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[RP] "Tu veux être mon ami ?"

Charlemagne_vf
Citation:
A Arutha de Gisors-Breuil, Baron de Falaise, Seigneur de Hauterive.

    Salut.


Mon ami. Parce que tu l'es n'est-ce pas ? Le seul compagnon de jeu que ne connut jamais ma brève enfance.
Il est loin, ce Louvre où nous humilions ce page qui se prétendait Baron. Je suis sûr que ce n'était qu'un gratte-papier.
Il est plus loin encore ce courrier que nous signâmes pour la Duchesse d'Auxerre. Tu avais l'air petit dans son bureau, mais tu pourras au moins dire que j'y étais.
Que je te délègue mes voix en Bourgogne, le temps de mon voyage, t'a peut-être surpris. C'est que je n'ai nul autre personne digne de ma confiance. J'espère ne pas avoir embarrassé Madame de Railly en t'octroyant un vote supérieur au sien. Mais c'est ma vassale, alors je crois pouvoir décider sans son aval, non ?

J'ai vu Yolanda. Elle n'a plus tant de gras sur les côtes. Je crois que l'incendie de la boutique des Durées va lui faire du bien. Elle pourra marcher, maintenant. Les macarons, ce n'est bon pour personne. D'ailleurs, si tu veux les Madame Royale qu'ils m'ont offerts, je te les enverrai. Moi, je n'en ferai rien.
Tu aimes toujours Yolanda ? Moi, toujours pas. J'ai essayé, pourtant. Mais je ne t'empêche pas de l'aimer. Tu peux. Aimer, c'est ridicule, sache-le, c'est tout. J'ai lu que les passions sont dangereuses. Mère le croyait aussi.

Je me réjouis d'être à nouveau en Bourgogne. J'ai choisi Nevers. Mère avait choisi Chastellux. Grand-Père avait choisi Chablis.
Tu l'as peut-être su, c'est mon Frère Sancte Iohannes qui m'a tout appris. Il ressemble à Père, c'est étrange. Je n'aime pas les bâtards, mais il est admirable. Il est dommage que sont sang soit souillé.
Je l'ai quitté pour le Languedoc, j'y ai retrouvé Franc Claude : c'est un nain. Mon cousin l'appelle Pitchoune. Il est diminué physiquement, et son tuteur s'emploie à en faire une moule : il pêche les grenouilles avec la valetaille !
Je crois que Madame d'Auxerre, chez qui j'ai passé l'été, n'était pas heureuse de l'apprendre. Elle est restée à Nevers.

J'étais heureux que tu me proposes de t'aider pour les Ducales : c'était l'occasion de revenir, et aussi celle de suivre le modèle de Mère. Les Castelmaure ne sauraient quitter trop longtemps la Bourgogne.
Pourquoi as-tu voulu de moi, d'ailleurs ? Parce que je suis riche, peut-être...

Mais peu importe en fait. Tu veux être mon ami ?
Il m'en faut un, et je ne vois nul autre digne de prétendre au titre. J'ai parfois besoin de parler. Je n'aime pas cela, mais il m'arrive des choses nouvelles, et mes gardes sont des rustres, mes gouvernantes des filles, et je crois que Mesdames d'Auxerre et de Railly sont trop vieilles. J'ai donc besoin de toi.
L'acceptes-tu ?

S.A.R. C.d.C.


La main diaphane lâcha la plume. C'était bien. Une épreuve que d'écrire quelque chose qui ne fut pas complètement utilitaire et pratique, mais bien.
Le Prince, qui avait une notion plus pratique que sentimentale de la notion d'amitié trouvait aussi important de se doter d'un poto que de vassaux. La procédure était la même : il s'agissait d'un contrat, d'un échange de bons procédés. La dimension de connivence et de complicité lui échappait profondément, bien qu'il avait trouvé en le Baron de Falaise un réel repère.
D'abord une sorte d'esclave, c'était devenu un égal. Orphelin. Héritier. Noble. Héraut. Il avait tout pour plaire. Il n'aurait pu en être autrement.
C'était, en plus, la seule personne au monde, ses laquais exceptés, que le Duc du Nivernais daignait tutoyer. Les serviteurs, il leur assénait le singulier de la seconde personne pour leur rappeler la servitude et sa domination.
Le Gisors-Breuil avait droit à cette familiarité par naturel. Ils s'étaient connus lorsque le Prince avait cinq ans, et entre un Franc Claude trop jeune et trop aimé, et une Yolanda haïe, Arutha avait incarné la balance, l'équilibre, une sorte de normalité.


