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[RP] Ce ne sont que des mots...

Anaon
    Et pourtant ils sont tout. Un mot nous fait sourire. Un mot nous fait pleurer. Ils nous libèrent, nous emprisonnent, sont notre malheur ou notre bonheur. C'est par un mot qu'on dit je t'aime, c'est par un mot qu'on se déteste. Il est des choses qui ne se racontent pas par le corps. Il est des choses que l'on prononcent ou que l'on couchent sur un vélin.

    Et ce soir, c'est de mot qu'il va falloir user.

    La porte se referme dans un son feutré. Yolanda dort à poing fermé. Le regard de la mercenaire se perd dans la pénombre du couloir qui frémit au rythme de quelques torchères. Seul leurs doux chuintements emplissent le silence qui règne dans le domaine. Château-Gontier s'est paré de ses habits de deuil. Cela fait près de deux lunes que rien ne va plus. Ce ne sont plus les racontars qui filent dans les couloirs, ce ne sont plus que des amas de mauvaises nouvelles qui s'accumulent. C'est l'automne, Château-Gontier ne sourit plus. C'est bientôt l'hiver, tout ce meurt. Et la dernière en date n'est qu'autre que la mère de la petite Kermorial.

    La main pousse en silence la porte de la chambre des deux Alix. L'œil s'accommode de l'obscurité. Une forme dans un lit. Une seconde absente. Les sourcils se froncent. La porte se referme et l'Anaon s'éloigne.

    Marie de Kermorial. Croisée une pauvre fois, connue uniquement par les lettres ou la bouche des autres. Des bouches qui ne se sont jamais montré bien élogieuses. Une femme qu'elle avait pourtant choisi de mépriser pour de multiples raisons. Elle avait possédé le même homme qu'elle, certes, mais cela n'était pas un argument suffisant pour l'Anaon. Elle accordait surtout bien plus à ses amants qu'à ces propres enfants. Oui, c'est depuis ces jours en Anjou, où l'Anaon avait passé son temps à rester avec la petite Buse qu'elle avait décidé de mépriser cette mère absente.

    Les pas dévalent les escaliers. La salle de réception. La balafrée se fige. Une porte échappe plus loin un halo chatoyant. La mercenaire se rapproche. Dans la pièce qui se découvre, la grande cheminée crache une chaleur qui l'enveloppe avec volupté dès son entrée. Un frisson la cueille délicieusement. Devant les flammes et leur lueur rougeoyante, une petit silhouette est assise sur une fourrure brune.

    La femme soupir. Les langues de feu accrochent dans leurs lumières les contours du visage qui se voit à peine sous l'amas de chevelure qui encadre la mine angélique. Un petit nez baissé. Une bouche boudeuse. Ces grand yeux bleus qu'elle imagine. Tristes.

    Le chaperon s'avance calmement, se glissant derrière la petite silhouette. Elle s'accroupit avec précaution et une main se pose tendrement sur la tête blonde. La voix se fait Velours.

    _Penaos 'mañ ar bed ganeoc'h, Alix?
    Comment allez-vous, Alix?

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III -Anaon dit Anaonne[Clik]
Alix_ann
Une grosse édit plus tard...

    « Mourir en cette vie n'est pas nouveau,
    Mais vivre, bien sûr n'y est pas plus nouveau. »*


-« Humrpf. »

Elle ronfle doucement en proie à ses rêves. La petite fée s'était laisse aller au profit d'une bonne nuit de sommeil, qui se serait douter en voyant cette enfant paisiblement endormit que ces deux derniers jours furent si pénibles pour elle. Avant hier elle apprenait par Yolanda que Chimera (qui avait reçue Marie de la part de Judas) lui avait envoyé un funeste billet. Ce n'est pas comme si ça l'étonnait, mais tout de même. Mais tenue bien à l'écart de tout ça, la petite buze était tombée dans un monde onirique bien mieux. Tout redevenait rose lors de ces courtes nuits. Et peu à peu on aurait pu penser qu'elle récupérait.
Maman est morte. Ça l'agite.

