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[RP] Le triptyque d'hyménée - Part II

Anaon
    Les lèvres se serrent quand les doigts s'y posent. Elle n'oublie pas, qu'il y a quelques lunes de cela, c'est à son cou qu'ils se sont pendus. La brutalité de Decize lui revient comme une claque en plein visage. Cet étau autour de la gorge, ce nez qui éclate sous la force de la semelle. Oublier? Non, jamais. Elle s'était livrée à lui, oui, mais lui n'avait pas hésité longtemps avant de lui couper le souffle. S'il avait pu, il l'aurait tuée.

    La pensée avorte nette quand l'homme l'entraine soudainement à l'écart. Elle se laisse faire, sans volonté aucune et l'esprit incapable de mener à terme une quelconque réflexion. La chambre est atteinte, l'Anaon est poussée. Elle s'immobilise. Les azurites parcourent platement la pièce alors qu'elle resserre ses bras sur sa poitrine, de marbre. Elle sent, le silence se faire fébrile. Fragile, comme un voile de cristal. Alors la balafrée se retourne, ses bottes froissant la natte du sol dans un bruit plus agaçant qu'une semelle sur des bouts de verre. Les prunelles se posent sur Judas.

    Elle y voit le trouble qui fige ses traits. Elle imagine son propre visage, impavide et apathique. Que dire hein... Judas brise pourtant le silence. Les narines de l'Anaon frémissent dans un tic alors que les nacres se serrent. Elle regarde ailleurs. La mercenaire n'a jamais vraiment eu la fibre jalouse. Ou peut être a-elle toujours été des plus tolérantes... ou trop bonne trop conne... ou je-m'en-foutiste... ou prenez donc le terme qu'il vous siéra. "Pas vu, pas pris". Telle a été sa doctrine pendant longtemps. Mais elle n'a jamais été sourde... Et désormais, elle ne peut pas être aveugle à cet anneau qui ceint le doigt de Judas. Par orgueil, elle a toujours balayer ces "autres" d'un revers de pensée... mais "elle"... Cette Isaure... Elle s'impose à elle comme une injure dans son âme.

    La dextre attrape l'unique tresse qui pend de son oreille. Elle la lisse. Témoignage de ses réflexions qui s'agitent. Un soupire filtre entre les lèvres qui s'ouvrent.

    _ Il est là, Judas... Le problème. Tu t'obstines toujours à croire sans jamais savoir.

    La voix est un murmure. Que dire maintenant... Que faire? L'Anaon n'en sait rien. Cet accroc-là n'était pas prévu à la base. D'aveu, il n'aurait jamais du en avoir. Nouveau soupir. Les azurites pivotent pour aller soutenir les prunelles du sybarite.

    _ Tu n'aurais pas du le savoir... Tu n'aurais jamais du. Ainsi, je ne te causerais aucun problème.

    Les mâchoires de la femme se serrent. "Il s'agit d'un adultère. Et si cela pouvait inciter l'épouse à demander l'annulation, nous pourrions obtenir votre mariage à vous". Le chaperon ne peut retenir un léger rire, aigre, qu'elle étouffe bien vite de sa main qui couvre son visage. Non, ce n'est pas drôle. Mais Yolanda avait été une bien brave gamine dans ces mots-là. Judas est un scandale. Anaon en est la preuve. Oui... Si elle le voulait vraiment, elle pourrait le détruire le Von Frayner, de bien des manière. Ruiner son cœur, elle peut encore. Le mettre à terre, face dans la boue et lui faire bouffer sa disgrâce, elle peut le faire. Si sa femme est un tantinet jalouse. Si sa femme est vraiment Femme, son mariage, d'un aveu, elle pourrait le faire voler en éclat. Se serait la parole du seigneur contre la sienne. Celle d'un homme criblé de vice que personne n'ignore, contre une banale mercenaire accompagné de ceux qui ont su, pour eux... Oui, si la crédibilité lui était accordée, sans doute, n'aurait-il plus ni titre ni honneur. Un drame, pour cet homme qui accorda bien plus à sa réussite et à la bienséance plutôt qu'à eux. Plutôt qu'à elle.