A Hauterive.
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Arutha
A Hauterive se trouvait le jeune Gisors-Breuil, récemment anobli par la Baronne de Seignelay, fort occupé à gérer quelques dossiers héraldiques, les uns témoignant d'une stupidité à toute épreuve chez certains nobles , les autres affirmant, au contraire, un véritable sens de la noblesse. En cet instant, d'ailleurs, Bourgogne étudiait le dossier dont le titre définissait, à lui seul, la subtilité de l'affaire : « Nivernais ».

- Baron, vous avez...
- Je travaille...
- ... une lettre...
- ... sur un dossier héraldique...
- ... du duc venant...
- ... important venant...
- ... de Nevers.


La missive fut intrigante, tout autant que ce qu'elle contenait. Un sourire aux lèvres, il entreprit une réponse.


D'Hauterive à Nevers... a écrit:
    A Son Altesse Royale Charlemagne de Castelmaure-Frayner Duc du Nivernais & de Bolchen, Vicomte de Chastellux & de Baudricourt, Baron de Chablis, de Thuillières & de Laignes,

      Salut.

      Ton ami, je le suis, tout autant, je l'espère, que tu es le mien.
      Il est loin, ce Louvre, digne et rayonnant, pâle souvenir de ce qu'il est aujourd'hui ; perdu par une Malle Morte, souillé par un lapin de Varenne qui n'a même pas la vivacité d'esprit des animaux dont il a pris le nom. Ah ! Il est loin ce Louvre majestueux. Te souviens-tu du nom de ce Baron gratte-papier ? Je ne m'en souviens pas vraiment, mais n'était-il pas habité par le diable ? Son nom était moche, mais ne reflétait que sa condition. Il n'était pas Baron.
      Il est loin ce temps où nous étions tous les deux dans le bureau de la Duchesse d'Auxerre ; j'avais l'air petit, mais toi, tu étais gros ! Mais gentil. Mais gros.
      Bien sûr que j'ai été des plus surpris que tu me délègues tes voix en Bourgogne, et j'espère en avoir fait bon usage. Je ne crois pas que tu aies embarrassé Della ou, tout du moins, n'en sais-je rien.

      Je n'ai pas vu Yolanda, pour ma part, depuis qu'elle m'a dit qu'elle allait se marier avec un Euphor ; ce même Euphor qui a tué mon frère. Il a crevé, tant mieux ; qu'elle crève aussi, qu'elle perde son gras, son corps, son cœur, qu'elle aille au diable. Je suis désolé au plus haut point que la boutique des Durées ait brulé, mais je suis encore plus navré qu'elle ne s'y trouvât pas. Le bois sec s'embrase si facilement ; son cœur est sec. Je la haïs, Charly. Je ne l'aime plus, je la haïs.
      Mais je prendrai volontiers les Madame Royale.

      Peut-être me rendrai-je un jour à Nevers afin de te rendre visite ; je ne m'y suis jamais rendu, je ne l'ai jamais visitée, cette belle ville, paraît-il. Je n'ai jamais connu ton père, j'aurais souhaité. Mais nous ne faisons pas toujours ce que nous souhaitons ; seules les altesses royales le peuvent. Je n'en suis pas.
      Franc Claude a quel âge ? Est-il bon porteur de son sang ? Pitchoune, quel surnom pathétique, quel surnom ridicule, et surtout, quel surnom indigne de son rang. Je ne pourrais que te conseiller de faire manger les grenouilles à son tuteur jusqu'à ce qu'il en meure.

      La raison pour laquelle j'ai voulu de toi est simple ; tu es mon ami, et bon sang ne saurait mentir. Me passer de toi aurait été me passer du sang des Castelmaure, et je ne pouvais l'envisager. Et tu es riche, aussi, mais ton argent ne m'intéresse pas.

      Je veux bien être ton ami, non pas par pitié, mais par envie.
      A partir de maintenant, tu le seras.

      Fais juste attention à toi, Charly, lorsqu'il t’arrivera de voyager à Paris. Fontainebleau est, déjà, souillé du sang pur des Castelmaure. Je ne veux point, encore, que la terre en soit abreuvé.
      Je ne veux pas que tu meures.