Il en faut peu pour mettre un mal cette petite existence qu'elle occupait. Maman avait trépassée et en vérité elle ne savait pas quoi en penser.
La Fadette se retourne une nouvelle fois et puis elle abandonne. La Fadette rehausse les couvertures sur elle tandis qu'elle se redresse. Un coup d'oeil vers l'autre Alix, la brune, la Louve dormait à point.

La silhouette courte sur patte délaisse la couche Alixienne. Alix boite un peu, elle a toujours quelques séquelles de sa jambe cassée. Elle aperçoit dans la pénombre le petit secrétaire où elle conservait par habitude toutes ses lettres. Cette habitude que si petite elle avait observé chez sa mère et dont elle avait pu en jouer à ses dépends. L'enfant contemple les ombres, de la chambre, elle vérifie par un bref regard que la Louve dormait toujours aussi paisiblement que tout à l'heure.
Le lit est esquivé jusqu'au secrétaire. Une lettre est attrapée à la voilée.
Elle s'enfuit à petits pas, tous aussi discret les uns que les autres. La petite Buze se laisse aller dans le domaine, elle ne trouve guère d'endroit apte à accueillir ce flot d'émotion nocturne. Elle est bien folle, cette gamine qui erre à une heure pareille dans le château. Très vite il lui paru évident que sans but son escapade tournerait court et qu'elle ne pourrait en acquérir tous les possibles bénéfices. Ce vider oui, se vider de cette sensibilité exacerbée par les deuils. Sa mère ne vit plus et un rien l'accable.

La Montfort se perdait dans les idées brumeuses. Même pas deux jours qu'on lui avait que la demoiselle de Molières l'avait avec moult hésitation assisse sur ses genoux pour lui faire part de la lettre de Chimera. Tout ces regards pressants sur elle, la pauvre enfant qui avait perdu son frère jumeau et sa mère en si peu de temps. Tant de malheur en si peu de temps, si un si petit être. Alix craignait autant d'inspirer autant de pitié que de laisser montrer à Ann ou Yolanda tout son regret pour cette mauvaise mère.
Mauvaise, c'était un si grand mot pour elle. N'était-ce pas celle qui lui avait donner la vie après tout? Ne lui devait-elle pas tout ce respect? Aucune raison alors à culpabiliser des petits pleurs par-ci par-là. Et pourtant...

Et la voilà maintenant la jeune enfant, planquée devant l’âtre où le feu pétillait. Les genoux sont ramenés contre sa poitrine, enfermés entre ses bras. Sa tête y trouve un refuge certain, elle ferme les yeux et il ne reste plus que cette masse de cheveux.
Sur sa joue un souffle. Ses yeux se plissent et elle se retourne. Le bout de son museau point à la place de cette épaisseur platine. Alix cligne des yeux, elle émerge du brouillard. C'est tout naturellement qu'elle croise le visage balafrée d'Anaon.


Mat eo ar jeu. »

Sa voix se fait à peine entendre, il ne faudrait pas déranger la nuit. Il ne lui en faut pas plus pour s’interroger sur la présence d'Anaon ici. Alix se redresse, elle ne sourit pas vraiment de voir la mercenaire alors alors qu'elle se laisser aller au milieu de ce grand salon celui qui est à côté de la salle de réception au rez de chaussée.
Elle en revient à Anaon. L'esprit se remettant en place.


