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[RP ouvert] Un port, du vent, de l'eau

Charlyelle
« La barque que l’on retient au port n’apprend pas à naviguer. Laissons-la donc prendre le large... »
Jean Maër

La brune lui avait claqué la porte au nez au Seigneur Enzo. Chi.asse ! Triple Bordel de chiasse !. Entraînant au passage quelques doigts du portier. Bien fait ! Cela lui apprendrait à celui-ci à la foutre dehors par tout temps quand l'envie lui en prenait.

Puis ce n'était pas sa journée aujourd'hui. Loin de là. Matinée qui avait commencée bizarrement. Un de ces matins où l'on se dit que l'on aurait mieux fait de rester dans la chaleur de ses couvertures.
En arrivant ce matin elle était pourtant de fort belle humeur. Puis il lui avait suffit d'un regard par la fenêtre de la taverne de la Rue de Traverse. Et là. Elle n'y avait rien capté l'Ecossaise. Une haute stature blonde masculine, entraperçue de dos. Et elle avait eu cette impression bizarre d'être prise dans un cyclone infernal. De ceux qui soufflent fort sur sa lande du Nord, en son Ecosse natale. Toute la journée, elle avait eu l'impression de tanguer. Et ce froid dessus qui ne l'avait pas quitté. Déjà que depuis quelques jours ses racines lui manquaient, fallait que ça lui tombe dessus comme ça. Sans prévenir. Un coup de tonnerre n'aurait pas fait mieux pour la déstabiliser complètement.

La jeune femme n'avait pas quitté son plaid d'Ecosse de toute la journée. Et la taverne non plus d'ailleurs. Prenant soin de rester bien au coin du feu. Elle avait passé un agréable moment à discuter avec Isleen, avait adoré rire et blablater avec Mae et puis de nouveau, elle s'était retrouvé seule. Et la porte s'était ouverte. Et là.
Ben là rien. Le néant. L'horreur. La même haute silhouette blonde que celle qu'elle avait entraperçue le matin. Il s'était assis, semblant las, sur un siège et avant même qu'elle n'ait le temps de dire quoi que ce soit BLAM ! Cet abruti de portier qui l'avait poussé sans ménagement aucun vers la porte. Et quand elle avait pu revenir, non sans avoir fichu une beigne au fautif, c'est pour voir que l'inconnu avait pris place sur le siège qu'elle occupait auparavant. Elle n'avait rien dit, lui ayant laissé la place chaude.
Puis le Seigneur était arrivé. Et là. La mauvaise humeur de la Dentelliere s'était accrue. Elle avait signé ce contrat mais il lui avait balancé une drôle de phrase du genre
"Vous n'irez pas vous échapper soigner un autre Seigneur". Bien sûr que non elle n...Elle avait signé hein. Un peu tard pour penser à ce qu'elle venait de faire. Et puis elle n'osait pas le regarder l'homme dans le coin là. Et BLAM ! De nouveau, cet andouille de portier qui la refout dehors.
Cette fois la brune s'en était revenue avec la ferme intention de lui faire une jolie clé de sol dans le dos, en se servant de son bras. Oui. Là où cela fait le plus mal, quand l'on connait bien une clavicule. Mais en revenant elle n'avait rien trouvé de plus à dire au Seigneur qu'il avait fait fuir le grand blond. Une vraie porte de prison avait-elle assené à Enzo qu'il était. Et celui-ci ayant osé lui faire une rétorquée qui lui reste en travers de la gorge, la brune s'en était donc partie s'en faire un tour.