      Que le Très-Haut te garde.






Un regard au domestique. Retour à l'expéditeur ; retour à Nevers.

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Charlemagne_vf
De Hauterive à Chablis, il n'y avait qu'un pas. Le Prince aurait pu répondre dans l'heure, et c'eut été une conversation plus qu'une correspondance. Mieux, la chevauchée aurait pu réunir le brun et le blond. Mais Nevers est loin, par delà l'Auxerrois, et à l'autre bout du Nivernais. La Bourgogne est grande et vertigineuse.
Charlemagne ne se laissait pas déranger pour une lettre, fut-elle portée par un laquais à la livrée azur aux lys d'or. Il ne décachetait rien avant que le soir fut venu, mais se piquait d'écrire à tout moment du jour.
Ce soir là, il ne répondit à rien d'autre qu'à Falaise. Puisqu'il fallait lui octroyer la différence et la singularité.
Ce n'était presque pas artificiel.



Citation:
    A Arutha de Gisors-Breuil, Baron de Falaise, Seigneur de Hauterive.


Salut.

Ainsi, te voilà l'esclave du sentiment ? Tu haïs. Contente toi de ne la pas aimer, cette morue, car elle ne vaut pas ton tracas. Je croyais encore que vous étiez lié, mais voilà qu'elle t'a trahi. Je l'ai toujours pensée responsable de la mort de Mère. Peut-être aurait-elle pu la fuir, cette forêt de Fontainebleau, si on ne l'avait pas confortée dans cet abus de macaron. Si on ne l'avait pas faite grossir. J'étais gros, oui. Je me garderai de l'être à nouveau. L'impotence me fait horreur. Alors tu recevras les Madame Royale avec ce pli, mais n'en abuse pas, toi non plus. Ton sang m'importe, il est celui d'illustres Pairs de France. Tes parents portèrent le bleu, comme mes grands parents.
N'aie de craintes pour ma vie. Je ne voyage pas, si je ne puis réunir au moins six hommes. Généralement, quatre sont du Nivernais, et puis il y a Anthoyne de la Louveterie, qui protégea ma Mère et qui doit veiller à ne pas perdre un autre Castelmaure, et Jehan Fervac, un gueux sanguinaire et brutal qui m'est dévoué. Tue-les s'ils faillissent, mais je parierai aisément que tu n'auras jamais à le faire. Ils ont le peu de confiance que j'ai à offrir, et tu as le reste, désormais, parce qu'il est bien entendu que je suis ton ami autant que tu es le mien.
Il n'est nul autre à qui je permets tes familiarités.

Tu m'as bien représenté en mon absence. Je t'en suis reconnaissant. Je m'en remettrais à toi à toute occasion.

Tu es le bienvenu à Nevers, comme en n'importe quel autre lieu qui soit mien. Si l'Hôtel St Paul t'indispose, Castelmaure t'est ouvert à Paris. J'y suis peu. Je n'aime pas le Paris d'aujourd'hui.

Franc Claude approche des onze ans. Je ne sais s'il est bon porteur de son sang : je ne le connais pas. Il m'a manqué, mais il n'est plus l'enfant que portait Mère. Il m'a été enlevé. Nos vies ne sont plus les mêmes. Il a davantage la mollesse des Irissari que la superbe des Castelmaure. Et puis...un nain. Sais-tu que Père faisait des lancers de nain savoyards à Bolchen ? La vie se pique d'être ironique, même avec les morts.
Il me faut te détromper : les Altesses Royales ne peuvent pas tout. Elles peuvent beaucoup, mais je crois que celui qui veut beaucoup peut tout autant. Nos largesses sont à la mesure de nos responsabilités, mais je ne t'apprendrai pas que la gueusaille est incapable de le voir.

Tu es majeur, et je le serai bientôt. T'a-t-on parlé du mariage ? Il m'est arrivé une chose, chez Madame d'Auxerre. Un crachat est arrivé sur mon corps. Ils ont prétendu que c'était de mon propre fait, et que cela faisait de moi un homme. Depuis, j'ai compris. Tu comprendras sans doute de quoi il s'agit, si tu es un homme, toi aussi.
Depuis quelques mois déjà, il m'est revenu les noms de maintes filles de France et d'Empire. On les disait déjà mes promises. Je n'ai pas l'heur de trouver d'attrait à ces choses fardées, ces Yolanda en puissance. Je n'y entends rien. Je crains de faillir à un devoir, à ne rien y entendre.
Je ne sais si tu en sais plus. Il me faudra ton aide.

