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[RP] - C'est ton frère, il est gentil. Fais lui un bisou !*

Yolanda_isabel
* By Jamel Beddouze bien sûr !

Elle est revenue de Paris, enfin. Elle a retrouvé Ses filles et plus que tout, elle a retrouvé Clotaire, en taverne un soir. Pourtant, elle n'a pas eu le temps de voir Aimbaud, son aimé aîné, alors même qu'ils vivent sous le même toit actuellement, il faut dire qu'ils sont un peu en froid, ces derniers temps. En froid.. L'idée même d'aller le voir lui tiraille le cœur mais elle se morigène de sa lâcheté, et le sourire vient se poser sur le visage poupin de l’adolescente alors qu’elle quitte les cuisines non sans y avoir pris un pichet de vin et deux godets. Un pour lui, un pour elle, un tête à tête fraternel, un retour aux sources, et cela s’arrose.

La porte de la chambre de son frère est ouverte avec fracas, alors qu’elle entre avec force de bruits et de palabres déjà. Un baiser sur la joue duveteuse de son aîné alors qu’elle pose le godet devant elle, et s’en sert un, qu’elle embarque avant de se laisser tomber sur le banc devant la cheminée.


-« Tu m’as tant manqué et j’ai tant à te raconter. Non, ne dis rien, écoute ! Tu n’en reviendras pas ! »

Et pour sûr, il n’en reviendra pas, elle se rince le gosier au vin avant de poursuivre, pleine d’emphase, sûre de son effet théatral.

-« J’étais à Paris, tu te souviens, je t’avais prévenu ! Et bien, figure toi que j’ai contacté Charlemagne, qu’il devient exécrable celui-ci.. Il ne s’améliore pas, enfin bref, je l’ai contacté pour récupérer mon héritage, enfin j’avais déjà Ségur, mais puisque Ségur est morte, j’aurais au moins les robes, même si elles ne sont pas tout à fait à ma taille.. Tu crois que ça me coûtera cher de les faire repriser ? Enfin.. Ce n’est pas le sujet ! Donc, j’ai vu Charlemagne et nous avons soupé ensemble, puisqu’il ne convient pas de laisser à la porte une Altesse Royale, n’est-ce pas.. Et bien figure-toi que je ne sais quelle mouche l’a piqué, puisqu’il m’a demandée en mariage. »

Elle reprend un peu de vin pour faire passer la longue tirade. Il pourrait vouloir parler en cet instant, qu’elle ne le laisserait pas placer un mot, c’est son moment de gloire.

-« J’ai refusé, évidemment. Il y a Clotaire, tu te doutes bien. D’ailleurs, en parlant de Clotaire, la dernière fois, nous nous sommes croisés tout à fait inopinément, et oui, c’était le hasard. Le hasard a du bon, puisqu’il m’a demandée ma main ! J’ai dit oui, évidemment ! Cela veut dire que nous sommes fiancés, tu crois ? Enfin, il a quand même dit qu’il viendrait te faire sa demande, puisqu’il faut faire cela dans les formes. Enfin bref.. Et toi ? Comment vas-tu ? Nous ne nous sommes pas vus depuis le départ pour Paris et le Lavardin ! D’ailleurs, je suis déçue de n'avoir pas pu faire la route avec toi. Enfin, j’en garderai tout de même un bon souvenir, puisque j’ai réussi à passer les huitièmes de finales. Je dis moi, mais c’était Linien en vérité, tu te souviens, hein.. Tu te fâches facilement ces derniers temps. »

Et piapiapia.. Faire comme si rien ne s'était jamais passé au Lavardin.

