Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Banshee sans cri... malgré elle.

Chimera
Ce RP fait suite à celui lancé en gargote angevine intitulé "Derrière le mur" concernant le décès de Marie de Kermorial-Montfort.


"Je suis au regret de…. "
Non en fait. Je ne regrette pas. Même si c’est pour la forme.
Cordialité, mais sans pousser.

Des mots tendres et doux à son lointain dug destinés elle doit se détourner, à contre contre contre coeur, pour en adresser d’amers ici, de sincères là, de doux ailleurs encore. Quand on essaie d'échapper à la vie, c'est la mort qui nous rattrape et nous impose des responsabilités qu'on s'échine pourtant à saper partout ou c'est possible.

Combien de plaies Marie lui imposera-t-elle donc ? Même ad patres, elle parvient à s'imposer sur son chemin...
En sus d’entendre encore et encore, pour chaque être estimé, ce maudit chant de sirène qui en avait noyé plus d’un et rendu folle plus d’une Pénélope, voilà qu’elle devait assurer la gestion du funeste convoi par Judas expédié avec un pli aussi touchant qu’aberrant.
Elle. Elle qui avait non pas une, ni deux, mais trois fois pâti de cet excès de liberté que s’autorisait Soazon. Il fallait que Judas s'adresse à elle.

Couteau sous la gorge.
On dit que nul n’est tenu à se plier à quelconque exigence. Dans le cas présent, c’est idiotie, car pour se dérober à ce qu’on attend d’elle, aucune révolte, aucune manifestation, aucune restitution de titre, rien n'apparait efficace ou envisageable.
L’identité de l’auteur de la demande importe également, cruel sans en avoir conscience. Etau de sentiment, d’amertume, de chaleur et d’estime mêlés. Les mots premièrement adressés furent durs. Elle sait pourtant que ce n'est pas bien d'écrire à chaud...
Bonne poire, elle assume la responsabilité par main estimée confiée, pour ne pas dire imposée.


Citation:
A vous, Ascelin, intendant, vassal, ami sûrement.


Elle retient un mesquin : voire même amant.
L’heure ne s’y prête pas.
Il y a toujours une bonne pâte pour retenir les griffes, choisir l’itinéraire Bis qui n’écrasera aucune petite fleur ni velléité quelconque, se détourner de la facilité du prendre et du combat pour laisser le bout de barbaque au plus hargneux. En ce jour donc, et en contexte, Chimera ne sera pas le vautour qui mettra en charpie le corps déjà sans vie. La victoire eût été amère, bien que l’absence de bagarre et la victoire facile ait pu séduire la rousse pacifiste.
Elle n’ira donc pas non plus noyer Ascelin avec les autres marins…


Citation:
    C’est une triste mission que celle qui m’incombe, je vous prierai donc comme en temps de contrariété de ne point considérer le messager.

    L’aube s’est levée rouge et ce jour, un grinçant convoi, fait d’étendards en berne et de mines graves s'est présenté aux portes de Cholet. J’ignore si vous avez été averti, et j’espère que mon pli n’est qu’une dure réminiscence, tout en doutant que cela soit le cas.

    Je dois donc, à regrets, vous dire ceci:
    Votre bien aimée suzeraine a séduit l’Ankou, et s’en est allée sur des chemins que les vivants n’explorent point.
    Plus de jaloux donc, et pour elle la paix éternelle de pouvoir être ce qu’elle est sans subir aucune foudre.

    Si en tant que femme je désire que Cholet ne soit qu’une étape de son dernier voyage, je me dois néanmoins de lui accorder le temps de ce courrier la triste hospitalité que l’Anjou m’a demandée. En tant que membre de la famille de Dénéré, également, je me dois d’étendre cette dernière. Elle a sa place, si vous le désirez, dans le mausolée familial, car en elle coulait ce sang. Vous êtes néanmoins plus à même et plus en légitimité que moi de juger qu’à Cesson ou ailleurs elle aurait préféré reposer. Je vous laisse donc me faire part de sa volonté, ou à défaut de la vôtre ou de celle de sa famille.