    Oui, elle pourrait tant... Et pourtant.

    De ses doigts, elle a pincé son nez puis sa main s'est échouée sur ses lèvres qu'elle presse. Les yeux sont clos. Elle n'arrive pas à en dire d'avantage. Sa peau s'agite d'un frisson. Des ces frissons qui sont les prémices des larmes qui piquent et des mots imprononçables. La salive a du mal à passer. Pourtant la mercenaire se force à une inspiration profonde. Les paupières s'ouvrent sur les bottes du noble. Et le timbre simule l'assurance.

    _ Si tu pars... Tu n'entendras plus jamais parler de moi. Et tu ne le connaitras pas, si tu ne le désire pas...

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III -Anaon dit Anaonne[Clik]
Judas, incarné par Anaon
Frayner leva une main impérieuse, coupant presque la Roide à voix basse.

C'est mon fils, tu n'y penses pas. J'escompte bien qu'il connaisse son père. Ôte toi cette idée de la tête...


Si elle ne voulait plus de lui, pour s'être marié, pour l'avoir trompée, pour l'avoir battue, pour l'avoir aimée... Qu'à cela ne tienne... Il avait eu suffisamment de temps pour éprouver cette situation nouvelle malgré l'absence qui avait rongé ses nuits. Mais désormais sûr qu'elle portait son enfant, l'idée qu'elle le lui arrache était inenvisageable. Absolument.. Inenvisageable. Possessif jusque dans le ventre de ses maitresses, le seigneur repoussait à plus tard les problèmes inhérents à ses travers. Faudrait-il encore que la Roide puisse mener à terme son état... En cela Judas savait que rien n'était moins sûr... Expérience faite. Il ne l'imaginait encore ni maternelle ni déterminée. Et si ses réflexions étaient avérées il se sentait une force et une colère assez pérennes pour prendre des mesures quant à ce qui lui appartenait, à moitié.

Il se frotta nerveusement le bas du visage et sa barbe de trois jours. Le risque de se frotter aux désagrément de son propre contrat d'épousailles si le bâtard était découvert était réel, il se souvint exactement des engagements signés ce fameux jour de table ronde ... "Sept mille écus pour un bâtard, bien. Par bâtard et à vie ". Mais devant le fait accompli, ce n'est pas à l'argent qu'il pensa... Juste au déshonneur qui s'abattrait sur son mariage. Ce mariage qu'il devait impérativement préserver, malgré tout. Il resta silencieux un moment, considérant la panse qui lui avait causé tant de tourments. Le sentiment qu'il lui portait avait changé à la seconde où il l'avait vue estampillée Judas Gabryel Von Frayner. Conquérantes, les mains vinrent à sa rencontre, sensation indicible.


Tu aurais dû me le dire... Cet enfant est à toi autant qu'à moi...


Et tant pis pour le poids du secret, il n'en était pas à son premier essai. Bien sûr cacher un enfant était moins aisé que dissimuler des amantes mais... Aveugle, il se persuadait qu'il ne serait pas inquiété, sous précautions. Le satrape avait déserté Bourgogne depuis plus d'un mois, il n'avait pas eu l'heur de voir sa femme dans son enveloppe maternelle... Alors ainsi Isaure se portait comme cela. Sa maigre poitrine gonflée, son ventre pingre devenu généreux... Il savait de par les lettres qu'elle lui envoyait qu'il tardait dangereusement à rentrer auprès d'elle, éveillant les railleries et les questions de leur entourage. Leur Roy avait été élu, ce Roy proche de la Von Frayner, qui l'avait d'ailleurs chargée d'être sa secrétaire Royale... La guerre grondait. Tous ces changements qui de près ou de loin le sommaient de regagner ses pénates sans trainer.


Mais il va me falloir partir, regagner la bourgogne... Quoi qu'il en soit.

