Charlemagne_vf
[Nuit humide. Attentat liquide.]
La nuit est tombée sur le Languedoc et sur Mende. Le Soleil a chu, mais la Lune, levée à son zénith, peine à défaire ce que s'employa à faire son triste jumeau diurne. Dans sa chambre, Charlemagne de Castelmaure a chaud.
Il n'a jamais aimé la lourdeur du Sud. La chaleur, il l'aime émanant d'une riche et douce peau de bête, en hiver. Il sue : son front est une mer glacée, et sur son dos coule une rivière qui ne se jette dans un océan postérieur qu'au sortir du Delta de la Chute de Rein.
Depuis deux heures qui en paraissent quatre, le Prince se tourne et se retourne. A ses pieds, une couverture a été rejetée violemment, dans un élan de colère, soixante minutes plus tôt. Il est allongé sur un lit ouvragé dans un bois massif dont le dossier de tête, finement gravé d'un chef de Lion, entre autres fioritures, se termine en un baldaquin sans rideaux. Mais est-ce là le seul intérêt de l'Infant à cette heure de la nuit que la menuiserie ? Tristement, oui. La chaleur n'aidant pas au sommeil, il cogite à tout et à rien, son attention se portant sur les plus petits et insignifiants détails de sa vie.
Entre deux réflexions, il compte les moutons sans succès. Il se lève, va à la fenêtre, observe l'astre nocturne, quelques étoiles, qu'il dédaigne. Même la froideur du sol l'agresse. Rien ne va. Nuit pourrie.
Il s'affale à nouveau, il va et vire. Son bras pend le long du lit jusqu'au sol, son visage affiche une colère noire contre le cosmos qui lui refuse le repos le plus sommaire.
Il s'étend, sur le dos, écartelé. L'air peine à lui parvenir.
A la sueur se mêlent sans doute quelques moustiques. Il se gratte. Aucun insecte, mais il se gratte quand même. Le mollet d'abord, puis le torse.
Il ferme les yeux, les ouvre à nouveau, soupire, et re-soupire. Épuisé de tant de sport, retourné sur le ventre, il ne bouge plus, haletant.
Dors ! dors ! dors !
Mais les pensées vagues et sans cohérence s'invitent.
Un. *souffle* Deux. *souffle* Trois. *souffle*
Et le texte de son prochain écrit à la Hérauderie Impériale vient interférer, puis se fait couper la chique par les formes infâmes d'une Yolanda de Josselinière et le visage symétrique et imberbe de son frère.
Que viennent-ils foutre là ? Aucune idée. C'est comme les rêves qui profitent d'un moment de somnolence pour plonger l'Altesse dans un délire total qui finit par le réveiller, encore. Le réveiller pour mieux recommencer le manège incessant.
Et ça gratte, ça gratte encore. Charlemagne rampe sur ses draps. Et zut ! Après les suées, après les démangeaisons, après un épisode de soif et un autre de faim, après l'inquiétude quant à son avenir, l'Infant doit subir une manifestation impromptue et inattendue de son anatomie.
Il devient homme.
Il ne pourrait nier qu'un fin duvet à commencer à orner ses lèvres. Certes on ne le distingue qu'à peine, mais au toucher, il est perceptible.
Il ne peut non plus nier que ses jambes commencent à brunir.
Il ne peut nier que, parfois, alors qu'on lui donne son bain, sa virilité se présente à lui.
Mais tout cela, il ne l'a pas étudié. Doux paradoxe de l'Enfant érudit par la force des choses, éduqué comme le Prince qu'il est par force précepteurs, mais dont l'orphelinat a oublié tout apprentissage des choses de la vie.
Et là, lesdites choses insistent, elles marquent leur territoire, et cette rigidité nocturne n'entend pas baisser les armes. C'est la première fois : les autres, anecdotiques, étaient succinctes, et le Prince n'en a pas même le souvenir.
Aidé par un mouvement incessant, par des retournements, par des frottements ostensibles contre le lit, le Sceptre Royal se voit flatté, et si malmené que Charlemagne commence à y trouver un plaisir certain. Un plaisir qu'il ne ressent jamais. Un plaisir qui est celui des sens et non de l'esprit.
Dans sa frénésie, le bien pensif Aiglon oublie de s'arrêter et d'étudier le phénomène, à tel point qu'après s'être amignonné, chemise à moitié relevée, et le tout sans même le vouloir, il se trouve ramené à la dure réalité par un jet tout aussi chaud que la nuit sous ses linges, réveillé par son propre cri de jouissance.
Stupeur. Tremblements. L'extase fut courte, très courte, et la tenue de Charlemagne est souillée. Ses yeux vont et viennent. Qui l'a mouillé ? Il ne saurait dire. Pas de pipi au lit, il le sait. Il n'a pas uriné dans ses linges depuis des siècles. Alors quoi ?
Gardes ! A moi ! Madame d'Auxerre ! Aelith-Anna !
Toute la mesnie mérite d'être conviée à l'évènement. Le Prince se sent offensé par une force qui lui est supérieure - l'impudente ! - et entend bien la réduire à néant. Il se touche le ventre : ça colle. C'est répugnant. Il renifle : c'est étrange.
Et les premiers qui auront fait irruption dans la chambre de voir le Fils de France, la main tendue, auréolée d'un liquide blanchâtre.
On m'a craché dessus.