Nous sommes amis, ni par pitié, ni par nécessité. Je crois que j'en ai l'envie aussi. Soyons en heureux. Sans en abuser, nous ne pouvons nous mettre en péril. Il suffit de n'être que deux.

Préserve-toi.

L'On te veille.

S.A.R. C.d.C.

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Arutha
La nouvelle missive arrivant fut accueillie, un sourire aux lèvres, par le Baron. Elle avait, presque, été trop vite à venir, comme témoignant d'un véritable manque d'affectation chez celui qui était tout autant son ami que, peut-être, son confident. Mais là où le Prince ne décachetait que le soir, la nature curieuse du Gisors lui ordonnait d'ouvrir dans l'instant ses correspondances. « Tout doit être fait avec passion. »

D'Hauterive à Nevers... a écrit:
    A Son Altesse Royale Charlemagne de Castelmaure-Frayner Duc du Nivernais & de Bolchen, Vicomte de Chastellux & de Baudricourt, Baron de Chablis, de Thuillières & de Laignes,

      Salut.

      Comment pourrais-je être l'esclave du sentiment ? Je ne saurais l'être ; être esclave, c'est refuser une autorité que nous ne pouvons dominer. Je ne suis pas esclave ; car le sentiment, quand bien même je ne puis le dominer, je l'accepte. Et en cela, je ne suis pas son esclave. Je te remercie pour les Madame Royale mais je les mangerai, tant avec respect qu'avec retenue, pour le souvenir de ta Mère. Me pardonnes-tu de ne point m'être rendu à la messe qui fut dite en Son Honneur ? Mes pensées furent à elle, vers elle, mais je n'aurais pu laisser mon domaine de Falaise qui me demandait, et mes gens. Pour honorer les morts, il faut honorer les vivants ; et je sais que les Falaisiens adorèrent ta mère. Quoiqu'il en soit, je ferai attention.
      Si jamais ils se montraient incapables de te protéger, je m'assurerai moi-même qu'ils croupissent jusqu'à la fin de leurs jours dans les geôles de Falaise. Que Dieu m'en soit témoin.

      Le Paris d'aujourd'hui n'est que le triste miroir d'un Louvre décadent et pourri. Je saurai y trouver Castelmaure, je te remercie.

      Celui qui veut beaucoup peut tout autant ? Je ne saurais te le dire ; ne voudrais-je point être le maistre militaire que fut mon père ? Sans doute. Ne voudrais-je point être le parfait héraut que fut ma mère ? Tout autant. Avoir des aïeux comme les nôtres est parfois difficile. Car il m'arrive de douter, un jour, de pouvoir véritablement les représenter.

      On m'a parlé de mariage. Je t'en dirai plus quand nous rencontrerons car je ne saurais déposer un secret comme celui-ci dans une missive telle que celle-là. Un crachat ? Un gueux paysan aurait-il osé te cracher dessus ?
      Quels sont les noms de tes promises ? Peut-être pourrais-je t'aider.


      Prends-soin de toi.
      Que le Très-Haut te garde.




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Charlemagne_vf
D'usage et d'habitude, Charlemagne de Castelmaure méprisait la prévenance à son égard. Il n'aimait pas ces femmes qui se piquaient d'être protectrices, se prenant pour des mères de substitution. Il n'admirait pas plus les hommes qui lui juraient fidélité à tour de bras. La loyauté de certains n'était qu'une façade posée au bon moment pour s'attirer de bonnes grâces imméritées. Certes, le Prince retenait le nom de ces lames déclarées féales à sa cause, mais il n'était pas dupe. S'il entendait un jour leur rappeler leur serment, il s'attendait à les voir rompus aussi vites qu'ils avaient été prononcés, dans un abus de langage, dans un excès de noblesse.
Mais la bienveillance du Baron de Falaise le toucha sincèrement. Il avait lu l'annonce des représailles en l'imaginant tout fougueux, prêt à partir en guerre, du haut de sa petite taille.
Lui ne tournerait pas le dos à l'Aiglon vulnérable, fut-il déchu. Le Castelmaure esquissa donc un sourire, lors de sa lecture.

