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[RP]Fàilte ort a dh'Albainn, un tartan de ma vie.

Charlyelle
Les ourlées s'enivrent du fameux nectar. Le malt en est tourbé, aux puissants arômes fumés et médicinaux comme seule, sait le distiller l'Ecossaise. Quelques notes franches d'épices tel ce poivre noir et des fragrances de miel et de bruyère dont elle a le secret. Et une touche d'ode iodée de son crû qu'elle y rajoute.
Les embruns ne quittent pas le brun du regard alors que le breuvage s'épanche dans ses veines, distillant une douce et bienfaisante chaleur. La crinière brune est secouée, agrafe presque arrachée comme si soudain devenue bien gênante. C'est qu'il a mis le doigt là où ça fait mal. Malin le brun. Ah il a belle mine de venir lui parler de sa déchirure à elle, alors que lui en porte une belle également. De la même trempe que celle du Nordique. Et M.rde. Fais chier ! Pourquoi faut-il que ça tombe toujours sur elle, ce genre de choses.

Si tu n'étais femme, je dirai que tu a séjourné dans l' un de ces monastères où l'on apprends aux novices l'art de la sémantique, manier les mots afin d' obtenir ce que l'on veut sans alerter son interlocuteur. Je te sais femme habile, forte, intrépide, je te revois encore escalader les haubans du kraken, chevaucher des nuits sans te plaindre, ou combattre, quand nous étions avec la bande hydrique. Mais il y a une déchirure en toi, ancienne surement, je ne veux pas la savoir c'est ton jardin ..... est il de ronces et d'épines ou de fleurs et de miel ? cela est ton jardin et s'il le doit il peut rester secret.

On inspire une bonne goulée d'air, que l'on recrache presqu'aussitôt alors qu'il continue sur sa lancée. Ainsi, c'est de cette manière qu'il la voit. C'est qu'elle a bien su cacher ses faiblesses alors s'il n'a rien décelé.
Le verre tourne entre les doigts agiles de la brune. Et elle sourit doucement en l'écoutant. Ses paroles lui rappellent quelques épopées vécues alors que lui-même n'était pas encore arrivé parmi eux.
Elle se souvient de la Guyenne et de son fameux procès, c'est d'ailleurs là que son aventure Hydrique à elle avait commencé il y a déja quelques années de cela.
Puis ce fut l'épopée, l'alliance avec le Jargor. Là aussi, que de souvenirs, des sourires, des fous rires et la déchirure. LA fameuse déchirure qui se fit à cette époque là. Et c'est dans le même temps qu'elle avait appris la vérité sur son paternel, et qu'elle avait alors entamé cette fuite éperdue qui se continuait encore à ce jour. Même si elle apprenait depuis à le connaitre, ce père tellement détesté et honni.


"- Oh tu n'es pas bien loin Mach. Non, à défaut de monastère, j'ai été élevée par un druide, sans doute est-ce lui qui m'a inculqué l'amour des mots et de la sémantique, parmi bien d'autres choses. Mon grand-père m'a gardé près de lui lorsque ma mère, qui était druidesse en Ecosse est décédée. Protégée de ce père qui me pourrit la vie aujourd'hui. Et si beaucoup adorerait qu'on leur pourrisse la vie comme il le fait, je ne fais pas partie de ce lot là."

Foutu séjour en Catalogne et la surprise de se retrouver nez à nez avec son père. Bien sûr, qu'elle n'en avait rien dit, puisque personne n'était au courant dans la maison à l'époque. Jamais elle n'en avait pipé mot. Cela ne regardait qu'elle après tout. Et un soupir qui lui échappe. Elle finit par lui souffler.

"- La noblesse ne fait pas tout. Tu sais bien ce que j'en pense mais..."

Elle se tait un instant. Peut-elle le lui révéler à lui ? Le faire auprès d'un quasi-inconnu ne lui a pas posé souçis, oui mais Judas Gabryel lui, n'en a pris que ce qu'il a bien voulu en entendre de sa révélation ce jour là. Puis lui c'est différent, c'est un noble. Alors que Mach lui. Bien elle a peur de sa réaction. Parce qu'après tout, il hait cette partie de la société autant qu'elle peut elle aussi en détester.
Un moment d'hésitation, et puis le verre toujours en main elle s'en lève de son fauteuil, châle glissant sur les épaules, trainant un large coussin qu'elle vient placer aux pieds du brun et la voilà qui prend place. Là. S'agenouillant sur la soierie.

"- Je t'ai déjà parlé de mon père je crois. Vite fait. Mais Mach...tu en dirais quoi si je t'annonce que mon père fait partie de cette noblesse que tu hais tant ? pas la petite, pas la moyenne mais la haute. Etrangère. Pas d'ici. Mais haute noblesse quand même. Tu ferais quoi ? Tu me tournerais le dos ? Tu m'ignorerais ? Ou bien tu continuerais à être toi-même avec moi ?"

Question débile, Charlye tu en as d'autres des comme ça à lui sortir ? Comme si tu ne connaissais pas déjà la réponse. Si tu lui en parles, c'est bien que tu as assez confiance en lui pour cela. Et qu'au fond de toi tu as l'infime espoir qu'il comprenne et ne change en rien sa manière d'être avec toi.

