Tokugawa_hakumei
- Ouvert a qui le veut bien. Et que la plume qui voudrait -peut être- interprété Katsuyu ne se gène pas -
Musique: "Sentimental Encounter " de Hua Mulan réalisée par Jingle Ma
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Frémissement.
La terre commence son inébranlable silence. Elle pleure, quelques larmes de feuille avant de se lover sous un drap de neige. Bientôt, elle sera comme une épousée, drapée dans son blanc de mariée. Beauté virginale qui attendra en silence que revienne le printemps fécond, lui qui fera naitre de ses entrailles les fruits et les fleurs de sa semailles. Mais pour l'heure... Elle pleure quelques larmes de feuilles.
Frémissement.
L'air a ressortit ses crocs glacés qui mordent les peaux imprudentes laissées à nue. La sienne ne frémit pas sous la morsure. Pour elle, tout au plus, ce n'est qu'une caresse. Le long kimono effleure dans son sillage un parterre de feuille qui s'ébranle dans un murmure sous le drapé immaculé. L'ocre mort frémit à peine sous le pied qui se pose dans une grâce toute éthérée. Elle avance, dans cette sérénité impalpable qui est la sienne. Le regard d'un gris-terreux se pose avec calme sur l'horizon qui se dévoile.
Les poumons s'emplissent de cet air aux fragrance de pluie et de terre humide. L'automne à jouer de ses doigts d'orfèvre pour donner au paysage des allures de bijoux. Le vert de jade à céder sa place au rouge des rubis, sertit au milieu des paquets de feuilles d'or. D'un pinceau de brume, il a apposé à l'horizon une pointe de trouble d'un gris diaphane. Un tableau, tissé au fil du temps et empreint d'une quiétude sans nom.
Frémissement.
Chuintement de soie qui accompagne chacun de ses pas... Et ceux de Katsuyu qui se presse derrière elle. Sans un mot, la suivante suit sa maitresse, un manteau sur les bras qu'elle tente en vain de lui faire enfiler. Mais elle sait, qu'elle a bien peut de chance de crever la bulle dans laquelle la jeune fille se calfeutre perpétuellement. Et la concernée sait qu'elle sait. Derrière les remparts invisibles de son indifférence, l'esprit indolent goute enfin à un souffle de renouveau.
Il aura fallut attendre que s'écoulent les mois et la peine pour que la jeune Tokugawa daigne enfin retrouver un peu l'envie vivre. Meurtrie par la disparition de son Idéale, l'adolescente avait passé son temps recluse dans sa tristesse et dans un mutisme qui lui était pourtant déjà bien coutumier. Son senseï, Yoshimasa Ashikaga n'était plus à ses côtés et l'esprit fragile s'en était sentit des plus orphelin. Oui, même les plus grands ont une fin et celle-ci avait ébranlé l'inébranlable dans la moindre de ses parcelles. Mais aujourd'hui, elle avait voulut quitter la demeure familiale dont elle connaissait la moindre poussière, là moindre fissure. Parce qu'il fallait tenter de vivre.
Les pas ont retrouvé les chemins tant empruntés. Dans cette étendue autrefois recouverte d'une vaste nappe herbeuse, les cerisiers se sont si souvent épanouis sous l'il insondable de la frêle Tokugawa. Aujourd'hui, leurs fleurs ne s'épanouissent plus et à son passage, ils ne se targuent plus de leurs couleurs et de leur parfums si délicats. Ce sont des caresses qu'ils lui dispensent dans une branche qui la frôle, dans une feuille qui se perd sur la longue chevelure.
Une main se dévoile de la manche du kimono blanc. Et les doigts effleurent l'écorce rugueuse de l'un des sages végétal. Rudesse du bois qui s'affirme sous la pulpe délicate. Qui pourrait croire à cet instant, que des mains aussi graciles, que des poignets aussi fin pourraient appartenir à un noble Bushi. Une silhouette aux allures si frêle. Si jeune... Et pourtant...
_ Hakumei-sama. Habillez-vous, je vous pris, vous allez attraper la mort!
La voix et sa sévérité n'ébranle pas le calme de l'enfant. Le regard caresse avec tendresse le bois qu'elle effleure de ses doigts. Katsuyu sait, que par un mal étrange, la jeune Tokugawa ne craint rien ou si peu. Ni le froid de l'hiver, ni la morsure d'une lame.
_Hakumei-sama....
Les prunelles suivent avec langueur la courbe d'une feuille qui meurt dans son ultime danse.
_ La mort...
Les doigts se saisissent en plein vol de la feuille craquelante. Il ne suffirait que d'une pression pour réduire en poussière ce tout petite être qui resplendissait de vert et vie il y a encore quelque mois de cela. Tout se meurt, même les fleurs. Un concept tellement flou pour un esprit aussi malade.
_ Raconte moi la mort, Katsuyu...
Musique: "Sentimental Encounter " de Hua Mulan réalisée par Jingle Ma
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