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[RP] Si tu ne m'avais pas été enlevé

Della
Le roi exigeait de rencontrer Kéridil.
Pour un autre, le Vicomte de Montpipeau aurait répondu : "Venez à Montpipeau".
Pour le roi, ça ne le faisait pas trop et le Vicomte s'était plié aux exigences royales.
Pour cela, il avait fallu quitter le Languedoc et Cousin Actarius presque comme des voleurs, à la fin des festivités du Tournel, puisque le délai laissé entre les deux "réjouissances" était plutôt serré.

Lorsque la question de se loger à Paris arriva, Della répondit : "Charlemagne !"
Si autrefois, lorsque la Cour était encore synonyme de quelque chose de beau, de grand, de fastueux, d'envié, les époux Amahir avaient leurs appartement au Louvre, aujourd'hui, hélas, il leur fallait trouver à se loger comme n'importe quel voyageur ! Si ce n'était pas malheureux...Un Vicomte est sommé de se rendre au-devant du roi et celui-ci ne lui offre même pas le toit...tout se perd, tout se perd...

Quelques missives avaient été échangées entre le Prince Charlemagne et le Vicomte et arrangement avait été pris, le fils de Béatrice les hébergerait. Serait-ce avec plaisir ? Pas certain. Le ton des lettres était plutôt distant, presque froid. C'est à la lecture d'une des lettres que Della se sentit à nouveau submergée par les remords. Elle chercha même à faire chavirer le projet des Amahir chez le Prince tant elle redoutait de rencontrer ce dernier dans un endroit presque intime. Lorsqu'ils se rencontraient, dans des cérémonies, il lui était facile de le saluer, même de lui adresser quelques mots anodins, sans jamais entrer dans une réelle conversation. Tout au plus pouvait-elle s'apercevoir comme il grandissait et comme plus il grandissait, plus il ressemblait à Béatrice.
Mais là...entre ses murs, cachés aux yeux du monde, serait-il encore possible de rester aussi en retrait ? Les émotions ne risquaient-elles pas de prendre le dessus et la tutrice saurait-elle encore garder cette distance de sécurité qu'elle s'obligeait à garder ?
Tant de questions dont elle ne s'ouvrait à personne.


[Hôtel Castelmaure]

Ils avaient passé les portes de Paris, tôt dans la matinée.
Le voyage avait été, comme tous les voyages, long et pénible.
Pas question de ralentir le carrosse, le temps était compté, on ne se présentait pas en retard devant le roi.
Pas question non plus de s'arrêter toutes les demis heures pour une pause pipi ou pour grignoter un peu.
Juste l'étroitesse du carrosse où Della et Isandre bavardaient, dormaient, rouspétaient (surtout Della), admiraient le paysage ou au contraire, le trouvaient vraiment moche !

Cette fois, enfin, ils étaient arrivés !
Ouf !
Della fut hors du carrosse avant qu'on lui ouvre la porte. Elle respira un grand coup et...fronça le nez...
Paris, ça pue !
Des années qu'elle répétait ça.
Nous sommes enfin rendus !
Pourvu que son Altesse ne nous ait pas oubliés.
Dit-elle en époussetant sa robe, admirant la beauté architecturale de l'Hôtel Castelmaure, en attendant que son époux la rejoigne, sur le pas de la porte, si l'on peut parler ainsi.

