Charlyelle
Fàilte ort a dh'Albainn*, un tartan de ma vie.
Quelque part, sur les chemins.
Il y eut un avant....
Toute une enfance innocente passée dans ses lacs des glaciers Ecossais. Ces mêmes glaciers qui ont laissé des surfaces rayées et bosselées avec des creux où se nichent des lacs. Sur ce sol rude, les conditions climatiques sont difficiles. Un climat très variable riche en bourrasques, tempêtes sur les côtes et grandes pluies qui occupent un grand nombre de jours et se répartissent dans toutes les saisons. Peu de neige.
Enfance qui se déroule aux côtés d'Ilug, qui lui enseigne tout ce qu'elle a à savoir avec une infinie patience. A se penser orpheline, à croire que l'on est rien et sans attaches aucunes, ça vous forge un mental d'acier. Mais l'année de ses 16 ans, la vérité se découvre, et horrifiée, meurtrie et emplie de haine, elle s'enfuit en France, Ilug sur les talons. Elle ne veut pas entendre parler d'eux, elle les hait. Et lui, son père, plus que les autres.
Sa rencontre avec le Sapineux qui forgera son destin Hydrique. Durant deux années et demi, elle est la Dentellière Hydrique. La jeune femme s'est cadenassée également après Lui. Se refusant la moindre parcelle de lumière dans sa vie. Fuyant ce qu'elle estime devoir fuir.
Puis, il y eut la pause....
Les premiers temps, elle s'était dit que ce serait une bonne chose. Elle n'est plus que l'Ex-dentellière Hydrique, même si elle garde cette Hyvresse Hydrique qui fait d'elle ce qu'elle est en son fort intérieur. Mais elle qui a la tête sur les épaules et qui porte une Noblesse à laquelle ses valeurs sont fidèles s'aperçoit, qu'elle est loin de partager celle qu'elle découvre. Elle est pourtant du genre tolérante et patiente, et ne pipe mot.
Les jours passaient, et elle s'efforçait à cette impassibilité, à cette froideur qui faisait sa réputation, se rattachant à ce masque pour ne rien laisser échapper. Il avait suffit d'une simple rencontre pour que son âme et son coeur alors se glacent instantanément, lui rappellant ainsi que malgré ses plus profondes convictions, elle n'était pas maître de ses sentiments. Elle avait même été jusqu'à l'aider. Lui qui s'était fait brigander. Elle avait fait en sorte qu'il puisse récupérer ses biens. Et au final, cela s'était retourné contre elle. Tout ça pourquoi ? Parce qu'elle avait eu l'audace de lui accorder quelque intérêt et de lui dire des paroles qui ne lui avaient pas plues, ça elle l'avait bien remarqué à l'expression de ses azurs. Apparemment cela avait fait d'elle un monstre. Qu'elle était loin d'être d'ailleurs mais peu importait.
Et si les jours qui avaient suivis lui avaient parus s'éterniser et sans reliefs, elle s'enfonçait de plus en plus dans un repli sur soi silencieux et douloureux.
A se sentir inutile dans ces lieux, à s'y sentir étouffer, à encaisser ce qui lui semblait prendre des proportions démesurées et complètement erronnées, c'est en silence qu'elle avait décidé de quitter les lieux.
Par pure conscience et parce qu'elle s'était prise d'affection pour la gamine, elle avait tenu à ramener Mae et à la déposer à bon port avant de s'en aller, sans un mot pour quiconque. Hormis de courts billets d' échanges avec Mae et Isleen. Puis son nom n'apparaissait pas sur le contrat elle n'avait encore officiellement rien signé. Ainsi c'était simple.
Elle n'était pas prête à remontrer un quelconque intérêt, qu'il soit Nordique ou pas. Et elle était avare de mots. Pour qui que ce soit. Cela faisait des années qu'elle ne partageait plus rien avec personne et il avait fallu que cette petite rouquine sache la toucher. L'Ecossaise qui se confie à une gamine, non mais on aura vraiment tout vu !
En souffrance. En perdition. Une autre missive était partie à laquelle réponse n'avait pas tardé de lui arriver. En résumé, elle disait différentes choses cette lettre mais c'était surtout un "Viens !" auquel elle n'avait pas l'envie de résister. Elle le devrait pourtant. Très certainement même. Mais elle irait.Parce que l'auteur lui a redonné goût en certains aspects de sa vie. Parce qu'il souhaite être le seul à la réconforter. Et qu'elle se sent perdue, trahie et seule dans son tourment. Et qu'il est le seul, à un moment donné, à l'avoir sauvée des sombres pensées qu'elles ressassaient en permanence.