Ses pas l'avaient mené sur la jetée du port. Elle l'avait longée, notant les établissements qui se découpaient dans la pénombre de la nuit qui commençait à tomber. Puis les embruns se sont portés sur les caraques, les mauvais marcheurs, et puis plus loin sur l'horizon. Des nouvelles de sa Gwennie lui était parvenues. Du sang, des coups, des hématomes. M.arde, M.erde, ce n'était pas son jour !
Charlyelle râlait en son fort intérieur. Brune qui peste. Dans sa langue natale. Ne pas penser à son père. Ne surtout pas penser à lui. Et cette silhouette. L'envoyer valser aussi. L'intérieur des chairs est mâchouillée alors qu'elle s'avance plus avant, carrément sur le ponton des pêcheurs. Et qu'elle s'en va s'asseoir tout au bout, laissant pendre ses jambes au-dessus des flots qui grondent sous elle.

Larmes de rage ou simplement le vent du large qui vient la narguer, elle ne sait mais ce qui est certain, c'est qu'il y a comme un goût salin qui vient s'immiscer entre les lèvres de mûres. Et il y avait longtemps. Très longtemps. Qu'elle n'avait pas eu ce goût en bouche...

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Osfrid
    Il était arrivé le barbare. Terminus, tout le monde descend. Et il espérait bien avoir mis assez de distance entre lui et le reste de sa foutue famille. Non pas qu’il ne les aimait pas mais… s’il pouvait les massacrer sans craindre quelques représailles et la justice de ce pays, il l’aurait fait sans attendre. Ses cousines étaient de ces êtres qu’on assassine avec un plaisir sans limites, le sourire aux lèvres au moment où la lame s’enfonçait dans le corps féminin, tant elles excellaient dans la bêtise pour ne pas dire autre chose.

    Osfrid en avait vu depuis son arrivée en Normandie. Il avait été reçu avec réticence, méfiance et même excès de méchanceté. A peine s’était-il fait connaitre qu’on l’avait traité plus bas que terre, le rabaissant, le négligeant. Quoi que, pour faire les sales corvées ou pour protéger l’une d’entre elles, ses cousines s’y étaient entendues. Alors las de jouer les faire valoir sans pour autant avoir une seule miette de reconnaissance ou d’amabilité, il avait pris la tangente. Mais la pire des deux veillait à ne rien lui laisser approcher, chargeant son garde chiourme de mettre une barrière entre lui et la seule personne pour qui il aurait donné sa vie… lui arrachant ses dernières onces de résistance. Alors après Le Mans qui l'avait vu se fracasser contre un mur, après Paris qui l'avait surpris à jouer avec le feu, il s’était résigné à mettre cette foutue distance qui lui permettrait d’oublier qu’il avait une famille dans ce royaume.

    Déjà, il avait arraché, effacé, nettoyé ou même jeté chaque objet ou vêtement qui portait les armoiries de la famille. Le ménage avait commencé et Osfrid s’y entendait pour le faire par le vide généralement. Au feu et avec plaisir ! Puis il avait décidé de ne plus se présenter comme un de Courcy mais par le nom du clan du nord, celui des Rasmussen. Après tout, même son père avait refusé de revenir en Normandie sous le joug de cette cousine qui les ignorait avec maestria, c’était que ça devait se passer ainsi donc il n’aurait rien dit à ce qu’il reprenne ce qui lui revenait de droit.

    Ainsi donc, ce fut avec cet état d’esprit que le barbare arriva en terre languedocienne. Ça ne changeait guère de d’habitude. Osfrid étant un homme assez taciturne depuis le malheur qui s’était abattu sur sa famille et dans son regard, on pouvait y lire une certaine note désabusée qui l’emportait bien loin de la vie de tous les jours, l’enfermant dans un mutisme souvent déplaisant pour les autres. Mais il s’en moquait le danois, les autres ne pouvaient pas comprendre et ne comprendraient jamais ainsi il en avait décidé.

    Posant pied à terre, Osfrid avait confié Grani à l’écurie d’une auberge avant d’y entrer, sacoche de voyage sur l’épaule. Heureusement il lui restait quelques écus au fond de l’escarcelle qu’il portait à la ceinture et il en confia quelques-unes pour l’entretien de son cheval, lui pouvait se priver d’un repas sans aucun problème puis il avait pris une chambre pour la nuit. Après il jugerait s’il s’arrêtait ici ou bien… Le vol dont il avait été victime en pleine nuit par un couple entre Millau et Lodève l’avait peut-être laissé sur la paille mais il s’en sortirait comme à chaque fois.