-« Et toi? Que fais-tu là? Il y a un problème? ... »

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* Des derniers vers du dernier poème de Sergueï Essénine qu'il écrit avec son sang avant son sucide mais cette thèse ne peux cependant etre certaine puisqu'il avait l'habitude d'écrire avec son sang... il se pourrait très bien qu'il se soit fait assassiner juste après!
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« L'homme n'amène pas son propre malheur, et si nous souffrons, c'est par la volonté de Dieu, bien que je n'arrive pas à comprendre pourquoi il se croit obligé de tellement en remettre. »
- Woody Allen
Anaon
    La main se relève légèrement quand la mine blonde se dévoile enfin pour lui offrir l'éclat de ses grands yeux bleus. La petite voix éclot dans le silence et les sourcils de la mercenaire se froncent imperceptiblement. Les azurites se font soucieuses alors qu'elles passent d'une prunelle à une autre en pesant et sondant consciencieusement les paroles de la petite. Ah...Le feu redore si joliment cette petite perle de grâce.

    _ Je suis allé à votre chambre, pour voir si vous y dormiez bien, mais je ne vous y ai pas trouvé. Je me suis inquiétée.

    Une courbe tendre et rassurante s'étire sur les lèvres de l'aînée alors que deux doigts se glissent dans l'épaisse chevelure.

    _ Vous n'arrivez pas à trouver le sommeil?

    La mercenaire se montre des plus attentives. Alix ne semble pas triste. Perdue tout au plus, mais elle semble ne pas réagir. L'innocence la préserve encore de ce qui la rongera demain. La mort. Un concept encore un peu flou, sans doute, pour un esprit si jeune, mais qui l'a pourtant déjà bien trop côtoyé. La mort n'épargne personne. Qu'importe l'âge et la candeur, elle frappe à chaque portes pour nous ravir un bout de cœur. Mais une mère, pourtant, çà ne devrait pas mourir.

    Une brindille craque plus fort qu'une autre. Ce qu'elle craint Anaon c'est le contre-coup qui fauchera la petite. Quand elle comprendra, quand elle ressentira réellement cette perte. Comme une illusion qui se brise, le cerveau qui se prend le coup de masse qu'il a si farouchement refuser de sentir. La brutalité du deuil.

    Non, il est des pertes qui ne se comble jamais, des sépulcres qui demeurent toujours ouverts. Parce qu'il est des deuils qu'on ne fait pas. Le temps n'efface pas les douleurs, foutaise que cela. Il ne les rend que coutumières. Comme on enterre jamais un enfant au fond de sa mémoire, on ne peut le faire avec une mère qu'on a aimé. La Kermorial, muse de tant de mépris, aussi absente qu'elle pu être, aussi indigne qu'elle ne fut, peut être, n'en demeure pas moins une mère.

    A-t-elle pleuré, Alix? L'Anaon ne le sait pas. Elle aurait préféré pourtant la voir s'effondrer dans ses bras plutôt que craindre de la voir se briser plus tard quand elle ne sera pas là. Oui, elle l'aime bien la petite. Si l'aînée fuyait par dessous tout l'innocence des enfants, elle n'avait pu bien longtemps résister à cette puce qui lui avait collé aux bottes pendant tellement de temps, les premiers jours en Anjou.

    Le feu s'enhardit de quelque pétarades qui crachent des poussières incandescentes sur le dallage. Le bleu se perd un instant dans le rouge avant de retourner se poser sur la petite fille qu'elle couvre de sa main. Le regard s'accroche alors sur un bout de vélin qui s'échappe des petites mains.

    _ Alix, petra eo se?
    Alix, qu'est ce que c'est?