Elle avait le sentiment d'être de retour plusieurs années en arrière, lorsque la drogue et les coups reçus lui avaient permis l'oubli, l'avait enfoncée dans cette amnésie et qu'Ilug soignait ses plaies.
Mais il n'y avait plus de drogue, et elle s'efforçait de laisser le vieil homme à l'écart de ses tourments. Tout était béant et à vif.
Et il y a un après...
Elle réfléchissait tant et si bien profondément qu'elle aurait été incapable de dire à quoi elle pensait à l'instant présent si quelqu'un venait à lui demander tant ses pensées étaient embrouillées et confuses. Tout ce dont elle était consciente est qu'elle avait des choix à faire, des choix cruciaux pour son avenir, et qu'elle était incapable de prendre la moindre décision.
A ses pieds, s'étendaient des riches pâturages, des vallées boisées, des landes de bruyères et surplombant l'ensemble, quelques pics montagneux. De petits oiseaux mordorés voletaient et seule le bruissement d'un cours d'eau, non loin, brisait le silence Mais cette vision même n'arrivait pas à tiédir cette glace qui broyait son âme et son coeur. Depuis combien de temps ne remarquait-elle plus ce genre de chose, elle fille du vent et des flots des océans.
Elle avait les joues rougies par le froid, et des mèches de cheveux sombres, balayées par le vent, caressaient son visage. Mais elle ne les sentait pas. Puis la brise fit voleter vers elle quelques feuilles, et elle fit un pas en avant pour ôter celles qui s'étaient perdues dans ses cheveux. Elle s'envoya une bonne rasade de son eau de feu, mais il était écrit qu'aucun alcool ne viendrait à bout de ses tourments. Ils étaient ridicules, et elle ne voulait plus ni y penser, ni même les ressentir.
Elle aurait souhaité s'arracher tout ce qui la faisait souffrir à cet instant précis. C'était ridicule bien sûr. Un coup de foudre ça n'existe pas. Et certainement pas sous la forme décrite par les poètes. Car oui, elle en a entendu parler. Certes plus jeune, elle avait nourri l'espoir d'une union agréable avec un homme de son milieu. Mais son père avait eu le don pour venir mettre à mal ce qui n'était qu'illusion. Elle avait également rêvée d'une maisonnée emplie de présence enfantine. Mais elle avait grandi depuis. Et avait appris à ses dépends ce qu'il en était. Elle avait alors compris une chose essentielle : elle n'entendait pas abandonner le contrôle de sa vie, de sa fortune, et de sa famille, à n'importe qui. Elle avait quitté l'enfance pour devenir une femme, avec tous les défis et les épreuves que cela représentait. Les sentiments ne pouvaient que lui attirer des ennuis et la preuve, c'est ce qu'il venait de se produire.
Tout comme la cendre qui couve sous le feu, elle savait désormais, qu'elle ne pouvait plus laisser la moindre étincelle jaillir. Quelle ironie. Elle qui appréciait tant la solitude, se sentait en cet instant totalement abandonnée. La brune secoua la tête dépitée. Puis d'un geste brusque, c'est le feu qu'elle éteint avant de se hisser à califourchon sur Moonblack, arrangeant ses sacoches. Une main qui se fait caressante sur le chanfrein de l'animal.
Elle voyagera de nuit. Comme à l'accoutumée.
Les yeux dans le vague, Ilug gardait quant à lui le silence. Une expression absente sur le visage. Il se mit à bourrer son brûle-gueule en poussant un long soupir avant de l'allumer avec une brindille enflammée dans les braises rougissantes du feu de bois. Il tira profondément sur le tuyau et l'odeur du tabac se répandit autour d'eux. Mais au lieu de savourer la fumée, le vieil homme se partit d'une longue et déchirante quinte de toux. Charlyelle lui versa un godet d'eau, ce qui eut pour effet de l'apaiser un peu. Ce silence se prolongea un moment entre eux, puis Ilug finit par prononcer quelques mots.
Je t' ai longuement observé Pallikari, ces dernières semaines. Tu marches toujours sur "la route rouge" depuis quelques temps.
Il était très rare que le vieux druide s'adresse à elle en la tutoyant et la jeune femme reste immobile sur sa monture. Se raidissant.
La route rouge, la route blanche.Sa façon à lui de décrire deux modes de vie qui n'avaient guère de chance en effet de se recouper jamais.