A eux de prendre la mesure de l'outrage.
_________________
La nuit est tombée sur le Languedoc et sur Mende. Le Soleil a chu, mais la Lune, levée à son zénith, peine à défaire ce que s'employa à faire son triste jumeau diurne. Dans sa chambre, Charlemagne de Castelmaure a chaud.
Il n'a jamais aimé la lourdeur du Sud. La chaleur, il l'aime émanant d'une riche et douce peau de bête, en hiver. Il sue : son front est une mer glacée, et sur son dos coule une rivière qui ne se jette dans un océan postérieur qu'au sortir du Delta de la Chute de Rein.
Depuis deux heures qui en paraissent quatre, le Prince se tourne et se retourne. A ses pieds, une couverture a été rejetée violemment, dans un élan de colère, soixante minutes plus tôt. Il est allongé sur un lit ouvragé dans un bois massif dont le dossier de tête, finement gravé d'un chef de Lion, entre autres fioritures, se termine en un baldaquin sans rideaux. Mais est-ce là le seul intérêt de l'Infant à cette heure de la nuit que la menuiserie ? Tristement, oui. La chaleur n'aidant pas au sommeil, il cogite à tout et à rien, son attention se portant sur les plus petits et insignifiants détails de sa vie.
Entre deux réflexions, il compte les moutons sans succès. Il se lève, va à la fenêtre, observe l'astre nocturne, quelques étoiles, qu'il dédaigne. Même la froideur du sol l'agresse. Rien ne va. Nuit pourrie.
Il s'affale à nouveau, il va et vire. Son bras pend le long du lit jusqu'au sol, son visage affiche une colère noire contre le cosmos qui lui refuse le repos le plus sommaire.
Il s'étend, sur le dos, écartelé. L'air peine à lui parvenir.
A la sueur se mêlent sans doute quelques moustiques. Il se gratte. Aucun insecte, mais il se gratte quand même. Le mollet d'abord, puis le torse.
Il ferme les yeux, les ouvre à nouveau, soupire, et re-soupire. Épuisé de tant de sport, retourné sur le ventre, il ne bouge plus, haletant.
Dors ! dors ! dors !
Mais les pensées vagues et sans cohérence s'invitent.
Un. *souffle* Deux. *souffle* Trois. *souffle*
Et le texte de son prochain écrit à la Hérauderie Impériale vient interférer, puis se fait couper la chique par les formes infâmes d'une Yolanda de Josselinière et le visage symétrique et imberbe de son frère.
Que viennent-ils foutre là ? Aucune idée. C'est comme les rêves qui profitent d'un moment de somnolence pour plonger l'Altesse dans un délire total qui finit par le réveiller, encore. Le réveiller pour mieux recommencer le manège incessant.
Et ça gratte, ça gratte encore. Charlemagne rampe sur ses draps. Et zut ! Après les suées, après les démangeaisons, après un épisode de soif et un autre de faim, après l'inquiétude quant à son avenir, l'Infant doit subir une manifestation impromptue et inattendue de son anatomie.
Il devient homme.
Il ne pourrait nier qu'un fin duvet à commencer à orner ses lèvres. Certes on ne le distingue qu'à peine, mais au toucher, il est perceptible.
Il ne peut non plus nier que ses jambes commencent à brunir.
Il ne peut nier que, parfois, alors qu'on lui donne son bain, sa virilité se présente à lui.
Mais tout cela, il ne l'a pas étudié. Doux paradoxe de l'Enfant érudit par la force des choses, éduqué comme le Prince qu'il est par force précepteurs, mais dont l'orphelinat a oublié tout apprentissage des choses de la vie.
Et là, lesdites choses insistent, elles marquent leur territoire, et cette rigidité nocturne n'entend pas baisser les armes. C'est la première fois : les autres, anecdotiques, étaient succinctes, et le Prince n'en a pas même le souvenir.
Aidé par un mouvement incessant, par des retournements, par des frottements ostensibles contre le lit, le Sceptre Royal se voit flatté, et si malmené que Charlemagne commence à y trouver un plaisir certain. Un plaisir qu'il ne ressent jamais. Un plaisir qui est celui des sens et non de l'esprit.
Dans sa frénésie, le bien pensif Aiglon oublie de s'arrêter et d'étudier le phénomène, à tel point qu'après s'être amignonné, chemise à moitié relevée, et le tout sans même le vouloir, il se trouve ramené à la dure réalité par un jet tout aussi chaud que la nuit sous ses linges, réveillé par son propre cri de jouissance.
Stupeur. Tremblements. L'extase fut courte, très courte, et la tenue de Charlemagne est souillée. Ses yeux vont et viennent. Qui l'a mouillé ? Il ne saurait dire. Pas de pipi au lit, il le sait. Il n'a pas uriné dans ses linges depuis des siècles. Alors quoi ?
Gardes ! A moi ! Madame d'Auxerre ! Aelith-Anna !
Toute la mesnie mérite d'être conviée à l'évènement. Le Prince se sent offensé par une force qui lui est supérieure - l'impudente ! - et entend bien la réduire à néant. Il se touche le ventre : ça colle. C'est répugnant. Il renifle : c'est étrange.
Et les premiers qui auront fait irruption dans la chambre de voir le Fils de France, la main tendue, auréolée d'un liquide blanchâtre.
On m'a craché dessus.
A eux de prendre la mesure de l'outrage.
_________________