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Telle que vous me voyez en cet instant, je suis inutile. Ne me demandez rien.
Aimbaud
Les carreaux or et blanc de la fenêtre tremblotaient dans leurs soudures, tandis que d'infimes filets de vent s'y engouffraient. C'était l'hiver qui frappait au château, à petits coups de bourrasques. Il faisait beau, mais terne. Et les nuages se déplaçaient dans la lumière comme des moutons de poussière, traînant sur le manuscrit d'Aimbaud des draps d'ombre qui l'obligeaient à approcher le nez de ses écritures et à plisser sévèrement les paupières. Dans une seconde, il allait sûrement râler d'une voix traînante pour qu'on lui apporte des chandelles. C'était bientôt le soir, et notre énergumène n'avait pas mis une poulaine dehors de la journée. Il était amorphe, triste comme l'ennui. La seule occupation qui éveillait son intérêt, était le feuilletage de manuscrits de joutes, dont il zappait les pages d'explications trop théoriques, en mâchonnant une baguette de bois entre ses canines. Il était alors enfoncé dans un grand fauteuil de peau, les jambes jetées sur un rebord de table, entouré de quignons de brioche secs et de coupes vides. Une loque du XVème siècle...

Vous allez me dire, pourquoi cet état valétudinaire, pour un jeune homme en pleine santé, souvent hyperactif, apte à réaliser de grandes choses et avec une force physique correcte ? Eh bien parce que c'était dimanche, d'abord. Ensuite, parce qu'il faisait froid dehors, parce qu'il était tout seul et abandonné au château, parce qu'il s'était pris une déculotté aux joutes du lavardin, et parce qu'il était un chouilla déprimé sur les bords du milieu. Avec ça, il avait la flemme de prendre son bain. Et puis merde, on ne peut pas toujours être au top du top de la crème du haut du panier...

Précisons que Clémence de l'Epine, sa chère et tendre femme, rentrée à Nemours pour vaquer à ses affaires et ses prières, n'était pas là pour exiger qu'il se remue. Cette soudaine liberté, ayant d'abord réveillé tous les contentements du jeune marquis de Nemours, le laissait désormais glisser telle une épave sur la fatale pente de l'ennui...

Et le pire... Le pire, c'était cette boule d'énergie incontrôlable, cette adolescente bourgeonnante, exubérante, ultra-provoc, qui s'était emparé de sa soeur, qui avait mangé son âme en salade, qui contrôlait tous ses actes — que dis-je, des actes ? DES CATASTROPHES — et qui ne souffrait nulle autorité, comme par le passé ! Yolanda alias Bérésina. Fukushlanda ! Massacre à la tronslanda !

Le Frère Aimbaud, sous sa coupe au bol bien taillée, les mains posées en croix sur son manuscrit, auréolé des derniers rayons du soleil dans l'obscurantisme grandissant de la pièce, jaugea la cadette Josselinière qui déboulait auprès de lui pour lui faire le récit de ses multiples demandes en mariage, et autres escroqueries de tournoi... Un instant, il cru voir l'éclat du démon briller dans les pupilles de cette jeune fille en fleur, mais peut-être n'était-ce que la rosée des émotions vives, propres — ou sales — à cet âge de transition, et de poils pubiens.

Il était dépassé.

Il serait narrativement relou de vous faire référence, dans la vie d'Aimbaud, au père absent, à l'éducation trop tendre d'une mère, et d'ailleurs qu'est-ce que ce paragraphe vient faire ici, j'avais pourtant mis un intercalaire de couleur différente pour chaque thème dans mes notes... Mais enfin bref, notre aîné bourguigno-angevin ne savait trop comment procéder à l'éducation de cette soeur. Qu'est-ce qui était bon pour elle ? Qu'autoriser ou interdire ? Surprotéger, laisser se dérouler la laisse ? Lui dire que le caca des poules c'est caca ?* Et comment donner des leçons alors que lui-même était une grosse larve en hauts-de-chausse-pijama dans son fauteuil ?

L'essentiel pour être crédible, c'était d'avoir de l'assurance :


Je suis on-ne-peut-plus déçu par votre attitude au Lavardin. Truquer ainsi les joutes. Où aviez-vous la tête ?