"- Mon coeur est toujours McAlayg, Ilug tu le sais."
Je suis à la fois heureux et triste que tu te sentes toujours des nôtres, Pallikari. Mais j'avais espéré que tu trouverais ta place parmi...
"- Auprès de mon père ? Sur cette autre terre au loin dans les Balkans ? Non Ilug. Demande moi tout ce que tu veux mais pas cela. Tu sais que je ne changerais pas d'avis sur le sujet."
Elle reste de nouveau silencieuse, le regard et les mains perdus dans le crin soyeux de son lipizzan. Décidément, cette journée était comme une lourde pierre dans son coeur.
Tu n'as pas oublié Charlyelle. Et être venu à l'aide de cet homme là suffit à me le prouver. Je ne te demanderais rien de plus. Mais peut-être que cela pourra t'aider à retrouver un juste équilibre dans ta vie.
"- Je ne crois pas non."
Je sais que tu ne souris plus et que ton âme souffre depuis quelques temps.Mais tu es la seule qui puisse en juger. Peut-être pourrais-tu maintenant vivre de manière plus agréable. Ne perds pas ta place dans le monde. Commence une nouvelle vie en effaçant tout ce qui te fait du mal dans l'ancienne.
Elle le regarde longuement. Ilug n'était pas prompt à vociférer, à blâmer, à juger. Il avait la colère lente et ne se battait qu'après mûre réflexion. Il connaissait le pouvoir incendiaire des mots et en usait avec circonspection. Si seulement d'autre avait été comme lui, elle n'en serait pas là ce jour.
"- Plusieurs fois Ilug, j'ai essayé de mourir honorablement. Je me demande bien pourquoi je suis toujours là tu sais."
Je pense que c'est parce que deux personnes sont en toi. Ta mère habite ton coeur, et tu dois l'honorer. En menant une bonne vie. Ce que ton père lui, malgré tout ce qu'il est n'a vraiment jamais su faire. J'étais avec ta mère lorsqu'elle est tombée durant cette bataille de la rivière des Grasses-Pâtures. Elle a combattue et est morte en brave.
"- Tu sais Ilug. Ces marques tribales qu'elle m'a faite, je les porte depuis toujours. Je les trouve belles. Et longtemps j'ai espéré qu'elles me ramèneraient màmag . Tous les matins quand je parle à La Mère, je vois rougeoyer le ciel et je me souviens de la couleur de ses cheveux, puisque je tiens les miens d'Elle. Je donnerais tout ce qui me reste de cette vie, pour la voir une seule fois près de moi Ilug."
Elle portait la marque des femmes McAlayg. Tout comme ta grand-mère. Tout comme toi. Et avec une femme aussi sauvage que toi, il faut adopter le même comportement que pour un animal. Ne pas crier, ne pas te prendre en chasse. Tu es emportée et indomptable, mais tu es brave ma petite-fille. N'oublies jamais ce que ta mère avait l'habitude de dire. Une McAlayg digne de ce nom ne se bat jamais sous le coup de la colère.
"- Je ne l'oublierais pas Ilug".
Déjà, elle avait talonné Blackmoon. Pour se détendre, elle essayait d'écouter les sons de la nuit. Mais on n'entendait guère que le bruit du vent dans les herbes et celui des sabots de la puissante monture sur le sol. Les taches grises du corps de l'animal brillaient dans la nuit. Tout autour partout des ombres. Au-dessus de sa tête, brillaient faiblement les premières étoiles. Elle respira profondément. Elle se concentrait sur le cou de son cheval et de sa tête qui dodelinait doucement, alors qu'il avait ralenti et s'était mis à marcher. Sa tête se mit à dodeliner également, au rythme de l'animal. Devant elle, les ombres cachaient les étoiles, formant une sorte de mur végétal dans l'obscurité. Trembles et saules poussaient près des cours d'eau, ils devaient donc se trouver tout près d'une rivière. Elle laissa Blackmoon boire tout son soûl. Quand il eut terminé, elle le talonna doucement.
Tout ce qu'elle arrivait à se promettre, c'était de ne plus jamais aider son prochain et de ne plus accorder la moindre once de confiance à quiconque.
"- Que les portes de l'Annwfn me soient fermées si je parjures avant la mort, que je soie condamnée à errer telle une âme en peine entre les mondes si j'ai volontairement renié ma parole, et si je trahis ce serment. J'ai dit !"
Elle essayait de rester attentive au souffle du vent pour ne pas s'endormir.