    Je missionne le capitaine de ma garde pour veiller à ce qu’elle vous arrive promptement et en toute sûreté, tout en ayant conscience que la mission est un échec avant même d’avoir débuté.

    D'ici à vous lire, je vous assure de toute mon amitié, et reprendrai tout à l'heure la plume pour avertir sa fille. J'ai également rencontré Elizabeth, la soeur de Marie, elle est donc informée des dispositions que je vous énonce par icelle.

Aedem Mensura.
E Cholet, d'ar Sul 28 a viz Here 1460



Elle se relit. Foutue diplomate, tu as quand même glissé des regrets. Plus pour lui, disons...
En cachetant le pli, de la main lasse de celle qui sait qu’elle devra réitérer, mais néanmoins appliquée, la comtesse hèle sa suivante.


- Nolwenn ?
Fais vêtir le corps. On ne peut pas la leur renvoyer comme ça… surtout si Alix-Ann et Elizabeth la voient.


Et alors que la blonde s'en va vaquer sans hâte à son incongru mission, regrettant sûrement la présence experte de Pelotine à Cholet, la main blanche saisit à nouveau la plume... Comme une andouille, elle a commencé par le moins compliqué...
_________________

Comtesse de Cholet - Baronne de Bubry
Chimera
Alors qu’il est l’heure d’aborder la difficulté, et d’adresser à l’enfant qu’elle n’arrive toujours pas à haïr ces mots qu’elle n’aurait pas du avoir à dire, elle songe à celui sans qui Alix-Ann n’aurait pas vu le jour, et s’empresse de s’autoriser ce détour, pour repousser encore l’inévitable épreuve.

Citation:
A Cassius de Montfort
    « Méprise la vie pour en jouir »*

    Elle n’est plus.
    Quelles que furent vos relations ces derniers mois, j’ai pensé que tu voudrais le savoir, pour toi, et pour ta fille.
    C’est un angevin qui m’a renvoyé son corps. J’ai jugé à la manière dont elle m’est parvenue qu’elle est morte comme elle avait vécu.
    Elle aura joui de sa vie, en laissant derrière elle bien des amertumes. J’espère que la tienne est moins vive, et que tu considères à nouveau l’étendue de ce qui pour toi est possible.

    A galon,

Aedem Mensura.
E Cholet, d'ar Sul 28 a viz Here 1460



Ayant trop repoussé l'échéance... elle se décide enfin à l'affronter.

Et puis non... le doit-je vraiment?
Par correction!
Et quelle correction vis à vis de moi? hein?
Dialogue d'âmes...
La plume griffonne quelques essais:
A vous, Alix-Ann
Ma chère enfant,
Chère Alix-Ann,


Et puis, après mille ratures…
Pourquoi pas après tout déléguer elle aussi, et refiler la pénible tâche à autrui ? Sans vouloir se débiner, elle estime que c’est là la chose à faire, tant elle se sent mal placée pour annoncer cela à une enfant qu’elle n’a vu qu’une fois. Elle aurait, à n’en pas douter, eu plus du facilités à l’expliquer au lapin Jean-Baptiste, protégé de l’enfant. C’est donc à celle dont l’enfant est-elle-même la protégée qu’elle va l’expliquer.


Citation:
A Yolanda-Isabel
    Ma chère cousine,

    Parce que vous avez toujours trouvé les mots, que vous parlez son blond langage et parce qu’on me charge aujourd’hui d’expliquer à une enfant qu’elle ne reverra pas sa mère, je m’adresse à vous…

    Je vous prie, humblement et en ayant connaissance que la tâche est plus que délicate, de lui faire savoir que Marie de Kermorial-Montfort n’est plus. Ce ne sont je crois pas des mots qui peuvent être exprimés dans un pli, et surtout pas pour de si jeunes yeux. Je crains, de plus, que mes mots trahissent le peu d’affection que je portais à la disparue…

    J’ai proposé à son vassal, le baron Ascelin, Chancelier de Bretagne, d’accueillir Marie en le mausolée de Cholet. La défunte étant de nostre sang, il convenait de faire cette suggestion. J’ai néanmoins fait escorter la dépouille en le fief de Cesson, dont elle était la suzeraine, afin que ses proches puissent lui faire les adieux qu’ils souhaitent. Ascelin prendra les dispositions qui lui semblent opportunes, et j’espère qu’il vous en fera part. S’il n’en fait rien, je pourrai me faire le relai de la position qui aura été choisie.