EDIT : ortho
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- Et vot'blason, Duchesse ?
- On s'en occupe, à la Hérauderie ! Encore un peu de patience.
*Parait que je dois être en deuil, on disait que je l'étais.*
Charlemagne_vf
Le pourquoi de la venue de la Dame de Railly à Paris n'intéressait pas, ou peu, l'Aiglon. Il avait simplement constaté, non sans soulagement, qu'il ne s'agissait pas d'une audience. Après avoir reçu sa nièce, le Prince s'était laisser étreindre par le dégoût des entretiens plus ou moins obséquieux qui se déroulaient dans son salon pourpre.
Cette fois, il ne s'agissait que d'hébergement, l'Hôtel Castelmaure servirait de pension, ou d'auberge de luxe. La foutue hospitalité que chérissait Guise von Frayner était devenue un devoir gênant et dérangeant. Charlemagne aurait allègrement fermé les portes de ses demeures s'il n'était pas tenu par le souvenir de son défunt Père, et par ce testament qui l'invitait à toujours accueillir amis et parents. Alors, il avait consenti dans un billet laconique et concis. A quoi bon s'épancher, puisque l'on n'attendait de lui qu'un "Oui."
Il y avait les formes, et cela suffisait bien.
La crainte de l'Infant résidait surtout dans la taille de la suite d'Amahir. Il y aurait bien sûr le Keri Keri à sa maman. Un détail. Mais il y aurait peut-être aussi le rejeton, quelques caméristes, et une ribambelle de gardes de Montpipeau, que ceux du Nivernais se feraient un inquiétant plaisir de narguer. La tranquillité d'esprit de l'Altesse ne souffrait pas les guerres de maisonnées. Que la cuisinière frappe la pâtissière avec son propre rouleau à pâtisserie le dépassait : les deux dindes avaient généralement droit à quatre plongeons dans les douves, histoire de se rafraîchir le sang.

Alors, c'est un Aiglon maussade, comme d'usage, qui devait recevoir sa vassale. Et non, il n'avait pas oublié les Amahir, leur Château de Montpipeau où il avait créché un temps, la tutelle de Della, qui n'était pas celle de son fantomatique cousin Chlodwig, et puis le Lavardin.
Le Prince n'en voulait pas à la Renarde. Il avait consenti à suivre son Frère. Il avait reçu une éducation sans heurts, et digne de son rang. Peut-être même avait-il acquis le cynisme du Resplendissant en plus, et quelques menus enseignements que ne dispensent pas les précepteurs. Si le Duc du Nivernais tenait une rancoeur à Railly, c'était pour ne pas avoir paru à la messe "fêtant" la mort de Béatrice. La Dame avait évité le regard guiséen, et pourtant, nul ne pouvait s'y soustraire, et moins encore lorsqu'on lui était vassal. Aimbaud de Josselinière en avait fait l'expérience.
Il serait peut-être finalement le temps d'une entrevue.

Averti de l'arrivée, le Castelmaure descendit donc de ses appartements. Droit, noir et froid. La fin Août n'était pas chaude. Il appréciait toutefois plus encore la fraîcheur des pierres de l'Hôtel.
Le son des bottes vernies sur les dalles blanches le guidèrent jusqu'à un salon tapissé de bleu du Lauragais. Il attendrait, parce que c'est là que serait guidée la Volvent, et son époux.

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Della
Le rejeton Amahir avait été confié aux bons soins de sa nourrice et d'Isandre, lesquelles avaient été guidées vers les appartements que le Prince leur avait réservés.
Sans doute Kéridil était-il resté avec les gardes à qui on distribuait également le logement puisque c'est seule que Della se retrouva devant les portes d'un salon.
L'on ouvrit les portes, et on l'annonça au Prince.

Elle avait côtoyé les grands du Royaume, des reines et des rois, des ducs et des comtes, elle avait évolué au sein de la Curia, elle avait été une Diplomate de haut vol, elle maniait les mots et les attitudes avec brio, très souvent. Elle se savait capable de prendre la parole n'importe où et pour n'importe quelle occasion, que ce soit une cérémonie ou une animation ou même une estrade politique.
Et là, devant Lui, elle avait la bouche sèche et sans un effort de volonté extrême, elle aurait tourné les talons, se serait enfuie, comme une voleuse.
Mais...elle se reprit et après s'être avancée de quelques pas, sans trop relever les yeux, elle plongea dans une révérence "bien comme il faut" dont elle ne se relèverait que lorsqu'Il aurait parlé.

Et pendant qu'elle était courbée vers le Prince, les souvenirs affluèrent...Béatrice, Chablis, le mariage avec Guise, la douleur de la séparation, les naissances des Enfants et le meurtre, l'odeur du sang...
Très certainement, Della idéalisait-elle Charlemagne, elle voulait voir en Lui, cette Reyne tellement aimée, elle le voulait beau - certes, il l'était - elle le voulait intelligent - il l'était, elle le savait - elle le voulait aimable - il était pourtant froid - et surtout, elle l'aurait voulu qu'il l'aime - et ça, c'était pas dans la poche.