"- Mon jardin, c'est tout un parterre de ronces, d'épines, de fleurs et de miel mais tu peux y rajouter d'abruptes aiguilles de glaces."

Et puis il n'y va pas par quatre chemins. Lui aussi il balance. Elle doit répondre quoi à tout cela.

Non ce qui m'intrigue c'est pourquoi tu m'a demandé de venir te rejoindre, je ne suis pas assez fat pour penser que c'est mon charme seul qui te manquai a ce point, tu n'est pas femme a quémander de l'aide sans une bonne raison, a tu besoin de mon bras pour quelques expéditions périlleuses aux confins du pays ? a tu un trésor a transporter et rien de tel qu'un voleur pour qu'il soit en sureté ? a tu un ennemi redoutable a occire ? où a tu simplement besoin de mon épaule pour y appuyer ta jolie tête ?

"- Même si ta protection m'a quelquefois fait défaut, je ne t'en veux plus, tu étais sous l'emprise du jeu et de tes gueules de bois, je sais que ton épaule est solide. Et oui. J'ai peut-être l'envie de m'y reposer un peu dessus. Tant qu'elle me supporte. Mon trésor je le transporte tous les jours et le seul qui a osé me le dérober, je suis allée en personne le récupérer ! Quant aux ennemis, j'en ai sans doute autant que toi, sinon plus encore. Le plus redoutable je dirais qu'il s'agit de mon père..."

Mais comment lui avouer l'idée qui a germé en elle ces dernières semaines ? Parce que l'engeance paternelle a toujours en tête ce funeste projet pour elle et qu'il n'a pas changé d'avis quand à ses desseins. Et que pour les contourner tout en ne faisant pas la folie de se mettre définitivement son paternel à dos, la brune a semble t'il eu l'idée du siècle. Le truc, c'est qu'elle a besoin de Machette pour cela. Mais doit-elle lui faire part de ce qu'elle veut ou bien doit elle le lui prendre par un moyen détourné ?
Si elle lui en fait part, elle va devoir lui dévoiler nombre de choses, alors que si elle se fait rusée, elle pourra avoir ce qu'elle veut sans besoin de dévoiler un pan de sa vie.
Mais voilà, le brun a pris au fil du temps une place un peu à part dans la caboche écossaise. La joue vient s'appuyer contre le genou du brun et les perlées grises se teintent d'un voile d'inquiétude.

Comment va t'il réagir déjà à ce qu'elle vient de lui révéler sous couvert de quelques mots bien placés ? Et comment va t'il prendre la suite des évènements une fois qu'elle sera allé plus loin dans son récit ?

Car après bien des réflexions, elle a décidé l'Ecossaise, que l'homme de la situation, ce pourrait bien être lui.
Qui sait. Peut-être même que le paternel l'apprécierait...ou pas.

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Machette
Est ce la chaleur du foyer après le froid intense du dehors ? est ce l'alcool ambré qui miroite dans leurs verres, est ce cette promiscuité retrouvée, toujours est il que la brune mystérieuse lève un coin du voile ....

il se doutait bien d'un destin caché, de quelque bâtardise soigneusement dissimulée, la fille du nord comme lui n'était pas expansive, et c'était bien la première fois depuis que leurs routes se croisaient qu'elle se laissait aller a quelques confidences.


"- Je t'ai déjà parlé de mon père je crois. Vite fait. Mais Mach...tu en dirais quoi si je t'annonce que mon père fait partie de cette noblesse que tu hais tant ? pas la petite, pas la moyenne mais la haute. Etrangère. Pas d'ici. Mais haute noblesse quand même. Tu ferais quoi ? Tu me tournerais le dos ? Tu m'ignorerais ? Ou bien tu continuerais à être toi-même avec moi ?"

ainsi elle était noble, cela ne le surprenait guère, tout dans son allure altière dans son port de tête, dans la grâce naturelles de ses mouvement présumait un lignage de haut vol.

Un long silence suivit ses révélations, juste troublé par le crépitement dans l'âtre et les conversations de quelques attardés dans le fond de l'auberge. En fait il se moquait bien qu'elle fut bergère ou grande duchesse, ce qui importait c'était ce sentiment bizarre de plénitude depuis qu'il l'avait retrouvée, comme si un manque avait été comblé.

Sa joue vint de poser contre son genou dans un mouvement de confiant abandon,et tout naturellement sa main se glisse dans la lourde chevelure, emmêlant autour de ses doigts les boucles brunes qui glissent entre ses phalanges.

Il sourit tandis que son regard gris s'enfonce dans les prunelles levées vers lui ....


Tu cache bien ton jeu ma Gueuse, ainsi tu a fui une existence dorée pour courir l'aventure, cela serait plutôt pour me plaire, et je crois deviner que ta fuite n 'est pas du gout de ta famille ni de ton père en particulier, mais l'on ne peut pas toujours fuir et un jour ou l'autre il faut affronter.

Le sourire s''accentue sur la face basanée,

Et moi que viens je faire la dedans ? tu ne doit pas manquer de soupirant de ton rang prêt pour tes beaux yeux a faire rempart de leurs corps aux foudres de ton père si tant est qu'il en veuille a ton intégrité physique, ou peut être veut il te contraindre par la force a réintégrer le berceau familial. Je ne suis que le fils maudit d'un petit nobliau de campagne, tu a pu te rendre compte par toi même en Languedoc que je ne suis pas le bienvenue chez moi.