Les rêves d'Arutha étaient semblables à ceux de Charlemagne. Faire comme Papa & Maman. Ce n'était peut-être pas tant une envie qu'un poids à porter : ne pas décevoir, ne pas être le maillon faible de la chaîne, ne pas se montrer digne d'un héritage illustre et grand.
L'Aiglon aussi doutait, malgré toute son assurance. Comment s'ériger en Béatrice et en Guise ? Il avait hérité d'eux bien des choses, et pas seulement des titres et des honneurs, toutefois, il lui manquait encore le parfait maniement de ces qualités et caractères que la naissance et l'éducation lui avaient octroyés.

Qu'Arutha ne comprenne pas que le crachat était une émanation masculine impromptue et purement pubère surprit le Duc du Nivernais. Qu'il ne s'étende pas sur le sujet du mariage et de la chose vitale l'agaça. Aussi, puisqu'il fallait se rencontrer, et que le Prince est impatient, il demande que l'on atèle.
Impatient de conclure cette affaire de promises et de déceler le mystère des amours du Gisors, certes, mais aussi de le revoir, pour le voir autrement.
Ce ne fut donc pas une missive portée par un coursier qui traversa la Bourgogne de Nevers à Hauterive, mais un coche armorié d'aigles bicéphales.
Le Prince de France pénétra dans les terres mouvantes de Seignelay sans difficulté. Il exigea, lors, qu'on le mena au Héraut de Bourgogne. Ses deux molosses, Anthoyne et Jehan, s'ils intimidèrent les petites gens, ne furent pas nécessaires pour repousser une Garde pleine puisque de garde pleine il n'y avait point. Comme le voulait la tradition chez ceux qui sont rodés à la Cour, l'on reçoit en son château qui veut y venir. Alors, le Castelmaure se fit très simplement mener jusqu'au Maître des Lieux, qu'il dérangerait sans doute.
Chez lui partout ou presque, le pâle Infant se permet d'entrer sans se faire annoncer, laissant ses Ombres à la porte.


Les secrets ne souffrant la missive, me voici, Arutha.

Et non sans une grande difficulté, en ce qu'il n'aimait pas que son corps, qu'il jugeait sacré, soit effleuré par le moindre être humain, Charlemagne se laissa aller à une accolade au Baron. La froideur extérieure de l'acte était pourtant à la mesure de la chaleur que ressentait le Prince en son sein. A dire vrai, il y avait du soulagement à pouvoir se reposer sur une personne de sa condition, sans pudeur ni honte, sans masque ni fard.
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Arutha
« Et les amis ne souffrent d'aucune garde. »

Telle fut la seule réponse qu'Arutha de Gisors-Breuil parvint à sortir à la vue de son ami, Charlemagne de Castelmaure-Frayner, Infant de France, Prince de France, Ami du Baron du Falaise. Et cette dernière mention n'était indiquée, nulle part, ni dans les registres nobiliaires de l'Hérauderie bourguigno-parisienne, ni dans les registres du Palais Ducal de Nevers, probablement. Le Gisors-Breuil, d'une étrange manière, avait senti arriver celui qui s'était désormais affiné, alors même qu'il l'avait connu enrobé, et encore à la Cour de France dans les Palais Royaux. Il en parlerait à
Monde, un jour peut-être qu'il le reverrait, en Normandie, en Touraine, ou en tout autre lieu qui conviendrait à la réunion des Roses. Cette dernière pensée fut jetée dans un coin de sa tête, comme si le Premier eût, outre toutes les possibilités héraldiques, pécuniaires, judiciaires et militaires qui lui étaient offertes, le pouvoir de lire les pensées de l'héraut. L'accolade, certes froide, bien qu'amicale, fut accueillie de la même façon qu'elle fut offerte ; avec générosité. Car il eût été impensable d'en demander plus au Prince de France qui, de tout temps, n'avait jamais été de ceux à exposer leurs sentiments aux gens et au monde. Il fallait dès lors l'accueillir avec la plus grande joie à l'idée que Charlemagne aie eu le courage, voire l'idée, de la désirer.

« Que me vaut ta visite, mon ami ? »


Il le savait, il le sentait ; il connaissait le sujet de la discussion qui allait s'entamer. Les cartes étaient dans les mains de l'Aiglon ; il avait l'avantage. S'il posait les bonnes questions, il aurait les bonnes questions. Aucune curiosité princière ne saurait être, un jour, totalement assouvie.

