Della
Beaucoup de courriers étaient partis, les jours derniers, de Seignelay, en toutes directions.
Sans doute, plusieurs arriveraient, dans les jours suivants.
Le hasard avait voulu que Kéridil donne de ses nouvelles, justement alors.
A la lecture de sa lettre, Della avait été troublée. Ce que son époux décrivait était l'exacte vérité ou à peu près et la question de savoir si elle l'aimait toujours l'avait renvoyée à ses doutes. Ces doutes qui avaient provoqué la réponse donnée à son suzerain à propos d'un voyage en Lorraine.
Maintenant que de toutes façons, elle avait décidé de partir, elle avait pu répondre sereinement à la lettre de Kéridil. Ce qu'elle y répondait était ce qui se rapprochait le plus de l'état dans lequel elle se trouvait à ceci près qu'elle ne lui avait évidemment pas parlé du Régent de l'Empire. Elle vivait un étrange paradoxe, sans doute partagé par des milliers d'êtres humains au même instant, ainsi qu'il devait en être depuis que le monde était monde et que cela serait jusqu'à la fin des temps. Comment rester fidèle et ne pas laisser s'éteindre la flamme de sa propre vie ? Rester en Bourgogne serait le choix sage, sans tache, lisse et parfaitement ennuyant, le choix qui la mènerait tout droit à reprendre une tapisserie et à passer des heures en prière faute de mieux. Partir serait le choix risqué, dangereux, le choix qui promettait l'aventure et la découverte, la vie.
Alors, elle avait tenté de rassurer son époux, avec des mots beaux, lisses eux aussi, choisis et réfléchis, elle n'avait pas voulu mentir sur la nature des sentiments qu'elle éprouvait encore pour lui, si ce n'était plus l'amour passionné, cela restait un amour tendre et sincère. Pourvu qu'il comprenne. Mais cela n'était pas de son fait à elle.
Kéridil était las et ce qu'il voudrait bien comprendre serait teinté par cette lassitude, l'acédie le guettait, Della en était persuadée. Mais elle ne se sentait pas la force de voler à son secours et de l'empêcher de sombrer, sûre qu'elle était qu'elle sombrerait avec lui alors.
Charlemagne avait posé la bonne question, au moment opportun. Cela était bien. Sans doute un signe du destin. Venait-il du Très Haut ou de la Créature sans Nom ? Il serait bien temps de s'en soucier lorsque la tentation se présenterait à elle. Jusque là, elle pouvait tout à loisir se persuader qu'elle ne faisait que suivre son suzerain afin de lui apporter la protection et les conseils qu'elle lui devait. Comme il était commode de trouver la bonne pièce pour étouper le petit trou par lequel le doute risquait de naître.
Il fallait organiser le voyage.
Della fit venir Isandre afin de s'entretenir avec elle des préparatifs.
Clarinha fut conviée également mais elle était un peu souffrante et Della lui permit de rester dans sa chambre. Elle recevrait les instructions utiles, notamment pour les malles à remplir.
Clément était sur les genoux de sa mère et Dorante dormait dans son berceau, non loin de la cheminée, bien au chaud.
Della lisait une histoire à son fils qui commentait les enluminures en nommant les choses qu'il reconnaissait, elle caressait les cheveux blonds de l'enfant, sa tête calée contre la sienne, consciente du fait que bientôt, elle l'enverrait chez son père, qu'elle ne le verrait pas avant un long moment sans doute.
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Sans doute, plusieurs arriveraient, dans les jours suivants.
Le hasard avait voulu que Kéridil donne de ses nouvelles, justement alors.
A la lecture de sa lettre, Della avait été troublée. Ce que son époux décrivait était l'exacte vérité ou à peu près et la question de savoir si elle l'aimait toujours l'avait renvoyée à ses doutes. Ces doutes qui avaient provoqué la réponse donnée à son suzerain à propos d'un voyage en Lorraine.
Maintenant que de toutes façons, elle avait décidé de partir, elle avait pu répondre sereinement à la lettre de Kéridil. Ce qu'elle y répondait était ce qui se rapprochait le plus de l'état dans lequel elle se trouvait à ceci près qu'elle ne lui avait évidemment pas parlé du Régent de l'Empire. Elle vivait un étrange paradoxe, sans doute partagé par des milliers d'êtres humains au même instant, ainsi qu'il devait en être depuis que le monde était monde et que cela serait jusqu'à la fin des temps. Comment rester fidèle et ne pas laisser s'éteindre la flamme de sa propre vie ? Rester en Bourgogne serait le choix sage, sans tache, lisse et parfaitement ennuyant, le choix qui la mènerait tout droit à reprendre une tapisserie et à passer des heures en prière faute de mieux. Partir serait le choix risqué, dangereux, le choix qui promettait l'aventure et la découverte, la vie.
Alors, elle avait tenté de rassurer son époux, avec des mots beaux, lisses eux aussi, choisis et réfléchis, elle n'avait pas voulu mentir sur la nature des sentiments qu'elle éprouvait encore pour lui, si ce n'était plus l'amour passionné, cela restait un amour tendre et sincère. Pourvu qu'il comprenne. Mais cela n'était pas de son fait à elle.
Kéridil était las et ce qu'il voudrait bien comprendre serait teinté par cette lassitude, l'acédie le guettait, Della en était persuadée. Mais elle ne se sentait pas la force de voler à son secours et de l'empêcher de sombrer, sûre qu'elle était qu'elle sombrerait avec lui alors.
Charlemagne avait posé la bonne question, au moment opportun. Cela était bien. Sans doute un signe du destin. Venait-il du Très Haut ou de la Créature sans Nom ? Il serait bien temps de s'en soucier lorsque la tentation se présenterait à elle. Jusque là, elle pouvait tout à loisir se persuader qu'elle ne faisait que suivre son suzerain afin de lui apporter la protection et les conseils qu'elle lui devait. Comme il était commode de trouver la bonne pièce pour étouper le petit trou par lequel le doute risquait de naître.
Il fallait organiser le voyage.
Della fit venir Isandre afin de s'entretenir avec elle des préparatifs.
Clarinha fut conviée également mais elle était un peu souffrante et Della lui permit de rester dans sa chambre. Elle recevrait les instructions utiles, notamment pour les malles à remplir.
Clément était sur les genoux de sa mère et Dorante dormait dans son berceau, non loin de la cheminée, bien au chaud.
Della lisait une histoire à son fils qui commentait les enluminures en nommant les choses qu'il reconnaissait, elle caressait les cheveux blonds de l'enfant, sa tête calée contre la sienne, consciente du fait que bientôt, elle l'enverrait chez son père, qu'elle ne le verrait pas avant un long moment sans doute.
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