Il rit franchement.

Enfin pour le moment, nous sommes là, rien que toi et moi ..... et j'ai bien l'intention de rattraper le temps perdu ....


Il se penche et sa bouche effleure ses lèvres nacrées.
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Machette
mais il faut croire le vieil adage et le temps perdu ne se rattrape jamais .....

Elle avait sourit et c'était endormie, il l'avait prise dans ses bras et l'avait portée jusqu'a sa couche, longtemps il l'avait regardée dormir, son visage était détendu serein .... croyait elle avoir la solution a ses interrogations ? faisait 'il partie de ses projets immédiats ? il l' ignorait et n'était pas homme non plus a attendre son bon plaisir ....

le temps s'écoule et il finit par s'endormir aussi ... au petit matin, elle dormait toujours ..
.
Il se lève s' habille, laisse un mot sur la commode ..



Si tu a besoin de moi, tu sais ou me trouver ...


Il règle sa note, scelle " Nuit " et après un dernier regard a la fenêtre de la chambre pique des deux vers l' ouest.

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Charlyelle
Comme un souffle sur les braises
Voilà que le vent rôde, tournoie contre la falaise
Que la mer taraude.
Ce ne sont pas des larmes ni même de la rosée
Que mon visage réclame, juste un peu de buée.
Un peu d'eau et de sel juste pour me souvenir
Que derrière les nuages du ciel se cache ton sourire
Juste un peu d'eau sur les lèvres, juste pour me souvenir,
De ce dernier baiser amer, juste avant de t'enfuir.
-Nolwenn Leroy-



La mine était bien loin d'être sereine et elle ne s'était pourtant pas endormie non. Elle réfléchissait. Elle avait attendu longtemps dans les chaleurs feutrées des tavernes pourtant. S'il l'avait pourtant rejointe ice-lieu, là-bas, elle n'avait pas vu trace de lui. Pas faute d'avoir attendu pourtant.

Dans ses mains, le message laissé.

Quelque chose en elle qui fait mal. La glace aurait pu se craqueler, il aurait peut-être suffit de ce petit quelque chose qu'il n'a pas su laisser. Et ils n'étaient sans doute pas prêts. Ni l'un ni l'autre.

Mais l'Ecossaise en connait la cause. Cette chose qui soit disant passera, parce que selon l'Irlandaise on se remet de tout. Et non Isleen justement, il y a des choses dont toi tu peux te remettre mais moi je ne peux pas. Et pour cause..
Le sourire est amer alors que par la fenêtre ouverte, elle regarde la silhouette s'éloigner. Elle ne pouvait pas lui demander. Elle n'avait pas pu. Elle seule savait le pourquoi.

Elle avait l'impression de ne plus pouvoir respirer. Le visage et les mains gelés, elle se tenait immobile dans le vent. Des mèches de ses cheveux, échappées de son tartan virevoltaient, balayées par la brise.
C'est un ciel violet qui se dessinait, pâle et éternel.
Son âme et son être sont iceberg, coulés dans cette glace qui ne la quitte pas depuis qu'elle a quitté Montpellier. Cette âme liée à ses divinités et au monde. A là Mère, à sa terre nourricière. Cette âme qui peut s'épanouir et s'éloigner durant sa vie terrestre, ou alors, comme à l'instar de ces dernières semaines, se perdre, se briser, s'envoler.
Seuls les fils qui les relient peuvent sauver cette âme. Il suffit seulement de savoir les démêler à un moment, lorsqu'ils se perdent dans la toile de la vie.

Tout ce qui comptait à l'instant présent, c'était de ne pas s'effondrer. Et comme mû par cet instinct que seuls, les touts proches peuvent avoir, c'est un volatile connu qui se pose sur le rebord de la fenêtre.

Missive d'une petite fille en colère. Qui s'inquiète. Et un second volatile arrive se poser apportant écriture toujours de la même petite main. Plus virulent encore et inquiet. Mais elle n'a pas le courage de lui répondre longuement ce soir. Tout comme la lettre de l'Irlandaise est encore et toujours dans sa poche, parce qu'elle n'arrive pas à lui répondre.

Demain.

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Charlyelle
"Une vie ratée, c'est d'abord une succession de rendez-vous manqués."
- Romain Guilleaumes -

***

C'est installée devant son toddy qu'elle effleure doucement les deux missives reçues. D'habitude, elle se régale de cette boisson. Whisky mélangé à du miel, de l'eau chaude et du clou de girofle. Effet apaisant qui n'apaise rien ce soir. Dans la grand salle pourtant l'ambiance était passablement festive. Le vin coulait à flot, l'appétissant fumet du gibier en train de rôtir embaumait l'air et le puits de braises au-dessus duquel il tournait était surveillé de près par les chiens de la maison qui bavaient d'impatience.

Devant les écrits de Maelysa, car il s'agissait bien de l'écriture de la petite fille, qui lui avait adressé pas une mais deux missives reçues à quelques heures d'intervalle. Le visage visiblement désemparé, au-dela de toute expression. Elle serrait les doigts si fort autour des vélins que la peau de ses phalanges en avait blanchie.

