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[RP] Le fauve est laché

Erminilde.
[RP ouvert à tous. Je n'ai pas encore d'idée sur la façon de continuer l'histoire.
Erminilde. est mon personnage principal Erminilde présent en Languedoc. Mais je ne peux pas le faire voyager aussi loin pour l'instant.
Merci de limiter le HRP aux seuls messages privés (que je lis toujours!) Pas de HRP ici svp.]


Sur une route.. Laquelle? Allez savoir!

Il pleut. Evidemment, elle est en Bretagne.
Sa capuche est rabattue sur sa tête. Une mèche brune s'est collée sur son front humide.

L'un des chevaux attelés à son carrosse s'ébroue.
La jeune femme ferme les yeux. Elle n'a pas besoin de voir. Savoir lui suffit. Voici ce qu'elle sait être le décor présent autour d'elle :
La pluie battant la surface des flaques toujours plus larges.
L'espace encombré de petites gouttes tombant dru comme autant de graines de sésames.
Les nuages de vapeurs s'élevant des corps chauds des montures ou sortant de sa bouche lorsqu'elle soupire. Puis sourit.

Erminilde sourit.

Elle songe un moment à prononcer un solennel je suis de retour.
Mais elle trouve que ça fait plouc. C'est surjoué. De retour, et alors? L'hiver aussi est de retour et on n'en fait pas tout un plat.

Sans un mot. Son retour est silencieux. Comme tout bon félin qui chasse elle reste discrète... aussi discrète que le lui permettent ses manières d'aristo. Ainsi parlerait Zolena, sa marraine. Chère Zolena! Le Languedoc lui manque déjà.

Chaque chose en son temps. D'abord le trouver. Le convaincre, le ramener. Seulement ensuite... ensuite quoi? Elle n'a pensé à rien pour la suite. Qu'à cela ne tienne. La jeune lionne est futée, formidable, spontannée... bref vous avez compris. La vie et l'environnement s'adaptent à elle. Aucun besoin dans ce cas de se soucier du futur.


En route! Essayons d'atteindre une ville côtière avant la nuit!

Un SCHLAG! et quelques martèlements de sabots plus tard, la voiture roule à nouveau d'un rythme régulier. Il ne fait plus jour. Il ne fait pas encore nuit. Parfois une fenêtre tremblotant de jaune trahit la présence d'une auberge sur le bord de la route.

Erminilde d'Orgemont s'endort. C'est fou ce que les voyages fatiguent. Même à 19 ans. La force de l'âge.

Réveil en sursaut. Est-ce la secousse qui l'a tirée du sommeil? Ou le silence? Sont-ils arrivés? Ils? Elle est seule... Mais en comptant le cocher, ça fait deux.


Sommes-nous arrivés?

La jeune femme s'apprête à sortir pour voir ce qui se passe.

_________________________________________________________
Cyrielle.
    *Floc. Floc. Floc*

    « Qu’un pays d’défection ! »


    La Bretagne n’avait jamais été dans ses projets. Son arrivée ici n’avait été qu’un heureux -ou pas- concours de circonstances, qui la réduisait à l’état de larve quémandant de l’aide à plus malheureux qu’elle. Une miche de pain par ci, un oignon par là, & parfois, lorsque la chance lui souriait, un morceau de viande séchée arrachée à un chien.
    Alors, l’estomac restreint à celui d’un écureuil, le nez coulant & une vieille odeur de suif & d’humidité collée au frusques, la trentenaire avait décidé de se bouger. Tréguier, c’était le village le plus proche, & après quelques informations soutirées à un ivrogne fou, la blonde s’était lancée. Tréguier, c’était l’espérance de pouvoir dégoter un contrat, sinon juteux, au moins viable. Juste histoire de se refaire une santé, un bagage, & de pouvoir enfin repartir là où elle pourrait se gausser d’avoir servi tel bourgeois à se débarrasser d’on ne sait quelle affaire foireuse.

    *Floc. Floc. Floc*

    Les bras croisés contre sa poitrine pour tenter de se réchauffer, Cyrielle marchait donc, en direction de ce qu’elle supposait être Tréguier. Il lui avait dit une heure. Et ça faisait bien plus de trois heures qu’elle pataugeait sous la pluie, sans une seule âme errante qu’elle aurait pu prendre comme guide. La pluie, d’ailleurs, l’empêchait d’entendre le moindre bruit convaincant de vie aux alentours, & elle avait du se résoudre à foncer tout droit, & tête basse, en attendant de trouver refuge.


    « Oooh ! Doucement ! »

    Sursaut. Une giclée de boue parfaitement dosée lui arriva en pleine face alors qu’elle se retournait, & dénatura tout à fait ses frusques déjà pas bien nettes.

    « Héé, m*rde ! T’peux pas faire attention, ducon ?! »

    Inutile de lui dire qu’elle marchait en plein milieu, & de fait, empêchait tout à fait les charrettes, carrioles, carrosses & autres véhicules en tout genre de passer sans se ramasser dans le fossé bordant le chemin. Ou sans l’écraser. Et de fait, celui-ci avait bien failli lui rentrer dedans. La faute à la faible luminosité ?

    « Ouvre les yeux, pauv’ tacheuh ! Non mais j’rêve. Les bretons sont vraiment qu’des sauvages ! »

    Et d’une main frigorifié, de se renfoncer correctement le capuchon sur la tête. Faudrait pas faire peur non plus.

_________________
Erminilde.
Une voix lui parvient du dehors, brouillée par la pluie. Elle n'y comprend rien. Sans doute la tenancière d'un affreux bouge qui annonce dans son patois bretonnant que les lits sont propres - comprenez moins sales que s'ils n'étaient pas lavés chaque année - et les repas bon marchés - à l'achat par le patron, évidemment. Pas à la revente au client.