    Quelques heures plus tard, Osfrid avait fait le tour du village, fait connaissance avec quelques irréductibles autochtones et s’en était allé, blasé par l’attitude des gens, en direction du port. Même si la mer ici n’était guère agitée, elle offrait au regard du danois une immensité bleue dont il avait besoin pour se ressourcer. Il trouva un rocher pour y poser son séant tandis que son regard sondait déjà l’horizon à la recherche de ce passé qui lui faisait tout autant défaut qu’il le martyrisait. Un soupir plus tard, Osfrid fermait les yeux afin de trouver l’apaisement dont il aurait besoin. Sa vie n’était plus grand-chose, son humeur s’en ressentait mais il lui fallait continuer, regarder là-bas encore afin de trouver la force de relever le défi qui s’imposait à lui, une nouvelle fois !

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Charlyelle
Et si j'étais la seule au monde, à me sentir aussi seule au monde
Qu'il y en ait au moins une seconde, une autre âme solitaire et perdue sur la terre.


***
La jeune femme s'efforça de dissiper ses regrets. De toute manière elle n'avait pas connu sa mère, quand à son père, il ne lui semblait être pour elle qu'un étranger. Pour qui elle éprouvait une haine quasi-insoutenable. A quoi bon remuer tout cela. Elle ne voulait plus y penser. Son seul désir à elle, était d'avancer, libre, de regarder devant elle, et de se consacrer à son existence. La sienne à elle. Mais ce père qui s'était rappellé à son bon souvenir au bout de vingt-trois années de silence sous haute surveillance dont elle n'avait aucune notion en avait lui décidé autrement. Un mariage arrangé par son père alors qu'elle n'avait jamais rencontré cet espèce de sauvage auquel il voulait l'allier. JAMAIS l'avait-elle prévenu. Et elle était sérieuse l'Ecossaise. Des mois et des mois qu'elle lui filait comme une anguille au travers des mains au paternel. Et encore aujourd'hui, elle était bien décidé à continuer d'échapper à cette traque infernale. Il faudrait qu'il l'assomme et qu'il la fasse rentrer de force pour qu'elle accepte. Et encore, sans doute essaierait-elle de s'enfuir encore. Mais JAMAIS elle ne se plierait. Le devoir d'obéissance. Il n'avait que ce mot là en bouche. Et M.erde. Son devoir à lui d'assumer sa fille dès la naissance et non pas vingt-trois années plus tard, qu'en faisait-il ? Les soupçons de rebellion qui l'étreignaient lorsque le Vladimissime tentait de lui imposer sa volonté devenaient de plus en plus virulents chez la brune qui ces derniers temps ne lisaient même plus les missives que son princier de père lui envoyait. Elle n'en voulait pas de ses fichues terres perdues là-bas dans les Balkans. Dans quelle langue devait-elle le lui faire comprendre. Elle voulait seulement vivre libre. Avoir le droit d'aimer qui elle veut sans qu'on ne vienne lui imposer qui que ce soit. Encore faudrait-il qu'elle en soit capable ce qui après ce qu'elle a vécu semble bien mal parti. Ilug avait beau lui répéter que son père était dans son droit quand il décidait pour elle de ce qu'il voulait, qu'elle ne voulait rien en entendre. Son père ne voyait que par son élevage de destriers, ses canons, ses navires, le poids des charges qu'il devait assumer pour régenter ses terres. Et maintenant le Vladimissime voulait un héritier. Un petit-fils qui continue ce que lui avait entrepris. Il dédaignait les emportements de Charlyelle et ses multiples tentatives de conciliation. C'était comme ça et pas autrement ainsi en avait-il décidé. Et Charlyelle n'ouvrait plus ses missives, s'empressait de tordre avec un empressement cruel les cous des volatiles qu'il lui envoyait.
C'est ainsi que la jeune femme ignorait que sa grand-mère maternelle était en passe de prendre la mer pour rejoindre Montpellier. Enfin viendrait-elle quand la guerre qui faisait rage actuellement dans les îles du Nord lui laisserait la latitude de le faire. Elle aurait su aussi que dans les cales du navire, son père y avait fait monter la monture que la jeune femme lui avait réclamé il y a peu. Dernière provocation en date de celle-ci et pourtant elle ignorait que le paternel avait fait préparer l'une de ses juments andalouses. Il n'avait lui, aucune idée que la brune ne l'avait pas demandé pour elle, mais pour en faire présent à quelqu'un.

