En chambre, porte passée et une rousse qui s'affaire à fouiller dans ses malles pour trouver plume, encre et vélin. L'Irlandais, quant à lui, secoue la tête d'un air réprobateur en scrutant sa nouvelle fiancée.
- C'est toujours autant le bordel là-dedans?
- Ces malles sont trop petites !
Et, pour appuyer son propos, lui balance une chainse à la gueule. Il la reçoit avec flegme et déplie l'étoffe.
- Ce n'est pas comme si vous aviez la taille teutonne, en plus.
- Encore heureux !
- Bon, ça vient cet écritoire?
C'est qu'il s'impatiente, en tapant du pied nerveusement. Rose, de son côté, finit par sortir une paire de chausses, qu'elle regarde avec un sourire.
- Regardez comme elles sont adorables ! Je les avais totalement oubliées celles-là ! Hum, bref, ce n'est pas le propos.
Finn lève les yeux au plafond, tandis qu'elle les balance aussi, un peu plus loin dans la pièce, avant de finalement sortir son nécessaire à écriture.
- Et voilà !
- Allez-y, en reconnaissant votre plume il sera davantage disposé à faire la guerre à sa femme.
- Très bien.
La Rousse se pose face à la petite table, donc. Le brun s'approche et se penche par-dessus l'épaule de Rose.
- Comment vous l'appelez dans vos plis?
Elle écrit en même temps : Sémur, le 10 novembre 1460.
- Mmmmh... Généralement je ne l'appelle pas. Je lui écris des mots plutôt que des lettres.
- Ne soyez pas aussi flemmarde cette fois, il nous le faut de notre côté.
- Monsieur, alors ? Ou Messire von Frayner ? Mon p'tit Judas chéri ?
L'Irlandais de lui adresser un coup d'oeil manquant cruellement d'humour. Elle sourit en coin.
- Pourquoi pas un cordial Monseigneur?
- Il déteste. Ça fait ecclésiastique. Je faisais exprès de l'appeler comme ça pour l'ennuyer. Plutôt... Au Seigneur de Courceriers, et plus bas, Monsieur.
- Ça me parait correct.
Elle l'écrit, donc. Lui approuve d'un hochement de tête.
- Bon, ensuite...
- Pensez-vous qu'un paragraphe d'insultes sur sa saloperie d'épouse serait de trop?
- Sans doute, et pourtant... Voilà qui serait plaisant à écrire.
Finn sourit, carnassier.
- Je ne le connais pas aussi bien que vous, après tout. Vous devriez savoir ce qui pourrait le décider à empêcher cette triste comédie de se jouer.
- Déjà, écrivons-nous en nos deux noms, ou seulement moi, au mien ?
- Rentabilisons le parchemin, écrivez les deux.
Il a toujours l'esprit pratique. Qui a dit radin?!
- Parfait. Dans ce cas... Pourquoi pas "Je prends la plume ce jour pour exprimer, en mon nom et en celui de votre cher ami Finn d'Pommières notre indignation face au comportement de votre épouse" ? Cela me parait une bonne mise en jambe.
- Ah oui, c'est bien ça.
- Parfait !
- Peut-être devrait-on l'informer de nos épousailles?
- Peut-être, oui.
Rose se chatouille le museau avec la plume, en quête d'inspiration.
- Vous n'avez qu'à ajouter "mon fiancé" derrière mon nom, économisons l'encre.
- Oui, bonne idée.
Elle rajoute un "et mon fiancé" donc, entre les lignes.
- Pour la suite, faites simple, sans drame inutile comme vous avez coutume.
- Mmmh...
- Simple, mais ferme. Grave, sans être pathétique.
- Étant donné que Madame était la dernière personne en date à avoir eu autorité sur moi, et ne me connaissant pas de famille, c'est tout naturellement qu'il s'est dirigé vers elle afin de lui demander ma main. Pour remettre les choses dans leur contexte.
Il opine, suivant d'un il critique la progression de sa plume.
- Bigre j'ai un talent inné pour écrire des lettres !
- Je vous confierai mon courrier à l'avenir.
- Très bonne idée !
La belle tourne la tête vers lui.
- Vous n'en avez pas marre de rester debout ?
- Comment voulez-vous que j'ai l'air de superviser si je m'assois ?
- Comme vous voulez !
- Maintenant, insistez bien sur l'offense qui m'est faite. Sur l'odieux chantage de Miramont.
- Oui. Bon.
Elle réfléchit.
- "Ce qui ne devait être qu'une formalité d'usage s'est transformé en un véritable festival de n'importe quoi par la faute de la gorgone qui vous sert de femme", ça vous convient ?
Finn jubile et applaudit.
- Ceci dit il ne vaudrait peut-être mieux pas insulter Isaure.
- Vous avez raison. Enlevez "femme".