Elle finit par se laisser glisser sur le sol, devant la cheminée, déposant les missives sur ses genoux. Charlye serrait désespérément les bras autour de sa poitrine, car elle avait l'impression qu'elle s'éparpillerait en morceaux si elle les ouvrait. Elle resta un moment à contempler les jardins de l'auberge par la fenêtre à petits carreaux : il pleuvait sans discontinuer à présent.
Les mots de Mae l'affectaient étrangement.
Des éclats de voix montaient de la grande salle. On entendait quelqu'un accorder son violon. Bientôt tous se mettraient à chanter.
Ses pieds étaient comme de la glace. Elle ne portait pas de bottes, avaient libérés sa peau de leur texture, retrouvant sa vieille habitude de marcher nu-pieds.

Une larme brûlante coula sur sa joue, laissant derrière elle une trace salée et amère. Une autre suivit, puis une autre encore. Elle serra les lèvres, retint son souffle, mais ne put arrêter les sanglots. Les larmes coulaient maintenant en rigoles sur ses joues glacées. Puis son menton. Comme une ancre dans la tempête, elle tentait de résister à la force des flots et du vent, comme elle méritait d'être emportée, brisée et sans vie, comme elle méritait sans doute de l'être.
Et les larmes ne cessaient pas de couler, plus doucement à présent, mais plus chargée de tristesse. Que les mots de Mae, avaient, malgré elle, réveillée.

On n'était pas demain. Après-demain non plus. Deux jours avaient passés. Mais ce soir, le volatile de Mae reprenait son vol en direction de sa petite maîtresse.

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Charlyelle
Elle parvenait en vue du prochain village annoncé, accroché à flanc de côteaux. Rues pavées, petites maisons de paysans, blotties les unes contre les autres. L'église, ainsi qu'une demeure un peu plus grande que les autres en pierre de taille les dominaient, comme pour les protéger.

Un beau soleil hivernal illuminait un paysage éclatant. Métamorphosé sous son manteau de neige étincelante. Frissonnante dans le froid de l'aube, l'Ecossaise pousse les portes d'une taverne. Un lieu perdu au beau milieu du Domaine Royal. Certaines de ses vieilles habitudes hydriques sont toujours là, en atteste la missive reçue et qu'elle a négligemment fourré dans l'une de ses poches.
Un feu dans la grande cheminée en pierre. Longtemps, elle demeure accroupie devant l'âtre. Hypnotisée par la danse joyeuse des flammes. De ses rêves de la nuit, de subtiles rémanences. Des images flottantes remontaient comme des bulles à la surface de sa conscience, laissant derrière elle une étrange langueur.
Elle secoue la tête. Comme si c'était le moment de s'appesantir sur ses états d'âme. Chassant résolument le propriétaire danois du prieuré de ses pensées, elle se lève alors et saisit derrière le comptoir encore déserté, une pelle.
S'attacher à une tâche ingrate ne la rebute pas et c'est une manière que d'aider le maître de ces lieux. Pas qu'elle ait pris nombre de résolutions au matin de cette nouvelle année qui éclot. Mais pour le temps qu'il lui reste, aider son prochain est toujours une façon de fuir et d'occulter ses propres états d'âme.
Equipée d'une pelle, elle déblaye les amas de neige amoncelés devant la porte de la taverne.
Il lui fallut une bonne demi heure pour dégager l'allée, à laquelle elle s'est ensuite attellée, menant à la grille des lieux. Parvenue au but, elle prit appui sur le manche de son outil et hors d'haleine, s'accorde quelques secondes de pause.

La journée s'annonce froide et ensoleillée. La taverne était une immense bâtisse de construction médiévale à laquelle avait été apporté tout le confort que les clients jusqu'au plus nobles pouvaient demander.
Revenue à l'intérieur, Charlye admire les marbres, les boiseries, les mosaïques, tapis et tapisseries, le tout d'un goût parfait. Et s'en voilà un tavernier qui se pointe, déposant devant elle un assortiment de fromages, gâteaux et fruits tout aussi appétissants les uns que les autres.
Oui mais Charlyelle n'a pas grand appétit. Soudain, elle dut s'adosser au dossier de sa chaise et porte une main tremblante à son front. Cette même silhouette, cet accent au timbre écorché vif et aux notes nordiques qu'elle reconnait dès la première mesure. Imaginaire glacial qui la hante toujours et encore. Se tenant dans l'ombre, elle se demandait comment elle pouvait encore survivre après ça. Comment avait-il pu la traiter de cette façon ? Peu à peu, elle oubliait les doutes qu'elle avait elle-même éprouvés pour ne plus se souvenir que du charme brut qui émanait du Nordique. De la joie qui s'était faite dans ses azurs lorsqu'elle s'était pour quelques heures, replongée dans son milieu hydrique pour lui récupérer son bien qui lui avait été volé. Sa clémence. Les discussions entre eux lorsqu'il lui avait parlé de sa mère là-bas au Danemark. Et de cette femme qui fut son complément d'âme. Lui narrant peu sur elle, mais bien assez pour que l'Ecossaise comprenne. Et sa cape en peau de loup...Frissons qui la parcourrent. S'était-elle inventé un Danois qui n'existait pas ? Non. Elle était certaine de ce qu'elle avait entraperçu.
Elle maudit les larmes qui lui picotaient les paupières. Elle ne devait pas pleurer, du moins pas maintenant. Pas avant d'avoir quitté ce royaume et regagné ses terres natales qu'elle n'aurait jamais du quitter. Ou bien pas avant de rallier les terres ancestrales et héritières de son père. Ou alors s'engager dans un combat qui n'est pas le sien. Sur des terres où elle n'est qu'une simple étrangère. Même aller porter son art de dentellière pour oeuvrer sur les chairs blessées humaines lui paraissait encore trop doux.