Erminilde a dormi un peu. Elle est en forme. Mais par principe, elle déteste se faire réveiller en sursaut. La donzelle va donc en prendre pour son grade. Capuche sur la tête, la jeune brune descend et... s'arrête.

Autout d'elle, il n'y a rien. Pas de maison, pas d'auberge, pas de village. Rien. Ou pire : la campagne bretonne.


Oh là, cocher! Pourquoi s'arrête-t-on ici? Qu'arrive-t-il?

La lionne n'a pas terminé de poser sa question que ses yeux se posent sur une silhouette encapuchonnée. Tout comme elle. La voix entendue, c'est donc la sienne. Une femme, tout comme elle. En plus, mouillée. Tout comme ... Eh mais il pleut toujours, dans ce foutu pays?

Bonjorn! Dame? Vous m'entendez? Pourquoi arrêtez-vous ma voiture?

Rien de tel qu'une question stupide pour exciter la colère d'une femme. Erminilde le sait. Et pour cause, elle en est. Mais la colère fait baisser la garde. Son but: découvrir ce que lui veut cette femme. Est-ce une brigande? Après tout, en Languedoc, on connaît surtout la Bretagne à travers les pilleurs de mairie qu'elle y envoit.

Montez donc dans ma voiture. Si les explications doivent être longues autant les faire au sec!

La jeune d'Orgemont a un grand coeur, pour inviter ainsi une pauvrette au sec. De mauvaises langues diraient qu'elle n'aime surtout pas la pluie, et qu'un otage est plus utile dans un espace confiné. Mais pour être aussi cynique, il faut être un homme. Et à part le cocher, il n'y a aucun homme dans les parages. Pas assez courageux pour affronter la nuit.

De monter dans le carrosse, laissant la porte ouverte.


_________________________________________________________
Cyrielle.
    « Héé, j’suis pas sour... Comment qu’ça qu’j’arrête vot’… Montez dans vot’… Non mais quelles explica... Bien sûr, j’arrive m’dame ! »

    Car Cyrielle n’était pas folle. Le temps de comprendre la proposition, & d’analyser brièvement une situation qui n’était décidément que profitable vu la boue dans laquelle elle était fourrée, & la voilà montée à la suite de la demoiselle.
    Et puisque Cyrielle avait été invitée, elle n’hésita pas à poser son arrière trempé sur la banquette veloutée, & à ôter ses bottes boueuses en deux « schlack ! » humides. Dès lors, les orteils à l’air, elle entreprit de croiser les jambes & de caler ses talons sur la banquette en face, à côté de son hôte.


    « C’est vraiment sympa d’votre part, hein, j’en aurais eu pour une bonne crève & trois s’maines de plumard… de quoi d’venir folle ! »

    Parler, parler, pour noyer le poisson. Elle savait bien combien la compassion pouvait prendre le cœur des demoiselles esseulées. Et combien leur richesse participait à leur bêtise. Celle-ci d’ailleurs semblait plutôt à l’aise, une bonne bourgeoise… nobliote, même, peut-être. Avec un peu de chance, elle gratterait gîte & couvert pour la semaine, ainsi qu’un bon bain chaud & une petite bourse d’écus, juste histoire de se refaire. La classe.

    « Bon, bon, bon… Sinon, ‘faîtes quoi par ici ? C’est qu’il fait nuit d’puis peu, vous allez vous faire agresser là, ça va craindre pour vos écus ! Faut pas voyager seule, comme ça, mhm ? ‘vont dire quoi, vos parents, quand ils vont vous voir toute cabossée d’partout ? Ou votre époux ? C’est pas sérieux tout ça ! »

    Et tout en blablatant, la trentenaire s’essorait tant qu’elle pouvait, ôtant ceinture, besace, capuchon. Et dévoilant, de fait, en plus de ses longueurs miel lourdes d’eau, un profil gauche fatigué, mais plutôt agréable à l’œil. L’iris d’un bleu-gris passé & dépassé, des cernes & quelques rides pas tout à fait formées, & le teint basané de ceux qui passaient leurs vies en plein air.

    « Pis devriez penser à faire attention, imaginez un peu si j’avais été un sal brigand, hum ? Vous m’invitez, comme ça, hop hop hop, pompelup dans ma voiture, & personne pour vous protéger des choses infectes qu’il aurait pu vous faire, hein ! C’est bien beau d’vouloir prendre son indépendance, m’enfin faut faire gaffe quoi, tout l’monde n’est pas c’qu’il semble être, hein ! »

    Dès lors, la tête se tourna pour observer la brune, lui présentant ainsi un visage tout entier. Avec, sur tout le côté droit, l’immonde stigmate de la brûlure, la marque, épaisse & sombre, irrégulière, qui étirait la bouche en un sourire fondu. Le ruban noir, sale & humide, cachant l’œil qui n’aurait su se révéler, même aux estomacs bien accrochés. L’Enfer.

_________________
Erminilde.
Erminilde est sur ses gardes même si elle n'en a pas l'air. La peur est présente. Une peur toujours plus douloureuse à l'estomac à mesure qu'elle devient moins vague et s'oriente vers l'autre femme, dont les détails s'affirement. Dans le huis clos qu'est maintenant la voiture, la jeune brune veut reprendre le dessus.
La voix. L'usage de la parole est un bon remède contre la peur.


Fouette, cocher!

Voyons ce qui va maintenant se passer. Elle a cherché l'aventure, eh bien elle l'a : elle n'est déjà plus maître de son destin.
L'intérieur du petit carosse n'est plus qu'un champ boueux. Ce n'est pas son affaire, car ce n'est pas sa voiture. Elle n'a presque pas un sous en poche et la jeune femme sait se débrouiller pour faire payer les pigeons au grand coeur.. et à petite cervelle. Chaque chose en son temps...
Erminilde sourit à la blonde.


Je vous en prie, mettez-vous à l'aise.