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- Et vot'blason, Duchesse ?
- On s'en occupe, à la Hérauderie ! Encore un peu de patience.
*Parait que je dois être en deuil, on disait que je l'étais.*
Charlemagne_vf
Asseyez-vous.

Plus qu'une proposition cordiale, c'était un ordre. Lui-même s'installa dans un fauteuil pour y abouter ses doigts. Ses dents jouaient avec ses lèvres closes. L'Infant est froid, bien sur. Si distant, et pourtant, si l'on maintient son regard, l'on y trouve une sympathie commune. Il ne hait pas la Vicomtesse.
Certes, comme sa Mère, il n'approuve pas toutes ses conduites et positions, mais ce que le Prince sait désapprouver, il se garde de s'en renseigner, préférant l'indifférence et l'ignorance à une colère supplémentaire en ce coeur déjà si ardent de révolte et d'horreur.
Madame de Railly assise, le jeune Maître des Lieux soupire, car il va lui falloir parler. Della est femme de mesure, et elle ne s'épanchera sans doute pas. Elle est de ces vassaux, comme le Josselinière, qui ne vous font pas le plaisir de parler pour vous économiser la parole. Ils ne l'ouvrent que lorsqu'on la sollicite. Alors il faut se faire violence et parler, commencer.

Il s'agit de rompre un malaise noué, un froid jeté sans préavis. Le Castelmaure ne l'a pas compris. Il ne prétend pas être aimé, il ne désire pas tant être adulé que craint, mais il peine à saisir pourquoi viendrait un désamour quand on lui a, un jour, montré un intérêt particulier. Il est fils de Béatrice, et il est au monde un nombre certain de ses fidèles qui vouent, de fait, un culte, peu ou prou, à l'Infant. Ce culte est sans détermination temporelle, et une fois le bras offert, on ne le reprend pas. Alors, oui. Il faut comprendre.


Ma vassale. Vous n'êtes pas venue à Chablis.
J'ai parfois fait le sacrifice de vous écrire, vainement. Vous ne m'avez pas toujours fait les honneurs justes d'une réponse. J'en suis peiné. Mais j'ai récemment repris quartiers à Nevers.
J'y ai vu votre travail. Mes terres prospèrent. Mes affaires furent en de sûres mains. En Empire, il en fut autrement.
Madame. Vous avez ma considération et l'assurance que je garderai la vassale précieuse que vous êtes. Mais pourquoi votre silence ?


L'Aiglon aime pourtant le silence, mais un silence entendu, un silence naturel. Il apprécie la douce musique du rien lorsque s'installe un blanc, ou lorsqu'il se tait lui-même, invitant chacun à suivre son mutisme. Qu'il parle et qu'on lui refuse la réponse, en revanche, était une entorse pleine à sa majesté. C'était lui refuser la supériorité qu'il vante tant.
D'un autre, l'Impérial n'aurait pas toléré. Pire, il en aurait fait une trahison. Chlodwig avait trahi, se murant tant dans le silence que dans l'inaction.
Della, elle, avait agi, et à défaut d'avoir su protéger pleinement le Fils de France, elle avait protégé l'apanage laissé par la Souveraine et Mère. Cela valait bien un pardon.

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Della
Merci, votre Altesse.
Della donc se releva et s'assit comme venait de le lui commander Charlemagne.
Elle s'assit sans trop chipoter sa tenue, presque sur le bout des fesses, un peu comme si elle s'attendait à devoir d'un instant à l'autre, se relever. C'est qu'on ne s'installe pas devant un Prince, on s'assoit, simplement ; question de bonnes manières.
Et les bonnes manières, Della, elle les maîtrise plutôt bien. Par exemple, alors que le Prince parle, reproche de ne pas avoir été présente à Chablis, d'être restée muette à ses lettres, elle tremble, ses mains tremblent, ses lèvres tremblent mais l'on ne pourrait le deviner car avec une volonté extraordinaire, elle réussi à cacher tant ses mains qu'à serrer les mâchoires, ne laissant rien entrevoir de son malaise.