"- Servez-moi un verre tavernier !"

Mademoiselle, je ne crois pas que...

"- Et bien, n'est-ce pas une nouvelle année qui commence pour vous autre, au propre comme au figuré ? Cela se fête, sers-moi un verre tavernier ! Tu ne vas pas m'empêcher de boire un godet le jour de votre nouvelle année quand même !"

Depuis quand n'avez-vous pas mangé ?

"- Depuis hier soir."

Vous ne devriez pas boire l'estomac vide Mademoiselle.

La Dentellière s'empara alors d'une bouteille de vin, remplit deux cornes et lui en tendit une.

"- Bois avec moi ! Buvons à cette année qui sera délicieuse ! Buvons aussi à la haine, au mépris et au dégoût !"

Et la brune boit dans sa corne aux motifs celtiques et aux couleurs marbrées. Sa corne qui pour elle représente un pan de ce qu'elle est. En étroite communion avec le monde mystérieux du vivant et ceux des pouvoirs totémique du monde animal.

"- Remplis, échanson, pour qu’il ne manque de rien,
la corne blanche honorée au banquet,
la longue corne bleue au grand renom,
bordée de riche argent…. "(1)


Elle but d'un trait avant de remplir son récipient de nouveau à ras bord. Elle souffrait beaucoup plus qu'elle ne l'avait laissé paraître ou ne voulait même l'admettre. Allait-elle donc passer sa vie entière à incarner le malheur...

Réaction nerveuse et totalement involontaire, c'est un rire incoercible qui s'élève alors des ourlées, pour se terminer en un sanglot étouffé. Faut croire que si son eau de feu ou son toddy ne lui fait rien, elle tolère bien moins le vin françoys.
Et si elle n'était ivre, jamais l'iceberg n'aurait cédé. Faire un geste la première, non mais quelle ironie. Et pourtant.

Assise sur cette chaise de bois, isolée au fin fond d'un endroit inconnu, près d'une fenêtre l'éclairant, elle rédige quelques mots. De la dextre, le calame, qu'elle retaille un peu, se fait fin et assuré une fois trempé dans l'encrier.
Les mots sont couchés. Quelques lignes. L'esprit est embrumé, le coeur glacé a pris le pas sur la raison.

Non, il n'y répondra pas. Tout du moins, en est-elle persuadée. C'est un plébiscite à une trêve, c'est un appel au secours, c'est..une erreur. Très certainement. Esprit embrumé et ennivré. Erreur fatale et une manière de se ridiculiser davantage encore à ses yeux. Il en rira ou bien même le vélin sera jeté aux oubliettes sans même un regard.

Trop tard, le harfang des neiges a pris son envol vers son destinataire.

Son esprit était désormais plus léger. Elle n'était pas ennivrée au point de ne pas avoir conscience de ce qu'elle faisait. Elle attrappa un linge qu'elle mouilla avec de l'eau et le passa sur son visage. La fraîcheur ressentie était merveilleusement vivifiante. Mais son coeur, son âme et son esprit étaient aussi glaciaux que du métal gelé.

Il était temps qu'elle continue sa route. Les fileuses du destin feraient leur ouvrage sans aucun doute. Et c'est maintenant que le choix se profilait que le petit volatile de Maelysa vînt s'abattre directement sur son épaule...Et la missive était sans équivoque. La gamine lui écrivait son désaccord pour qu'elle aille au combat.

Toujours le chic, le volatile Maelysanesque, pour arriver dans les moments opportuns...mais pas dit que cette fois la gamine est raison de la grande...parce que les écrits sont empreints de clairvoyance et que Mae sent le mal-être qui plane. Et ce n'est que question de temps avant que la gamine n'y mette le doigt dessus...

(1) poème du roi Owain Cifeylioz (roi du Powys - Pays de Galles - 1149 à 1195)
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Charlyelle
"Quand le vin entre, la raison sort."
Proverbe du Talmud ; Erubin - Ve siècle.


Ambiance bois et toile de jute sur la grand place Orléannaise où se tient le marché. Ecossaise en vadrouille, qui s'octroye ce matin un simple moment de quiétude et de curiosité. D'oubli après s'être rendu compte de ce qu'elle a fait la veille, ayant retrouvé ce matin un vélin froissé dans ses sacoches. Vestiges brouillonesques de celui qui est bel et bien parti en direction de son destinataire, habilement distillé par le rapace des neiges typiquement dressé par Ilug.

Elle se traîne, glaciale, pour se débarrasser de ses humeurs. Les morceaux d’esprit frais se dissipent sur le chemin, ils attendent dans les recoins pour l’emprisonner de leurs carcans.