Il tourna vers elle un visage assombrit par sa barre de sourcils noirs.

Et comment osez-vous répondre en votre nom à une proposition de mariage ? Vous pensez-vous libre de droit ? On en met au couvent pour moins que ça. Mais d'abord QU'EST-CE QUE C'EST QUE CES NOBLES DE PEU D'HONNEUR QUI VOUS FONT DIRECTEMENT DES DEMANDES ? Pourquoi ne leur avez-vous pas dit de s'adresser à moi ? ET VOUS AVEZ RÉPONDU ! Ma parole, est-ce bien dans la même maison que nous fûmes éduqués ?

Toute l'énergie qu'il n'avait pas dépensé était maintenant libérée par ses cordes vocales.

*Kadoc.
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Yolanda_isabel

Elle, si douce, si heureuse.
Lui, si froid, si méchant.

Elle s’attendait, bêtement du reste, à ce que leur dispute au Lavardin reste au Lavardin, c’est sans compter sur la rancune affolante d’Aimbaud. Elle s’attendait, naïvement peut-être, qu’il soit ravi qu’elle lui tienne un rapport de ses activités récentes. Sous l’afflux de cruautés qu’il lui balance en plein visage, elle ne sait quoi répondre, quoi dire, la lippe charnue tremble d’émotions contenues, les doigts potelés se resserrent sur la timbale. Elle accuse les méchancetés comme autant de piques acérées sur son corps, il est le seul à pouvoir la blesser, à pouvoir la faire souffrir si cruellement et si volontairement.

Que fait une laie blessée ? Elle charge.

Le restant du verre est ingurgité d’une rasade et la timbale déposée avec fracas sur le buffet, elle toujours si douce, ne saurait être froide, elle ne peut qu’être brûlante de passion ou de colère. Et la colère jusqu’alors, inexistante dans ce corps adolescent, la fait vibrer en plein.


-« Que j’ai truqué les joutes ou pas, tu m’aurais reproché d’y participer de toute manière. Tu es blessé d’avoir échoué. Aimbaud l’Ecuyer Tranchant qui s’est ramassé le nez par terre, ça ne fait pas très joli sur le papier, et tu nous en veux d’avoir fait mieux que toi ! »

Et elle découvre au fur et à mesure que les mots sortent, qu’être blessante peut être facile, tellement facile, et rien ne saurait l’arrêter sur sa lancée. La laie encorne sans pitié.

-« Comment j’ose ? T’es-tu seulement jamais intéressé à ce que j’osais toutes ces fois où tu m’as laissé seule ? » Le doigt se pointe, accusateur, vers son frère. « Quand Marraine est morte, tu m’as laissée sans défense alors que j’attendais ton retour avec impatience. Tu étais trop occupé en Bretagne à je ne sais quoi mais certainement pas à t’occuper de ce que j’osais. Je suis libre de droit, parce que tu m’as laissée libre de toi ! ALORS NE VIENS PAS ME FAIRE LA LECON AIMBAUD DE JOSSELINIERE ! »

La timbale est envoyée valser contre l’estrade du lit. Oserait-elle qu’elle le secouerait tellement l’envie la démange, la prend à la gorge et la voix d’ordinaire fluette se fait hystérique au fur et à mesure des mots.

RETIENS CES MOTS : TU N’ES PAS MON PÈRE ! »

Merd’alors ! Elle fulmine et tremble des pieds à la tête.

-« Et j’épouserai Clotaire si JE veux. Parce que j'ai été élevé par ma mère, celle-la même que tu as renié. »

Cela ne souffre aucun appel, n’est-ce pas ?
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Telle que vous me voyez en cet instant, je suis inutile. Ne me demandez rien.
Aimbaud
[Puisque vous êtes jeune et pas fute-fute !]

Com... C'e...! Yolanda Isabel !