    J’écrirai à la petite, quand j’aurai trouvé les mots justes…

    A galon, et merci...

Aedem Mensura.
E Cholet, d'ar Sul 28 a viz Here 1460



- Ifig? Un verre de prune, s'il te plait.
La politanisation de la rousse est en cours, et elle suit son traitement avec application...
Pensant Saint-Pol, elle jette coup d'oeil vers le pigeonnier qu'elle aperçoit par sa fenêtre, dans l'espoir d'assister à la venue providentielle d'un pli de moins triste augure que l'arrivée du matin... Est-il avec elle? Soupire-t-il devant ses soupirs? Elle appuie son coude sur le bois et love son menton dans sa main, assumant la position du guet, a.k.a. la position de la jeune donzelle éplorée attendant un mot, voire même rien qu'une lettre, de la main chérie.


*Jean-Paul Richter
_________________

Comtesse de Cholet - Baronne de Bubry
Ascelin
Le jeune baron n’avait pas revu Chimera depuis un long moment. Il n’avait pas non plus eu le loisir de s’adonner à quelque échange épistolaire que ce soit avec elle. Et aujourd’hui, tout aussi cruel et contradictoire que cela puisse être, il regrettait d’avoir de ses nouvelles. La Maitresse de Cholet n’était certes qu’une messagère contre son gré, il n’en demeurait pas moins que le contenu du pli qu’elle lui avait adressé avait profondément ébranlé le Chancelier.

Il savait bien qu’il était plus jeune qu’elle. Il savait bien que la nature voudrait que ce soit elle qui s’en aille d’abord. Le savoir ne fait malheureusement pas tout. L’Ankou frappe et les bretons vacillent. Il en en était ainsi depuis des siècles et des siècles, il en sera de même encore longtemps.

Profondément frustré de renouer le dialogue avec une personne qu’il appréciait en pareille circonstance, et passablement affaibli psychologiquement par l’irrémédiable situation qu’elle lui avait décrit, le juriste relisait les deux courriers qu’il avait fébrilement écrit.






Citation:
A vous, Chimera de Dénéré Malines,
Comtesse de Cholet,

Vos lignes font résonner jusqu’à mes esgourdes le son strident des roues grinçant sous les secousses du trajet qui a mené le convoi funeste jusqu’à vos portes. Si l’aube s’est levé rouge par chez vous, elle s’est levé trouble sur mes terres. Troublée d’une telle nouvelle, troublée de vous savoir mêler à cela, aussi.

Votre missive n’est point réminiscence et est pour moi annonce officielle de ce que je craignais depuis maintenant de longues semaines. Votre courrier n’est point oiseau de malheur, il n’est que confirmation d’une situation qui dérivait, rarement non accompagné, vers une fin inéluctable.

Il est curieux de voir que, même se préparant à une telle fatalité, la mine est capable de se défaire et le visage de prendre trait de vieillesse et de souffrance alors même qu’il n’est qu’à ses plus jeunes heures. Pardonnez-moi, Votre Grandeur. Je crois qu’il est inopportun et déplacé de faire part à travers ces quelques lignes de la peine et le désarroi que je ressens et qui m’habitent.

Votre proposition est honorable et ne fait que renforcer le profond respect et l’amitié que je vous porte depuis nos premières rencontres à Cholet. Néanmoins, il est certain que vous n’avez point à être le phare qui, dans ce que certain qualifieront de tempête et d’autres de retour au calme plat, avez à guider les âmes tourmentées par une telle nouvelle vers la paix et la sérénité du deuil. Cette responsabilité et ce fardeau ne sont point les votre. Aussi, je vous invite à vous décharger de cette tâche et à faire parvenir jusqu’aux portes de Cesson, le carrosse mortuaire.