*Bienvenue en Ecosse
_________________
Quelque part, sur les chemins.
Il y eut un avant....
Toute une enfance innocente passée dans ses lacs des glaciers Ecossais. Ces mêmes glaciers qui ont laissé des surfaces rayées et bosselées avec des creux où se nichent des lacs. Sur ce sol rude, les conditions climatiques sont difficiles. Un climat très variable riche en bourrasques, tempêtes sur les côtes et grandes pluies qui occupent un grand nombre de jours et se répartissent dans toutes les saisons. Peu de neige.
Enfance qui se déroule aux côtés d'Ilug, qui lui enseigne tout ce qu'elle a à savoir avec une infinie patience. A se penser orpheline, à croire que l'on est rien et sans attaches aucunes, ça vous forge un mental d'acier. Mais l'année de ses 16 ans, la vérité se découvre, et horrifiée, meurtrie et emplie de haine, elle s'enfuit en France, Ilug sur les talons. Elle ne veut pas entendre parler d'eux, elle les hait. Et lui, son père, plus que les autres.
Sa rencontre avec le Sapineux qui forgera son destin Hydrique. Durant deux années et demi, elle est la Dentellière Hydrique. La jeune femme s'est cadenassée également après Lui. Se refusant la moindre parcelle de lumière dans sa vie. Fuyant ce qu'elle estime devoir fuir.
Puis, il y eut la pause....
Les premiers temps, elle s'était dit que ce serait une bonne chose. Elle n'est plus que l'Ex-dentellière Hydrique, même si elle garde cette Hyvresse Hydrique qui fait d'elle ce qu'elle est en son fort intérieur. Mais elle qui a la tête sur les épaules et qui porte une Noblesse à laquelle ses valeurs sont fidèles s'aperçoit, qu'elle est loin de partager celle qu'elle découvre. Elle est pourtant du genre tolérante et patiente, et ne pipe mot.
Les jours passaient, et elle s'efforçait à cette impassibilité, à cette froideur qui faisait sa réputation, se rattachant à ce masque pour ne rien laisser échapper. Il avait suffit d'une simple rencontre pour que son âme et son coeur alors se glacent instantanément, lui rappellant ainsi que malgré ses plus profondes convictions, elle n'était pas maître de ses sentiments. Elle avait même été jusqu'à l'aider. Lui qui s'était fait brigander. Elle avait fait en sorte qu'il puisse récupérer ses biens. Et au final, cela s'était retourné contre elle. Tout ça pourquoi ? Parce qu'elle avait eu l'audace de lui accorder quelque intérêt et de lui dire des paroles qui ne lui avaient pas plues, ça elle l'avait bien remarqué à l'expression de ses azurs. Apparemment cela avait fait d'elle un monstre. Qu'elle était loin d'être d'ailleurs mais peu importait.
Et si les jours qui avaient suivis lui avaient parus s'éterniser et sans reliefs, elle s'enfonçait de plus en plus dans un repli sur soi silencieux et douloureux.
A se sentir inutile dans ces lieux, à s'y sentir étouffer, à encaisser ce qui lui semblait prendre des proportions démesurées et complètement erronnées, c'est en silence qu'elle avait décidé de quitter les lieux.
Par pure conscience et parce qu'elle s'était prise d'affection pour la gamine, elle avait tenu à ramener Mae et à la déposer à bon port avant de s'en aller, sans un mot pour quiconque. Hormis de courts billets d' échanges avec Mae et Isleen. Puis son nom n'apparaissait pas sur le contrat elle n'avait encore officiellement rien signé. Ainsi c'était simple.
Elle n'était pas prête à remontrer un quelconque intérêt, qu'il soit Nordique ou pas. Et elle était avare de mots. Pour qui que ce soit. Cela faisait des années qu'elle ne partageait plus rien avec personne et il avait fallu que cette petite rouquine sache la toucher. L'Ecossaise qui se confie à une gamine, non mais on aura vraiment tout vu !
En souffrance. En perdition. Une autre missive était partie à laquelle réponse n'avait pas tardé de lui arriver. En résumé, elle disait différentes choses cette lettre mais c'était surtout un "Viens !" auquel elle n'avait pas l'envie de résister. Elle le devrait pourtant. Très certainement même. Mais elle irait.Parce que l'auteur lui a redonné goût en certains aspects de sa vie. Parce qu'il souhaite être le seul à la réconforter. Et qu'elle se sent perdue, trahie et seule dans son tourment. Et qu'il est le seul, à un moment donné, à l'avoir sauvée des sombres pensées qu'elles ressassaient en permanence.