Elle déambule au milieu des étals. Couleurs, soieries, senteurs. Peut-être trouvera t'elle quelques onces d'épices à ramener en son échoppe parisienne, non loin de là. D'autres trésors très certainement aussi. Telle cette fileuse des rues, qui pose son rouet partout où elle peut. Tout en faisant naitre le fil entre ses doigts, elle raconte l'histoire de son métier depuis les débuts au fuseau jusqu'à l'apparition du rouet. Le long de son fil naissent les histoires qui font sa vie de fileuse.

Tels ces gueux qui se donnent en spectacle venus de Bourgogne eux, tel cet homme qui vante ses jambons sur le marché.Mais c'est sans compter qu'au détour de l'une des allées, les embruns se fixent, quasi-incrédules, le corps s'immobilise tout entier. Et tout se broie douloureusement face à cette échoppe de tanneur qui se profile, là. Comme une incorruptible tentatrice.

Capes de fourrure d'ours, de mouton, de loups. Charlyelle ne peut qu'interroger le commerçant qui lui apprend que ces animaux là ont été chassés durant les huées aux loups, organisées dans les trois massifs de la forêt et dans les bois alentour, depuis la forêt de Bucy, à l’ouest, jusqu’aux confins du massif de Lorris, à l’est.
Un index ne peut s'empêcher de venir caresser doucement le poil et l'Ecossaise l'ôte, comme si elle venait de s'y brûler.
Un sourire afin de cacher le mal et l'homme a déjà embrayé sur les bergeries. Et l'intérêt de la Pallikare redouble.
La brune se mit à poser une foule de questions au couple de tanneurs agréablement surpris. Dans un mélange de gaélique et de françoys, elle parvient finalement à leur expliquer que sur les terres de son clan étaient élevés des moutons. Qu'elle y a passé toute son enfance et qu'elle adorait ça. Des Blackfaces y étaient élevés, certains étaient angoras.
La conversation se poursuit un moment encore et l'homme montre son meilleur bélier à Charlyelle. Elle passa une main experte dans la toison et les félicite, prenant soin de ne plus porter regard sur les peaux de loup. C'est ensuite le coût exorbitant des soins vétérinaires et rendement qui sont discutés. Lorsque la conversation prit fin, la jeune écossaise comprit qu'elle avait gagné leur respect et elle ne put qu'accepter avec émotion, le col de renard argenté que lui offrit le couple et l'invitation à venir les voir en leur ferme lorsqu'elle le souhaiterait. Les yeux étincelants, elle buvait littéralement leurs paroles.

La matinée s'était envolée sur ce marché, et elle avait pris la décision de s'arrêter quelques jours. La ville lui paraissait agréable et elle se posait toujours les questions de savoir que faire.
Elle s'était fait indiqué une auberge où descendre, la plus discrète et reculée qui soit. L'envie de voir du monde ne la taraudait pas.
D'épais nuages obscurcissaient le ciel, comme un reflet des craintes et des doutes qui la taraudaient depuis son geste inconscient de la veille. La nuit, autour de l'auberge où elle logeait, le vent gémissait tel une âme en peine et des gouttes de pluie cinglaient les vitres, pareilles à des larmes.

Et à présent, elle s'en rentrait à l'auberge par les chemins boueux. Le temps tournait à l'orage, et elle n'aimait pas ça.

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Charlyelle
L'orage grondait sur les crêtes. Amplifié par les parois rocheuses, le roulement se répercutait jusqu'à l'auberge perchée sur une crête, accentuant la solennité de la scène dans la chambrée.
Charlyelle était occupée et gare à celui ou celle qui serait venue la déranger.

Moment divin de la dégustation de son uisge beatha.(1)
Sa liqueur de vie.
Son breuvage nourricier.

Vêtue d'une virginale tunique de laine blanche, ses cheveux bruns cascadant sur ses hanches, c'était l'instant de vérité. Ses paumes étaient moites de trac. Mais la joyeuse excitation qu'elle aurait du ressentir était obscurcie par cette atmosphère glacée qui avait pris possession d'elle depuis quelques mois.

"- Ilug, j'aurais aimé que tu sois là".

Qu'il lui manquait alors que c'était elle qui avait pris la douloureuse décision de couper le cordon. Elle se remémorait avec quelle patience il répondait à ses innombrables questions, son courage. Son inépuisable sagesse. Et surtout la prévoyance dont il avait fait preuve et usait sans doute encore pour la préserver de la folie de son paternel.

Elle promena ses embrumées sur la pièce, puisant ses forces dans le peu d'objets familiers qu'elle gardait toujours auprès d'elle. Ce n'était pas une grande pièce mais elle semblait riche d'une longue histoire. Les tapisseries des murs semblaient tissées depuis des siècles. Deux colonnes de pierre supportaient le plafond voûté où pendait une roue de métal portant un cercle de chandelles.