Elle avait l'impression de se trouver sous une cascade grondante, une cataracte qui l'enveloppait toute entière de son vacarme, l'assommait de sa force rugissante et la clouait sur place. L'air salé par les embruns de la mer, toute proche sembla lui redonner corps et revenant le long de la grève des pêcheurs, elle s'en continue d'avancer. L'esprit toujours torturé. Ce n'est que lorsqu'elle s'avisa que le sol durci s'était changé en sable qu'elle vit que le chemin se divisait en deux. D'un côté il descendait vers la mer, et de l'autre il longeait la côte. N'ayant envie que de solitude, c'est vers la côte qu'elle dirige ses pas, montant vers un plateau bordé par les falaises. S'émerveillant comme toujours devant la frange d'écume laissée par les vagues, c'est une longue goulée d'air iodée qu'elle inspire.

Et elle se fige. La haute silhouette blonde est là. Assise sur un rocher. Il se trouvait dans l'ombre pourtant, elle le reconnait. Et comme la veille au matin, cette étonnante sensation qui la submerge et qui pénètre en elle par tous les pores de sa peau pour l'atteindre au plus profond de son être. Telle cette bourrasque de grand vent, qui s'infiltre jusqu'à son coeur, jusqu'à son âme, ces endroits dérobés que rien n'avaient pu toucher depuis plus de deux années. Puis l'impression s'évanouit de manière tout aussi soudaine. Et seul ce froid subsiste.

"- Vous allez attrapper froid, vous feriez mieux de venir vous mettre au chaud."

La voix rauque aux doux accent écossais se fait entendre dans l'écho du vent marin. En même temps, elle lui sort la première phrase imbécile qui lui vient à l'esprit. Totalement anodin, sans consistance aucune. Mais c'est tellement neutre aussi.

Elle reste debout, non loin de lui, aspirant avec délice les embruns, les siens posés sur la silhouette. En équilibre. Prête à s'en continuer sa promenade pour ne pas plus déranger. C'est à peine si elle remarque que sa dague n' a pas bougé de son fourreau et que la dextre n'est pas en alerte.

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Osfrid
    Passant en revue ce qui pouvait l’être encore, son esprit sondait les moindres méandres qui se présentaient à lui afin de faire le tour de la situation. Il était devant un mur, arrivé au bout d’un chemin et il lui faudrait décider quoi faire maintenant. Une des solutions consistait à rentrer chez lui au Danemark mais tant qu’il aurait cette dette au-dessus de la tête il ne prendrait pas le risque de retourner dans son pays. Sa mère n’avait pas à connaitre cette déchéance qui avait entrainé son fils bien loin vers le fond du tout et du rien.

    Il en était là de ses réflexions lorsqu’une voix vint s’immiscer dans le creux de son oreille. Une voix aux accents étrangers qui lui fit soulever ses paupières afin de regarder son interlocutrice. Arquant un sourcil, il reconnut la femme qu’il avait croisée plus tôt dans la taverne du village. L’avait-elle suivi ou bien était-ce le fruit du hasard qu’elle se retrouvait sur ce bord de mer ? La question paraissait bien stupide et Osfrid la chassa à grands coups de pieds. Certes il était l’étranger, l’intrus dans ce village mais quand même… Par contre, le conseil qu’elle lui donna failli le faire éclater de rire. Prendre froid, lui un homme du Nord. La pauvre fille si elle savait… relevant ses azurs vers son visage, le danois se redressa de toute sa haute stature.