Le temps courre et n'attend pas. Il ne chercha pas à être affectueux envers la Roide, encore sous le coup de cette nouvelle, obnubilé par la tension de la chair sous ses mains . Seul le ventre fut l'objet de toute son attention. Ainsi un enfant, un mâle pour sûr. Le Très Haut ne pouvait pas lui faire l'affront de lui offrir une fille. Une... Femme en devenir. Ce serait un fils. Un autre fils. Voilà la seule certitude qu'il avait sur l'affaire.

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Anaon
    Ces mains qui se posent sur sa panse... La dextre se resserre sur la pomme qu'elle tient toujours dans sa paume. Elle en sent ses ongles pénétrer la chair. Ces mains, qu'elle fixe d'un œil des plus aigus, elle ne saurait dire quelle sensation elles lui transmettent à cet instant. Elle reste pétrifiée, figée sur le geste. Émotion? Dégout. Pour ce culot sans faille. L'Anaon décortique le moindre de ses mots et quand il affirme son droit sur la vie dans ses entrailles, la femme s'ébranle d'une crispation visible. Il n'y a pas de chaleur dans la voix de Judas. Il n'y a pas d'émoi. Judas n'est pas un père. Judas n'est qu'un mâle avide de domination. C'est avec une douleur soudaine que l'Anaon se souvient brutalement du visage de celui à qui elle avait annoncé le même nouvelle, il y a bien des années de cela. Elle, elle pleurait, parce que lui n'était qu'absence. Guerres et responsabilités avait faillit les crever. Et lui. Lui, il pleurait... de joie.

    D'un bond, la mercenaire se recule, fuyant le contact de ses mains qu'elle ne supportera pas d'avantage. Le fruit est lâché, la main se crispe dans ses cheveux.

    _ Ce n'est pas un objet Judas! Ce n'est pas une... une... les mots peinent à se trouver... une propriété! Une possession! C'est un bébé... Et...

    Les lèvres se taisent, l'Anaon tourne le dos. Putain, il est ou ce temps d'avant? Ce début de décembre, il y a un an?! Cette soirée, ce jeu, cette rencontre! Rien que çà. Anaon ne se serait contentée que de cela, à revivre encore et encore! Ou a ne garder qu'en souvenir... Simple souvenir qui ne se serait entaché d'aucun regret. Rester ainsi, des étrangers, qui se sont fascinés, qui se sont prit... et c'est tout, en rester là, sur cette note qui n'aurait pu avoir meilleure sonorité. Mais ils ont voulu continuer. Ils ont voulu s'aimer... et ils ont tout gâché.

    Les mains ont agrippé sa nuque qu'elle pince à s'en faire vraiment mal. La fenêtre est atteinte, le front se pose sur le verre gelé. Et maintenant... Après tout çà. Après un an à se faire plus mal que de bien, ils en sont là. Elle en est là, un polichinelle dans le tiroir... Encore... Tremblement. Elle n'avait pas besoin de çà, non, vraiment pas. Un soupire glisse sur la vitre en un halo de buée.

    _ J'en peux plus Judas... Je suis... fatiguée...


    De tout. Comme jamais. Je ne suis qu'une ruine qui n'a plus ni la force ni l'envie de d'exhiber ses décombres. J'ai plus envie, Judas, de tenir debout. J'en peux plus, de m'effriter par petits bouts, comme une lépreuse, qui perd peut à peu sa raison. Je vieillis, je me détruis.Je ne désire plus qu'une seule chose... Partir.

    Des larmes piquent les prunelles cobalts sans pour autant s'écouler des paupières closent. Le suicide. Ça a toujours été une idée qui l'a hanté. Comme une ombre, un songe. Un germe dans sa petite tête... le début d'une gangrène. Mais jamais elle n'y avait songé avec autant de sincérité et de lucidité. Oui... Quand elle aurait donné la vie, elle ira trouver son fils. Elle y trouvera la vie ou l'ultime supplice. Et après... Après...