Elle avait le sentiment d'être de retour plusieurs années en arrière, lorsque la drogue et les coups reçus lui avaient permis l'oubli, l'avait enfoncée dans cette amnésie et qu'Ilug soignait ses plaies.
Mais il n'y avait plus de drogue, et elle s'efforçait de laisser le vieil homme à l'écart de ses tourments. Tout était béant et à vif.
Et il y a un après...
Elle réfléchissait tant et si bien profondément qu'elle aurait été incapable de dire à quoi elle pensait à l'instant présent si quelqu'un venait à lui demander tant ses pensées étaient embrouillées et confuses. Tout ce dont elle était consciente est qu'elle avait des choix à faire, des choix cruciaux pour son avenir, et qu'elle était incapable de prendre la moindre décision.
A ses pieds, s'étendaient des riches pâturages, des vallées boisées, des landes de bruyères et surplombant l'ensemble, quelques pics montagneux. De petits oiseaux mordorés voletaient et seule le bruissement d'un cours d'eau, non loin, brisait le silence Mais cette vision même n'arrivait pas à tiédir cette glace qui broyait son âme et son coeur. Depuis combien de temps ne remarquait-elle plus ce genre de chose, elle fille du vent et des flots des océans.
Elle avait les joues rougies par le froid, et des mèches de cheveux sombres, balayées par le vent, caressaient son visage. Mais elle ne les sentait pas. Puis la brise fit voleter vers elle quelques feuilles, et elle fit un pas en avant pour ôter celles qui s'étaient perdues dans ses cheveux. Elle s'envoya une bonne rasade de son eau de feu, mais il était écrit qu'aucun alcool ne viendrait à bout de ses tourments. Ils étaient ridicules, et elle ne voulait plus ni y penser, ni même les ressentir.
Elle aurait souhaité s'arracher tout ce qui la faisait souffrir à cet instant précis. C'était ridicule bien sûr. Un coup de foudre ça n'existe pas. Et certainement pas sous la forme décrite par les poètes. Car oui, elle en a entendu parler. Certes plus jeune, elle avait nourri l'espoir d'une union agréable avec un homme de son milieu. Mais son père avait eu le don pour venir mettre à mal ce qui n'était qu'illusion. Elle avait également rêvée d'une maisonnée emplie de présence enfantine. Mais elle avait grandi depuis. Et avait appris à ses dépends ce qu'il en était. Elle avait alors compris une chose essentielle : elle n'entendait pas abandonner le contrôle de sa vie, de sa fortune, et de sa famille, à n'importe qui. Elle avait quitté l'enfance pour devenir une femme, avec tous les défis et les épreuves que cela représentait. Les sentiments ne pouvaient que lui attirer des ennuis et la preuve, c'est ce qu'il venait de se produire.
Tout comme la cendre qui couve sous le feu, elle savait désormais, qu'elle ne pouvait plus laisser la moindre étincelle jaillir. Quelle ironie. Elle qui appréciait tant la solitude, se sentait en cet instant totalement abandonnée. La brune secoua la tête dépitée. Puis d'un geste brusque, c'est le feu qu'elle éteint avant de se hisser à califourchon sur Moonblack, arrangeant ses sacoches. Une main qui se fait caressante sur le chanfrein de l'animal.
Elle voyagera de nuit. Comme à l'accoutumée.
Les yeux dans le vague, Ilug gardait quant à lui le silence. Une expression absente sur le visage. Il se mit à bourrer son brûle-gueule en poussant un long soupir avant de l'allumer avec une brindille enflammée dans les braises rougissantes du feu de bois. Il tira profondément sur le tuyau et l'odeur du tabac se répandit autour d'eux. Mais au lieu de savourer la fumée, le vieil homme se partit d'une longue et déchirante quinte de toux. Charlyelle lui versa un godet d'eau, ce qui eut pour effet de l'apaiser un peu. Ce silence se prolongea un moment entre eux, puis Ilug finit par prononcer quelques mots.
Je t' ai longuement observé Pallikari, ces dernières semaines. Tu marches toujours sur "la route rouge" depuis quelques temps.
Il était très rare que le vieux druide s'adresse à elle en la tutoyant et la jeune femme reste immobile sur sa monture. Se raidissant.
La route rouge, la route blanche.Sa façon à lui de décrire deux modes de vie qui n'avaient guère de chance en effet de se recouper jamais.
