffés par le cuir. Il lui avait toujours fallut bien çà pour ferrer les vauriens en toute discrétion.

    Fort satisfaite de son choix, la chaperon se redresse et enfile son gilet. Les mains se resserrent. Un "clac" murmuré.

    ... ?

    Les sourcils se froncent. Les mains tirent plus sèchement. Clac.. Le regard se baisse pour se poser avec déconvenue sur sa panse qui dépasse de ses rondeurs. Et de son gilet qui ne fait plus le tour.

    _Oh noooooonnn

    Nouveau clac.

    _C'est pas vrai...

    Elle s'acharne la mercenaire, tirant le cuir dans tout les sens. Mais rien n'y fait! Il ne s'élargit pas pour englober son bide habité de quatre mois. Frustrée et vexée, le précieux rejoint rageusement le coffre immédiatement éventré par les mains qui se font vandales. Hors de question qu'elle se présente en chemise devant un invité! Êtres à poil serrait du même effet! Les doigts farfouillent, agrippent un corselet noir. Celui-là même dont elle se serre pour planquer quelques poignards. Ou aussi pour voiler sa précédente grossesse... L'étoffe est passée prestement, réglée au mieux pour ressembler à quelque chose sur son ventre d'engrossée. Bientôt, il faudra troquer les braies pour les robes. Dague clairement affichée sur sa cuisse – sans provocation, mais affirmons son rôle ici-bas – ses autres joyeusetés d'acier retrouvent leurs places cachés. Le chaperon s'évadent enfin à grand pas dans les couloirs.

    Vite, elle se presse. Le front se plisse. Voilà une chose qu'elle devra arrêter de faire. Se presser. Pour le bien être de la vie qu'elle porte. Mais... vite tout de même, elle avance. Les escaliers sont descendus, la salle de réception bientôt atteinte. Une main s'égare pour discipliner les cheveux laissé libres pour voiler la nuque. Puis les mains se nouent dans ses reins. La salle se dévoile. Le regard accroche le sac à patate porté sous le bras d'Alessio et qui ne peut être qu'Alix. Passage de la porte et les yeux passe sur la Josselinière avant de se couler sur l'invi...

    Elle se fige.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik]
Judas
Intervention d'un homme au fardeau gigotant, Judas fit un pas de coté afin de ne pas laisser trop de proximité avec l'enfant qu'il avait reconnue. Il l'avait vue en ville cette petite, autant dire qu'elle était intenable et vaguement bavarde. Rien que Judas n'adorait... Le Frayner ôta ses gants en évitant vaguement de poser ses yeux sur la petite fille et continua comme si de rien n'était.

Et donc votre frère n'est pas là...? Dieu que c'est dommage...

Judas tentait de ne pas laisser transparaître son animosité pour le Josselinière, pourtant il méprisait tout ce qu'il était pour être plus jeune, plus arrogant, et plus titré que lui. Un sourire orgueilleux vint étirer son visage... Le seigneur savait qu'il avait désormais une longueur d'avance sur le Marquis, et cette idée l'emplissait d'une fierté sans nom.

Manifestement il ne vous a toujours pas donné de neveu, c'est si regrettable. Je comprend, je comprend, il est difficile d'accomplir ses devoirs d'homme lorsque l'on est si occupé. J'ai cru échouer moi aussi, mais le Très Haut est bon...

Il imagina Clémence, la belle Clémence au ventre plat et vide. Quel gâchis. Judas n'aurait jamais laissé si belle terre en friche. Enfin, terre d'autrui est terre d'autrui. Il haussa les épaules en faisant un peu de mystère et en passant du coq à l'âne, manifestement décidé à ne pas être trop limpide.

Maintenant que je suis en Anjou je vais sans doute rester quelques jours pour vendre mon appartement Andégave, je suis arrivé hier et je loge à l'auberge près de l'église, nous serons amenés à nous revoir Yolanda belle. Je vois que vous êtes... Fort occupée.

