Bender.b.rodriguez
Le padré était retourné à ses pénates. Fatigué d'avoir donné l'office avec l'impression d'avoir donné une bonne messe. Il s'affala dans le premier fauteuil venu puis retira ses bottes. Oui, le padré manquait de classe niveau vestimentaire, il était plutôt vêtu comme un pécore que comme un archevêque. Il massa ses doigts de pieds en soufflant. Il repensa à l'office et à l'intervention d'Actarius. Si, sur le moment, la colère l'avait presque envahit, il s'était radoucit depuis. mais pourquoi diable vouloir bénir un couple de tourtereaux avait mis l'homme dans cet état ? Il s'était promis de régler la question et ne voulait pas en faire l'impasse. Il aurait pu quitter les lieux sans rien dire, mais ce n'était plus son genre. Ainsi, il fit demander un larbin. IL se leva et ouvrit la porte de ses appartements, puis héla dans le couloir jusqu'à ce qu'on vienne à lui. Là, il demanda à l'homme d'entrer et d'attendre tandis qu'il rédigeait un petit courrier.
Bender.B.Rodriguez a écrit:A l'attention de Sa Majesté Actarius d'Euphor,
De monseigneur Rodriguez, archevêque métropolitain de Bourges,
Dominus Vobiscum Votre Majesté,
Je me permets de vous demander audience afin que nous puissions nous expliquer quant au déroulement de la messe d'ouverture des joutes du Tournel. Ne nous voilons pas la face, vous et moi savons que nous n'avons pas apprécié la conduite de chacun. Je crois qu'il est primordial d'en parler et de nous expliquer, en toute courtoisie. J'ai à coeur de ne pas froisser mes hôtes habituellement, ni de les mettre dans une posture délicate. En revanche, je vous avoue que la politique, les enjeux et la diplomatie ne sont pas des connaissances que je maitrise, au contraire.
C'est pourquoi, je vous demande que nous puissions nous voir avant mon départ du Tournel.
Salutation aristotéliciennes,
Mgr Bender Rodriguez
L'archevêque tendit le courrier au larbin et lui demanda de l'amener en main propre à Sa Majesté et sur l'heure. Il referma la porte et reprit son massage de pieds._________________
Bender.b.rodriguez
Le padré fut interrompu dans sa réflexion sur un traité qu'il projetais avec le conseil du Berry par un valet qui lui remit une lettre de Sa Majesté. Bender prit le temps de la parcourir et sembla ne pas comprendre de quelles valeurs l'homme voulait parler. Il était peu habitué à voir la noblesse se retrancher derrière des valeurs, eut égard au nombre de nobles impolis, grossier et même vulgaires qu'il avait croisé. Cependant, au fond de lui, il avait perçu qu'Actarius n'était pas de cette trempe et le fait qu'il navigue avec Ingeburge ne pouvait être que gage d'excellence. Il avait été ravi de faire la connaissance d'Actarius et était sincèrement ennuyé de tout cela. L'archevêque prit la plume pour répondre à nouveau.
Citation:
A l'attention de Sa Majesté Actarius d'Euphor,
De monseigneur Rodriguez, archevêque métropolitain de Bourges,
Dominus Vobiscum Vôtre Majesté,
Je me permets, par la présente, de vous faire savoir que je n'ai aucune objection à ce que nous nous entretenions avec S.A. Ingreburge von Ahlefeldt-Oldenburg. Croyez bien que mon intention n'était point de vous mettre dans une position « honteuse et offensante ». J'espère que nous aurons là l'occasion de reparler de cela en toute sincérité et en toute courtoise, car je vous avoue humblement ne pas comprendre le pourquoi de tout ceci. Veuillez bien m'excuser de cela, peut-être suis-je né affublé d'une tare certaine ne me permettant pas d'entrevoir certaines subtilités, néanmoins, c'est en tout honnêteté que je me permets de vous le dire.
Que le Très Haut vous ait en Sa Sainte garde,
Mgr Bender.B.Rodriguez
L'homme remit sa missive au valet, lui indiquant de la porter au maitre du domaine dans les plus brefs délais._________________
Ingeburge, incarné par Actarius
Ainsi donc, elle devait s'exprimer? Ses prunelles pâles croisèrent celles du comte du Languedoc et elle ne répondit rien sur le moment, indécise. Si elle avait agréé à la demande du maître des lieux d'accompagner celui-ci à la rencontre proposée par l'Archevêque métropolitain de Bourges en ce qu'elle avait quelque peu concouru à l'organisation des festivités et notamment à ce qui avait trait à l'office religieux que l'un comme l'autre avaient vivement souhaité, elle estimait qu'elle n'était qu'une petite main parmi d'autres. Et puis, elle n'était pas chez elle, l'affront ne lui avait pas été directement porté même si elle avait été déçue de voir quelqu'un avec qui elle avait uvré à Lyon se prêter à une telle farce. Peut-être qu'elle devait parler de cela alors, après tout, elle s'était déjà insolemment exprimée sur la lice, quand elle se tenait auprès du prince de Pontoise. Avait-elle jamais fait mystère de ses opinions? Non, et elle ne commencerait pas aujourd'hui.