"- Mon coeur est toujours McAlayg, Ilug tu le sais."
Je suis à la fois heureux et triste que tu te sentes toujours des nôtres, Pallikari. Mais j'avais espéré que tu trouverais ta place parmi...
"- Auprès de mon père ? Sur cette autre terre au loin dans les Balkans ? Non Ilug. Demande moi tout ce que tu veux mais pas cela. Tu sais que je ne changerais pas d'avis sur le sujet."
Elle reste de nouveau silencieuse, le regard et les mains perdus dans le crin soyeux de son lipizzan. Décidément, cette journée était comme une lourde pierre dans son coeur.
Tu n'as pas oublié Charlyelle. Et être venu à l'aide de cet homme là suffit à me le prouver. Je ne te demanderais rien de plus. Mais peut-être que cela pourra t'aider à retrouver un juste équilibre dans ta vie.
"- Je ne crois pas non."
Je sais que tu ne souris plus et que ton âme souffre depuis quelques temps.Mais tu es la seule qui puisse en juger. Peut-être pourrais-tu maintenant vivre de manière plus agréable. Ne perds pas ta place dans le monde. Commence une nouvelle vie en effaçant tout ce qui te fait du mal dans l'ancienne.
Elle le regarde longuement. Ilug n'était pas prompt à vociférer, à blâmer, à juger. Il avait la colère lente et ne se battait qu'après mûre réflexion. Il connaissait le pouvoir incendiaire des mots et en usait avec circonspection. Si seulement d'autre avait été comme lui, elle n'en serait pas là ce jour.
"- Plusieurs fois Ilug, j'ai essayé de mourir honorablement. Je me demande bien pourquoi je suis toujours là tu sais."
Je pense que c'est parce que deux personnes sont en toi. Ta mère habite ton coeur, et tu dois l'honorer. En menant une bonne vie. Ce que ton père lui, malgré tout ce qu'il est n'a vraiment jamais su faire. J'étais avec ta mère lorsqu'elle est tombée durant cette bataille de la rivière des Grasses-Pâtures. Elle a combattue et est morte en brave.
"- Tu sais Ilug. Ces marques tribales qu'elle m'a faite, je les porte depuis toujours. Je les trouve belles. Et longtemps j'ai espéré qu'elles me ramèneraient màmag . Tous les matins quand je parle à La Mère, je vois rougeoyer le ciel et je me souviens de la couleur de ses cheveux, puisque je tiens les miens d'Elle. Je donnerais tout ce qui me reste de cette vie, pour la voir une seule fois près de moi Ilug."
Elle portait la marque des femmes McAlayg. Tout comme ta grand-mère. Tout comme toi. Et avec une femme aussi sauvage que toi, il faut adopter le même comportement que pour un animal. Ne pas crier, ne pas te prendre en chasse. Tu es emportée et indomptable, mais tu es brave ma petite-fille. N'oublies jamais ce que ta mère avait l'habitude de dire. Une McAlayg digne de ce nom ne se bat jamais sous le coup de la colère.
"- Je ne l'oublierais pas Ilug".
Déjà, elle avait talonné Blackmoon. Pour se détendre, elle essayait d'écouter les sons de la nuit. Mais on n'entendait guère que le bruit du vent dans les herbes et celui des sabots de la puissante monture sur le sol. Les taches grises du corps de l'animal brillaient dans la nuit. Tout autour partout des ombres. Au-dessus de sa tête, brillaient faiblement les premières étoiles. Elle respira profondément. Elle se concentrait sur le cou de son cheval et de sa tête qui dodelinait doucement, alors qu'il avait ralenti et s'était mis à marcher. Sa tête se mit à dodeliner également, au rythme de l'animal. Devant elle, les ombres cachaient les étoiles, formant une sorte de mur végétal dans l'obscurité. Trembles et saules poussaient près des cours d'eau, ils devaient donc se trouver tout près d'une rivière. Elle laissa Blackmoon boire tout son soûl. Quand il eut terminé, elle le talonna doucement.
Tout ce qu'elle arrivait à se promettre, c'était de ne plus jamais aider son prochain et de ne plus accorder la moindre once de confiance à quiconque.
"- Que les portes de l'Annwfn me soient fermées si je parjures avant la mort, que je soie condamnée à errer telle une âme en peine entre les mondes si j'ai volontairement renié ma parole, et si je trahis ce serment. J'ai dit !"
Elle essayait de rester attentive au souffle du vent pour ne pas s'endormir.
*Bienvenue en Ecosse
_________________