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Alix_ann
Elle ne pleure pas. Ce ne sont pas ces yeux qui sèchent, c'est cette petite âme un peu planquée vers le fond. Que voulez-vous, des jours qu'elle essaie de se rendre invisible, on l'a tellement entendu crié juste avant. Elle a honte, tellement honte de s’apitoyer autant sur son pauvre sort. Honte de montrer son chagrin à toute la maisonnée et de leur faire subir. Et cette âme ouverte.
Fermes ton âme, Alix. Une âme ouverte est aussi indescente qu'une braguette déboutonnée.*
La Fadette aimerait se fondre dans les bras de la mercenaire. Eux savaient tenir des enfants, et ça l'étonnera toujours de sentir mieux maternée de partout que par sa propre mère. Marie. Marie qu'as-tu fais? Pourquoi tu me laisses toute seule, que tes quarante kilos tout mouillé n'ont rien trouvé de mieux que de s'évaporer. Si la bretonne ne pleure pas, c'est pour ne pas s'évaporer elle aussi.
Alors elle mange. Elle mange pour prendre de la graisse et ne pas mourir. Avant de décéder maman était cadavérique et pour rien au monde elle voudrait que sa silhouette paraisse en aussi mauvaise santé. Et désormais elle qui fuyait la mort, fuyait ce qui aurait pu faire pencher la balance en sa défaveur. Si Alesius et Mamm sont déjà partis. Que reste-il ici? Il reste Alix, Alix qui a peur et qui est triste. Qui laisserait bien le torrent des larmes qu'elle retient si bien envahir cet échange. Mais Anaon verrait combien elle est faible. Elle n'en serait certainement pas fière.

Anaon reste. Elle permet au feu de reprendre vigueur et à une Fadette d’être un peu moins seule dans son terrible malheur.

Elle a mal à la tête. Ce sont des grands coups, des coups tout aussi violent les uns que les autres. Ils la prennent fourbement et se diffuse tout le long des tempes.
Maman qui ne rira plus, qui ne sourira plus. Maman qui ne sera plus là pour sangloter dans ses bras et qu'elle n'aura plus l'occasion d'essayer de réconforter. Toutes ces choses que partagent une mère et une fille et qu'elles auraient pu partagé.
Elle ne l'aura jamais connue heureuse.
Dans ses yeux les larmes se battent pour se faire une place. Mais rien ne coule, ce ne sera pas non plus cette fois.
Elle n'aura jamais connu sa mère. Elle connait ses robes et ses bijoux, mais rien de plus que ce qui est visible. Les sous-couches, celles qui l'intéressait jamais n'étaient accessible.


-« C'est une lettre. De son vassal. »

Il s'appelle Ascelin, il connait sa mère mieux qu'elle et ça lui suffisait amplement pour en vouloir à cet homme. Tous ces hommes qui tournait autour de maman... Elle ne savait que penser de lui.
Sa main à Anaon dévoile la lettre. Qui de mieux qu'elle pour tenir un oeil sur ses correspondances. N'est-ce pas pour elle qu'elle avait dépouillé sa mère d'une lettre de Judas?


Citation:
Bonsoir,

Peut-être ignorez-vous qui je suis ou l'avez-vous oublié. Je suis Ascelin de Mauny, vassal de Feue votre mère. La Comtesse de Cholet a dû vous en informer mais je préfère aux croyances la certitude d'une lettre écrite respectueusement par mes soins.

Votre mère, Marie de Kermorial, n'est plus. Cette nouvelle nous bouleverse tous et, respectant votre tristesse, je serai bref et précis.

Aussi je vous confirme, ou vous informe, que Chimera de Dénéré Malines et moi-même avons convenu de faire rapatrier le corps de votre mère à Cesson. La suite des évènements n'est pas encore arrêtée. La seule certitude est que je vais lever dans la soirée le deuil sur les terres de Cesson.

Aussi, étant membre de sa famille, je suis ouvert à vos souhaits concernant la suite à donner à ce triste évènement.


Soyez assurée de mon soutien et de ma compassion dans cette douloureuse épreuve que nous partageons.

Restant à votre entière disposition,
Avec tous mes respects,
Ascelin de Mauny.


-« Cet homme est maladroit... »

Formel comme pas deux. Elle ne veut pas reposer ses yeux dessus, elle laisse le loisir à la mercenaire de découvrir le vélin par elle-même, comment il en a si bien rajouter une couche. De découvrir Ô combien cette lettre à l'allure pourtant innocente pouvait dérouter une enfant de sept ans et des brouettes.