Détournant le regard, elle posa celui-ci sur le prélat berruyer et finit par ouvrir la bouche, tâchant de choisir ses mots avec soin. D'une voix neutre, elle indiqua :
Je trouve pour ma part bien extraordinaire que l'on ait pu vous proposer une telle requête à un moment si opportun alors qu'il n'avait été fait publicité de la tenue d'un office religieux dans les invitations et les affiches diffusées, pas plus que votre nom n'avait été cité. Et ce n'est pas parce que vous êtes arrivé au Tournel quelques jours avant l'ouverture des festivités qu'il était évident que vous officierez à un moment ou à un autre, et ce d'autant plus que vous veniez d'être élu à votre siège. Rien que ceci aurait dû vous interpeler, Monseigneur. Cette précipitation doublée de la teneur même de la requête, requête que vous avez d'ailleurs écartée au profit d'une simple bénédiction, sonne tout à fait opportuniste. Simple bénédiction selon vous, d'ailleurs; une bénédiction ne l'est jamais.
Les yeux toujours fixés sur Bender, le visage toujours impassible et la voix toujours indifférente, elle poursuivit :
Vous reconnaissez que vous auriez dû prévenir, je ne reviendrai pas là-dessus. Je ne m'arrêterai pas davantage sur les relations pouvant exister entre le comte du Languedoc et ses voisins et vassaux le fait est que chaque membre du couple possède des terres dans le pays car cela au final importe peu. Bonnes ou mauvaises, la réaction aurait été la même; avec d'autres personnes, également. Ce qui compte pour ma part, ce sont deux points que vous n'avez pas abordés.
Pour le premier, il me semble qu'il vous avait été communiqué que le comte du Languedoc souhaitait que les grâces du Très-Haut soient appelées sur l'ensemble de ses hôtes. Ne vous êtes jamais-vous dit à un moment qu'en distinguer deux parmi d'autres et sans autre fondement qu'une requête que vous avez vous-même tempérée allait contre cette amitié aristotélicienne que vous avez privilégiée? Pour ma part, j'estime que se vouloir se mettre en avant lors de festivités données pour tous va à l'encontre non seulement des principes de l'hospitalité offerte mais aussi de ce moment particulier de communion souhaité par la personne recevant tout ce monde. Pour en avoir eu des échos, le comte du Languedoc et moi-même n'avons pas été les seuls étonnés et heurtés par ce qui constitue un véritable accaparement d'un événement collectif.
Quant au second point... comment pouvez-vous encore aujourd'hui Monseigneur parler de célébration de l'amour? N'avez-vous point entendu ce qui a été dit sur l'estrade et devant tous? Vous devez bien être le seul à ne pas avoir capté qu'il s'agissait d'une union arrangée entre deux familles; pourtant, cela a été explicitement indiqué. Où est donc l'amour dans un mariage d'intérêt? Où est donc l'amour dans une union projetée de leur côté par des personnes qui ne sont pas celles qui vont convoler? Et donc, qu'il y a-t-il à célébrer et à bénir? Je ne vous ferai pas l'outrage de vous citer le dogme Monseigneur, je connais votre érudition. Mais de grâce, ne parlez pas d'amour, de cet amour socle du mariage, de cet amour qui seul justifie un sacrement pris sous les auspices de notre Créateur et Inspirateur, car le fait est que d'amour, il n'y en avait point. Cela été reconnu publiquement, juste sous vos yeux. Il n'y a pas que le comte du Languedoc qui a été insulté lors de cette imposture et tout ceci est bien plus grave qu'un défaut d'information.
La voix ne s'était pas élevée mais la sincérité était là, ce qui expliquait cette abondance de propos elle qui ne parlait que peu usuellement et qui n'avait pas pensé qu'elle devrait dire quoi que ce soit lors de cette entrevue destinée à aplanir les difficultés soulevées. Mais son bon sens avait été blessé, sa délicatesse aussi et plus que tout, sa manière d'envisager la foi. Enfin, elle avait livré ses impressions, ne restait qu'à conclure :
Vous avez été dupé Monseigneur, et certainement pas par la personne qui vous a reçu en son château même, une personne qui a placé ses festivités sous l'égide du Très-Haut, une personne pieuse qui n'aurait jamais conçu d'ouvrir son domaine et accueillir tout ce monde sans y apporter un réconfort pastoral pour tous. Pour tous.
Dieu qu'elle avait été blessée pour l'Euphor quand elle avait vu la scène se jouer sur l'estrade, lui qui voulait simplement que tous, sans distinction, dans la bonne humeur et dans l'enthousiasme, fussent bénis. Silencieuse à nouveau, elle ne quitta pas des yeux l'archevêque.
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