    - Occupez-vous donc de vos affaires…. Si j’ai besoin d’un médecin ou d’une nourrice, je saurais le faire savoir !

    Voilà toute l’amabilité d’un Osfrid fatigué, usé, complètement désabusé sur les gens et le monde. Il n’avait pas besoin qu’on s’occupe de lui et encore moins de la part d’une inconnue. Si elle avait l’âme en manque, qu’elle se trouve un malade ou bien un rejeton à choyer mais certainement pas lui. Détournant le visage, il se mit à contempler devant lui l’étendue marine qui s’offrait à son regard. Le vent léger souleva quelques mèches de sa chevelure qui commençait à descendre dans son cou, lui faisant profiter d’une caresse tout en douceur.

    Inspirant profondément, Osfrid se fermait inexorablement à ce qui l’entourait. Il n’avait pas son pareil pour faire fuir les gens ou les virer de son entourage lorsqu’il les trouvait trop importun et c’était ce qu’il se passait à cet instant. Il était venu là pour réfléchir à ce qu’il allait faire dans les prochaines semaines. Le brigandage dont il avait été victime l’avait laissé sans le sou et son moral n’était pas au beau fixe. Il allait devoir trimer pour épurer cette dette qui était la sienne sans compter qu’à part mettre son épée au service des autres, il était loin de savoir vraiment faire autre chose. Ah son grand-père lui avait appris à se défendre et à défendre les siens mais qu’en était-il du reste ?

    Osfrid en venait à penser à devenir pourquoi pas lui-même brigand. Après tout, ça pouvait rapporter vite et gros surtout. Mais cette idée lui fut intolérable… pour le moment. Il avait toujours défendu la veuve et l’orphelin, était devenu garde du corps par habitude et puis c’était pour lui un moyen de provoquer la grande faucheuse sur son terrain. Si les dieux entendaient ses prières, lui accorderaient-ils peut-être enfin le repos qu’il souhaitait… Enfin ça c’était encore à voir parce qu’ils ne semblaient pas vraiment pressés de le satisfaire de ce côté-là alors le danois osait. Il osait et provoquait les situations, se mettant en danger tout en défendant celle ou celui qu’il accompagnait. Il aurait donné sa vie pour cette personne du moment qu’il obtenait ce qu’il désirait. Un nouveau coup de vent le fit frissonner légèrement alors, remontant le col de sa cape dont la fourrure de loup vint immédiatement se faufiler dans son cou, Osfrid se sentit immédiatement apaisé. C’était un petit bout de chez lui qu’il portait sur le dos et rien que cela, ça lui offrait un instant de répit dans son quotidien.

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Charlyelle
Ils s'affrontèrent du regard durant quelques secondes qui lui parurent à elle, interminable. Et tandis qu'elle se perdait dans ce bleu azuré qui virait à l'indigo, elle s'en reprenait, implacable, ses esprits. Et un froid aussi cinglant que le vent du Nord déchainé avait pris possession d'elle.

Et bien en voila un dont l'humeur semblait au diapason avec la sienne. Il l'ignorait bien évidemment. Mais elle eut le temps d'observer la fulgurante lueur amusée qui passa un bref instant dans les azurs les plus purs qu'elle ait jamais vu. Ses gris houleux balayèrent sans honte sa haute stature lorsqu'il se redressa, s'arrêtant sur les larges épaules, puis sur le torse musclé. Elle devait être campée à plus de trois pas de lui toujours en équilibre. Puis elle cligne des paupières tout en détournant pudiquement le visage. Deux heures encore de bonne lumière et elle comptait en profiter.