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* Encore un phrase de Serguei légèrement remaniée
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« L'homme n'amène pas son propre malheur, et si nous souffrons, c'est par la volonté de Dieu, bien que je n'arrive pas à comprendre pourquoi il se croit obligé de tellement en remettre. »
- Woody Allen
Anaon
    Le regard se fait un instant surprit aux mot de la petite avant de se baisser sur la lettre tendue. Les lignes sont parcourues, les sourcils se froncent doucement tandis que les lèvres se pincent. Voilà un écrit bien formel pour une enfant aussi jeune. Il faut croire que la noblesse, tout comme la mort, n'épargne personne de sa solennité. L'Anaon échappe un soupir discret.

    Un poing se ferme pour s'appuyer sur le sol et aider la femme à se remettre debout. La position accroupie n'est plus pour elle et sa panse de quinze semaines. Le chaperon se recule alors jusqu'à s'assoir sur la banquette à dossier qui trône devant la cheminée. Une main se tend, attend.

    _ Deuit...
    Venez...

    La voix est des plus douce. Elle ne souffrira pourtant aucun refus. Les doigts se meuvent jusqu'à ce que ceux d'Alix acceptent de s'y lover. Et la petite est hissé sur ses genoux et ceinte de ses bras.

    _ Voulez que je réponde à cette lettre ou que je vous aide à y répondre?

    L'aide proposé et des plus sincère et les yeux bleus de la mercenaire se plongent avec tendresse dans ceux de la petite Buze. Un baiser vient se noyer sur le crâne blond. Les mots se font presque murmures.

    _ Ecoutez-moi. Je sais que ce n'est facile pour vous. Pourtant il va falloir penser à beaucoup de choses maintenant.

    La balafrée prend grand soin de parler doucement et lentement, le temps de lasser à la petite bretonne secouée tout le soin de comprendre et d'enregistrer le moindre de ces propos.

    _ Voulez-vous retourner en Breizh afin d'être présente pour les funérailles de votre mère?

    On voudrait dire les choses avec le meilleur tact possible, éviter les mots interdis, ceux qui font mal et concrétisent ce que l'on refuse d'admettre, peut être. Trouver les paroles de velours. La langue française n'a pourtant pas trouver meilleures termes. Dire les choses telles qu'elle ne sont, serait prendre Alix pour une imbécile et à trop vouloir couver on finit par étouffer.

    _ Vous voulez peut être faire quelque chose pour elle? Un cadeau, par exemple, qu'elle pourrait emmener avec elle... Peu être avez-vous reçu des nouvelles de votre père qui pourrait vous aider à décider quelque chose?

    Un père tout aussi absent que la mère, semble-t-il. Anaon avait crut comprendre que les deux parents avaient briser leur serments de mariage. La notion de l'annulation d'une telle union lui échappe un peu, m'enfin, cela se fait parait-il. Bien que cet homme ne soit plus l'époux de feue Marie de Kermorial, cette femme reste la mère de sa fille. Le chaperon veut croire que celui-ci se soucie un peu de son enfant. Ironiquement croire. Ce n'est pas Anaon qui se surprendra de constater l'ingratitude d'un homme qui se dit père. Un mâle reste un mâle. Un préjuger injustifié? Non. Du vécu mal digéré.


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Alix_ann
-« Je sais pas... »

Qu'est-ce qu'elle est bien, hissée sur les genoux de la grande balafrée!
Ann, la première fois qu'elle l'avait vue n'avait-elle pas eut un bon pressentiment en la collant d'office? Maintenant elle s'était finalement fait à la Fadette, aussi triste qu'adorable surement, sinon comment expliquer cet attachement soudain et complexe qui s'était formé à son égard. Elle le partageait, c'était réciproque. Mais ça, elle n'avait plus à le prouver. Alix laisse ses bras entourer le coup de la chaperonne. Comme elle l'avait fait, il y a quelques semaines. Tu te souviens, c'était quand maman venait de mourir! Si elle arrivait à en rire, qu'est-ce que ça la soulagerait. Et si elle pouvait en pleurer, au moins...