Pourquoi ce silence ? demande le Prince.

Un nouveau silence répond...Il lui faut trouver les mots justes, ne pas s'élancer dans une explication foireuse, ne pas s'épancher, ne surtout pas laisser pressentir qu'elle est au bord des larmes, prête à rendre les armes, à porter la croix de la honte.
Elle se sent coupable, elle est coupable. Coupable d'avoir laissé l'Enfant aux mains d'un hérétique récemment reconverti, sans doute par intérêt plus que par conviction.
Mais il ne faut pas laisser s'installer le silence, Charlemagne en prendrait ombrage.
Alors Della rassemble son courage, essaye de desserrer ses mains crispées sur le velours de sa robe, elle respire lentement et comble du toupet, elle lève les yeux sur l'Enfant, plonge son regard dans le sien, regard rempli de tendresse, de celle-là même qu'elle avait pour la Reyne, sans rien brusquer, sans rien bousculer.
La confession peut débuter.


Il m'était impossible de me rendre à Chablis, votre Altesse.
Il aurait fallu, pour que j'y sois présente, que je ne me sente pas aussi fautive à votre égard et à celui de votre Mère, ma Suzeraine.
Comment aurais-je pu assister à la messe commémorative, en ayant, sur le coeur, encore autant de culpabilité ? cela aurait été tromperie ! Et je m'y suis refusée...préférant passer la journée en prières.
J'ai pris soin de vos terres parce que je n'ai pas été capable de prendre soin de vous, c'était un exutoire qui me soulageait un peu, qui apaisait mes remords et ma conscience.
Vous souvenez-vous ce jour où votre...où Sancte vous enleva, de façon fourbe, pour vous emmener avec lui ?
Depuis ce jour et jusqu'à aujourd'hui, je porte le poids de la faute.
Pour protéger l'enfant que je portais, j'ai failli. J'aurais du l'empêcher de vous emmener, j'aurais du me battre bien plus que je ne l'ai fait ! Votre place était à mes côtés, en Bourgogne, comme votre mère l'avait souhaité, au lieu de cela, vous avez grandi dans une foi qui n'est pas la nôtre.

De neutre, le ton de la voix de Della s'emballait, laissant transparaître, contre sa volonté, la colère qu'elle ressentait autant contre elle-même que contre Sancte.
Elle ne marqua qu'un court instant de pause, reprit aussitôt, baissant cette fois le regard :
j'aurais aussi du vous écrire plus souvent, répondre abondamment à vos courriers, vous faire savoir que vous n'étiez pas abandonné, que même si j'étais séparée de vous, j'étais là, pour vous...Je ne l'ai pas fait, savoir que votre frère lisait mes mots m'a empêchée de les écrire.

A nouveau, Della se tut et le silence envahit le salon, laissant les deux protagonistes s'observer, s'attendre...

Je vous demande pardon, Charlemagne.

Ô comme elle aurait voulu se lever et serrer celui qui était encore un enfant entre ses bras, embrasser son front comme elle le faisait avec Clément, l'assurer qu'elle l'aimait et qu'il comptait tellement pour elle. Mais ces gestes là n'avaient pas leur place ici, elle le savait. Déjà, nommer le prince par son prénom risquait de le fâcher, mais elle prit le risque...Il la chasserait s'il le voulait.
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- Et vot'blason, Duchesse ?
- On s'en occupe, à la Hérauderie ! Encore un peu de patience.
*Parait que je dois être en deuil, on disait que je l'étais.*
Charlemagne_vf
Quelle importance pouvait bien donner l'Aiglon aux états d'âme de la Louve ? Il volait à des dizaines de mètres au dessus d'elle, n'accordant qu'à peine un regard à sa vie et à son habitat. Ils cohabitaient très bien, loin l'un de l'autre. Pourquoi changer l'évidence et le fait ?
Le Prince peinait à comprendre les sentiments de sa vassale. Pire, il ne se voyait pas en confident, quoi qu'étant l'objet central de la confession. Doigts se touchant, il arborait une moue lasse, et inspirait ostensiblement. Se laisser aller à la passion, qu'elle fut amour ou désespoir exacerbés, amitié ou piété abusives était une hérésie : l'apanage du gueux qui n'a rien d'autre pour meubler sa vie intérieure que les viles émotions du corps et du coeur.
Jamais Charlemagne n'aurait assumé le moindre battement de son myocarde, et qu'importait la raison de cela. S'il s'était laissé aller aux larmes devant la dépouille morte et immortelle de sa mère, c'était en enfant. Il avait grandi, durement et sans affection qui ne fut teinte d'admiration ou d'envie. Clos, le cercle d'élus auxquels il s'était attaché au-delà de ce que requiert le devoir ne comptait pas plus de trois êtres humains. La Baronne de Seignelay se cantonnait à la relation du devoir. Il ne la connaissait pas, et elle était d'un autre temps. Peut-être jeune, mais d'une génération qui avait déjà commencé à se flétrir. L'Infant ne pourrait jamais lui accorder l'amour qu'elle semblait désirer. Il ne le voulait pas non plus.