Aussi ignorant la mauvaise humeur de l'inconnu, elle se laisse glisser au sol sur l'un des rochers. Ravalant le fiel qui lui montait à la gorge face aux paroles acerbes distillées. Slainte màth ! Cet homme ne souriait-il donc jamais ? C'était fort dommage pour quelqu'un doté d'un aussi ...Et de regarder fixement la ligne de l'horizon, en se disant qu'il avait peut-être perdu l'habitude de sourire. Quoi qu'il en soit elle était certaine tôt ou tard, d'arriver à le dérider. Les gens finissaient toujours par lui sourire, à un moment ou à un autre. Tout du moins lorsqu'elle se mettait en oeuvre de le vouloir ce qui était déjà étrange en soit qu'elle s'interesse au sourire de cet homme là.

"- Ne ridez pas votre front de la sorte ! Si une cloche sonnait à cet instant vous resteriez dans cet état. Ne pourriez-vous pas tenter un petit sourire à la place ? Vous avez la mine d'une haquenée qui ne goûte point le mors qu'on lui a mis dans la bouche !"

Puis ne s'occupant pas plus de lui, elle s'en sort de son manchon un petit livre. Elle chérissait cet ouvrage relié de cuir bleu, car c'était l'un des seuls objets qui lui venait de sa mère. Chaque fois qu'elle contemplait les riches miniatures représentant les personnages, et les guirlandes de myosotis et de giroflées qui cernaient si joliment le texte, son esprit s'envolait vers le souvenir lumineux de son enfance. Ce fameux Camp du Drap d'Or où Ilug l'avait mené pour ses onze ans. Elle y avait élu son propre héros: un chevalier magnifique monté sur un immense destrier gris à qui elle avait tendu le petit voile arraché à sa coiffe de l'époque. Malheureusement, le fier combattant n'avait jamais vu son petit étendard de soie bleu qu'elle secouait dans la brise. Et celui-ci reposait depuis à l'intérieur des pages de ce recueil. Les souvenirs en amenant des moins agréables dans un futur plus ou moins proches, elle ferme brusquement le petit livre, reportant son regard sur l'inconnu rencontré un peu plus tôt en taverne.

"- Ma foi, si vous continuez à allonger votre figure de la sorte, votre menton va bientôt racler la terre. Pourquoi faire si grise mine devant un paysage aussi radieux ? Un sourire ne fait pas de bruit pourtant. Si la Mère n'avait pas voulu nous voir rire ou sourire, pourquoi aurait-elle rendu ces choses là si plaisantes ?"

Elle s'ébroue doucement, comme pour chasser les funestes pensées qui l'assaillent alors. Il lui semblait que les doigts glacés des hivers de ses landes écossaises s'étaient refermés sur son coeur. Et elle s'en reste immobile et muette, les embruns houleux perdus vers le grand large.
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Osfrid
    Il lui sembla pourtant bien parler la même langue qu’elle et non la natale, celle qu’il utilisait que lorsqu’il était en colère ou de retour sur ses terres. Alors jurant cette fois-ci en danois, Osfrid serra les mâchoires. La brune avait eu la prétention de s’installer non loin de lui alors qu’il ne désirait qu’une chose, être seul.

    Penser à ses morts en toute quiétude était-ce trop demandé ? Il fallait croire que oui puisque même lorsqu’il rembarrait les gens, ces derniers s’incrustaient à ses côtés. Soupirant plus violemment que d’ordinaire, Osfrid détourna le visage pour plonger ses azurs sur l’horizon en marmonnant. Il allait devoir faire contre mauvaise fortune bon cœur et accepter que son espace vital soit envahi par cette inconnue dont il s’en foutait comme de sa première chemise. Fermant à nouveau les yeux afin de prier les anciens dieux, voilà que la voix venait s’immiscer dans le creux de ses oreilles. Ses paupières furent promptes à se soulever, les mâchoires serrées, le visage austère, Osfrid se tourna face à l’impudente.


