Actarius
Il fallait serpenter durant des lieues à travers les vallées, par-delà les petits cols. Le relief était ici capricieux et variait sans répit. Entre la granitique Margeride au nord et l'avancée des Cévennes au sud, le val semblait avoir dû s'accommoder de bien des difficultés pour exister et dévoiler ses richesses. Ses versants à la découpe irrégulière et parfois étrange offraient un spectacle réjouissant d'une nature encore sauvage. Si bien que le sentiment d'enfermement n'existait pas vraiment. L'air n'avait rien de vicié et de puant ainsi qu'il l'était dans les grandes cités. Tout respirait la vie, la liberté sur les rives du Lot. Mais cette incomparable médaille avait son revers. Il n'était guère aisé de traverser la région. La route principale avait fait l'objet de nombreux travaux pour rendre la vie des marchands et des voyageurs un peu plus "facile", ou du moins leur chemin un peu moins chaotique. Cette voie d'accès reliait Mende à Villefort, elle demeurait entretenue et tout à fait praticable y compris au col des Tribes. S'il restait parfois fastidieux de la rejoindre, une fois qu'on l'empruntait, on ne connaissait plus guère de difficulté à voyager dans la haute-vallée du Lot.
Lorsqu'on la suivait depuis l'est, on arrivait à une légère proéminence boisée à hauteur du ruisseau de Felgeas. Le tracé de la route épousait son contour et alors se dévoilait la forteresse du Tournel, perchée sur son éperon rocheux. En progressant encore, on devait emprunter un pont bâti quasiment au pied des « falaises », la voie continuait vers le sud, elle longeait la pâture prévue pour les montures. Le vaste pré bordait le cours du Lot, dont l'eau cristalline permettrait aux chevaux de s'abreuver et de trouver le repos dans un cadre idéal après une longue route ou en prévision des éprouvantes joutes et de la redoutable course. En poursuivant sa progression, on arrivait à un embranchement. La voie principale continuait vers le sud tandis qu'une autre route grimpait en pente douce vers une grande clairière. Celle-ci grouillait d'activité, elle se métamorphosait petit à petit en cité de toile. A l'orée du campement, sur la gauche du grande chemin, on apercevait des forges de fortune. Il s'agissait là d'une attention toute particulière pour assurer un service optimal. Du ferrage des montures aux différentes réparations rendues nécessaires par les violents chocs sur la lice, de l'aiguisage au réajustement de quelques pièces d'armures réalisées dans la précipitation par des forgerons peu vigilants, cette petite précaution ne manquerait pas de prouver son utilité dans un événement de cette ampleur. Face à cette installation provisoire, se déployaient les premières tentes au-dessus desquelles flottaient déjà quelques oriflammes. Parmi les étoffes colorées bercées par le vent, sen trouvait une de gueules au centre de la clairière. La croix dor alaisée, vidée, cléchée et pommetée, le lambel dargent ne prêtaient guère au doute. Il sagissait des armes du Languedoc.
Non loin du « refuge » de lhôte, en direction du nord, s'affairaient nombre de serviteurs autour de ce qui prendrait la forme de la plus grande tente du campement et dont l'utilité ne tarderait pas à être connue une fois les festivités officiellement lancées. Si le regard voyageait au-delà de celle-ci, il tombait sur un vaste espace délimité : le champ clos. Bientôt, il serait bordé dune grande tribune dont on devinait sans peine lemplacement au son des marteaux, à la vue du nombre de solides planches entassées. Là, se briseraient les lances sur les écus, comme les vagues sur les falaises, là, saffronteraient parmi les plus habiles jouteurs du Royaume et même dau-delà.
Lhôte justement. Il arpentait la clairière en bon maître duvre, dispensant des consignes, des remarques, des petites remontrances, distribuant également quelques sourires et encouragements. Sourire aux lèvres, rayonnant même, le colosse mendois semblait être dans son élément et pour cause. Il avait vu le jour à quelques lieues de là, un peu plus au nord. Ce pays, cétait le sien. De lui, il avait hérité son caractère farouche, ses attitudes un peu bourrues, ses maladresses, sa naïveté dans les relations comme dans ses décisions. Comme sa région, il composait avec ses contradictions mais reposait sur un fond de générosité indéniable. De temps à autres, un homme le rejoignait et lui murmurait quelques mots dans cette fameuse langue doc. Le Comte lui répondait puis reprenait ses pérégrinations à travers le hameau éphémère. Linspection séternisait, si bien quil fallut lintervention de lintendant pour rappeler le Seigneur des lieux à son devoir daccueil. A limage dun être un peu distrait, le Cur dOc offrit la mine interdite de celui qui avait oublié un élément important. Ephémère fut cependant cette réaction, car le Phénix rejaillit bien vite pour donner de nouveaux ordres. Va prévenir ma fille de rejoindre le campement au plus vite, exigea-t-il dans sa langue maternelle du sud. Elle y accueillera les arrivants. Joan, puisque tel était le nom du fidèle bras droit du Comte, séclipsa cependant que lEuphor grimpait déjà en selle pour rejoindre la route, suivi dune petite escorte dune dizaine dhommes qui serviraient de guides aux invités prestigieux.