-« Penser... Beaucoup penser... »

Comme si reprendre ces simples mots pouvait l'arracher à la vie, à cette corvée de réfléchir encore un peu plus sur ces terribles évènements. Ne voyez-vous pas que cette âme perdue dans le corps d'une mioche de sept ans se débattait comme elle pouvait avec de vieux démons fruits d'une vie turbulente.
Elle atterrissait, et ça lui faisait un mal de chien de se ramasser la gueule et de se heurter aux principes fondamentaux de la vie. La nature reprenait ses droits, et inévitablement elle fauchait sur son passage quelques âmes au hasard. La chance ça n'avait jamais été son truc de toute façon.


-« Oui. Biensur... »

Ne pas aller aux funérailles de maman. Quelle idée.
Ses mains tremblotent un peu. Elle se réfugie de nouveau contre l'Anaon. Cette impression que n'importe qui prenait plus d'attention à la déceler que sa propre famille, d’être la seule à supporter ce drame. Non, ne lui parler pas du vassal de sa mère, celui-ci comptait pour du beurre! Que pouvait-il savoir paumé au fin fond de sa baronnie? Alix allait certainement trop vite en besogne en décidant catégoriquement de la non-sympathie que cet homme méritait. Mais il avait respiré le même air que sa mère, il l'avait respirer d'autant plus qu'elle-même, sa fille. Elle lui en voulait de ce simple fait, et qui sait ce qu'ils ont pu commettre ensemble. Était-ce péché comparable à celui que la Platine avait accomplit avec Judas? Judas.. Tant d'ombres pour une vie si courte, trop. Aucun lumière ne filtrait pour le moment. Elle restait aveugle, aussi bien de la vraie nature de sa mère que de toute cette vie passée sous silence en raison de son jeune age. Marie n'était pas folle au point d'embarquer sa gamine dans le récit de ses pérégrinations quand même!

On avait fait que la duper tout ce temps. Lui dissimuler une réalité qu'elle aurait tant besoin de s'approprier pour se rendre heureuse et comprendre son environnement, ce qu'elle est.
Elle s'en arrache les cheveux.

Des questions, encore des questions. Mais enfin, on le remarque bien qu'elle ne sait rien la gamine! Pourquoi on l'assaillit de la sorte! Alix aimait bien Anaon, et c'est pour ça que sous le flux de ses interrogations elle ne faillit pas. Elle affronte son regard sans que le sien ne perle une larme et prépare consciencieusement sa réponse. Comme si elle y avait véritablement songé.


-« Je veux pas lui faire de cadeaux. Elle est morte, un cadeau ne lui servirait à rien. Elle est morte, elle n'ira nulle part. »

Tu comprends ça, que ta mère est morte pour de bon? Qu'elle n'existe plus? Que son délicat souffle plus jamais n'effleura l’atmosphère? Qu'on t'as mentis, qu'elle n'ira nulle part. Elle n'existe plus. Tu la sens cette déchirure entre toi et elle, comme un gouffre qui aurait prit encore plus d'ampleur? C'est parce qu'elle a clamsée. Qu'elle est creu-vée. C'est la vie qui te prend de court, qui te joue un énième mauvais tour qui ne sera plus le dernier. On t'a raconté que son âme voguerait jusqu'au Paradis solaire, mais c'était juste pour te faire peur. On t'as eu par la peur, mais Dieu n'existe pas, il est aussi inexistant que son putain de paradis solaire. Alors on te largue sur terre pour t'expliquer derechef que la mort est omnisciente, et on insiste bien sur ton cas. T'as les jetons hein? C'est bien normal.

-« Et mon père... »

Elle ne finit pas sa phrase, Ann n'a plus qu'à comprendre par là que son père elle n'en avait aucunes nouvelles.