J’attendrai donc, face au vent et intempéries automnales, sur le parvis du château de Cucé, avec toute la bienveillance et l’hospitalité qu’il incombe, l’arrivée de votre Capitaine. Je sais que vous aurez à cœur de faire de cet ultime voyage terrestre du la de cujus une réussite. Soyez remerciée, Chimera, malgré le passif qui vous liait à ma suzeraine, d’avoir prit soin du rapatriement de la Marquise.

Soyez assurée de ma gratitude et de mon amitié, et pardonnez le fade de mon verbe.


Ascelin de Mauny.



Citation:
A Sa Majesté Riwan Nathan de Brocéliande, Grand-Duc de Bretagne
De Ascelin de de Mauny, Baron de Noyal-sur-Vilaine,

Votre Majesté,

A l'heure où en tête de liste de vos ordres du jour figure régulièrement le sort de la noblesse bretonne, et particulièrement celui des hauts nobles, je deviens la funeste estafette d'une macabre nouvelle.

L'ankou a de nouveau joué de sa faux sur les terres de Cesson et la santé fragile de ma suzeraine n'y a pas résisté. C'est donc avec un immense chagrin que je vous annonce le décès de la plus bonde de vos vassales. La Marquise Soazon n'est plus.

Etant son unique vassal, j'ai pris l'initiative de m'occuper, avec sa famille, de ses obsèques auxquelles vous serez bien évidemment conviez sous peu.

Avec tout mon respect,

Ascelin de Mauny.


Il ne restait désormais plus qu’à les envoyer et à rédiger celles qui seraient destinées à Gwilherm, Talisesyn, Marrick, Alix Ann et Elisabeth…
_________________
Else
Plus tard. Cucé, chambre mortuaire.

Marie est là.

Allongée dans le lit qui fut le sien des années durant. Semble-t-elle dormir ? Définitivement non. Le fantôme de beauté qui flottait encore autour d’elle, même aux heures les plus sombres de sa maladie, s’est volatilisé ; seule reste la dépouille abandonnée aux derniers outrages du temps. Elle ne parle plus que la langue violente et crue de la matière : le teint de porcelaine glauqué, les joues grises et caves, la dépression légère des paupières, la bouche entrouverte en un rictus d’outre-tombe, ouvert grand sur les entrailles qui pourrissent déjà.

C’est Marie, et ça ne l’est plus.

Il y a des heures qu’Elisabeth a pénétré dans la chambre où l’on a disposé le cadavre. Des heures qu’elle tourne autour de cette Autre, définitivement Autre, plus jamais la Même. Il lui semble sentir dans l’air la faille infranchissable qui s’est creusée entre leurs corps jumeaux. La déchirure est consommée. On lui a ôté la moitié de sa chair, on l’a emmaillotée dans une robe étrangère, on l’a jetée en pâture aux vers et aux corbeaux.

Ce qui est là, c’est un bout de viande froide.


    Je songeois sous l'obscur de la nuict endormie,
    Qu'un sepulchre entre-ouvert s'apparoissoit à moy:
    La Mort gisoit dedans toute palle d'effroy,
    Dessus estoit escrit Le tombeau de Marie.*

Ce n’avait d’abord été qu’une impression. Elle aurait aussi bien pu la rêver – ou nous – qui sait ? Un matin, en tout cas, Elisabeth sut qu’elle ne reverrait jamais Marie.
Le sut-elle ? Ou sa mauvaise tête, encline à penser le meilleur autant qu’à croire le pire, concocta-t-elle seulement un rêve de son cru ? Depuis leurs retrouvailles dans la pénombre viciée d’une chambre de Cucé – la même, bien sûr –, les sœurs Kermorial avaient définitivement rangé toute espérance dans la penderie (au demeurant foisonnante, et étonnamment propre à cet usage) de la plus élégante des deux. Marie mourait. Dont acte.
On ne s’étonnera donc pas que, le lendemain de son départ incongru pour l’Anjou, sa sœur rêvât de myosotis fanés.