Ca c'est pour la forme. Ne pas révéler trop vite que la nouvelle venue a déjà pris l'initiative. Cacher son trouble...

C'est bien par crainte des brigands que je vous ai invitée à monter. J'ai plus de chance contre une personne que contre une troupe vous utilisant comme appât.

...même si contre dix personnes ou une seule... voire même une demi - un vieil estropié assez fort ou rusé - Erminilde sait n'avoir aucune chance autre que... ben rien. C'est le hic.
Son invitée dévoile son visage... du moins c'est ce que pense naïvement Erminilde, toujours enfermé dans des préjugés tels que le fait qu'un visage est la réunion de deux demi-visages symétriques.
Laissons-là un instant à sa jeune innocence.


Je ne crains pas pour mes écus, je n'en ai guère. Mes parents sont morts également, il y a bien longtemps.

Elle hausse les épaules. Ce passage est toujours délicat à aborder. Comment expliquer qu'elle n'éprouve plus la moindre tristesse et dans un même temps dire que les relations avec sa famille ne furent jamais houleuses? C'est du passé. Rien de plus qu'un amas de souvenirs.
Erminilde préfère éluder.


Quant à un mari... Le Très-Haut m'en préserve! J'aime les animaux de compagnie, mais moins envahissants. Et moins rustres. A la rigueur un prince, s'il est riche et beau. Parce que ça peut être utile. Mais sinon...

La mine de dégoût déformant légèrement sa bouche en une moue significative en dit plus que ses paroles.

Pour faire simple, je pense pouvoir vous faire confianc...
Hiiii!


Le visage complet de la jeune femme en face d'elle lui apparaît soudainement à la vague lueur échappée d'un bourg qu'ils sont sans doute en train de traverser. Le cri fuse à peine étouffée après un court instant... étouffé par sa conscience? Oui. Que lui dit-elle? Ne juge pas autrui sur son apparence.
Voila. Enfin ça, c'est pour la raison qu'elle se donne dans ce genre de cas. Histoire de préparer sa confession, voyez...
En réalité, c'est l'orgueil qui la fait taire. Quoi? N'a-t-elle a eu le sentiment de pouvoir lui accorder sa confiance? Si. Erminilde d'Orgemont n'est pas du genre à se tromper. Non. Donc voila, elle est digne de confiance.


Pardonnez-moi...

S'en suit un silence gêné. Habituée à influencer autrui, l'idée que ce silence est habilement exploité par son interlocutrice n'effleure pas l'esprit d'Erminilde. Elle est encore retournée par ce qu'elle a vu. A tel point qu'elle ne lance désormais que de brefs regards vers cette femme.
Il lui faut le temps de s'y habituer.


Je m'appelle Erminilde d'Orgemont.
Une affaire privée m'amène en Bretagne. J'y suis née, mais je n'y ai jamais vécu... Les terres barbares me rebutent en général.
Mon frère est au service d'un grand ami, filleul de mon défunt père. C'est cet ami que je veux convaincre de m'accompagner en Languedoc.


... il peut m'y être utile.

.. il peut y être heureux.
Il habite ici, près de la côte. Je ne sais où exactement. Depuis un mois environ la gouvernante, une rude bretonne taillée come un forgeron, en écume les villes pour retrouver sa trace.
Où allez-vous?
Il me semble que mon cocher soit un peu gauche. Ne pas atteindre de ville avant la nuit, voila qui est étrange, non?


La jeune fille brune passe avantageusement sous silence la quinzaine de pauses et haltes en tout genre qu'elle impose quotidiennement pour regarder le paysage "qui-est-si-joli-vous-ne-trouvez-pas?", regarder les gens "habillés-comme-des-vrais-Bretons-c'est-amusant", ou simplement pour "ça-ne-regarde-que-moi-malotru!".

Acceptez-vous de nous guider jusqu'à une ville côtière?
Bien entendu vous pouvez également m'aider à atteindre la ville que je cherche. Mais il me faut d'abord en connaître le nom. Aucun doute que nous trouvions le moyen de vous dédomager - un peu - pour le temps perdu.


Il doit bien y avoir des pigeons à plumer dans ces bleds...

Cette pensée lui rend le sourire. La peur commence à se diluer. Ne reste que l'adrénaline au fond de la gorge... pas désagréable, au fond.


_________________________________________________________
Cyrielle.
    « Hinhin... »

    ...accompagné d’un sourire mesquin. Voilà donc la seule réaction que le semi-hurlement de la brune décrocha à Cyrielle. Les paroles, réponses, remarques qu’avait pu faire la jeune fille avant ça, n’avaient aucune importance. Ce qu’elle attendait, c’était ça, ce dégoût poignant à la vue de son visage déformé, cette peur viscérale, cette angoisse effroyable. Elle aimait déranger.

    Pourtant, tournant la tête de sorte que seul son profil épargné ne soit franchement visible aux yeux de la demoiselle, elle se força à ne pas trop en rajouter. Dès lors, elle n’écouta que d’une oreille vague les palabres de la dénommée Erminilde, lâchant un « Cyrielle » par-ci, & un « j’comprends » par-là. Et quand il lui fallut ouvrir la bouche pour enchaîner toute une phrase complète, la trentenaire eut un blanc. Elle parlait d’quoi, déjà, celle-là ?


    « Hum… Tréguier. »

    Un sourire, pour faire passer la pilule d’une réponse trop courte, & déjà il lui fallait répondre à une autre question.

    « Pof, alors ça.. en ville côtière par ici.. Tréguier ! Bien sûr, qu'j'suis bête ! J’peux bien vous accompagner si ça peut vous faire plaisir. Pis normal’ment, c’est la ville la plus proche d’ici… Pis pour vous faire pardonner d’m’avoir bousillé mes fringues, pourriez m’payer gîte & couvert pour que’ques nuits… J’ai plus rien, maint’nant… Plus rien…»

    Cyrielle, amatrice de tragi-comédies.