Charlye aimait beaucoup cela, cette roue lui en rappellait une autre, celle de la grande salle à vivre de son enfance. La lumière qui en rayonnait faisait reluire l'unique meuble du lieu, une immense table de chêne qui paraissait aussi vieille que le manoir ancestral sur les landes des Shetlands. Elle avait le souvenir qu'en son centre était posé un joyau de famille sans doute encore plus ancien que la dague aux armoiries familiales paternelles qu'elle portait contre sa peau.
Le calice.
Taillé dans un cristal de roche. Elle avait le souvenir qu'il était si transparent que la lueur des bougies traversait le liquide ambré, contenu à l'intérieur. Bien des lustres plus tôt, le grand-père d'Ilug, voyageur de l'éternel, avait ramené le calice des régions méditerranéennes ainsi qu'une recette pour distiller de l'alcool à partir de grains.

Les yeux remplis de fierté, Charlyelle allait faire perdurer ce soir la tradition familiale des McAlayg. Elle avait tout appris d'Ilug ainsi que du vieux maître brasseur familial. Ils l'étaient de père en fils sur leurs terres depuis des générations. Et de nouveau, cette pensée pour Ilug. Lui qui avait guidé ses premiers pas dans la vie et lui avait transmis tout son savoir. Et ne l'avait pas abandonné quand le destin avait fait d'elle l'unique héritière d'un prince dans des contrées lointaines là-bas dans ces Balkans où elle ne voulait pas aller.

"- Pardonne moi Ilug. Pour la première fois depuis toutes ces années tu ne seras pas présent, mais je sais que tu sais que je n'ai pas oublié".

Prenant une profonde inspiration, l'Ecossaise s'en va près de l'âtre et s'agenouillant, soulève le calice ancestral et laisse les vapeurs d'alcool monter jusqu'à ses narines. Une odeur si âpre qu'elle lui en coupe presque la respiration.

Ilug lui avait enseigné toutes les subtilités de la distillation et elle avait été élevée pour cela aussi. Druidesse était-elle mais pas que. Alors que les autres fillettes elle, apprenaient la broderie et les tâches ménagères.

Lorsqu'elle porta le calice à ses lèvres, le breuvage lui incendia aussitôt la bouche et les sens. Elle renversa la tête pour le laisser glisser tout le long de sa gorge. La sensation de brûlure persista un instant sur sa langue avant de laisser place à des sensations plus subtiles à l'arrière de son palais.
Un goût de terre, de fumée et d'alcool, nuancé par une touche plus douce qui atténuait le feu du liquide, invitant à goûter encore.

Et c'est alors qu'un bruissement d'ailes et des coups de bec frappés de manière régulière au carreau vinrent interrompre la sacro-sainte dégustation de la première distillation de l'an pour l'Ecossaise.
Surprise, elle ouvrit au harfang de son grand-père. Ilug avait sans doute eu peur qu'elle oublie la tradition.

"- Alors mon bon Macmorna, c'est grand-père qui t'envoies vérifier que je célèbre bien nos coutumes ancestrales ?"

Et tout en caressant délicatement le plumage du rapace des neiges, elle lui ôte la bague dans lequel est enroulé le parchemin.
Mais alors qu'elle déplie le vélin, elle a la surprise de découvrir une écriture inconnue. Qui donc peut bien lui écrire et surtout lui renvoyer Macmorna comme messager. De suite, elle pense au pire, s'imaginant qu'il est arrivé quelque chose à Ilug. Mais il n'en était rien et le hoquet de surprise qui lui échappa fit s'envoler Macmorna sur son perchoir au-dessus de l'âtre.
Les mains de l'Ecossaise s'étaient mises à trembler, les phalanges des doigts blanchies, elle tenait ce vélin comme si elle tentait désespérément de se raccrocher à ce souffle qu'elle n'attendait pas. Qu'elle n'espérait pas. Ce pour quoi elle vivait désormais dans cette atmosphère sombre et glacée.
Ainsi, son moment d'égarement alcoolisé avait eu du répondant.
Comme hypnotisée, les perles de lune étaient fixées sur l'écriture. Le ventre s'était brusquement noué et de longs frissons glacés parcourraient tout son corps.

Et comme pour faire perdurer encore cette attente jusqu'au bout de son haleine, enfilant mantel, le col offert par le couple de fermier et ses bottes. Faut il qu'elle soit sacrément perturbée pour s'enfiler les bottes aux pieds !

Et c'est la direction des remparts qu'elle s'en prend.

C'est totalement bouleversée et toujours aussi stalagtisée qu'elle prit le chemin des remparts.
Elle remonta l'escalier et emprunta au hasard un corridor qui déboucha dans une cour. Le vent s'engouffra aussitôt dans ses jupes et cingla ses cheveux, apportant une odeur mouillée, annonciatrice de pluie. Au-dessus d'elle, le tonnerre grondait et des éclairs zébraient le ciel chargé de nuages.
Prenant appui d'une main au mur rugueux, elle lutte contre le vent pour enfiler les dernières marches et monter tout au haut de l'édifice. D'un oeil de connaisseuse, elle lève son visage vers l'une des meurtrières de la tour.
Les archers postés sur les remparts pouvaient aisément envoyer une volée de flèches ou même de la poix brûlante sur d'éventuels assaillants.

Le vélin toujours enserré dans les mains et non lu, comme pour repousser encore l'échéance mêlée de brin d'impatience et de terreur, c'est vers un brasero légèrement abrité qu'elle s'en va prendre abri.