    Espovanté du songe en sursault je m'escrie,
    Amour est donc sujet à nostre humaine loy:
    Il a perdu son regne, et le meilleur de soy,
    Puis que par une mort sa puissance est perie.*

Un jour. Un autre. Marie écrit, écrit encore.
Un autre. Marie écrit toujours.
Un quatrième. Elle n’écrit plus.
Lisa retient son souffle. Cesson avec elle, et d’autres peut-être… Mais que lui importe ? Que lui importe la maisonnée en deuil anticipé ? Que lui importe ce cousin dont elle ne sut jamais que faire ? Que lui importe Mauny, dont Marie parlait tant ? Que lui importent, en bloc, tous ceux qui ont peut-être aimé Marie ? La Seule est partie, et ne reviendra plus. L’idée lui vient qu’elle aurait pu la retenir, ou au moins la suivre, ou peut-être lui demander… Mais Elsa ne posa jamais de question. Elle en savait toujours déjà trop. Comment refuser, au seuil de la mort, ce qu’on a toléré toute sa vie ? Elle ne pouvait pas, parce que c’était Marie. Elle ne voulait pas, parce que les hommes sont libres. C’est ainsi qu’elle avait toujours cru et vécu, ainsi seulement que les choses avaient du sens.
Du sens.
Un souci qu’elle n’a plus.
Dans sa poitrine bée un gouffre qui dévore tout. Tendue vers l’horizon, elle attend le dernier messager.


    Je n'avois achevé, qu'au poinct du jour, voicy
    Un passant à ma porte, adeulé de soucy,
    Qui de la triste mort m'annonça la nouvelle.*

Et le messager vint, mais pas tel qu’elle l’attendait, anonyme et insignifiant.
Marie meurt, et la première que l’on songe à prévenir… est aussi la première qui avait à s’en plaindre. Quoique. Ils sont nombreux à prétendre au titre ; mais parmi ceux-là, Kermorial n’en estime qu’une seule.
Bien visé. Voilà les mots qui lui vinrent, lorsqu’elle retrouva la faculté de penser. Une pointe cynique dans la brume. Mais elle la retint du bout des lèvres, car la pensée suivante fut pour Cholet : pourquoi diable l’a-t-on attirée dans cette galère ? Fallait-il vraiment rappeler les turpitudes de Marie, de la pire manière qui soit ? Suggérer, tant qu’à faire, que même de son vivant les sœurs Kermorial n’étaient pas du même monde ? Souiller la morte, blesser les vivants, et au nom de quoi ?
A tout prendre, Elisabeth eût préféré être prévenue par quelqu’un qu’elle détestait. Cassius, tenez ! Ou mieux encore : Deswaard ! La colère protège. Mais que faire quand il n’en reste plus ?


    Pren courage, mon ame, il fault suivre sa fin:
    Je l'entens dans le ciel comme elle nous appelle:
    Mes pieds avec les siens ont fait mesme chemin.*

La route est longue de Rennes à Cesson. Ou peut-être pas. Le temps ne compte plus. Est-ce le jour ? Est-ce la nuit ? La Première est morte, la Dernière, la Seule, et le temps file sans repères sur son dévidoir.
A Cucé, pas un regard pour les visages éplorés.
Pas même pour Gauvain.
Les portes s’ouvrent.
Les marches volent.
La porte grince.
Elle est là.

Et maintenant ?


[Pierre de Ronsard, Sur la mort de Marie (eh si !)]
_________________

(Helen Kazei / Pierre de Ronsard, Je n'ai plus que les os)
Alix Ann, incarné par Else
[Domaine de Château-Gontier en Anjou, chambre d'Alix.]
« La barque de l’amour s’est brisée contre la vie courante. Comme on dit, l’incident est clos... » *

Citation:
Bonsoir,

Peut-être ignorez-vous qui je suis ou l'avez-vous oublié. Je suis Ascelin de Mauny, vassal de Feue votre mère. La Comtesse de Cholet a dû vous en informer mais je préfère aux croyances la certitude d'une lettre écrite respectueusement par mes soins.