- Pour mettre quoi à la place ?
- Gorgone, c'est déjà pas mal, non?
Rire de Rosalinde.
- Non, plutôt... Ce qui ne devait être qu'une formalité d'usage s'est transformé en une véritable bouffonnerie. Puis j'explique. Ou farce de mauvais goût, à la place de bouffonnerie ?
- Oui, changez. Miramont n'est pas si drôle.
- Va pour la farce alors. Madame a en effet cru bon d'exiger, en échange de son consentement, que je revienne travailler à Petit Bolchen. Entre parenthèses : Cela, passe encore, fermez la parenthèse, mais également que Finn entre à son service. Comme garde du corps. Oui ? Non ?
- Précisez bien qu'elle réclame une présence constante de ma part à ses côtés.
Elle le rajoute.
- Pensez que ça suffira?
- Il faudrait préciser notre réclamation.
L'Irlandais la coupe.
- Ah! J'ai oublié.
Elle tourne la tête vers lui, intriguée.
- Elle compte aussi financer la moitié des frais de notre mariage. Votre Judas, il ne serait pas un rien rapiat sur les bords?
Le voilà qui se fend d'un demi-sourire perfide. Et la Rose de sourire de concert.
- Parfait ! Ah, elle ne pouvait pas mieux dire.
Jubilant, rajoute un "en échange de quoi, elle offre de financer la moitié de notre mariage".
- On la remerciera plus tard. Lorsque contrite, elle devra bénir notre union.
Nouveau sourire de Rose.
- J'hésite à rajouter quelques lignes de mon cru. Enfin, d'abord : Bien entendu, nous espérons que vous saurez lui faire entendre raison, et qu'elle se résolve à fournir sa bénédiction sans contrepartie aucune. Nous tacherons pour notre part d'oublier sa généreuse offre.
Le talent manipulateur de Rose effraie un peu son fiancé.
- Oui.. C'est pas mal. Vous faites souvent ce genre de chose?..
- Cela m'est arrivé par le passé.
Il fronce le sourcil, intrigué.
- Je vais rajouter une chose.
- A quoi pensez-vous?
- Si Madame ne peut se résoudre à abandonner ses projets d'embauche, nous pouvons également envisager que vous donniez votre accord à sa place. Privilège de l'autorité maritale. Le consentement de Judas vous satisferait ?
- S'il m'épargne les caprices d'une Champenoise nauséeuse, je ne cracherai pas dessus. Avons-nous le choix?
- Le choix ? C'est vous qui ne voulez pas m'épouser sans leur consentement !
Plume reposée, et la Rousse d'entortiller ses doigts les uns les autres, question fatidique aux lèvres.
- Et... S'ils refusent tous les deux de changer d'avis ? Vous... Travailleriez à Petit Bolchen ?
- Je n'ai pas envisagé la défaite... Mais j'ai encore un argument dans ma manche.
- Ah oui ? Et... S'il fallait y songer, malgré tout ?
Il soupire, elle récupère sa plume, baisse la tête vers le parchemin. Quelques secondes de silence.
- Peut-être... Pour un temps réduit.
- Vous feriez ça ?
- Pas de gaîté de coeur, je vous assure.
La voilà qui pose la plume qu'elle vient à peine de reprendre, se lève, se jette à son cou et l'embrasse à pleine bouche. Il se laisse surprendre, y répond, de gaîté de cur.
- Qu'est-ce qui vous prend?!
- Rien. Rien du tout.
Sourire jusqu'aux oreilles, elle se rassied. Lui réajuste le collet de son pourpoint, secoué.
- Ça vous plairait tant que ça?
- Non, bien sûr que non. Je pensais que vous auriez préféré ne pas m'épouser.
- Ne dites pas de sottises. Et puis je suis trop vieux pour laisser passer une belle plante assez névrosée pour accepter mes avances.
Rire, puis Rosa attrape sa main et la baise, tandis que de l'autre, elle ajoute une nouvelle ligne à la lettre : "et si toutefois vous persistez dans votre refus, je me ferai un plaisir de coucher avec lui dans votre lit. Vous rendre la monnaie de votre pièce me semble la moindre des choses." Finn, quant à lui, ne remarque pas la dernière ligne sous forme de menace et l'envisage avec bienveillance.
- Vous êtes redoutablement affolante, Rose. Je nous prédis un grand avenir.
- Et une nombreuse descendance ?
Malicieuse, elle sourit, puis rajoute un : "Dans l'attente d'une réponse, bien cordialement", et signe. L'Irlandais de darder une lueur lubrique dans les yeux de la rousse.
- Vous vous sentez d'attaque?
Elle lâche tout, se lève et l'attire vers elle, en le tirant par la ceinture.
- Toujours !
- En piste alors!
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Plop.