    Les mains glissent sur ses joues. Elle se frotte les yeux. Elle expire un soupir violent dans le creux de ses paumes. Elle a mal à la tête. Elle a mal au ventre. Une main se perd sur sa gorge, pour aller frôler la petite chaine d'argent qui n'a jamais quitté son cou. Jamais, depuis le jour où Judas le la lui a attachée. Le front se décolle du verre .

    _ Rentre en Bourgogne... Je te préviendrais quand il sera né.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III -Anaon dit Anaonne[Clik]
Judas, incarné par Anaon
Rétive, Roide demeure. Il le sait, il ne tente pas d'intercepter son geste, sa fuite. Elle se retire comme elle lui lèverait un enfant des bras, il la comprend blessée, mais ... Roide, folle de toi, que croyais tu... Des mois d'absence, disparue diable savait où, et ce souvenir de lui volé sans intention aucune de le lui dire... Enfin volé. Non. Un troc à l'insu de leur plein gré. Presque. Forcément il accuse le coup. Forcément.

Dextre et senestre se resserrent, agrippant le vide et ses vertiges. Judas la suit du regard. C'est une femme nouvelle, sans doute. Pas pour avoir forci de lui, ou pas vraiment, plutôt parce qu'il la sent plus brisée que lui. D'ailleurs l'est-il, lui et sa foutue manie de faire le fier, ce mariole coureur de jupons qui ne soupçonne pas jusqu'où ils peuvent le perdre? Jusqu'où l'amour peut assassiner. Mourir d'un autre, c'est à ce détail près qu'il se désunit d'elle, c'est une notion trop obscure. Il a survécu à Marie, feue sa soeur, puis aux bassesses des femmes. Il a survécu à toutes ces fois où l'Anaon lui a échappé, alors... Non, ce n'est pas l'enfant qui l'achèvera. Judas a juste du mal à pardonner aux autres ses propres erreurs. Il la trouve belle, si belle quand elle est triste. Vulnérable, et lui en apparence si fort. C'est ainsi qu'il aime aimer. C'est ainsi qu'il retrouve ses marques. Toutes ces traces d'habitudes que les mois ont enseveli de poussière.

A mariage impossible, quoi d'autre? Rien en vérité. Demeure en lui le besoin d'elle, et qu'importe ses raisons. Mieux vaut ne pas trop s'y appesantir. Il la rejoint, têtu, se coule dans son dos. Et pour faire taire ses craintes il fait ce qu'il sait faire de mieux. Rétablir des liens qu'il se plait à sectionner, parfois. Les mains reprennent leur place, couvant le ventre de dix doigts exclusifs. Les lèvres fourragent les cheveux bruns, s'alanguissent sur la tempe tressée. Voilà l'odeur qui avait fait défaut à son quotidien là bas, près de son épouse. Les embruns de l'Anaon, le sel de ses yeux et la marée de ses joues.


Comment veux-tu l'appeler...?

Voilà, il n'écoute pas. Il apaise, égoïste. Comprendra sans doute la mère qu'il a cédé quelques-uns de ses droits sur cet enfant.
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Anaon
"Ça te pique hein le contact l'Anaon... ça te claque dans les mains et te fouette dans le cœur..."
    - Judas -

    Obstiné dans son contact comme elle l'est dans sa fuite. Une fois de plus elle se tend comme la corde d'une arbalète. La Roide, n'est plus si roide. La glace ne l'est plus tant. A fleur de peau, l'Anaon a l'émotion électrique. Ah! Bienheureuse les en-cloquée qui vous soutiendront que la grossesse est un état de grâce qui les met en allégresse! La mercenaire, elle, n'est pas de ce bord là. Les nerfs en boules, le cœur béant d'un deuil qu'elle ne fera jamais, pleine d'un homme exécrable et qu'elle aime pourtant, insultée par la présence pas si lointaine de l'être qu'elle hait le plus sur cette foutue planète. Tout, absolument tout ce qui peut la ruiner, aujourd'hui réunit pour la tenir en supplice. L'impression d'être le réceptacle maudit du poison de ce monde. La foutue bonne poire d'un destin qu'elle ne contrôle pas.

