Adelaide
Je vous remercie Madame. Elle incline la tête comme pour la remercier. Cela faisait bien longtemps quelle navait plus vu ses enfants et ses petits-enfants, mais comme le veut la tradition dans la famille, ils se retrouvent tous ensemble pour fêter la Noël chaque année. Les valeurs familiales sont bien ancrées chez eux.
Les paroles de la Duchesse lui font penser à son annonce. Une sage-femme vertueuse quelle cherche. Adelaïde ne doute donc pas un seul instant des vertus de sa chère patronne qui visiblement laccepte malgré sa réticence du départ. Elle apprend aussi que la Duchesse est bavarde et franche, sachant ce quelle veut. Cest un bon point que la matrone note.
A linvitation de la Duchesse Della, Adelaïde retire son mantel et son chapeau à plumes révélant un chignon retenue par une résille. Elle porte à présent une houppelande sobre dun ton violet. Elle tendit le tout à demoiselle Isandre, son bagage en plus, mais préfère garder sa canne.
Loger, nourrie et blanchie jusquà la naissance de la fille propose la Duchesse. En résumé, elle allait vivre une vie de château pendant son séjour à Seignelay. Cela lui changera beaucoup de sa modeste demeure. Elle parle également de gages. Cela aussi, lui importait, car ses écus rondement gagné lui permettront de terminer ses vieux jours. Adelaïde esquisse un sourire et reprend de sa voix tremblante.
Très bien Madame, cela me convient parfaitement. Et venant dune dame vertueuse tel que vous, j'ai toute confiance en vos paroles. Je resterai aussi longtemps quil vous plaira. Tout au long de mon séjour, rien ne mimportera plus que votre santé et celle de lenfant à naître, et bien sur votre bien-être à tous les deux. Jaurais également besoin de certaines choses pour le grand jour Madame. Puis-je donner une liste à votre demoiselle de compagnie ? Mais nous verrons cela en tant voulu même si cela est dune importance capitale pour que laccouchement se passe dans les meilleures conditions.
Petite pause, petit silence alors que la Duchesse reprend par une sorte dinterrogatoire avec moulte questions que la grand-mère tente de mémoriser pour y répondre en toute sincérité. Elle navait rien à cacher.
Oh jhabite Dijon Madame, mais je suis originaire de Franche-Comté, native de Dole. Et je puis vous assurer Madame, que je nai jamais foulé le sol de quelconque tribunal. Jai toujours mené une vie honnête minspirant des saintes écritures du Livres des Vertus. Education que jai souhaité transmettre à mes enfants et mes petits-enfants. Et bien évidemment, je suis baptisée et pratiquante. Je me rends tous les dimanches à la messe.
Elle ne dira pas quelle a eu du fil à retordre avec ses enfants, moins vertueux quelle au point parfois den attraper des cheveux gris, mais cela elle le gardait bien pour elle, puisque tel nest point les questions de la Duchesse.
A peine eu-t-elle terminer le questionnaire que Della lui propose du vin.
Oui, bien sûr jaime le vin Madame. Mon mari était viticulteur.
A la demande de la Duchesse, la demoiselle de compagnie sexécute à sortir trois hanaps et y verse le liquide pourpre aviné dune carafe en cristal bien fragile.
Le vin de Beaumont vous dites ? Je pense en avoir déjà goûté à une occasion. A mon souvenir, il est excellent, surement meilleur que le vin de table que faisait mon tendre époux.
Isandre lui tendit la coupe bien remplie et la sage-femme lança à la Duchesse, le regard maternel.
A votre fille ! Puisse-t-elle nous rejoindre sans entrave.
Elle trempa ses lèvres dans le breuvage et bu une petit gorgée laissant ses papilles se délecter de larôme du cépage de Beaumont.
Délicieux Madame ! Par contre si je puis me permettre, il ne faut point en abuser, cela est mauvais pour lenfant à naître. Les praticiens vous diront quune coupe de vin suffit largement à une future mère.
Cétait le premier conseil de la matrone auquel elle comptait bien surveiller, pour le bien de lenfant.