Regard courbe vers Alix.
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Yolanda_isabel
Que Judas est charmant ! A son insu, elle en est flattée, ou du moins, s’en amuse et en sourit. Est-ce donc cela d’être une femme –ou si peu- avoir des déclarations d’amour, des compliments et des demandes en mariage ? Si elle n’aimait si fort Clotaire, elle pourrait s’y habituer et s’en contenter. Mais voilà, elle aime Clotaire, alors elle s’en amuse plutôt que d’en être réellement touchée.

-« Vous n’êtes qu’un flatteur Courceriers. »

En terme de réponse tout en délicatesse et féminité, Yolanda mérite ses galons mais la chose est dite : La flatterie, ça marche pas –trop - ! Et il a froid, le pauvre homme, et c’est bien dommage car le vent frais sur les joues rougies par l’effort physique lui fait un bien fou. Car n’allez pas croire que parce qu’elle est noble, elle est servie en toutes choses, ou du moins en tout instant. A l’orée de l’hiver, les serfs sont aux champs à engranger les dernières récoltes afin que l’hiver puisse être serein. Mais qu’à cela ne tienne, si Judas a froid, ils rentrent, elle n’est pas contrariante, et alors qu’ils sont tout à fait rentrés, et qu’elle va pour le relancer pour avoir ses réponses, Alessio arrive, arrachant une grimace vite masquée par la Lune. Il a fallu faire avec ce garde un peu brut, mais en vérité sans lui, Yolanda ne sait pas si elle aurait eu la force de se battre contre la volonté de la petite Baccard. Un coup d’œil en coin à Judas, elle se refuse pourtant à paraître agacée ou gênée. Scène de vie quotidienne, voilà ce qu’il a récolté à venir à l’improviste.

-« Merci Alessio.. Posez-la là. »

Là, peut aussi bien désigner dans les latrines du fond du couloir si elle continue à me chauffer cette gone là ! Mais là, en l’occurrence, veut surtout dire « entre nous deux » pour maîtriser toute tentative de rébellion ou de fuite, puisque du bien-être psychologique du père Baccard dépend la position à Château-Gontier de sa fille, qu’elle y reste, et tout le monde sera ravi. La main fine vient se placer sur l’épaule de la fillette pour la garder en place par exemple, alors que son attention se concentre de nouveau sur son invité. Non, son frère n’est pas là,non, elle n’a toujours pas de neveu. La chose lui déplaît assez sans être énoncée en plus. Dans le fond, elle aperçoit Anaon, pourtant Judas vient de dire quelque chose.

-« Vous avez cru .. Mais .. Oh ! Isaure est enceinte ! C’est merveilleux ! Ann, venez donc là que je vous présente le Seigneur de Courceriers qui est une vieille connaissance. Restez donc ! Ne partez pas si vite après être arrivé. Voulez-vous rester quelques jours à Château-Gontier, cela sera moins onéreux que l’auberge. Et nous profiterons de votre présence pour savoir ce qui se passe dans le Royaume. »

Oui ! Qu’il raconte Isaure surtout !
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En retraite jusqu'à nouvel ordre. Vraie vie attends-moi, j'arrive !
Anaon
    *

    Sensation si caractéristique. Une poigne, qui lui agrippe l'estomac dans une douleur sourde. Un battement de cœur. Un raté. Le palpitant reprend brutalement sa cadence frénétique, pulsant à chaque coup un sang empoisonné. La vipère, tapis dans sa poitrine a de nouveau ouvert la gueule pour lui embrocher le cœur. Si elle avait un nom, elle s'appellerait Rancœur. Elle tremble, sous une vague de crispation qui lui fait serrer les crocs à se les briser. La vipère resserrent les siens, broyant le palpitant qui ne demande qu'à vibrer de revoir à nouveau cette image qui lui a tant manqué.

    Hallucination.

    Mais non. Non. Aucune once d'affection ne viendra entacher ce visage qui se fait des plus durs. Et ce cœur qui se recroqueville et se vide comme une éponge, il peut bien saigner toute son émotion de revoir enfin son autre, tout son être en reste sourd.

    Elle ne bouge toujours pas. Pétrifiée par la surprise. Embourbée dans cet indicible amalgame de mépris et de soulagement. Les azurites si sombres se sont faites plus perçantes, rivées comme deux arbalètes sur cet être inattendu, qui viole de sa simple présence ce cocon qu'elle s'était approprié : Château-Gontier.