Votre mère, Marie de Kermorial, n'est plus. Cette nouvelle nous bouleverse tous et, respectant votre tristesse, je serai bref et précis.

Aussi je vous confirme, ou vous informe, que Chimera de Dénéré Malines et moi-même avons convenu de faire rapatrier le corps de votre mère à Cesson. La suite des évènements n'est pas encore arrêtée. La seule certitude est que je vais lever dans la soirée le deuil sur les terres de Cesson.

Aussi, étant membre de sa famille, je suis ouvert à vos souhaits concernant la suite à donner à ce triste évènement.


Soyez assurée de mon soutien et de ma compassion dans cette douloureuse épreuve que nous partageons.

Restant à votre entière disposition,
Avec tous mes respects,
Ascelin de Mauny.


Cette lettre fut relu des dizaines et des dizaines de fois. Elle se demanda une première fois pourquoi Chimera était comtesse et non Duchesse et ce nom lui évoqua l'épisode de la veille. Chimera, cette dame rousse qu'elle avait rencontré en Bretagne avec Yolanda. Cette femme qui l'avait mise un peu mal à l'aise à ce moment par ces regards curieux qu'elle avait vu chez elle. La Fadette ne veut pas pleurer. Cette mort n'était plus la sienne et elle enragea devant le pli du baron en pensant à ce corps qui voyageait de main en main, en se rappelant l'annonce par Yolanda qui avait choisit opportun de tester son tact en taverne devant toutes ses filles. Elle était prostrée là, au creux des bras de Molières, elle avait bien vu ce regard qu'elle avait laisser peser sur elle qui voulait dire qu'elle ne la regrettait nullement. Ou les yeux mièvres des autres filles qui tachait de se montrer réconfortante. Cette perte n'était pas la leur et elle savait ce que pouvait en penser Anaon ou Yolanda.
Maman est morte, elle l'avait elle aussi laissé sur le carreau de la vie. Elle ne pleure pas, elle se retient très fort, elle ne veut pas pleurer pour elle, pas encore. Tout ses efforts sont placés pour l’empêcher de laisser paraître tout son regret pour une mauvaise mère, une mère qu'on ne devrait pas regretter. Ce chagrin elle s'en privait autant qu'elle le pouvait. Et cet Auditore qui avait tout entendu de l'annonce qui avait essayer de lui apporter du courage. L'homme l'avait prise sur ses genoux sous les bienveillants regards de Yolanda & sa mesnie tandis qu'il commençait son récit. Il lui parla de la perte de sa mère lorsqu'elle mit au monde sa soeur. Et cette soeur, est-elle en vie? Il suppose qu'elle va bien. Le visage bouffi et les canalisations nasales en peine elle écoute sagement. Elle préfère les histoires de fées de Yolanda, mais elle ne le lui dit pas. Elle ressent bien que ce jeune homme fait tout ce qu'il peut pour lui venir en aide. Il lui apprend que sa mère en peine voudrait la voir heureuse. Mais c'est un mauvais percepteur et elle connait mieux ses leçons que lui.

La lettre est relu à voix haute, et elle bute sur les mots, toujours plus choquée à chaque virgule qui se suivait. Une mère arrachée, une fille privée. Ses yeux rougissent et bêtement elle l'est ferme pour ne pas sangloter. Elle ne lui accordera pas ça. Elle lui en veut, elle est partie et tout ce qui lui restait d'elle était un vulgaire mouchoir brodé et une améthyste aux origines adultérines encore méconnues d'Alix. Toute cette histoire ne faisait que provoquer de la peine à son égard. Cette pauvre petite fille que ces parents n'avaient jamais su élevé et que la demoiselle de Molières avait du cueillir pour s'en occuper à leur place. Cette pathétique gamine peut-être effacée de la mémoire de son père et dont le jumeau venait de mourir. Et ce vassal qui venait en remettre une couche, lui annoncer ce qu'elle sait déjà : le dernier trophée de chasse de l'Ankou. Sa mère.
La Kermorial ne sait trop comment réagir devant ce pli. Il y a ce ton concis et pourtant trop formel. Cette évocation d'une douloureuse épreuve qu'elle partageait avec lui. Elle tique une nouvelle fois dessus, parce que ce n'est pas vrai, elle n'a aucune envie de partager cette épreuve. Puis elle reprend du début. Bien sur qu'elle savait qui il était pour l'avoir vu quelques mois plus tôt, à son anoblissement. Pourtant elle n'avait pas grand avis dessus. Une lettre respectueuse qui lui mettait les nerfs en pelote.