Après un soupir, il posa son regard guiséen sur la poitrine opulente de la Dame de Railly. C'était un oeil posé par hasard. Il n'en fut pas même ému. Sa langue mouilla ses lèvres avant qu'il ne réponde à la diatribe.
Aussi lassant le laïus fut-il, il méritait réponse, car l'Infant n'est ni un ingrat, ni un rustre. Il est froid à l'intérieur, c'est tout.


Madame. Je ne serai jamais ma Mère.

Car il semblait évident qu'en Charlemagne, Della cherchait Béatrice. Mais la Souveraine était morte, et s'il était son fils, le Prince était aussi un Von Frayner, le dur rejeton de l'Implacable. Pourtant, il avait perverti son héritage, car le Souverain et son épouse avaient eu de sincères amis, et avaient parfois toléré la familiarité que l'Aiglon ne souffrait pas.

Je n'ai autorisé qu'une personne à m'appeler de mon prénom. Vous n'êtes pas celle-là.
Nous ne sommes pas amis. Vous êtes ma vassale, amie de ma Mère. J'accepte vos enseignements, vos conseils et votre présence, comme j'ai accepté ceux de mon frère. Je ne regrette pas sa tutelle forcée : je l'ai suivi de gré.
Pas un instant je vous fis le reproche de m'avoir laissé à mon sang. Ma place en Bourgogne est retrouvée, mais elle est tout autant auprès des miens, qu'ils soient issus de mon Père que de ma Mère, car le Royaume de France oublie trop souvent que l'on ne naît pas que d'une Reine : il faut un Roi.
Soyez libérée de votre culpabilité vaine. Vous vous faites la porteuse d'une charge qui ne vous échoit pas.


Le pardon accordé par la relaxe plutôt que par la grâce, le Prince se détendit un peu, posant ses griffes sur les accoudoir de son fauteuil. Il dévisageait désormais la Vicomtesse de Montpipeau. Son malaise était agaçant.

Je considère votre devoir rempli. Mes terres ont survécu à ces années sans seigneur. J'ai survécu aussi, et ne suis pas idiot ni sans foi.
Je serai baptisé dans quelques jours à Nevers, entouré de mes seuls parrain et marraine.
Ma majorité bientôt déclarée, vous serez aussi libérée de ma tutelle.


Enfin, Charlemagne se leva. Ailes déployées, il se tenait, majestueux et grand. Pâle, de marbre.

Madame. Je souhaite que vous renouveliez vos serments à mon encontre bientôt, car je vous garderai pour vassale. Malgré votre passion trop exprimée, vous êtes fidèle et loyale. Ceci prime.
En revanche, je crois ma mère sotte de vous avoir octroyé Railly. Vous aimez le vin, et Railly a une terre bien peu propice à la culture des vignes. Peut-être préféreriez-vous une villégiature chablisienne ?


La proposition n'était qu'une question de logique. Un remerciement de l'Altesse envers sa tutrice. Railly avait été la terre donnée par Béatrice, il pouvait être celui qui en donnerait une nouvelle : ainsi leur lien ne serait pas le même. Une différence et un commencement nouveau. Plus austère peut-être, mais non moins sincère.
Quoi qu'au fond, Charlemagne était déjà convaincu qu'elle garderait Railly, foutu attachement symbolique à ce qui est mort.