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Charlemagne_vf
L'Infant esquissa un bref sourire, une ironie maîtrisée et entendue. Peu rôdé aux affaires d'amitié, il en fit pourtant un instinct. En présence de Falaise, Nevers pouvait laisser dans l'entrée l'apparat d'une haute naissance. Son sang, il ne pouvait s'en défaire, et s'il se laissait aller à une relative détente, il se maintenait droit.
Toutefois, un sourire flottait sur les lèvres rosies, un sourire inhabituel. La nature n'avait pas donné aux commissures princières l'inclinaison nécessaire pour afficher un air ravi en tous lieux : il était résolument stoïque, inexpressif, placide. Devant Arutha, ses zygomatiques venaient de se manifester sans qu'il ne leur demande même de s'activer. Une initiative qui, partout ailleurs que dans l'huis du bureau, aurait été châtiée et punie : il aurait pu se coller les lippes à une bouilloire encore chaude pour les corriger, et réprimer leur envie de sourire : expression vulgaire d'un plaisir charnel ou spirituel. Un plaisir qui ne devait pas être admis dans l'Empire de Charlemagne. Un plaisir qui était synonyme de dépendance, d'aliénation aux passions : l'apanage du gueux.
L'Aiglon bénissait l'impudence passée et présente du bel et blond. Sans cela, il n'aurait jamais toléré le laid sobriquet de "Charly", ni le tutoiement, et n'aurai pas imaginé qu'au monde, il existe un être différent des autres : un ami en puissance.
Or, le Castelmaure aurait du maudire leur âge. Ils n'étaient plus les gosses insouciants, trottant dans les herbes des jardins du Louvre, et le héraut de Bourgogne affichait une retenue certaine. La conscience du rang l'avait corrompu, lui aussi, un peu. S'il ne s'en aperçut pas encore, le Duc du Nivernais en aurait été peiné, et aurait peut-être tourné les talons, résolu à l'idée qu'il n'existe rien qui mérite un coeur battant, au monde.

Mais lors, l'Infant n'était pas venu épancher ses sentiments, ou si peu. Ou si : complètement. Avec qui d'autre pouvait-il prétendre les partager ? Charlemagne de Castelmaure se découvre des émotions adulescentes, et ça l'effraie. Le Fils de France découvre la chair, le sang, la peur, la haine, la détresse, parfois une once de bonheur dans cet univers sombre. Ces choses longtemps ignorées ne daignent pas rester enfouies dans l'esprit étroit qui siège derrière ce crâne blafard.


Tu as parlé de choses que l'on ne dit pas par missives.

Car ce n'était pas sa faute, à lui. Il était un être parfait par nature et par naissance : ce ne pouvait être que le fait d'Arutha, s'il était là.
Sans demander, puisque l'amitié ne souffre pas les mondanités, Charlemagne s'affala sur une cathèdre, et, nonchalant comme jamais, il posa une jambe étendue sur un accoudoir, s'essayant à imiter son cousin Chlodwig en entretien avec son Père, Guise von Frayner.
Avec le Baron de Falaise, le Duc de Bolchen entendait recréer un ersatz de fraternité qui lui manquait. Le génial Dauphin de Guise devait avoir un alter ego. Si Charlemagne était le fils de son père, il lui fallait un génial Dauphin aussi : il était tout trouvé. Il fallait donner à leurs rendez-vous l'air du passé, dont l'Infant avait été le témoin privilégier. C'est là qu'il avait tout appris du monde et de sa dureté, et de la nécessité de ne rien laisser paraître. L'Implacable et le Duc de l'Aigle n'avaient pas fait que rire des mocassins légendaires de la Sublimissime Duchesse d'Auxerre.

Dans une pose qui lui était aussi désagréable qu'étrangère, le Fils de France se donnait de grands airs, avec toute la morgue qui est la sienne : une grandiloquence mal feinte.


J'ai appris ce qu'est la chair, et...comment se fait une descendance.

L'Aiglon ne dit pas qu'il trouvait ça moche, et injuste. Il fallait un garçon et une fille : ainsi, les femmes avaient une utilité au monde. L'Infant aurait pu sombrer dans la dépression en l'apprenant, mais cela expliquait pourquoi elles étaient des créatures d'apparat. Un apparat qui le laissait, comme maintes choses, de marbre.

Tu disais qu'on t'a parlé de mariage. Dis m'en plus.
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