    *Snif*

_________________
Erminilde.
Pas bavarde cette dame-là.
Pas grave. Erminilde l'est pour deux.
Ou plus exactement : tant mieux. Erminilde aime l'être pour deux.

Cyrielle. Est-ce son vrai nom? A vrai dire, la jeune femme en doute. Qu'importe. Elle ne pose cette question en général que pour parler à quelqu'un d'autre que "Dame", "Demoiselle", "espèce de [nom d'oiseau à définir selon la contrée et la saison]".


Cyrielle? C'est joli, comme prénom.

Femme ou pas en face d'elle, la lionne n'aime pas se dévoiler outre mesure. Tenir des propos futiles... disons même niais et inutiles... reste un bon moyen de ne pas passer trop vite pour une fille maline.

Tréguier? Très bien, nous y passerons la nuit.

Il lui semble avoir déjà elu le nom de cette ville dans les lettres de Bleuzenn. Cela signifie que le rouquin n'y est pas. Sa route doit donc se poursuivre dès le lendemain.
Les yeux d'Erminilde détaillent la tenue de la blonde.


Plus rien? Mais il vous reste vos vêtements... sales. Soit à peu près autant qu'avant que la chance ne tourne et vous amène un abri sur roue pour cheminer au sec.

Sourire complice. La jeune d'Orgemont n'est pas une idiote. Du moins tant qu'elle n'y a pas intérêt. Mais elle est joueuse. Elle aime chasser. Le pigeon. Mâle exclusivement.
Oui parce que sinon on a affaire à des créatures intelligentes et cela devient franchement délicat à négocier.

Cherchons les plumes... Oh oui. Le cocher.


C'est d'accord pour vos vêtements. Le couvert et le gîte tant que vous êtes mon guide.

Qui a dit de ne pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué? Sans doute quelqu'un qui manque de cran.
Elle crie:


Cocher! Nous passons la nuit à Tréguier! Pas de halte avant la ville.

_________________________________________________________
Cyrielle.
    « Le couvert & le gîte tant que vous êtes mon guide. »
    Juste « le couvert & le gîte tant que vous êtes mon guide. »
    Uniquement « le couvert & le gîte tant que vous êtes mon guide. »

    Cyrielle n’était pas plus idiote que la brunette, non. Et les mots, & ce qu’ils sous-entendaient, elle les avait très bien entendu. Elle tenterait bien de ne pas s’en contenter, mais si c’était là tout ce qu’elle pouvait soutirer à l’Orgemont, elle s’y ferait. Après avoir usé de quelques cartes, tout de même.

    Ainsi, le voyage se passa sans autres anicroches. Tout du moins, quelques commentaires acides sur la brutalité du cocher & sur l’interminable crachin breton. Enfin, la nuit déjà bien avancée laissa entrevoir les quelques rares lueurs survivantes d’une Tréguier endormie. Frottant d’une manche humide la buée des carreaux pour y apercevoir les habitations, Cyrielle se leva brutalement, manquant de s’assommer avec un plafond bas mais tout à fait habituel à ce genre voitures.


    « Saint-Foutre ! Coche de m*rde ! »

    L’insulte passée, la trentenaire se rassit & entreprit de rechausser des bottes tout aussi humides que lorsqu’elle les avait ôtées. Le capuchon bien renfoncé sur le crâne, la voilà qui s’agite pour regarder la brune.

    « D’moiselle Ermine, j’vous propose qu’on s’trouve une auberge & qu’on graille à s’en exploser la panse ! »

    Un « je vous ordonne » aurait été tout aussi clair, de même que l’écorchure de son nom prouvait à quel point la blonde n’avait rien à entendre de la condition de sa bonne âme. Déjà même, elle ouvrait la porte, se penchant dangereusement pour apostropher le cocher toujours lancé.

    « Hé l’couillon, arrête-toi donc là, y’a d’l’auberge qui s’pointe ! »

    De fait, à leur droite, se dressait une auberge encore grandement éclairée, dont les bruits s’étouffaient à peine sous le crachin incessant. Quant à savoir si la réputation était bonne, il valait mieux ne pas s’en fier au flair de la brûlée.

_________________
Erminilde.
Le langage très... disons... fleuri de sa guide ne la choque déjà plus. Au contraire, cela lui confère une aura qu'Erminilde lui envie. Il suffit de voir comment le cochet lui obéit pour s'en convaincre. Et Erminilde aussi.

Enfin arrivée. Pieds à terre. Façon de parler. Pieds dans la boue. Vive la Bretagne. Juste avant de sortir, la jeune femme demande à Cyrielle :


S'il vous plaît, gardez votre visage caché, du moins jusqu'à ce que le cocher... sourire... vous dédommage à hauteur convenable pour les désagréments subits.

Eh oui, c'est une demande. En fait c'est un ordre dans son esprit. Celui-ci n'a pas encore compris que si quelqu'un ordonne ici, c'est l'aînée de deux. Mais au fond peu importe. Un ordre en est-il toujours un s'il n'est pas suivi?
C'est au tour d'Erminilde de faire le spectacle. Messires, Dames et Damoiselles approchez. La chasse est ouverte!


Episode 1 : la greluche à la voix guillerette.


Cocher! Youhou! Mais descendez donc me donner votre bras jusqu'à l'auberge. J'ai peur de glisser. Et ne trouvez-vous pas qu'il fait noir?

Dès qu'il est à sa hauteur la lionne agrippe son bras et le serre contre elle. Puis elle se colle autant qu'elle le peut à l'homme. Pouah ce qu'il sent mauvais! Mais elle n'a pas le choix. Juste un mauvais moment à passer. Elle relève la tête et lui adresse un sourire charmeur.