Il se leva en rugissant ce nom chéri, pour ouvrir rudement les mains devant lui, comme prêt à empoigner un gros caillou, ou à prendre un sujet épineux à bras le corps. La baguette de bois qu'il mordillait, le manuscrit de tactique de joute, ainsi que des papiers de brioche tombèrent sur le tapis, et les pans de sa chemise sur ses braies. Effectivement il avait l'air de sortir du lit, mais son cheveu en pétard ajoutait à l'aspect colérique.

J'espère que vous réalisez la BÊTISE de vos paroles. Parce que moi, oui ! Passons sur votre tricherie aux joutes — ET MES REMONTRANCES N'ONT RIEN À VOIR AVEC MA DÉFAITE — vous confesserez vos mensonges, et votre appât du gain — vulgaire ! — et votre travestissement ! À monseigneur l'évêque. Et d'abord, d'abord qui vous dit que j'aurais refusé ? MAIS PASSONS CELA, ET NE ME COUPEZ PAS QUAND JE PARLE.

Il agita les bras, comme attaqué par une nuée de moustiques.

OUAIS ! Dieu me garde d'être votre père ! Une fille aussi capricieuse et indocile, c'est déjà bien assez de vous avoir pour soeur. Et tenez où est-il, notre père ? Ici ?

Il souleva brutalement un manuscrit sur son écritoire, mimant d'y chercher Erik-père. Le manuscrit retomba en volant aux pieds de la blonde cadette.

NON. Là ?

Cette fois c'est un rideau du lit à baldaquin qu'il fit voltiger dans un bruit de tringles qui se décrochent.

NON PAS. Là dessous peut-être ?!

Fit-il en renversant, d'un grand mouvement de bras, une rangée de bibelots placés sur une étagère, dont une miniature de cithare dédicacée par Elvix qu'il allait plus tard regretter amèrement.

BEN ÇA ALORS : NON. Mais diable, est-ce à dire que nous sommes seuls ? Et qui-qui doit s'occuper de nos petites affaires ? Mais c'est le grand frère nain-beau ? HOHOHO QU'EST-CE QU'ON S'AMUSE. Trêve de rigolade.

Les bras ballants, Aimbaud de Josselinière fixa Yolanda Isabel de Josselinière, d'un air fatigué, glacial. Elle avait décidément réussi à le faire sortir de ses gonds, avec ses petites piques ridicules et blessantes de gamine rondouillette pourrie gâtée.

J'en ai raz la coupe-au-bol de vos historiettes romantiques à deux deniers. OUI JE VOUS FAIS LA LEÇON. Pauvre petite tête blonde ! Un mariage ça se médite, ça ne se fait pas entre deux gloussements à bouffer des chouquettes à la crème, pour choisir celui qui fait les plus beaux poèmes ! Et si je vous IMPOSAIS Charlemagne ? HUM ? Et INUTILE de me servir mes absences PASSÉES comme excuse BIDON — OBJECTION VOTRE HONNEUR — je ne pouvais PAS PRÉVOIR que la Reyne allait nous claquer dans les PATTES, et que vous auriez besoin d'une ÉNIÈME épaule sur laquelle chouiner !

ET JE N'AI PAS RENIÉ MAMAN, ESPÈCE DE SOTTE. VOUS N'ÉTIEZ ALORS MÊME PAS EN ÂGE DE VOUS TORCHER TOUTE SEULE, ALORS REMBALLEZ VOS JUGEMENTS.


Cette fois il était bel et bien tout rouge. Il tenta de recouvrer son calme en respirant à plein poumons, en baissant la voix, et en ponctuant chaque mot par des gestes simples, avec des mains simples, et des mouvements simples. Il fallait dompter la bête, réfréner la crise d'adolescence... Satanée jeunesse de France...