    Délire.

    Mais non. Non, elle ne percute pas aux mots que livre cette voix tellement connue, encore moins à cette autre qui surenchérit d'une nouvelle qui aurait du lui couper les jambes. Non, elle est sourde, comme prise soudainement d'un vertige qui la coupe du reste du monde. Pourtant elle voit. Oh oui, elle le voit, unique point qui vampirise tous ses sens et exacerbent la moindre de ses parcelles.

    Putain, Il est là.

    A l'instant ou Yolanda l'invite à se rapprocher pour quelque présentation, l'Anaon est soudainement prise d'une brusque envie de rire. Et c'est sans doute ce qu'elle aurait fait, si elle n'avait pas eu les mâchoires crispées à se les rompre. Rire d'une ironie douloureuse. Rire parce qu'il a quelques jours encore, elle avait assuré à Cerdanne qu'en restant sagement cloitrée à Château-Gontier, elle ne risquerait jamais de croiser celui qu'elle redoutait tant. Et c'est lui qui vient à elle. Ah! Elle adore quand la providence se paye sa gueule. Cerdanne! Cerdanne! Toi qui désire tant ce que je possède, je te donne tout! Prend mon homme, mon ventre, ma vie! Moi je n'en veux plus...

    Il est là.

    Un pas raide donne la cadence. Et voilà que le chaperon se rapproche, tête haute mais regard lourd vers Yolanda et son... flatteur d'invité. Chaque pas pour effort. Chaque pas pour un cœur qui se serre un peu plus. Pour cet estomac qui se comprime d'avantage sous la poigne de la colère qui reste sagement contenue sous son masque de sévérité. Et elle espère, jusqu'au dernier instant, d'être folle, que ses yeux et ses oreilles lui mentent.

    Elle espère.
    Mais non.

    Les azurites ne se défont pas de ce visage. De ces pommettes, de cette mâchoire, de ces lèvres qu'elle a maintes et maintes fois redécouvertes. Comme le chien qui a mordu la chair et goutté le vermeil, elle ne peut lâcher de son œil acéré les prunelles sombres dans lesquelles elle a pu tant aimer se plonger.

    Le regard ne se baisse pas plus quand le chaperon s'arrête pour se plier devant l'homme comme elle le ferait devant n'importe quel noble à qui elle devrait le respect. Une courbette crispée. Un œil qui suinte d'une rage évidente. Un frisson de haine lui hérisse les poils. L'Anaon se redresse sans un mot. Raide. Roide.

    Ah Yolanda... Si vous saviez comme j'ai pu le connaître votre Judas Von Frayner.

    Non. Elle n'en revient pas.

Musique " A Country At Death's Door", The Tudors Saison 1 par Trevor Morris
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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik][/url]
Alix_ann
Ses filles, elle avait dit ses filles! Et Alix en était assurément. Celle-ci suivait la Baccard de très près, bien sur on ne la remarquait point du tout avec tout le vacarme qu'elle arrivait à produire à elle seule. C'est une des choses qui l'impressionnait particulièrement chez ce petit korrigan tout droit débarqué du Lyonnais Dauphiné. Ils avaient cru s'en débarrasser hein! Ça la faisait sourire, elle était tout sourire. Mais regardez comme cette esquisse de bonheur semblait affiché et assumé sur l'angélique petite bouille de la Kermorial. La petite, pas... l'autre.
Qu'Alessio marche vite! Elle le rattrape, elle tente comme elle peut.
Le paquet est débarqué.

Ça ne durait pas longtemps, ce n'était que pour tacher d'oublier la peine, de se couvrir un peu plus du mal qu'on pouvait lui faire.
C'était si facile de l'atteindre.