_________________
Lorsqu'on la suivait depuis l'est, on arrivait à une légère proéminence boisée à hauteur du ruisseau de Felgeas. Le tracé de la route épousait son contour et alors se dévoilait la forteresse du Tournel, perchée sur son éperon rocheux. En progressant encore, on devait emprunter un pont bâti quasiment au pied des « falaises », la voie continuait vers le sud, elle longeait la pâture prévue pour les montures. Le vaste pré bordait le cours du Lot, dont l'eau cristalline permettrait aux chevaux de s'abreuver et de trouver le repos dans un cadre idéal après une longue route ou en prévision des éprouvantes joutes et de la redoutable course. En poursuivant sa progression, on arrivait à un embranchement. La voie principale continuait vers le sud tandis qu'une autre route grimpait en pente douce vers une grande clairière. Celle-ci grouillait d'activité, elle se métamorphosait petit à petit en cité de toile. A l'orée du campement, sur la gauche du grande chemin, on apercevait des forges de fortune. Il s'agissait là d'une attention toute particulière pour assurer un service optimal. Du ferrage des montures aux différentes réparations rendues nécessaires par les violents chocs sur la lice, de l'aiguisage au réajustement de quelques pièces d'armures réalisées dans la précipitation par des forgerons peu vigilants, cette petite précaution ne manquerait pas de prouver son utilité dans un événement de cette ampleur. Face à cette installation provisoire, se déployaient les premières tentes au-dessus desquelles flottaient déjà quelques oriflammes. Parmi les étoffes colorées bercées par le vent, sen trouvait une de gueules au centre de la clairière. La croix dor alaisée, vidée, cléchée et pommetée, le lambel dargent ne prêtaient guère au doute. Il sagissait des armes du Languedoc.
Non loin du « refuge » de lhôte, en direction du nord, s'affairaient nombre de serviteurs autour de ce qui prendrait la forme de la plus grande tente du campement et dont l'utilité ne tarderait pas à être connue une fois les festivités officiellement lancées. Si le regard voyageait au-delà de celle-ci, il tombait sur un vaste espace délimité : le champ clos. Bientôt, il serait bordé dune grande tribune dont on devinait sans peine lemplacement au son des marteaux, à la vue du nombre de solides planches entassées. Là, se briseraient les lances sur les écus, comme les vagues sur les falaises, là, saffronteraient parmi les plus habiles jouteurs du Royaume et même dau-delà.
Lhôte justement. Il arpentait la clairière en bon maître duvre, dispensant des consignes, des remarques, des petites remontrances, distribuant également quelques sourires et encouragements. Sourire aux lèvres, rayonnant même, le colosse mendois semblait être dans son élément et pour cause. Il avait vu le jour à quelques lieues de là, un peu plus au nord. Ce pays, cétait le sien. De lui, il avait hérité son caractère farouche, ses attitudes un peu bourrues, ses maladresses, sa naïveté dans les relations comme dans ses décisions. Comme sa région, il composait avec ses contradictions mais reposait sur un fond de générosité indéniable. De temps à autres, un homme le rejoignait et lui murmurait quelques mots dans cette fameuse langue doc. Le Comte lui répondait puis reprenait ses pérégrinations à travers le hameau éphémère. Linspection séternisait, si bien quil fallut lintervention de lintendant pour rappeler le Seigneur des lieux à son devoir daccueil. A limage dun être un peu distrait, le Cur dOc offrit la mine interdite de celui qui avait oublié un élément important. Ephémère fut cependant cette réaction, car le Phénix rejaillit bien vite pour donner de nouveaux ordres. Va prévenir ma fille de rejoindre le campement au plus vite, exigea-t-il dans sa langue maternelle du sud. Elle y accueillera les arrivants. Joan, puisque tel était le nom du fidèle bras droit du Comte, séclipsa cependant que lEuphor grimpait déjà en selle pour rejoindre la route, suivi dune petite escorte dune dizaine dhommes qui serviraient de guides aux invités prestigieux.
_________________