Clarinha
-« D'accourd, minha dona. »
C'était tout. Elle voulait que je progresse, j'étudierais. Avec conviction ? Peut-être. Simon m'avait dit qu'il m'écrirait, voire qu'il me rendrait visite. Savoir lire le français d'autrui me serait utile... Et rien n'est plus dur que de lire le français, lorsque l'on parle et écrit une langue à la correspondance grapho-phonémique à peu près parfaite. Le portugais était ainsi aisé à écrire, du moment qu'on a appris à former les lettres, et ainsi savais-je le lire et l'écrire.
Le français, j'y avais renoncé presque dès le début. J'avais appris à peu près à le parler, j'avais appris à l'oral. Saurais-je un jour comment transcrire par écrit ce que je savais à peu près dire à l'oral ?
Si l'on me dictait : "Là, le saint clerc soûl et las de sain vin était ceint de maints lacs de cuir, teints de vert et de sang, payés tard en ville cinq-cent-vingt sous par une lettre de change portant le seing et le scel de la vile Comtesse de Meung, dont la peau de la main est douce comme le vair et celle de son sein clair et sans tare."
J'écrirais, et ce serait le bon sens même : "La, le sin cler sou é la de sin vin étè sin de min la de cuir, tin de ver é de san, pèié tar an vil sin-san-vin sou par une letre de chanje portan le sin é le sel de la vil contès de Min, don la po de la min è douce come le ver é sel de son sin cler é san tar."
J'aurais six "sin", quatre "la", trois "min", trois "san", deux "vil", deux "tar", deux "sel", deux "cler", deux "sou", deux "vin", deux "ver" ... Mais enfin ! Si l'on ne prononce pas une lettre, pourquoi l'écrire ?
Cette tentative était vouée à l'échec, mais j'avais un réel désir de me tromper : bien écrire, n'était-ce pas un passage indispensable, si je voulais devenir respectable, m'embourgeoiser, avoir une famille, gérer une maison ?
J'écoutai d'une oreille distraite la suite des préparatifs. Il semblait que cela ne me concernait plus.
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C'était tout. Elle voulait que je progresse, j'étudierais. Avec conviction ? Peut-être. Simon m'avait dit qu'il m'écrirait, voire qu'il me rendrait visite. Savoir lire le français d'autrui me serait utile... Et rien n'est plus dur que de lire le français, lorsque l'on parle et écrit une langue à la correspondance grapho-phonémique à peu près parfaite. Le portugais était ainsi aisé à écrire, du moment qu'on a appris à former les lettres, et ainsi savais-je le lire et l'écrire.
Le français, j'y avais renoncé presque dès le début. J'avais appris à peu près à le parler, j'avais appris à l'oral. Saurais-je un jour comment transcrire par écrit ce que je savais à peu près dire à l'oral ?
Si l'on me dictait : "Là, le saint clerc soûl et las de sain vin était ceint de maints lacs de cuir, teints de vert et de sang, payés tard en ville cinq-cent-vingt sous par une lettre de change portant le seing et le scel de la vile Comtesse de Meung, dont la peau de la main est douce comme le vair et celle de son sein clair et sans tare."
J'écrirais, et ce serait le bon sens même : "La, le sin cler sou é la de sin vin étè sin de min la de cuir, tin de ver é de san, pèié tar an vil sin-san-vin sou par une letre de chanje portan le sin é le sel de la vil contès de Min, don la po de la min è douce come le ver é sel de son sin cler é san tar."
J'aurais six "sin", quatre "la", trois "min", trois "san", deux "vil", deux "tar", deux "sel", deux "cler", deux "sou", deux "vin", deux "ver" ... Mais enfin ! Si l'on ne prononce pas une lettre, pourquoi l'écrire ?
Cette tentative était vouée à l'échec, mais j'avais un réel désir de me tromper : bien écrire, n'était-ce pas un passage indispensable, si je voulais devenir respectable, m'embourgeoiser, avoir une famille, gérer une maison ?
J'écoutai d'une oreille distraite la suite des préparatifs. Il semblait que cela ne me concernait plus.
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