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Della
Il lui aurait renverser une aiguière d'eau glacée sur la tête qu'elle n'aurait pas eu une autre impression.

En effet, il n'était en rien semblable à Béatrice, pour cela, il avait absolument raison.
Et elle, pauvre sotte, devrait désormais se souvenir qu'il n'avait aucune considération pour elle, à peine celle d'un suzerain envers sa vassale et encore, un peu forcé quand même par le désir maternel exprimé dans un testament. Il était étonnant même qu'il entende le respecter pour ce point. Quoique...en lui proposant un autre fief que Railly, Charlemagne évoquait même la possibilité de ne pas tenir compte du souhait de Béatrice.

Le prince serait bientôt majeur, il souligna ce fait.
Della s'en réjouit.
Cela signifierait qu'il pourrait même se passer d'elle et irait prêter allégeance tout seul comme un grand ! La voici bientôt débarrassée d'une corvée...Ou comment un amour impossible se transforme en indifférence, en l'espace de quelques phrases reçues comme cinglantes, presque humiliantes à entendre.

Cet Enfant qu'elle chérissait encore quelques minutes plus tôt, celui-là osa traiter Béatrice de sotte, elle vit rouge et la culpabilité céda la place à la colère manifestée par une lèvre qui se soulève dans un rictus et par un regard qui vire à l'acier, planté dans celui de l'altesse dont elle se fout bien maintenant de froisser l'ego. Terminées les bonnes manières !
Ecoute donc ce que l'on va te dire...Altesse ! Et tâche d'en prendre de la graine.


Seul le souvenir de votre Mère me tiendra à Railly, votre Altesse, c'est en sa mémoire que ces terres resteront fertiles de ce qu'elles portent et que je vous prêterai allégeance.
Et pour rien d'autre... Elle était une Grande, vous auriez pu lui ressembler.
Della releva la tête, ostensiblement, son buste suivit le mouvement, semblant défier l'Altesse et toute prête à s'en aller dès qu'il le lui commanderait, vidant la pièce de sa présence pour tirer un trait sur un passé désormais révolu. Béatrice venait de s'éteindre une seconde fois devant les yeux de Della.

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- Et vot'blason, Duchesse ?
- On s'en occupe, à la Hérauderie ! Encore un peu de patience.
*Parait que je dois être en deuil, on disait que je l'étais.*
Charlemagne_vf
Debout, Charlemagne resta interdit un instant. A son mépris, l'on répondait généralement par la déférence et la soumission. Le défi avait déjà été tenté, mais par des idiots. Or, malgré les apparences, le Prince estimait sa vassale. Vestige passé, certes, mais non moins digne de son hospitalité et de son attention.
L'Infant ne comprenait pas que l'on puisse s'offusquer de sa rigueur, qui pourtant, venant d'un autre, l'aurait profondément vexé. Était-ce sa faute s'il avait été fait ainsi, après tout ? Il aurait aussi pensé la Vicomtesse de Montpipeau plus intelligente. Son verbe avait été la lance d'une femelle frustrée et piquée au vif trop facilement. Elle n'avait pas même joué le jeu, heurtée dans sa culpabilité mortifère. Sa posture était un affront, car elle osait surplomber l'Aiglon de son regard de Louve. Avait-elle seulement compris qui était en fait le Castelmaure ? La Béatrice en lui s'arrêtait à une nostalgie de valeurs, à une peau d'albâtre, à des cheveux noirs. Son air juvénile n'était pas celui du Guise vieillissant, mais de juvénile, il n'avait que la face. Son coeur était déjà vieux. Vieux d'avoir trop vite du grandir. Si son corps n'avait pas les vergetures d'une croissance trop rapide, mais plutôt d'une obésité réduite au rachitisme un temps, son âme était lacérée. Il peinait à comprendre les affects de la Volvent, il lui renvoyait donc au visage comme une chose inutile : où était la corruption et le mal ?
Il ne comprit simplement pas.