La dernière qui fait son entrée, après la plus ou moins bruyante de la gone et celle mal-assurée de Anaon c'est son heure. C'est la Fadette flanquée de son ridicule sourire qui trouve ça incroyable toute cette agitation. Elle respire l'air à plein poumons, elle vit. Si on avait pu l'imaginer comme ça quelques temps plus tôt... C'est qu'elle portait le deuil, c'est que sa mère avait succombé. De quoi au juste? Mais la réponse était là, sous tes deux billes bleu éveillés pour la peine. Regarde cet homme à l'air téméraire qui portait si fièrement ses cheveux longs. C'était lui, toutes ces incessantes questions qu'elle croyait avoir écarté pour l'instant se baladait devant son nez.
L'orpheline qu'avait laissé Marie se retrouva prise dans le flot de la conversation qui liait alors Courceries et Château-Gontier. La si jolie duchesse. C'était une Lune qui venait comblé l'absence quasi totale de la Platine. Alix l'admire, elle était attirée par cet astre et tout ce qu'il avait à lui offrir.

La blonde est la plus éduquée des deux, c'est surement la plus sage. C'est celle qui s'affirmait le moins, surtout lorsque Yolanda a tout moment pouvait la reprendre. Elle trouvait beaucoup de sens à ces vaines commodités d'usage. Tout ça pour ne pas oublier, trouver quelque chose à faire, ne pas définitivement ce perdre. Tant de soucis qui bousculait une silhouette si frêle, si petite, encore si inaboutie.
Alix se penche, c'est une petite révérence qu'elle effectue, elle en est si fière de la présenter devant Yolanda! Elle veut tant qu'on la voit, qu'on remarque tout ces efforts. Si ce n'est pas pour maman ce sera pour Yolanda, ce sera pour Ann. Son esprit s'agite tant! Elle met tant d'effort dans son geste.

Mais Anaon à coté déjà défaillit. On ne le ressent qu'à peine, elle sait si bien se tenir. Il y a tant de choses qu'elle pourrait tirer de cette rencontre. Mais il n'en est rien, il y a trop de si.

Il lui a prit sa mère.
Il faisait parti de ces innombrables hommes qu'elle haïssait déjà sans le savoir de lui avoir prit sa mère sans lui laisser une once de temps pour penser à choyer ses gamins.

On le lui cache sous des couches de vernis. Il y a trop de si, m'enfin... La môme est bien trop jeune pour espérer accéder à ces pans de vies de l'histoire Judasienne. Inaccessible et bien trop vaste, et elle regretterait surement de connaitre toute l'histoire.
Elle reste rien, elle ne fait rien. Et pour cause, ce n'est qu'un joli décor qu'a pondu sa mère il y a environ sept ans et qui a atterrit là. Alix est sage, on pourrait pourtant la casser d'encore bien des manières. Mais on a dit pas aujourd'hui!
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Judas
Haha. L'infante n'a pas les idées courtes, son oeil brille de perspicacité. Judas avait pu remarquer chez les femmes cette vivacité d'esprit et ce sens du détail exacerbés dès lors que le sujet portait à un passionnant secret de polichinelle... Et de polichinelle il était cas, hélas. Il afficha un sourire d'approbation qui ne s'effrita même pas lorsqu'elle exagérait sa vieillesse, puisque finalement ils ne se connaissaient pas depuis tant de temps, puisque finalement elle n'était elle-même pas assez vieille pour prétendre avoir une vieille connaissance. Indicible plaisir que de devancer le Josselinière, fut-il par un malheureux concours de circonstances. Un enfant virginal, un enfant protocolaire, pressé et impromptu. Judas s'accommodait depuis quelques jours de cette situation nouvelle quoi qu'encore en devenir... Point pour le plaisir d'être père, ni pour celui d'honorer par le fait sa femme. Pour se sentir protecteur à venir de son reflet, d'un fils qu'il façonnerai tout à son image et à qui il donnerai des conseils qu'il n'aura lui même jamais mis en pratique. Pour trouver enfin quelque part un réel sens à la vie. S'il fallait qu'il émerge, sanguinolent et glissant d'une panse de femme... Amen. Il se promit mentalement d'écrire à Petit Bolchen sous peu afin de prendre nouvelle de ce fils que le Très Haut lui avait accordé sans qu'il ne le désire. Isaure attendrait bien pour gagner un peu d'intérêt aux yeux de son époux.