    Elle prend sur soi, la mère. Tiraillée par des ressentis contraires, elle ne s'évade pas des mains qui la retiennent un fois de plus. La tête ne peut néanmoins réprimer un faible geste recule quand les lèvres viennent chercher sa tempe. La question l'interpèle alors, lui offrant un maigre apaisement de réflexion, la détournant un instant des pensées contradictoires qui l'assaillent.

    _ Anneliesse ou Lenaïc pour une fille... Kenan pour un garçon.

    La dextre se replie sur le bas de son visage qu'elle frotte, martyrisant de temps à autre sa lèvre d'un pincement nerveux.

    _ J'aimais bien... Chlodwig ou Eldrick aussi... Mais je préfère Kenan... "Très beau" en breton.

    Un nom. Anaon n'en avait parlé qu'une seule fois en taverne avec Cerdanne et une étrangère venant de Germanie. Son choix avait été fait là, il s'y était arrêté aussi. Elle n'en avait jamais reparlé. Parler de son nom, c'est pleinement accepter son existence, prendre conscience de sa venue prochaine. Aussi improbable que cela puisse paraître, Anaon avait encore du mal à se faire à l'idée... d'être mère à nouveau, bien qu'elle ne peut nier cette rondeur grossissante, et bien qu'elle fasse au mieux pour garder cette vie en bonne santé.

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Judas, incarné par Anaon
[Si ta suzeraine est généreuse, je le serai plus encore... ]
- Anaon -



Kenan. Le Très beau Kenan. Ainsi sera-t-il, quel parent penserait autrement? Les absents, les violents, les aimants, les gênants... Tous les parents ont à coeur d'avoir un enfant sinon aussi beaux qu'eux une descendance plus séduisante encore... C'est de cette manière justifie l'orgueil d'appeler son enfant comme une belle chose. Ainsi sera-t-il, Roide. Pour un bastard inutile d'égrener un chapelet de prénoms en sus d'un nom a rallonge. Breton pour toute couronne, le seigneur n'émet aucune objection. Il se contente d'opiner du chef, conscient qu'il n'assistera sans doute pas même à sa naissance.

Je m'en irai demain, je suis appelé à gagner les camps royaux et à défendre les terres de mon Roy. C'est la guerre... Si tu veux te reposer auprès de moi cette nuit ma couche t'es ouverte. Je ne fermerai pas ma porte et ne sortirai pas après le diner.

Baiser volé au creux du cou, Judas laisse à l'Anaon le choix de l'issue. Ce n'est pas la première fois qu'il faut recoudre les déchirures... Mais c'est sans doute la première qu'il la laisse maitresse des points à faire. Du moins en apparence. Elle n'a pas fait passer l'enfant avec les herbes du diable... Elle s'est laissée gagner par cette enveloppe nourricière tout ce temps. Conquise par leur enfant. Par un souvenir en chair. C'est là signe qu'elle en dit moins qu'elle ne ressent... Comme toujours. Et ça, Frayner le sent sous les moindres de ses tressaillements... C'est une issue qu'il connait, et qu'il désire.

Lentement il se détache d'eux pour traverser la pièce. La pomme est ramassée, les prunelles corbeau observent son accroc. La main épouse la rondeur du fruit. C'est la guerre Anaon. Je défendrai Orléans, et toi... Toi tu défendras notre fils.


Viens, ne nous faisons pas attendre au repas...


Il ne faudrait pas éveiller les soupçons. Puisque tout n'a jamais été que secret, et que tout ne restera jamais que secret.