Je me sens bien plus en sécurité ainsi. Merci.

Dommage que le noir l'empêche de sortir un autre atout : le rose sur les joue. Cela marche bien en général. Bah tant pis. Il suffit de parler plus.


Episode 2 : la sangsue

Doucement. Erminilde profite que l'homme est encore un peu émoustillé. Elle le dirige vers la porte de la voiture et Cyrielle.


Oh oui. Sans votre bras ferme, je tomberais sans doute. Mes vêtements seraient alors comme ceux de mon amie.

Vite : une petite remarque imbécile pour abaisser la garde du cocher qui va sans doute bientôt se relever.

C'est formidable comme on se fait vite des amis en voyageant. N'est-ce pas?

Voila qui est fait. Cela lui confère au moins cinq phrases supplémentaires de crédit.

D'ailleurs ce n'est pas gentil ce que vous lui avez fait... L'arroser de boue tout exprès parce que c'est une jolie femme seule sur la route. Tss tss tss. Polissons que vous êtes!

Zut. L'imbécile ouvre la bouche. Diversion : fausse glissade et cri perçant.

Houuuuu! Hii! Ah merci mon brave. Voyez-vous comme vous NOUS êtes précieux?

Courage. Plus que quelques pas à faire sous la pluie et au bras de cet homme.


Episode 3 : taïaut!


Ah ça. J'ai tout de suite compris que vous avez un coeur d'or. Le regard peiné posé sur mon amie. Le remord d'être coupable de tout cela. Je lis dans les bonnes âmes comme dans un livre ouvert.

Allez un dernier sacrifice. C'est pour conserver son guide. Cela vaut le coup. Erminilde cherche à s'en convaincre.
Elle lève un regard catégorie 4 - comprenez : les sourcils levés, la bouche en coeur, de grands yeux noirs et un je-ne-sais-quoi de terriblement attendrissant. Vous savez bien. Le genre de regard de petit chiot qui fait dire aux parents la sentence à perpétuité "d'accord mais on ne le garde que quelques jours seulement."
Il fonctionne à tous les coups. Le sourire niais du cocher le lui confirme. Juste à ferrer le poisson et c'est gagné.


Oh quel charmeur vous faites avec ce sourire!

Se retenir de rire. Allons Erminilde. Tiens bon. Tu y es presque.

C'est a-do-rable de votre part, ça. Proposer à mon amie de lui racheter de nouveaux vêtements. Et nous offrir la nuit pour vous faire pardonner. Ma parole mais vous êtes un bourreau des coeurs!

Ah? Elle en fait trop? Vous pensez? Oh que non. La lionne connaît les hommes. Leurs défauts. Leur bêtise. Leurs faiblesses. Mais ils ont une grande qualité : ils sont souvent généreux avec une belle femme. Même lorsqu'ils ont juré une minute avant à un pauvre mendiant qu'aucun écu ne se trouve dans leurs poches.

Vous nous gâtez mon bon messire. Mais il est impoli de refuser. Je suis une d'Orgemont, je sais les bonnes manières avec un messire du monde. C'est d'accord.
Venez nous chercher pour le repas.
Nous nous occupons de réserver les chambres. prenez soin des chevaux.


Une dernière petite étreinte sur le bras velu puis un soupire un peu surjoué. Voila qui est bien. Maintenant elle peut lâcher et le laisser s'éloigner. L'animal est domestiqué. Du moins, Erminilde l'espère. En général ça fonctionne.
Un regard interrogateur se pose sur Cyrielle. Cela lui a-t-elle plu?


_________________________________________________________
Cyrielle.
    L'œil écarquillé, la bouche entrouverte laissant presque passer un filet de bave, Cyrielle les fixait. Bien sûr, elle avait ramené sur sa crinière de chiot mouillé la capuche de lin, bien sûr, elle s'était tue, laissant ainsi tout le loisir à son « amie » de dévoiler ses charmes & sa sublime capacité à prendre l’homme pour un c*n.

    Il fallait dire que Cyrielle, dans l’art de la séduction, s’y connaissait bien peu. Oh, si, bien sûr, elle savait séduire & abuser de l’Homme en général. Mais séduire, physiquement, entourlouper de cette manière là, elle ne savait, ou du moins, ne pouvait pas faire. Son faciès singulier, en effet, ne l’aidait guère à ravir la volaille masculine, & quant bien même aurait-elle pu, sûrement ne l’aurait elle pas fait. Elle, elle inspirait confiance, sûreté, assurance, elle était la main des maîtres qui n’osaient pas tenir le fouet & la bâtarde. Elle était l’oreille discrète & invisible de ces dames énamourées, le conseil avisé, la parole réconfortante des donzelles vexées. Elle était celle qui, pour avoir supporté leurs présences pendant de si longues semaines, se permettait alors de se verser une prime de l’ordre d’un coffret à bijoux, ou de quelques bourses teintantes. Avant de disparaître comme si de rien n’était.

    Plus arnaqueuse que voleuse toutefois. Dès lors, elle ne pouvait qu’apprécier à juste titre les mouvements habiles de la brune séductrice. Visiblement, leurs domaines étaient proches, bien que légèrement différents. Et chacune, sans aucun doute, excellait.
    Ainsi, se reprenant, le langage se fit moins hachuré, & bien plus compréhensible. Inutile de tenter plus avant d’arnaquer une comparse. Elle n’aurait plus qu’à espérer que l’Erminilde ne lui tiendrait pas rigueur de son petit numéro.


    « Semblerait que tu l’aies parfaitement ferré. Pour un numéro aussi rapide, je n’peux qu’apprécier. »

    La capuche tomba dès que l’homme s’éloigna, & la porte du bouge s’ouvrit sur un coup de botte bien dosé. Ça puait, déjà. Ça sentait la bière, la piquette & des effluves de sueurs. Il y faisait chaud. Il y faisait moite. Et ça arracha un sourire ravi à la blonde trentenaire.