-« Laosk ar c'hazh ! Deux amañ ! »

D'un signe de main elle fait signe au chiot au visage plissé qui embêtait le plus tout jeune chaton de s'avancer vers elle. La petite femelle traverse la pièce pour venir jusqu'au lit d'Alix. Toujours affectée par sa jambe cassée qui commençait à se rafistoler et sa maladie elle passait encore relativement de temps clouée sous les épaisses couvertures sur sa couche.

Maman est morte.
Qu'en penser de tout cela? Le bout de ses doigts viennent toucher le pelage de Titania la jeune mâtine napolitaine qui tenait son nom de sa très forte carrure qui elle était surement du à sa race.
Tu vois comme ils m’embêtent tous? Si tu pouvais seulement constater ma peine.


_________________
* L’épitaphe de et par Vladimir Maïakovski, poète russe
** Laisse le chat! Viens ici!

_________________
Else
[Les communs du château de Cucé. L’aube.]

- Elle est sortie.

Silence en face. Les larbins échangent des regards perplexes, presque embarrassés. Aucun n’ose poser la question qui leur brûle les lèvres. Ils n’en ont pas besoin, le valet n’a que trop envie de parler de ce qu’il a vu. Souci : il ne trouve pas les mots.

- Elle est… bizarre.
- Bizarre ? Comment ça, bizarre ?
- Pas de remarque cynique, pas de regard agacé… Elle n’a même pas râlé. Bizarre.

Silence, à nouveau ; mais les zigotos n’osent plus se regarder. Il est encore trop tôt pour apprécier les conséquences de la mort de la Marquise. Attila vient officiellement de quitter le statut de nuisance occasionnelle, pour devenir un outil de mesure. Une girouette. Avec un peu de bol, elle leur indiquera le sens du vent.

- Je vais prévenir Monsieur le Régent. Elle veut le voir. J’crois qu’elle n’a jamais reçu son message.
- J’vous l’avais dit ! Elle est arrivée bien trop tôt. Le messager, il l’a manquée. A tous les coups il l’attend à Rennes, comme un couillon.
- Ouais.
- File donc chercher le Régent, sinon, elle va faire la tête.

Le valet grogna.

- Je crois pas. Pas cette fois.


[Même château, la grande salle]

Raide au bord de son siège, Élisabeth étudie avec attention un ouvrage ouvert sur la table. Ce qu’elle y trouve ne l’arrange pas, à dire vrai : ce n’est rien de plus que ce dont elle se souvenait. Il n’y a pas de réponse à la question qu’elle se pose. Il lui faudrait d’autres écrits, bien moins diffusés, et dont elle ne dispose pas. Ou un clerc, bien sûr… Mais Elsa fait davantage confiance aux gribouillages qu’aux hommes.

C’est un homme, pourtant, qu’elle attend. Mauny. Le fameux. Quelques mois plus tôt, avant de regagner Breizh, elle était presque curieuse de le rencontrer ; aujourd’hui, elle s’en fout. Tellement qu’elle n’a même pas pensé à lui, hier, en arrivant à Cucé. Elle n’ignorait pas, pourtant, qu’il s’y trouvait. Il en est le Régent. C’est sa place. Mais hier, elle n’avait plus que Marie en tête, et le désir inextinguible de la revoir une dernière fois.

D’un geste lent, elle referme le bouquin écorné. Dans le court instant qui lui reste avant l’arrivée du baron, elle est seule face à son vide.

_________________

(Helen Kazei / Pierre de Ronsard, Je n'ai plus que les os)
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)