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Anaon
"Soit, je serais ton jouet, Judas. D’un jour, d’une nuit, d’une année. Le jouet qui te fuit et qui te nargue, le jouet qui t’obéit pour mieux te trahir. Je te ferais courir pour venir m’alanguir à tes pieds. Tu seras le chat et moi la souris. Tu seras le chat et moi le loup."
    -Anaon-


    Est-t-il encore temps de jouer pourtant? Ce jeux d'amants qui ont pris des proportions démesurées. Anaon ne sait pas, Anaon ne sait plus. Elle s'est perdue sur leur échiquier. Elle ne sait plus si elle est la Reyne ou si elle est le pion, toujours sur la damier ou étouffé de poussière sur le côté. L'esprit se tracasse encore et toujours, pris dans une toile dont elle a patiemment tisser les filets au fil de son affection. Et comme un nœud coulant, il se resserre à chaque tentative de s'en défaire. Elle s'étrangle.

    Tu vas me détruire Judas.

    Des lèvres qui se perdent et une étreinte qui se brise. La mercenaire n'a toujours pas bougé, elle demeure un instant contemplative de la fenêtre. Elle laisse couler le silence dans l'attente de quelque chose qui ne vient pas. Deux doigts pensifs coincent de nouveau la tresse qu'elle triture.

    _ Tu ne regrettes même pas...

    Échos d'un reproche, témoin d'une blessure. La pulpe des doigts vient effleurer la gorge blanche.

    _ J'ai gardé tes traces pendants des jours...

    La mercenaire se tourne pour contempler cette silhouette qui lui tourne le dos. Avant qu'il ne sorte, avant qu'elle ne le laisse partir pour ensuite prendre sa suite, elle veut entendre... un seul mot. Décize encore. A chaque fois qu'elle a pu repenser à leurs instant, c'est toujours Decize qui a claqué dans sa tête avec la violence d'un coup de hache. Le glas de ses réflexions, comme il a été le glas d'eux. Puisqu'il s'y est joué l'impardonnable, plus que le mariage, sans doute. Elle ne lui en a pas vraiment voulu, au début, puisque ce geste elle l'a provoqué. Mais oublier lui est impossible. Quand on y repense, quand on s'y attarde... Il a voulut la tuer.

    _ Que suis-je pour toi Judas, si ce n'est un caprice?

    Par trop d'amour, je ne suis pas vindicative. A peine suis-je rancunière, mais blessée sans aucun doute. Alors dis-moi seulement, si çà vaut le coup de s'y perdre encore.

    Je veux savoir, avant de te retrouver, encore... Peut être.

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Judas, incarné par Anaon
Il ne se retourne pas. Se retourner c'est affronter les armes qui pointent dans ses yeux. Ces yeux qui le regardent il les sent, là dans son dos. Ces yeux qui jugent et surtout condamnent... Et Judas n'aime pas assister à ses procès, lâche, il se plait à être aux abonnés absents, laissant le banc des accusé désert et l'assistance bondée. Il était absent lorsque derrière quelques murs qui la séparaient de lui l'Anaon enfantait un mort. Une fausse couche qu'il a fuit sans l'ignorer, ce que les yeux ne voient pas le coeur ne s'en malmène pas... De trop. Epoux absent, amant absent, frère absent, et qui sait... Il sera bientôt père.

Le seigneur s'attendait à ne pas s'en tirer à si bon compte. Atteindre le paroxysme d'une relation n'est pas forcément une notion positive. Il y a s'aimer pour ce que l'on est, et s'aimer... Pour ce que l'on peut. Il n'a pas choisi de s'éprendre d'elle, sans quoi il ne l'aurait pas fait. S'éprendre d'une roturière pour quelques rares tressauts de vie et de bonheur en secret est une connerie sans nom. La seule chose qui maintient cette longévité, cet équilibre fragile, c'est la conscience que sa vie publique et surtout maritale est elle; d'un ennui sans nom. L'officiel mortifiant, l'officieux vivifiant. Tout fier puisse-t-il être, il n'en est pas moins lucide sur le statut accordé à sa Maitresse avec un grand Aime.