    « Trois suites royales, c’bien ça ? »

    Regard narquois pour la brunette, & déjà Cyrielle s’avançait au comptoir, apostrophant la grasse tavernière. Un échange, bref, où la femme éclata d’un rire gras qui fit trembler son énorme gorge pustulée, tapant sur l’épaule de la borgne comme l’on complimenterait une vieille connaissance.
    Et de retour vers la d’Orgemont, elle lui tendra, satisfaite, les trois meilleures clés de la maison. A comprendre, les trois chambres les moins sales du cloaque.


    « Ah par contre, ça risque de coûter un peu cher à ton charmant cocher… M’enfin, tu t’arrangeras avec, quand il m'aura remboursé, hein ? »

_________________
Erminilde.
Il y a comme un changement dans l'attitude de Cyrielle. Cela fait chaud au coeur d'Erminilde. Evidemment elle ne l'admet pas. Pas plus qu'elle n'admet qu'une lueur admirative brille dans ses yeux lorsqu'elle voit l'aisance avec laquelle la dame obtient les chambres.
Plus tard, c'est ainsi qu'elle veut être.

Juste une chose la tracasse encore. Le pigeon au carosse désormais boueux va passer la nuit. Puis se dégriser. Et comprendre qu'elle l'a roulé. Mieux vaut trouver un nouveau moyen de locomotion. Avant d'entrer dans sa chambre la brune se décide à demander. Elle a horreur de cela. Elle trouve avilissant de quémander. La lionne est en général assez grande pour se servir seule. Comme une grande. Mais là il faut bien l'avouer : elle a besoin d'aide.


Dites-moi, Cyrielle. Souhaitez-vous m'accompagner vers l'ouest? Dans le cas contraire, avez-vous des connaissances qui puissent m'amener à la prochaine ville?

Entre dames bien élevées - entendez par là qui vivent suivant les valeurs qui lui semblent juste, à elle - parfois on s'entraide. Quand ça peut rapporter. Mouais. Ne pas sombrer dans le sentimentalisme.

Je ne suis pas ingrate. Et je suis certaine que vous saurez me trouver quand il y aura quelque chose à partager, non?
Si nos chemins se séparent et que vous croisez le chemin d'un certain Le_Jack, dites-lui que la lionne le cherche. Et si vous croisez un prince riche, beau et puissant : pensez à moi!


Très Haut... faites-la me guider. Juste encore un peu.
Ce soir le temps pour discuter risque de lui manquer : delle doit garder la méfiance du cocher endormie jusqu'à ce qu'il soit complètement saoûl. Assez pour payer comptant ce qu'il doit. Assez pour avoir davantage sommeil que ne l'a un cocher devant repartir à l'aube. Assez enfin pour donner une raison officielle à Erminilde de se plaindre du service, et de tenter d'obtenir des dommages en espèces sonnantes.
Pfouh! Qu'il est fatigant de voyager!


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Cyrielle.
    Les escaliers montés, Cyrielle s'apprêtait à prendre possession de la chambre qu'elle s'était octroyée, enfonçant déjà la clé dans une serrure résolument rouillée. C'est donc dos à la brune qu'elle l'écoutait déballer sa demande, levant son œil unique vers un ciel qui l’avait depuis bien longtemps abandonné. Et bataillant pour ouvrir une porte qui ne se laissait pas faire, elle ne répondit à la d’Orgemont que par un juron étouffé.
    Avant de reprendre contenance.


    « Tu crois pas qu’on est d’jà suffisamment enfoncées dans c’te p*tain d’Bretagne ? »

    Un coup de botte dans la porte, & celle-ci cèda enfin, dévoilant une chambre plus classe qu’elle ne l’espérait. Une paillasse surélevée, des couvertures, un pot de chambre, une vasque & un miroir d’étain. Et propre, en prime.


    « Bah dis-donc… J’peux être fière de moi, té.
    Toi, tu disais... Ah oui. Hum. Ça me rapporte quoi, d’t’accompagner ? »


    Oui, Cyrielle fonctionnait à l’argent. Et même si elle ne pouvait nier qu’elle appréciait les valeurs d’Erminilde, elle n’en restait pas moins femme à travailler en solo, & surtout, à travailler le plus vite possible. En l’occurrence, il lui fallait de l’argent, & l’assurance de pouvoir survivre à l’hiver. Un contrat d’hibernation, en quelque sorte. Et l’affutée avait très vite compris que ce n’était pas des barbares se disant civilisés qu’elle allait réussir à rouler.
    Surtout qu’elle n’était même pas sûre que l’or breton soit du vrai.


    « J’ai une route à tracer, à l’opposé d’la tienne… J’retourne en France, moi. Et j’ai pas d’connaissance, en Bretagne… J’suis là qu’par un malheureux concours de circonstances, rien d’plus. »

    Elle renifla, essuya même un début de morve avec sa manche avant de fixer à nouveau sa comparse en lui tendant la main.

    « Cyrielle. J’te l’ai déjà dit, mais comme souvent on me croit pas… Beaumont. Cyrielle Beaumont. M’enfin, tu demandes une vieille à moitié cramée sur ton chemin, tu me retrouveras vite. »

    Déjà, elle s’engouffrait dans sa chambre, fermant la porte au nez de la d’Orgemont. Avant de se raviser & de repointer son nez dans l’entrebâillement.

    « Ce soir, on l’fait boire, ton cocher. Quand il tombe, on l’remonte dans ta chambre. Ouais, ta chambre. Demain, il croira qu’il a raté la chance de sa vie, tu l’boudes un peu, & il t’embarque où tu veux. Et quand tu t’en sors plus, tu l’assommes un bon coup & tu t’tires fissa. »

    Sur ces derniers mots, la porte claqua définitivement. Enfin presque.