    - Je vous en pose des questions ? Je me mêle de votre vie ? Je vous fais la leçon ou bien j’attends quelque chose de vous ? A toutes ces questions je réponds par non, non et encore NON ! Vous comprenez ce que je dis là ? Vous êtes sourde mais pas muette apparemment….

    Et vas-y que je te soupire encore un peu plus fort pour montrer mon mécontentement. Osfrid avait déjà ses doigts qui tapotaient sur sa cuisse avec la sérieuse envie de l’embrocher la brune. Il déplia sa carcasse, fit craquer sa nuque avant de replacer sa cape correctement sur ses épaules. Fourbu par le long chemin qu’il avait fait, il se savait moins patient qu’à l’ordinaire même si, il fallait bien l’avouer, sa patience n’était guère légendaire. Regardant de toute sa hauteur cette femme qui venait se coller à lui alors que les lieux étaient plutôt désertiques et qu’elle avait toute la place qu’elle voulait, ses pupilles s’assombrirent signe évident que la tempête n’allait pas tarder à se manifester. Serrant machinalement son poing pour gérer sa colère, il reprit pourtant.

    - Seriez-vous de celles qui n’ont reçu aucune éducation ? Ainsi je plains votre famille qui doit être bien honteuse de votre attitude… Vous avez toute la place qu’il vous faut mais faut que vous veniez là où je suis même si je n’ai guère envie de vous parler ? Quant à mon sourire, vous pouvez vous le coller où je pense, ça vous fera peut-être de l’effet ! Je suis encore maitre de mes désirs et surtout de mes besoins et sourire n’en fait pas partie alors foutez-moi la paix avant que je m’énerve franchement, ce qui risque de vous faire passer un mauvais moment…

    Sur ce, Osfrid tourna les talons pour se pousser plus loin. Il pensait qu’en venant dans ce coin du royaume il aurait trouvé une ville agréable où l’Etranger qu’il était ne serait pas pris d’assaut par des dulcinées en manque de conversation. Il avait idéalisé la ville aux petites heures du jour certainement et maintenant il s’en mordait les doigts. S’il n’était pas sur la paille, il serait reparti immédiatement mais il lui fallait se refaire une santé avant d’envisager un nouveau départ.

    Remontant un peu plus loin sur le chemin qui serpentait le bord de mer, il trouva un nouveau rocher où il put à nouveau se laisser aller à penser… Penser à son père, son fils et sa femme, ses êtres qui lui étaient chers mais trop vite arrachés à sa vie, ses êtres qui le rendaient humains et qui depuis, l'avaient laissé sans vie, mort depuis bien longtemps de l’intérieur.



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Charlyelle
Elle a le don. Pour pointer du doigt ce qui fait mal. Pour poser des mots là ou les maux font mal. Pour dévier le cours des choses sur les autres afin de ne laisser transparaitre aucune de ses faiblesses à elle. Et donc, elle a le don pour pousser les gens dans leurs derniers retranchements ou les énerver. Et du coin d'une perle grisée, elle le voit tenter de réfréner la colère qui monte très certainement en lui. Des gestes le trahissent. Comme ces doigts qui tapotent une cuisse musclée. Comme ces yeux à faire se damner le diable lui-même qui s'assombrissent de manière dangereuse. Comme cette nuque dont il fait craquer les vertèbres. Yep. Il semblerait qu'il le soit furieux.

Et la brune, dans sa bulle à elle, l'observe en silence s'agiter. Plus elle le regarde, et plus elle s'emplit d'une froideur qui se répand dans les moindres interstices de son corps et de son âme. Jusque dans les frondaisons de tout son être. Et puis c'est le choc. Parce qu'il lui a suffit de quelques mots pour venir la détruire un peu plus qu'elle ne l'est déjà. Elle croyait pourtant avoir touché le fond, faut croire que non, on peut tomber encore plus bas dans les abysses éternelles.
La dextre tremble et empoigne le pommeau de la dague qui semble dormir dans le creux de son fourreau. La main blanchit dessus, les jointures frémissent. La Dentelliere bouillonne en elle. L'envie de le faire taire en lui infligeant pareille souffrance qu'il lui administre en cet instant même. De quel droit vient-il lui parler de sa famille. Est-ce qu'elle lui en parle elle de la sienne ! Tout ça pour un sourire. Oui elle va se le carrer où elle pense son sourire. Cet espèce de géant blond au timbre de voix guttural dont elle reconnait étrangement quelques similitudes avec ses accents du Nord.