On ne peut rien vous cacher!

C'est avec ce pincement faussement heureux sur les lèvres qu'il pencha un peu le menton en direction d'Ann, que de monde hein... Que de monde. Moment de stupeur. Pris dans sa comédie il n'avait pas écouté, et cette Ann qu'on interpellait n'était pas une énième présence insipide, une bonne ou une suivante comme une autre. C'était Elle. Elle qui l'avait mené jusqu'ici, Elle qui transformait les secondes en coups de surin. Finalement il y a plus jouissif que de faire chier de Josselinière. Il y a Elle. Là, austère mais là. Roide jusqu'au bout d'elle même et...

Enceinte.

Son petit air de casanove s'était dévissé en grinçant, c'est en regardant son faciès s'émailler qu'on pouvait mettre un vrai nom sur l'expression 'tomber la face'. Sous le cheveux propret et les traits séducteurs, l'esprit s'accordait un double combo. Les plis sur la vesture, la rondeur écrasée sous la révérence, les seins en bourgeonnement... Engrossée et vaguement plus qu'à moitié. Tous ses plans venaient de tomber à plat, pantelants. A l'utopique plaisir de retrouver la femme qu'il aimait succombait l'effroi de cette découverte, découverte prédite le soir où de rage il avait malheureusement battu ce ventre maudit. "Que Paris t'engrosse Anaon, que Paris t'avale." il l'avait pensé si fort que c'en était devenu réalité. Une terrible réalité. Les regards se mettent au diapason, Judas reste stoïque face à Anaon, il lui aura suffit de se montrer après des mois d'absence pour lui transmettre toute sa rage. Toujours ainsi fut-il, toujours ainsi sera. Il n'y a pas d'amour heureux. Anaon s'était barrée pour aller se faire gouter sur d'autres tables. Paris avait engrossé Anaon. Engrossée, engrossée, engrossée. Grosse et engrossée. Des grossesses et des hommes, et un homme. Des grosses et Judas. Pauvre de toi, Judas.

Mécaniquement il salua la petite Kermorial, sans doute avait-elle le visage de sa mère, sans doute que bien malgré elle elle ressemblait à Marie. Mais c'était trop tard. Le seigneur était touché, et tout ce qui pouvait le toucher encore était inutile... Impalpable. Marie et toutes ces autres n'étaient toujours passées qu'après l'Anaon, et ce jour, Judas pensa sincèrement qu'après Anaon il n'y avait plus rien. Ce que la tempête laisse après son passage c'est le chaos. Oui, puisqu'il ne pourrait jamais l'épouser et puisque maintenant elle portait le bâtard d'un autre... L'insipide qui l'attendait ne pouvait que ressembler au néant.

J'accepte votre invitation.
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Anaon
    Les passants la croiront juste grave. Ce sérieux et cette nervosité calme que l'on voit vissée sur ces traits. Pareil à un chien bien dressé, attentif, à l'affut. Obéissante, on devine la bête prête à sortir les crocs au moindre mauvais geste, leste à sauter à la gorge de celui qui pourra menacer la vie qu'elle protège. Les passants la croiront juste grave. Parfaite chienne de garde. Les perspicaces sauront qu'il n'en est rien. Cette narine qui tressaute d'un tic nerveux. Cet incarnat qui s'est fait plus pale encore. Ses phalanges, cachées dans son dos, blafardes de trop serrer les poings. Les perspicaces le verront, Anaon n'est pas bien.

    Judas...

    Combien de temps déjà? Quatre mauvais mois, c'est çà? Quatre longs mois à dorloter sa peine, à suturer ses plaies à grand coup de rancœur. Bercer ses courtes nuits à l'animosité. S'enivrer d'un parfum de haine. Ah, il est tellement plus simple de détester que de continuer à aimer, en vain. Quatre longs mois étirés comme des ans, sans nouvelles sans rien, pour seule signe de vie, une menace couchée sur un vélin en plein mois de juillet. Et le reste? Le reste ? Rien...