    « Si t’as un peu de cran, tu t’en sortiras bien, beauté. »

    *Clac*

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Erminilde.
Déception. Mais de courte durée. A y bien réfléchir c'est tout naturel. Cyrielle n'a rien à gagner à rester en compagnie d'Erminilde. C'est très bien comme cela.

L'un fournit le gîte et les conseils avisées d'une aînée, l'autre garantit le financement. C'est éphémère. Donc plus beau encore. Un peu comme les étoiles filantes qu'on voit la nuit à la fin de l'été... Enfin dans des régions où les nuages ne voilent pas la terre d'un bout à l'autre de l'année. La blonde a bien raison de s'en retourner en France.

Cyrielle Beaumont. Erminilde accepte la main tendue et sourit. Elle ne fait pas l'affront de lui redire son nom. Il n'a aucun intérêt.
Les conseils de sa comparse d'une soirée si. Assez pour vexer légèrement la lionne. Quoi? Alors qu'elle pense être plus douée que les autres, on arrive encore à lui dire comment procéder! Et le pire... c'est qu'elle n'y a pas pensé. Et le pire, c'est qu'elle admire l'astuce du plan. Et le pire... oui oui... de pire en pire, comme on dit... Bref. Place à la suite.

*Clac*

Une seconde. Puis deux. Rien. La jeune femme en déduit que le rideau est tombé. C'est l'entracte. Un coup d'oeil à ses vêtements. Pour ce soir ça passe. Et puis c'est déjà faire beaucoup d'honneur à ce cocher que d'être encore si bien habillée!

La chambre n'est en effet pas mal. Bien, même. Rien à voir avec le bouge infect du sud de cette contrée... dont elle ne se souvient déjà plus du nom. Eh quoi? Qui donc fait des efforts pour se souvenir de ses cauchemards?

*Grourrgg!*

Comme vient si justement de l'annoncer l'estomac de la jeune femme il est grand temps de casser la graine. Graine pour apâter le pigeon.
La lionne peigne rapidement sa crinière et ajuste un léger châle sur ses épaules. Elle ne craint certes pas d'avoir froid. Mais on dissimule beaucoup mieux des objets dans un bout de tissus flottant que l'on peut maintenir en baluchon près ou loin du corps. Selon les besoins. Quel genre d'objets? Oh juste quelques ustensiles : petite lame, fil de pêche tressé, bourse pas trop pleine...

Prête.

Elle descend. L'ambiance de la salle l'agresse subitement. Elle s'arrête un instant pour reprendre de l'aplomb. Elle a connu pire mais ce n'est pas son milieu. Cela lui fait toujours cet effet. Pourtant un fauve dans la force de l'âge sort parfois de son territoire... quand le gibier en vaut la peine.


Oooh la pauvre messire esseulé! Ne craignez rien je ne vous oublie pas. Comment le pourrais-je? Un tel gaillard!

Erminilde laisse ostensiblement glisser son regard le long des pectoraux et des abdominaux du cocher. Comprenez qu'elle fournit un terrible effort d'imagination pour penser à ces mots-là en voyant la bedaine du bonhomme. Ce qui est moins visible en revanche c'est le coup d'oeil éclair lancé à la bourse solidement -hélas!- attachée à sa ceinture pour en jauger la teneur. Pas mal : ça suffit pour deux. Oups non: trois. Erminilde a failli oublier que lui aussi doit manger. Et surtout boire.

J'ai une de ces soifs! Pas vous?

Papillonnement des cils. Sourire. Relevage de mèche de cheveux rebelle. Re-sourire.
Gring! Premier encaissement! Voila la première plume qui part sous la forme d'un pichet de vin payé comptant. La soirée s'annonce prometteuse.

Petit tour d'horizon. Les gens les regardent. D'ici à ce que des vautours viennent tenter leur chance il n'y a qu'un pas... qu'ils feraient bien de ne pas franchir. Les charognards n'ont droit au repas que lorsque les fauves sont repus.


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Cyrielle.
Les bottes tentaient désespérément de sécher en plein milieu de la pièce, dégoulinant leur trop plein d'eau sur les carreaux en terre cuite, qui s’empressaient de l’absorber comme de vieux ivrognes. Les braies trainaient sur le lit, la chemise sur le miroir, la ceinture à terre, de même que sa besace & tout son contenu.
Des fripes propres lui étaient déjà parvenues. Sans doute le cocher n’avait-il pas encore payé, mais la grosse aubergiste avait du par trop l'appréciée pour lui faire apporter ainsi une solide robe de lin d’un rouge orangé, au corset de cuir & à la capuche intégrée. Presque à sa taille. Il lui avait tout juste fallu resserrer les lacets du cuir.
Le seul inconvénient, en vérité, était qu’elle n’avait pour le moment, pas réussi à récupérer chausses qui lui aillent. Et qu’elle n’était pas prête à rechausser ses bottes tant que celles-ci n’étaient pas définitivement sèches. Déjà que la crève rodait…

C’est donc pieds nus, la robe traînant parfaitement au sol pour dissimuler son désagrément, que Cyrielle descendit enfin dans la grande salle. Quelques regards s’attardèrent. Quelques discussions se stoppèrent. C’est qu’elle avait du chien, avec son aura de mystère longuement travaillée, et sa silhouette longue et souple. Et tout repris de plus belle dès qu’elle posa une main douce & profondément calculée sur l’épaule du cocher, interrompant leur probable discussion. Elle eut le temps d’esquisser un sourire au premier pichet déposé, avant de chuchoter, d’une voix calme & posée :


« Je vous remercie tant pour ce que vous avez fait… J’aurai attrapé mal, sans aucun doute, si j’étais restée quelques minutes de plus dans ce vulgaire accoutrement, si humide & froid… Vous êtes mon sauveur, messire… Je… »

Un temps d’hésitation passa, le temps qu’une mèche blonde & propre s’échappe de la capuche. La senestre la rattrapa, la glissa derrière son oreille en dévoilant un visage sans défauts & sans aucun doute agréable. Et la capuche retombe sur un sourire satisfait au regard que lui a lancé le cocher.
Le mettre en confiance. Le rassurer, non, ce n’est pas un monstre qui se cache sous cette capuche.
Enfin, pas tout à fait.