Ne tenez pas compte de mon emportement... mais sachez... que si vous ne changez pas d'attitude, que vous restez dans cette posture... rebelle ! On ne va plus du tout s'entendre.
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Yolanda_isabel


Elle aurait pu s’attendre à des excuses de la part de son frère, mais certainement pas à ce qu’il lui rende coups pour coups, sont-ce les assauts verbaux ou la nuisance sonore des objets qui volent dans la pièce qui lui arrachent des sursauts ? Toujours est-il qu’un instant, il lui fait peur. Mais pas longtemps, lorsqu’il est question de la mort de Marraine, elle voit rouge.

Les mains potelées se saisissent d’un coussin sur la malle qu’elle jette sur lui, son jumeau suit dans la foulée, et tous ceux qui se trouvent dans la pièce du reste, sans même prendre garde de vérifier s’ils atteignent leur cible, les jets sont entrecoupés de propos vulgaires tenus en patois angevin. Retour aux sources brutal.


-« TA GUEULE ! JE TE MARAVE SI TU PARLES ENCORE COMME CA DE MARRAINE ! LA VIE D’MA MERE, JE TE DEFONCE BLAIREAU ! »

L’aiguière remplie d’eau, destinée à faire les ablutions du matin est envoyée valser, éclaboussant tout sur son passage. Une psyché miniature est saisie à pleines mains avant d’être considérée un instant, puis reposée, n’allons pas briser des choses qui coûtent trop chères non plus, un broc en bois vient atterrir entre eux dans un son mat sur la paille tressée qui recouvre le sol.

-« Je te déconseille de me forcer à épouser Charlemagne sinon je m’enfuis et je fais un bébé avec Clotaire ! AH ! TU SERAS BIEN OBLIGE DE NOUS MARIER LA ! »

AH AH AH ! Elle jubile méchamment mais la lippe est colérique et le front froncé, oubliée la tentative de conciliation.

-« Au lieu de me traiter comme une gamine capricieuse, occupe toi donc de faire des gamins justement ! Ton souci est là ! T’ES QU’UN FRUSTRE ! PARCE QUE TON MARIAGE EST RATE ! QUE T’ES INCAPABLE DE TENIR TA FEMME ! TIENS OU EST-ELLE, ELLE AUSSI ! AVEC PAPA SUREMENT ! LUI AU MOINS SAURAIT LUI FAIRE UN HERITIER ! »

Disons les choses telles qu’elles sont. Disons peu, disons bien, les mots sont soufflés.

-« Je te hais. »

Et le regard meurtri qui le fusille ne dément pas l’affirmation.

-« Et j'irai pas me confesser. »

Parce qu'elle n'a rien à se reprocher et que ça ne sert à rien.
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[(*) Allez tiens, pleure pas : De la daube en barre, c'est bon, mangez-en !]
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Telle que vous me voyez en cet instant, je suis inutile. Ne me demandez rien.
Aimbaud
['Vais te botter le cul jusqu'à ce que ta tête tombe, puis je te botterai la tête, puis je te re-botterai le cul.. oh yeah]

C'est un plateau d'argent qui fut brandit en bouclier face à la salve de tirs de coussins, puis le catapultage (la catapultation ?) de cruche en porcelaine orientale qui s'explosa contre le métal — avec un bruit de suicidé par défenestration — en arrosant abondamment les hauts-de-chausses du frère Josselinière qui avait rentré la tête dans ses épaules, en grognant un juron abordant le thème des femmes réduites par des soucis pécuniaires à faire commerce de leur corps.

La violence des mots échangés grimpait tant et tant qu'il semblait désormais inconcevable à Aimbaud de retrouver son sang-froid. C'était le point de non-retour. Un feu violent embrasait son esprit, du côté de la vengeance. La même espèce d'incendie qui surgissait autrefois, à l'état de flammèches, lorsqu'il retrouvait dans sa chambrée les restes de figurines collector Chevalier-du-chaos, démembrées, mâchouillées, encore engluées dans la bave du monstre sans dent et sans pitié qu'était alors bébé-Yolanda. Mais là c'était pire, c'était à 39.500 sur une échelle de 1 à 42. Ça montait en lui comme une cuillère à soupe de moutarde forte. Il allait commettre l'irréparable.