Sans doute a t'elle pâli. Peut-être est-elle traversée de frissons dont elle n'a pas conscience. Et les éléments grondent en elle. Déversant ces flots qu'elle s'efforce de contenir pourtant depuis un long temps. Que sait-il de son enfance cet inconnu pour oser venir persifler sur la manière dont elle a pu être élevée. Pas un son ne sort des ourlées de mûres et les mâchoires se crispent jusqu'à en ressentir une vive douleur.

Taisez-vous donc ignorant ! Ma mère est morte Couillon ! Mon père m'a rejetée parce qu'il l'idolâtrait et n'a pas supporté sa perte. Ce père qui aurait pu devenir mon centre du monde à moi m'a ignorée pendant plus de vingt ans, pour chérir le souvenir d'une morte. D'un fantôme. Au détriment de ceux qui restent. Et je porte depuis l'enfance le deuil d'une morte et d'un vivant qui aime à se complaire dans les limbes. Un vivant devenu monstre inhumain. Comment oses-tu toi qui ne connais rien de moi venir te porter en moralisateur. Et plaindre l'engeance qui m'a conçue ! Et oui je porte la honte sur moi. Celle de n'être pas mâle. Celle de tellement ressembler à ma mère que mon propre père n'a jamais supporté ma présence à ses côtés et a préféré laisser à l'abandon un bébé de quelques mois. Sa propre chair. Son propre sang. Et aujourd'hui il se réclame un droit qu'elle ne lui accordera jamais. Elle en crève à petit feu.

Le sanglot, elle le sent lui tordre les tripes et dévaster son ventre pour monter lentement en gorge. Mais il ne franchira pas les lèvres. La lueur de souffrance qui travers les écumes houleuses ne sera qu'imperceptible. Ilug lui a appris comment canaliser ses émotions. En fait non. Lui il lui a appris à les exprimer, mais sa caboche à elle, a surtout tiré de cet apprentissage l'art et la manière de se réfugier dans les méandres insaisissables de son moi. Ce lieu dont elle ne laisse quiconque approcher.

Seule la plainte violente du vent répond en écho au sanglot étouffé. D'un mouvement de rage, elle envoit voltiger le recueil qu'elle tenait en main. Celui-ci va s'écraser en contrebas, sur la falaise qui surplombe les flots.

Maudite sois-tu d'être morte et d'y avoir entraîné mon père avec toi. L'avoir enterré vivant !!

Et déjà, le geste est regretté, alors que l'Ecossaise s'agenouille, prenant appui sur ses deux mains au sol et scrute la falaise en contrebas, apercevant le bleu de ce livre qui ne l'a jamais quitté et les pages qui s'effilochent au vent.
Les perlées quant à elle, sont déjà en alerte, à évaluer la distance à effectuer entre la descente de la roche et le précieux à aller récupérer.

Comment un inconnu a t'il ainsi réussi à lui faire perdre le contrôle d'elle-même.

Et d'un geste vif, elle regroupe ses jupons, arrachant la pince de ses cheveux afin de discipliner les tissus pour qu'ils n'entravent pas ses gestes. Et la Kallipare, dans un grognement rageur, se laisse glisser le long de la paroi afin d'aller récupérer le trésor maternel.

Nullement apeurée par la descente. Le vertige, pour sa part, elle ne connait pas, ayant passé son enfance au milieu des falaises abruptes qu'elle a appris à maîtriser et à dompter.

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