« Je vous suis éternellement redevable… D’ailleurs, que diriez-vous d’une véritable bouteille de vin ? Je suis sûre qu’ils cachent du Bourgogne dans leur cave… »

Elle n’attendit même pas qu’il acquiesce, interpellant l’aubergiste en glissant une main amusée dans le dos de l’Erminilde. Ah, quelle bonne soirée qui s’annonçait !
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Erminilde.
Le silence éclate et inonde la pièce d'un creux sonore qui fait tourner la tête de la lionne. Erminilde ne met pas longtemps à reconnaître Cyrielle. Cela lui fait tout de même un choc. Quelle tenue! Quelle prestance! Puis quelques paroles la lancent dans le jeu. Oh fichtre... le pauvre homme!

Sourire. Pauvre? Pas encore. Mais elle y travaille. Sa complice... pardon, sa camarade lui donne un bon coup de main. Va pour la bouteille.


Ah, beau messire... Vous voila en train de charmer deux jeunes femmes. Essayez-vous de nous faire tourner la tête? Si ça ne vous dérange pas je nous commande à manger.

Il ne faut pas jouer avec le feu. Erminilde est frêle. S'il faut boire un peu pour saoûler le cocher, soit. Mais elle a faim et sa parole est donnée. Les vêtements, c'est fait. Le gîte, c'est fait. Le couvert... ça reste à faire.

Aussitôt dit, aussitôt fait. La manoeuvre n'en n'est cependant pas moins admirable que les précédentes. Elle cadre parfaitement à une expression. Ce genre d'expressions qu'Erminilde aime tant illustrer.

Dans un premier mouvement latéral, Erminilde se glisse jusqu'au contact ferme - mais pas agréable pour autant - de sa cuisse sur la jambe du cocher. L'effet est double : le sourire idiot de l'homme qui croit en sa bonne étoile en est le premier. La bourse de cuir pleine d'écus coincée à mort entre la jambe du cocher et celle de la jeune brune en est le second. Le principal à vrai dire.
Premier temps. On repère le butin et on s'arrange pour que son propriétaire trouve sa cachette inadéquate. Tout est dans la suggestion. Comme dit le proverbe "l'homme propose, Dieu dispose". En tenant compte du fait que la femme mène l'homme par le bout du nez et que la lionne est divine - si si! un ange! - on révèle habilement la vérité. A savoir que la femme mène le monde.

Le second mouvement ne se fait pas attendre. Heureusement d'ailleurs. La lionne commence à avoir la jambe engourdie. Le cocher se décale... mais très brièvement - il n'est pas fou non plus - juste le temps pour lui de détacher sa bourse de son côté et de la poser sur la table... juste devant lui. presque dans son giron. Ah l'avare!
Second temps. On met le trésor en lieu sûr. Observation... Un regard bleu planté droit dans les yeux du cocher. C'est en bonne voie : il ne peut soutenir les azurs de la jeune femme. Action... Erminilde ouvre délicatement la bourse. Pour cela elle prend bien soin de n'y jeter qu'un regard de coin et de maintenir le pigeon sous son sourire enjôleur. Palpage... Diantre! Il y en a de la monnaie! Une pincée de pièces levées à l'attention de la serveuse permet de commander le repas. Et De payer. Et de refermer la bourse, tout naturellement.


O vous notre bienfaiteur! Que d'or! Je ne vous savais point gentillhomme! Et pourtant votre port altier vous trahit. Oh si, ne niez point. Vous êtes également un audacieux. Ne dit-on point que la chance leur sourit?

Le dernier mouvement est tout ce qu'il y a de plus naturel. Le flot de paroles guillerettes - et futiles, cela va de soi - dont Erminilde inonde le pauvre homme - si si : maintenant il l'est - sert de couverture à un geste qui se veut naturel... Mais qui ne l'est pas. Pas pour elle. Mais elle connaît ses classiques. Seulement, la bourse est trop pleine. Donc... hop ni vue ni connue elle échange cette lourde poche de cuir par la sienne. Sortie de son châle. Eh oui.
Petite prière pour Cyrielle. Sans elle et le pouvoir de diversion d'une telle femme qui sait si le pigeon ne garderait pas farouchement ses plumes?
Nous disons donc... dernier mouvement. La jeune main blanche d'Erminilde soulève la bourse de la table. Elle passe sous le nez du cocher et s'y attarde jusqu'à ce qu'il louche dessus. Puis tout cela se dirige vers le visage de la lionne. Et descend. Nez. Bouche. Menton. Gorge... Hop! Dans le décolleté.

En deux temps, trois mouvement. Ce n'est pas un vol. La jeune femme ne se cache pas. L'homme voit mais ne résiste pas. En plus il sait où le butin se cache. Personne ne l'empêche de le récupérer. Du moins c'est ce que le pigeon doit croire. En vérité il risque gros s'il s'y aventure.
Erminilde a confiance. Pas en cet homme évidemment. Pas en un homme de toute façon. Elle n'est pas stupide. Mais elle a une confiance débordante en tout ce qui contient de l'alcool. Et à la domination exercée par les deux femmes à cet instant. Rien à craindre.

Erminilde transforme une petite grimace en sourire. Il faut dire que le cuir est assez froid. Ca fait bizarre.


Comment? Déjà vide? Oh par pitié... nous ne pouvons manger tout ceci sans boire!

Que la fête continue...

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