La critique ouverte de la Dame de Railly eut pu blesser l'Aiglon, le faire choir. Il resta de marbre : jamais il n'avait prétendu ressembler à sa mère : il lui accordait trop d'erreurs et d'imperfections. Elle était, comme l'Implacable, la moitié de l'idéal. L'idéal, c'était lui seul, il avait fallu un Père et une Mère à demi imparfaits pour l'engendrer. Pourquoi vouloir ressembler en tout point à des parents qui ont échoué ?


Dehors.

L'impudente fut ainsi congédiée, sans préavis. Charlemagne s'était vu offrir une matière à penser.
Le souvenir. La ressemblance. Des foutaises. Se laissant tomber sur un fauteuil boisé, où il s'affala, le Prince fut happé par Mélancolie, vieille et douce femelle aux doigts fins et dorés.
Les Aigles bicéphales étaient grandes. Béatrice. Guise. Non, il ne les égalerait pas. Si en vitrine, il paraissait posséder leur grandeur, in petto il savait son incapacité à devenir le puissant rapace. Il avait perdu tout potentiel à égaler les Rois quand un volatile avait transpercé son Père. Alors il avait su la mortalité des hommes les plus puissants. Il craignait de périr autant qu'il abhorrait la laideur.
Della avait osé lui cracher au visage sa faiblesse : son orgueil, qu'il chérissait pourtant. La morgue est un bien adorable, une qualité qui fait de vous un être au dessus du Monde. Pas un Dieu, toutefois.


Restez.

Il aurait voulu la briser. Elle était pourtant, peut-être, la plus fidèle et la moins intéressée. La moins puissante, aussi. Aliénée par une vie trop monotone, elle semblait ne pas connaître le poids que supportaient les épaules princières.
Le Duc soupira profondément, se relevant.
L'oeil ferme de l'Aiglon se posa sur une toile sombre : Lhise de Tapiolie, son austère grand mère. Austère, il n'en savait rien du reste. Sa mine sombre toutefois, sur cette esquisse, le laissait entendre. Nul ne lui conterait plus les faits et la grandeur de sa Maison. Dernier Castelmaure digne du nom et de sa lignée. Franc était une déception. Les branches bâtardes ne faisaient pas mentir l'impureté de leur sang. Il était seul. Alors, il lui fallait pourtant le prendre, ce souvenir qu'il se refusait à dire important. Les fantômes sont vanités, et pourtant, Mélancolie lui avait soufflé leur utilité. La vassale était le témoin privilégier.


Contez moi la mort de Mère.

Cette mort dont il n'avait que bribes et ragots. Cette mort dont il ne savait finalement rien.
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Della
Comme prévu, Della se leva, sans lâcher le regard du Prince, elle fit une révérence d'au revoir à défaut de pouvoir être un adieu puisqu'elle resterait sa vassale, en mémoire d'un passé que l'Enfant semblait vouloir ignorer.
Une fois à nouveau sur ses deux jambes, Della se dirigea vers la porte qu'elle s'apprêtait à franchir, sans remord parce que ce qu'elle avait à dire avait été entendu et peu importait désormais les retombées de ses paroles, elle assumerait.
Elle en était à être bientôt libérée lorsque Charlemagne la retint. Elle suspendit sa sortie, curieuse de savoir ce qui venait de lui valoir une prolongation de séjour dans le salon.
La demande que lui fit le Prince la surprit et elle pivota presque malgré elle, faisant une nouvelle fois face à l'Enfant et cherchant peut-être en vain, quelques signes de réel intérêt sur ce visage trop blanc de cet évènement qui avait changer radicalement le coeur et la vie de la vassale aimée.
Choisissant de rester là où elle se trouvait, exactement à deux ou trois pas de la porte, laissant les secondes s'égrainer, histoire de remettre un peu d'ordre dans ses pensées, et après une longue inspiration, la jeune femme répondit :