    Comme deux chiens de faïence, les regards qui se bouffent. Judas qui se décompose. Anaon qui ne fait pas mieux. Elle craquèle en rythme avec cette carapace qui se broie elle-même de trop vouloir se resserrer. Et ces prunelles fixes qui crachent en silence des "Qu'est-ce que tu fous là?!" à répétition. Puisqu'il ne peut l'avoir fait qu'exprès. Puisque l'Anaon ne veut croire à une poisse pareille.

    Alix Ann approche, Anaon ne la remarque pas. Judas accapare la moindre bribe de son attention. La situation est à peine croyable et pourtant... Et pourtant. Il est bel et bien là.

    La phrase du noble, elle se la prend comme une seconde gifle. Invitation?! Les précédents mots à peine écoutés de la Josselinière s'imposent à elle. Crispation brutale qui se meut en un frisson visible. Le regard se tourne un bref instant sur la blonde, scandalisé, avant de se braquer de nouveau sur ce Judas qu'elle voudrait claquer à grand coup de rage. T'as pas le droit Judas... T'as pas le droit de me faire çà! Pas maintenant, pas comme çà! Pas alors que je ne te voulais pas! Elle fulmine, elle voudrait le lui hurler. Mais les lèvres restent scellées sur des mots qu'elle ne peut prononcer. Et çà l'étouffe.

    Son estomac se recroqueville encore. La crampe en devient insupportable. Et les yeux se ferment un instant. Cette rage contenue. Ça lui colle un haut-le-cœur. Une inspiration profonde. Retrouver un semblant de calme. Mais comment le pourrait elle? Elle le sent. Immiscé dans sa poitrine, à briser à grand coup de marteau les barrières qu'elle érigeait petit à petit au fil du temps. De sa seule présence, profaner les sépulcres qu'elle avait au plus vite chercher à sceller. Revivre un deuil amoureux de quinze années? Hors de question. Anaon ne voulait plus ressasser ni son mal, ni son mâle. Ne plus chercher à faire revivre les plantes étouffés. Crever les moribonds une bonne fois pour toute. Radicale et castratrice. C'est ce qu'elle voulait. Mais Judas s'est incrusté dans sa poitrine avec plus d'acharnement que la pire des mauvaises herbes. Et aujourd'hui... c'est ailleurs, qu'il a laissé sa trace.

    Les azurites se dévoilent à nouveau et ce n'est plus Judas qu'elles regardent. Profondément frustrée, elle accroche un pan de vide. Les mâchoires qui se serrent en cadence font danser les masséters sous les joues abimées. Mal-être soudain. Et cette impression de s'exhiber. Elle et sa panse rebondie. Muette et pourtant si criante de non-dit. A cette pensée, les veines s'enflamment un peu plus encore. Elle s'enhardit. Ah... L'effroi dans le regard de Judas ne peut venir que de là.

    Le chaperon rehausse imperceptiblement le menton alors que les prunelles retrouvent de nouveau le noir de son homologue. Comme un défis muet à l'ouvrir. Et l'attente de l'occasion de la lui fermer.
    Puisque l'Anaon n'a pas à rougir. Puisque l'Anaon assume et assumera la moindre de ces erreurs. Et notamment sa plus belle... Judas Von Frayner.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik]
Yolanda_isabel
Ca ne vous est jamais arrivé de vous retrouver dans une situation tout à fait désagréable par son incongruité ? Votre narratrice, souvent et c’est ce que vit Yolanda Isabel en cet instant, du désagréable en barre. Pas parce que ses filles sont là, elle les chérit trop pour leur en vouloir, et quand bien même c’est elle qui leur a demandé de venir, mais plutôt parce qu’il lui semble se trouver au milieu d’une scène qui ne suit pas son cours, comme une roue qui se serait fracassée dans un nid de poule, le cocher tente d’avancer et rien ne va plus, le coche verse dans le fossé. Instinctivement, les mains viennent se resserrer sur les fillettes à côté d’elle, pour les protéger des cahots de la route, et l’azur passe de l’un à l’autre, car ce qui se joue devant elle, ne pourrait laisser personne de marbre.