D'un grand mouvement de l'épaule, il jeta le plateau contre le sol (lequel s'en alla rebondir ridiculement par petits ricochets au milieu des restes de porcelaine). Et enjambant les débris, il se précipita sur sa cadette, l'esprit vide et la main levée, comme électrisé par une foule de fourmis qui rendaient son bras froid, prêt à toutes les corrections.

Hors ça elle osait le menacer de la voir fille-mère ? L'insulter, lui ! Le juger ? L'attaquer aux tripes sur son mariage infertile ?! L'écraser sous la coupole de leur père !...

Ah mais que dirait-elle d'une bonne baffe dans sa tronche, HEIN ? Elle ferait bien moins la MALINE, HEIN ? Cette main, d'ailleurs, elle approchait, cette main ! Elle faisait déjà planer une ombre sur cette figure fraternelle et chérie. Car quel autre moyen de la faire taire, cette figure ? Hormis le bâillon. La bâillonner ? C'était une idée. L'envoyer au cachot, juste quelques heures. Ou la priver de dîner ! En vérité, il y en avait plein, des solutions alternatives... Un monceau de possibilités pédagogiques, qu'il trouverait plus tard, qu'il étudierait, qu'il pèserait du côté du pour et du contre, après avoir consulté des groupes de discussions de mères veuves qui partagent leurs avis sur l'éducation de leurs adolescents en crise... Oui... Oui, il y avait des solutions. Tout n'était pas si noir, au pays de l'acnée...

Les deux mains du frère s'abattirent sur les épaules de Yolanda. Elles y intimèrent une secousse, tandis que les pupilles marrons, assez bouleversées, se braquaient sur leurs consoeurs. Si la pression des mains était forte, ce n'était pas tant pour faire mal que pour appuyer la conjuration qui allait suivre.


Taisez-vous. Ne dites pas ces choses.

Une secousse, moins forte, fit encore une fois vaciller la boule blonde.

Il ne faut pas les dire, m'entendez-vous ?

À ce jeu-là, il préférait encore rendre les armes. Il savait trop le poids des mots, et la façon dont les femmes qu'il aimait savaient les décocher. Autant se battre contre un essaim de flèches, ça vous lacérait de tous les côtés à la fois. Il fallait arrêter le tir avant que des vérités impardonnables soient prononcées. Alors il la détailla, et les mots peinèrent à trouver la porte de sortie sur les lèvres qu'il remuait avec hésitation.

Ce n'est pas notre rôle d'être des ennemis. Pourquoi contestez-vous mon autorité ? Ne me faites-vous plus confiance ? Pourquoi prendre seule vos décisions, quand je suis là pour vous aiguiller ? Je suis votre frère ! Reposez-vous sur moi.
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Yolanda_isabel
    Orangina ! Il faut bien secouer pour pas que la pulpe reste en bas !

Qui a changé ces frères et sœurs que tous pouvaient prendre en exemple tant leur amour crevait les yeux ? L’adolescence. Saloperie d’adolescence qui exacerbe les moindres colères d’enfant, qui décuple des querelles si simples, qui change des conversations avant réglées par des sourires et des baisers en guerre ouverte. C’en est une, et si elle ne sait pas si elle va la gagner, du moins, espère-t-elle rendre coup pour coup, enfin, espérait-elle avant d’être secouée comme un prunier lambda, les prunes tombent, les remparts aussi quand les mots percent le bastillon de sa tourmente.