Nous repartions à Paris, votre Mère semblait heureuse, elle parlait de vous, ses enfants, le voyage était tranquille, le chat dormait sur les genoux de la Reyne. C'est fou comme les souvenirs peuvent revenir sans qu'on leur demande rien...ce chat...comme une ancienne image d'un livre trop vieux...Le carrosse a été attaqué. Ce fut d'une violence inouïe, ils étaient là pour tuer...tuer...Maud et moi avons tenté de faire sortir Béatrice du carrosse mais... L'émotion du souvenir fit trembler la voix de Della, elle se tut un instant, le temps de sonder une fois encore le visage et le regard du fils de Béatrice, avant de reprendre, d'une voix un peu plus maîtrisée : Nous n'avons pas pu...la sauver. Nouveau silence, lèvres pincées et regard redevenu dur, poings serrés...J'ai enfoncé ma dague dans les côtes de la Corléone, je voulais qu'elle meure...Et la voix s'éteint parce qu'il n'y a plus rien à dire, parce que la poitrine se soulève un peu trop vite et que la même rage, la même colère qu'autrefois viennent de se rappeler au mauvais souvenir de Della.
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- Et vot'blason, Duchesse ?
- On s'en occupe, à la Hérauderie ! Encore un peu de patience.
*Parait que je dois être en deuil, on disait que je l'étais.*
Charlemagne_vf
L'Infant avait entendu maintes choses de la mort de sa mère. Enfant, on avait parlé d'une maladie dont elle n'était pas revenue. Les inconscients protègent les esprits infantiles de ce qui pourrait les faire grandir, mais le Prince n'en avait pas été freiné : son esprit avait évolué trop vite. L'orphelinat et ses troubles ne lui avaient pas laissé le temps de goûter à l'enfance louvresque de ses jeunes années. Il avait vite perdu l'embonpoint qu'octroie le luxe, et avec lui, une innocence candide.
Plus tard, Charlemagne avait su que Fontainebleau était funeste pour son sang, et que c'est là que Béatrice, bousculée, avait été perdue. Quand l'être croît, l'on consent à lui dire à mi-mot des semblants de vérité, et l'on ne ment plus que par omission.
Enfin, il avait su que la Souveraine avait été grassement assassinée. Il était resté stoïque. Elle était morte depuis longtemps, alors. Son deuil éternel ne souffrait plus le chagrin, et il avait perdu toute capacité aux larmes devant la tombe royale. A peine une haine avait-elle envahi son âme : le peuple était ingrat. Hélas, il le savait déjà. Son esprit ne fut pas altéré lorsqu'on lui révéla le vrai, puisqu'il était déjà paré d'un mépris ardent pour le vulgaire, le bas. Qu'attendre de la plèbe, si ce n'est l'assassinat et l'offense ?
Mais alors, pourquoi demander à Railly le récit ? Simplement parce qu'elle y était. Mais aussi parce qu'elle est l'espoir de faire jaillir une flammèche étouffée : la vengeance.
Le Prince désire ardemment le rachat du crime, mais le Prince ne brûle pas de cette passion. Il a annihilé toutes frénésies émotionnelles depuis trop longtemps, et ne s'effraie de rien, s'il s'inquiète de tout.
Il méprise, à défaut de détester. Il ignore, à défaut de ne pas aimer.

Guise a été vengé : au lendemain de sa mort, Charlemagne mangeait les cuisses de l'Aigle qui l'avait transpercé. Il avait littéralement ingurgité, digéré l'assassin de son Père.
Il devait, lors, digérer les assassins de Béatrice. Ainsi, ou autrement.

Le regard glacial tenta de percer la Duchesse. Un geste l'invita à s'asseoir à nouveau.
Outre la vexation qui avait précédé, il s'agissait de noyer le poisson, et d'oublier les affronts. Montrer que l'on n'est pas parricide en condamnant les régicides est un moyen commun de tromper sa conscience. De facto, il avait tant voulu que de son vivant, Béatrice ne soit plus Reine, qu'il avait peut-être souhaité qu'elle ne soit plus rien.


Je sais déjà cela. Il y a plus, je le sais. Dites. Dites tout, et qui.

Le Duc du Nivernais avait reçu un récit cru de celle qui avait dépendu Béatrice. Il en avait tressailli. Della oubliait, ou ne voulait pas dire. Pourtant, elle était la première à devoir révéler au Prince la réalité nue. Elle avait été la première à la voir.
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