Pour ne pas la maîtriser, Yolanda sait reconnaître de la rancœur et de la haine, et ce qu’il y a entre ces deux là est une animosité qui ne la laisse pas indifférente, et les mots de Judas la tirent de sa sordide contemplation. Il lui semble soudain que l’invitation tombe tout à fait mal, mais l’adolescente née sur un trône ducal et habituée de la bienséance, de retrouver qui son aplomb, qui son sourire, et sans lâcher les deux petites, elle sert à son invité un sourire qui se veut réconfortant.

-« La chose est entendue donc, je vous laisse vous installer avec vos domestiques et s’il vous manquait quelque chose, n’hésitez pas à user de mon hospitalité. »

Et réaffirmer ainsi son autorité sur le domaine, sur le duché. Les émotions trop palpables ont cela de spécial qu’elles déstabilisent Yolanda assez pour la mettre sur ses gardes, et pour la trop habituée des animaux, voilà qu’elle réagit comme face à deux animaux rivaux : Elle rappelle qu’elle est la chef de meute. Groar-Meow. Un dernier sourire avant que de pousser les fillettes devant elle et de jeter un regard à Anaon. Elle a oublié quelque chose, n’est-ce pas ? Il faut donc rattraper l’oubli.

-« Il est évident Courceriers que puisque j’ai sous mon toit, nombres de pucelles et que je suis fiancée moi-même, vous logerez dans les appartements des invités et qui vous éviterez d’en sortir autant que faire se peut la nuit afin qu’on ne jase pas, n’est-ce pas ? »

Regardez-la, adorable adolescente qui ne sait même pas pourquoi ils ne s’aiment pas mais préfère éviter le conflit en les séparant.

-« Je m’en vais régler les derniers détails. Allez mes chéries, en avant ! Allons trouver de quoi faire un bon souper. »

Je suis le chef, c’est moi qu’a la plus grosse et on oubéit, nom de nom et personne y s’fache sous mon toit.
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En retraite jusqu'à nouvel ordre. Vraie vie attends-moi, j'arrive !
Judas
Evidemment.

Il inclina un peu le chef vers la Josselinière, ajoutant un ultime:

De toute façon je ne m'attarderai guère, les affaires m'appellent ainsi que mon épouse restée en Bourgogne. Je ne saurai trainer le pays lorsque notre Roy mande soutient afin d'accéder à son trône légitime. Allez donc, ma visite ne doit pas vous déranger dans vos habitudes. Nous discuterons plus amplement au diner. Merci ma chère...

Enfin, il s'attardera. Le temps d'entendre de la bouche de son ex amante qu'elle est une trainée et qu'elle ne mérite pas son amour. Il cesse de la dévisager pour s'attarder sur Yolanda, Chateau Gontier abrite donc bien des intrigues... Jamais il n'aurait imaginé retrouver Anaon dans les jupes de la jeune blonde, encore moins enceinte après qu'il l'ai quittée plate comme tout.

Une mauvaise pensée lui vint encore. Combien d'enfants? Combien en avait-elle eu, des enfants du sort qu'elle avait jeté aux orties? Car Judas n'a pas oublié qu'il l'a connue enceinte. Premier contact couvé de mensonges... Et la chute de cheval sur la route de Bretagne avait été finalement une bénédiction. Au moins il avait pu la toucher encore quelques temps comme s'il elle était sienne, et non souillée de diable savait qui... Mais c'était désormais bel et bien terminé. S'il avait bien du sang froid, comme les vipères dormeuses, Judas ne supportait pas l'idée qu'Anaon lui ait préféré un autre homme à peine leur rupture consommée. Paris, Paris... Partir pour Paris n'avait donc été qu'un prétexte pour aller retrouver quelqu'un d'autre, et ça... C'était un terrible coup dans le dos.

L'air de rien et ignorant autant que faire se peut la présence de la balafrée il manda presque naturellement:

Quelqu'un pourrai me faire visiter les lieux et la chambre qui me sera allouée, je suis curieux de découvrir cet endroit dont on parle tant en ville...

Ho oui, il lui dirait le fond de sa pensée à cette mégère... Mais à la discrétion provoquée d'un moment plus propice.
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