-« Es-tu mon frère ? »

En faut-il plus ? Si Aimbaud a rendu les armes, Yolanda rend les larmes, et elles dévalent avec une facilité née de l’habitude d’une trop grande sensibilité, les vallons joufflus. D’un mouvement brusque, elle s’ôte de l’emprise de son aîné alors même que l’envie la démange de pleurer contre lui et de le supplier de la pardonner pour ce coup d’éclat. Mais Aimbaud a levé la main sur elle, l’a violenté et pis encore, l’a menacé de la marier à Charlemagne. Le lutrin est rejoint en quelques enjambées fébriles, et elle s’y appuie pour reprendre un semblant de contenance qui ne veut pas revenir. Si jolie poupée au doux sourire, odieux jouet cassé à la mine chiffonnée, voilà ce qu’Aimbaud a fait, il a cassé son jouet préféré, et il repose là, brisé sur les parchemins dont il inonde les quelques bribes de savoir. Entrecoupés de sanglots, les mots sont là, qui tentent de justifier.

-« J’ai dit .. A Clotaire de .. Te demander. Il allait le .. faireuuuhhh.. »

Oui, il allait le faire, et rien n’aurait été bien différent, bien grave, mais voilà, les choses sont ce qu’elles sont. Terribles. Sur le lutrin est considéré le petit couteau à la lame ronde destinée à gratter la cire, les doigts potelés s’emmêlent sur la garde et l’arme dérisoire est là, entre eux.

-« Je veux é-épouser Clotaireuuuhhh ! Sinon, je me tue.. »

Mais elle y croit la bougresse ! Les yeux rougis brillent d’une détermination farouche tandis que la lame sans tranchant est pointée vers sa gorge. Sur une échelle de 2 à 76, et là je préfère prendre large, de 2 à 71 on ne nous écoute pas, de 72 à 75, on nous écoute toujours pas, et seulement a 76 on nous laisse parler sans nous engueuler.* Alors autant y mettre les formes !

*Perceval powa !
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Telle que vous me voyez en cet instant, je suis inutile. Ne me demandez rien.
Aimbaud
[Mais non. Le pestacle doit continuer]

Les yeux du jeune marquis lui sortaient des orbites. Il avait ouvert une bouchée bée en observant l'éclat de la lame rejoindre le petit cou de marne blanche que Yolanda faisait palpiter. Un coupe-papier arrondi, encore gras de sa cire, qu'elle brandissait là ! La mort serait très lente et douloureuse, au moins autant qu'un meurtre à la petite cuillère...

Mais notre frère, tout secoué par la panique qui lui coupait le souffle, oubliait le caractère inoffensif de l'arme du crime. Il était très bon public. S'il avait été moins dupe, il aurait applaudit la performance avec un air blasé, lancé quelques piécettes, et serait sortit dignement pour prendre l'air... Mais cette tragédie en un acte le pétrifiait, il allait bientôt se ruer sur la scène pour empêcher la comédienne de s'assassiner avec un plioir rétractable qui aurait craché une gerbe de faux sang lavable en lessive, pour que le costume soit mettable à la prochaine représentation. Oui ! Il en était capable. Il était d'accord pour que le spectacle continue, mais pas par un suicide à bout rond...


Yolanda... Ne faites plus un geste. Fit-il, les mains doucement tendues vers elle. Je veux bien accéder à vos volontés.

Un pas, un autre, dans les copeaux de porcelaine et de bois. Aimbaud manqua de glisser en posant le pied sur le plateau d'argent. Mais sa lente progression en terrain miné toucha à son but. Il vint comme sur des œufs en soutenant le regard affolé de sa cadette, pour l'obliger à retrouver un semblant de conscience et de calme. Vint l'instant ténu où il put approcher la paume jusqu'à la poser sur la main potelée toute crispée sur le manche de métal, la serrer en enveloppe pour la forcer à se rétracter.

Il observa alors les yeux gris, submergés comme des gargouilles par temps de pluie, et il ne trouva à leur répondre qu'un écran d'incompréhension et d'inquiétude. Toute sa rancune était mise de côté, mais un peu comme face aux ravages d'un cataclysme, il ne put que contempler les dégâts sans trouver rien d'autre à faire, pour arranger les choses, que de passer le pouce sur la fine marque rouge qu'avait peint le couteau sur la gorge de sa sœur.

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