-« Aides-moi à répondre à Ascelin. Je ne sais pas quoi lui dire. »
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« L'homme n'amène pas son propre malheur, et si nous souffrons, c'est par la volonté de Dieu, bien que je n'arrive pas à comprendre pourquoi il se croit obligé de tellement en remettre. »
- Woody Allen
Anaon
    Il y aurait presque quelque chose de malsain dans l'étreinte qui se joue. D'étrange. La mère qui a perdu la fille qui réconforte et se réconforte de la fille qui a perdu la mère. Une complicité qui nait de deux manques à combler. Deux douleurs qui pulsent à l'unisson, s'attirent et se confondent. Parfaite illusion de ne pas avoir perdu ce qui n'est plus. Dangereux sentiment que voilà. L'Anaon en est intimement consciente, mais elle préfère taire sa prudence, elle, qui souffre bien trop du manque d'enfant. Des siens.

    La main cajole avec affection les filins blonds qu'elle couvre de sa paume. Sérieuse et douce, elle guète la moindre réaction de la jeune Kermorial. Et quand d'un ton si catégorique elle lui affirme que la mort n'est que mort, la femme hésite un instant avant de reprendre d'un timbre qui se voudrait caresse.

    _ Vous savez Alix Ann. Le corps meurt par ce qu'il est trop vieux ou malade. Comme un coche usé qui a trop subit les aléas du chemin. Mais l'âme Alix Ann... que vous soyez convaincue qu'elle gagne un paradis ou qu'elle se réincarne encore et encore pour gagner d'autres vies, l'âme, elle, ne meurt pas, je vous le dis. Celle de votre maman non plus ne mourra jamais.

    Un sourire s'étire encore alors que les prunelles se nimbent de tendresse. Les doigts senestres effleurent avec délicatesse la joue encore blanche et ronde.

    _ L'âme des défunts est comme l'air. Impalpable, mais toujours là. Parfois vous croirez la sentir dans un souffle ou une caresse. Vous ne serez pas folle, Alix, et il ne faudra pas avoir peur. Ainsi, si vous posez un cadeau qu'elle pourra emporter dans sa dernière demeure, elle le saura. Et je sais qu'elle en sera heureuse même si vous ne pourrez pas la voir sourire.

    Elle y croit, elle. Aussi durement qu'elle sait que l'hiver précèdera le printemps. Après la mort il n'y a pas le néant. Que la plupart des hommes croient au jugement, à l'enfer et au paradis, grand bien leurs fasse. Anaon le sait elle, après la mort il y a encore la vie. La vie qui mène à la mort et engendre de nouveau l'existence. Comme l'Ouroboros, un cycle qui ne s'arrête jamais. C'est çà foi qui l'a faite ainsi.

    Les azurites se reposent de nouveau sur la lettre que tient toujours la petite entre ses mains. Une grande inspiration. Ne rien dire se serait encore, peut être, le plus simple à faire. Mais un écrit pareil ne pourrait décemment pas être laissé sans réponse.

    _ Bien alors réfléchissons... Sans doute devrions-nous écrire à votre père pour mander quelque nouvelles. Cela vous ferait peut être plaisir.

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Alix_ann
Elle se lève et de ses petites jambes elle va se procurer de quoi écrire. Ecrire et vite, écrire et expédié au loin ces faramineux soucis qui lui minait ce que devait être la joie d'un enfant, d'habitude. Alix revient jusqu'à l'Anaon, elle lui offre même un sourire, elle qui lui a offert son aide, son appuis, sa simple présence sur laquelle elle pouvait compter et qu'elle avait rarement peur de sollicité. Tu te souviens, de quand je venais d'arriver en Anjou? Toi tu étais déjà triste, avec cette grande balafre qui te coupait la joue et cet amant au loin, et moi aussi, mais pas autant. Alors dans sa peine grandissante, la mercenaire bretonne et une amie de choix. On t'as pris ta fille, on m'avait prit ma mère. Et c'est sans compter cet embryon qui grandit en toi.

Derechef elle commence à dicter.