Qu'es-tu pour moi, Ann... Question cruciale. Il le sait. Pour aimer les femmes, et qu'importe de quelle façon, il sait combien elles ont besoin d'être rassurées. Pourtant Roide a tenu le temps et la distance sans jamais l'exprimer. Force de la nature, caractère blindé, taciturne calculée. Mais femme avant tout. Et mère, inquiète. Amante, aimante. Patiente surtout... Portant ainsi à l'édifice Judas/Anaon tout ce que le seigneur a été bien incapable de développer. Les femmes ne font pas que porter les maux du monde... Elles portent aussi les maux de leurs hommes. Il l'a blessée, de corps et d'esprit, il le regrette. Mais elle l'a provoqué. Les excuses sont les meilleurs bouclier des hommes qui ne mesurent pas leur chance... Car tant qu'il peuvent en servir, mielleuses, éhontées, à peine murmurées, c'est que l'auditoire est encore là... Et qu'il a pardonné.

Il relève le menton, semble jauger le plafond. Les lèvres minces s'entrouvrent tandis qu'une main se met dans l'une de ses poches. Il ne se retournera pas... Mais sa gorge se nouera tout de même avant qu'il ne quitte les lieux, les mains encore brûlantes de ce contact pré-natal transcendant.


Sans doute ma part de déraison.

Anaon.
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Anaon
    Un mot qui ne vient pas. Un mot qui ne viendra sans doute jamais de la bouche de Judas. Un simple "Pardon", plus rare qu'un "Je t'aime". Ne serait-ce que l'once d'une repentance qui frémit dans le grave de sa voix. Mais non... La mercenaire accuse dans ce silence qui est si souvent sien. Et il part. La porte se referme.

    Déraison. Toute notre histoire n'est que déraison.

    Une longue inspiration vient crever le calme de la pièce, forçant la gorge nouée à se décrisper, et le soupir qui s'en suit en fendrait une âme. Maintenant que tout est dit, il va falloir qu'elle se remette les idées au clair. Ses bras se referment en croix sur sa poitrine. Frisson soudain. Elle n'ose toucher son ventre, remettre les mains là ou celle du seigneur se sont ancrées l'instant d'avant. Elle avance. Le front épouse le plat de la porte, la pulpe des doigts en parcoure le bois. L'esprit qui ne s'endort jamais s'évertue déjà a se repasser en boucle les paroles et les moindres gestes de Judas. Calculatrice, bien malgré elle, la caboche qui cogite sans qu'elle ne le demande. Alors elle s'efforce à concentrer ses pensées ailleurs, là derrière cette porte. Guetter la moindre présence d'un domestique. Appréhender un regard indiscret. Imaginer la carrure de Judas qui s'éloigne dans les couloirs. Attendre... avant de pousser la porte à son tour, subrepticement, et reprendre la vie à Château-Gontier, là ou elle l'a laissé.

    Oui, ne nous faisons pas attendre.


    La soirée se déroulera dans la banalité qui doit être sienne. Un repas animé par toute la vie qui foisonne à sa table, des présences qui s'enfuient pour vaquer à leurs taches. Anaon rejoindra Yolanda comme toujours. Elle restera longtemps auprès d'elle, la soupçonnant de couver une fois de plus un mauvais rhume, prémices sans doute d'un autre mal. Puis elle la laissera quand le sommeil la gagnera. Elle veillera devant sa porte pendant un moment comme toujours. Puis, comme elle en a désormais prit l'habitude, elle passera au chevet de toute les petites demoiselles, s'assurer que tout aille bien. Vérifier aussi à ce que certain trublion ne profite pas du calme factice de la nuit pour faire de leurs chambres la reconstitution d'un champ de bataille. Et quand tout sera fini, comme le mineur épuisé qui retrouve son logis, elle regagnera calmement sa chambre.

    Regard à la fenêtre, baignée dans le blafard de la lune, elle attendra. La nuit porte conseil dit-on. On a jamais dit qu'ils seraient bons. Statue hiératique, redessinée par l'aura sibylline de l'œil nocturne qui trône dans son mausolée de silence. Elle ne s'ébranlera que bien tard...

    A progression feutrée. Des pavés avalés. Elle se fera présence au pied du lit. D'un autre lit.

    Une porte est poussée.

    Fin du second volet.


      "La femme est une promesse non tenue."
        - Claude Mauriac -

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