-«A Ascelin de Mauny, Baron de Noyal sur quelque chose, de la très jeune fille de sa fidèle amie, Alix Ann de Montfort Kermorial. »
Elle se racle un peu la gorge, elle tache de ne pas y aller trop vite et inspecte minutieusement les traits que sa comparse trace sur le vélin. Elle écrit si bien! Comme ces grandes personnes qui ont fait ça toute une vie.
-« Alors sachez d'abord que j'ai pas mais pas du tout apprécié. Je voulais surtout vous dire que c'était très incorrect de votre part, je sais pas ou ma mère vous a péché pour le coup parce que je crois que même l'amant angevin avec un nom de reine il est mieux éduqué que vous
Un moment d'arret.
-« Ah... virgule ou trois petits points? »
Interroge Ann. Le regard se fait dubitatif en croisant celui, sceptique, de la mercenaire. Elle reprit :
-« Point virgule tu penses toi? Ah carrément. »
-« Sinon tu mets deux points à la ligne et bam. » Répondit Alix « En mode requin ! »
Elle zieute le minois de la brune avec un regard emplis d'admiration, une plume qui s'agite si rapidement sur le papier ça avait tout pour la séduire. Puis toujours aussi sérieusement elle reprend :
-« Je reconnais, toutefois, que c'est franchement aimable de votre part de vous assurer que je sois véritablement informé que ma maman est décédée. Mais vous savez, la lettre de Chimera est arrivé entre de bonnes mains et la nouvelle m'a été annoncé. J'ai ressentis assez de tracas à ce moment là, à cause de la lettre de la Duchesse à sa grâce de Josselinière que c'était vraiment pas du tout la peine de m'en rajouter... »

Et le monologue s'éternisa, et s'éternisa. Si tant et si bien qu'à la fin la lettre largement lissé par Ann rédigée :

Citation:
A Ascelin de Mauny, Baron de Noyal
De la très jeune fille de sa fidèle amie, Alix Ann de Montfort Kermorial,

Je tâcherais de me faire toute aussi brève dans cette réponse. Je vous avouerais que j'ai du mal à apprécier votre lettre et votre soutient.

La missive de Chimera est arrivé entre de bonnes mains et l'a nouvelle m'a été annoncé. Oui, je ne suis pas dans l'ignorance du décès de ma mère.

Vous ne connaissez pas ma peine. Savez-vous tous les efforts que je dois mettre à me tenir, à rester toujours souriante pour ne pas me laisser faillir et décevoir Mamm qui est au ciel dorénavant? Non. Vous ne pouvez savoir, ce n'était pas votre mère. Elle m'a mise au monde, et avant même d'avoir put me donner toutes les armes pour que j'y prospère, elle a trépassé. Prise par la maladie, cette saleté maladie qui a déjà fait succomber mon frère cette année même – je suis certaine que vous n'êtes pas sans le savoir - et qui, peut être, est aussi la raison qui retient mon père de m'écrire.

Je tiens à vous rappeler mon âge. J'ai connaissance que ma mère parlait probablement peu de moi ou bien que mon absence à ses côtés suggérait que je fusse plus vieille, apte à me débrouiller par moi-même, majeure peut être. Mais il n'en est rien. Je n'ai que sept ans.

Ainsi, non, je n'ai aucun souhait à formuler. Je suis incapable de me projeter dans un événement pareil... mais je vous saurais gré de me tenir informer de la moindre de vos initiatives.

Pardonnez-moi, si je ne suis pas à même de recevoir vos condoléances comme il se doit.

Qu'Aristote vous garde, ce serait fâcheux que la Bretagne connaisse d'autre décès.



-« Enguerrand, porte ce message à son destinataire !»
Puis expédié.
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« L'homme n'amène pas son propre malheur, et si nous souffrons, c'est par la volonté de Dieu, bien que je n'arrive pas à comprendre pourquoi il se croit obligé de tellement en remettre. »
- Woody Allen
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