Et dans la lueur des flammes dont elle ne ressent nullement la chaleur, glissant ses emperlées sur les entrelacs tracés sur le vélin, ce sont deux azurs incroyablement transparents qui viennent la hanter à la lueur vacillante du brasero.

Et la Pallikare, qui a de tout temps été terrorisée par l'orage, ne voit ni n'entend les grondements sourds et les vifs éclairs.

Seul son souffle est suspendu au vélin qu'elle tient entre ses doigts avec une infinie tendresse, et précaution. Un lien Nordique tellement ténu.

Penchée au-dessus du vélin, seul pour l'instant, l'index vient délicatement s'imprégner des lettres tracées.

Tout là haut. Sur les remparts. Faisant fi des éléments ravageurs. Il n'y a que ce vélin et elle.


(1) eau de feu écossaise
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Charlyelle

La missive avait malgré tout traversé les aiguilles abruptes de glace qui n'étaient que son quotidien depuis bientôt deux mois qu'elle avait quitté cette ville maudite. Mais Lui, ne l'avait quitté à aucune seconde et était devenu ce trésor rare et précieux, de celui que l'on attend et que l'on ne trouve, et encore, quand on le trouve, que dans une seule vie. A présent, il entendait bien qu'elle renonce à lui définitivement. Elle avait tenté de retourner à son ancienne vie comme si de rien n'était mais son âme, son esprit, son corps, ses sentiments n'étaient plus qu'un amas de glace ou le vent glacial soufflait sans relâche. Il pouvait bien trouver cela raisonnable et la seule chose à faire, que tout en elle, son âme, son esprit, son corps, se refusaient de l'admettre. Parce que lorsque l'on a approché son autre âme, lorsque l'on a entrevu l'impensable, on sait que quoi qu'il se passe ensuite, seules les ténèbres, les enfers et les glaciations sont de mises.
Chose étrange, c'est qu'ils avaient la même manière d'appréhender la vie sans même le savoir. Et pourtant, sa missive n'est que le prolongement de ce qu'elle est elle. Au même moment.
Les mots sont durs, abrupts mais ils ont perdus le pouvoir de la torturer comme ils l'ont fait il y a deux mois. Car elle est devenue insensible à cette froideur voulue qu'il lui balance.Elle sait. Elle a entraperçu ce qu'il était vraiment. Et il y a des gestes qu'elle n'a pas oubliés. Même si cela n'était rien, ils représentaient tant.

Ce jour, c'est avec un calme et une quiétude déconcertante qu'elle avait pris possession des écrits de cet homme. Et c'est une étrange lueur glaciaire qui vivait en elle. Charlye aurait l'esprit libre et léger pour lui répondre. Car ce qu'elle ressentait était en elle et lui appartenait à elle seule. Si elle devait vivre ainsi jusqu'à son dernier jour, c'était son choix à elle et personne n'avait à lui dicter un autre chemin. Tout comme personne n'avait à lui imposer quoi que ce soit à Lui. La roue de la destinée en décidera.

Les fils de la vie ne sont que de longs entrelacés qui se nouent, et se dénouent et se renouent sans que l'on ne puisse parfois changer le cours des choses. Parfois cela demande du temps, un temps infini même si cela ne mène à rien. Ou mène à tout justement. Lorsqu'on ne s'y attend plus. Lorsqu'on ne s'y attend pas. Tout comme il ne s'attendait certainement pas à ce qu'elle lui écrive alors que sa raison avait flanché pour laisser ce coeur glacé exprimer une infime partie de ce qu'elle avait à dire.

Car tant de choses sont là enfouies. Et qui ne sortiront sans doute plus pour personne. Parce qu'elles appartiennent à un seul et unique. Elle peut mourir tranquille ce jour. De toute façon ils ne se reverraient jamais..ou pas.. alors, qu'est-ce que ça peut bien faire..ou pas..

L'horloge sonne onze coups. Et elle continue d'écouter s'égrenner les minutes. Puis les secondes.


Et c'est un ballet aérien qui se profile soudain. Un. Et un second vélin.



Citation:


Ma fille,

Le temps des petits jeux et de ta scandaleuse insubordination doit cesser. Nous savons tous les deux que tu n'es plus malade, à moins que l'irrespect et le refus d'obéir soient une maladie ou que, précisément, le remords de mal te conduire n'empoisonne ta vie entière. Je me trouve actuellement en Angleterre, je te donne 24h pour changer d'avis et adopter le comportement que j'ai toujours voulu que tu aies. Faute de quoi je me rends en France pour venir te chercher et t'appliquer le traitement que tu mérites à ma manière. Puisque tu es malade, il faut bien que quelqu'un te soignes. Etant toi-même de la partie il est dommageable que tu ne sois apte à te guérir.

Si tu te dérobes et que tu t'enfuies à nouveau sois certaine que je te retrouverais où que tu te caches et que je te ramènerais à la maison par les cheveux s'il le faut. Pour t'empêcher de prendre le même chemin que ta mère.

Ton père.



Elle essayait de chasser de son esprit, les pensées qui s'y bousculaient et sa terreur grandissante, sachant qu'elle se trouvait à présent à court d'idées, de possibilité et que le temps lui était compté. Elle ne pouvait risquer de voir son père venir la chercher par la force. S'il allait mettre sa menace à exécution et s'abaisser jusqu'à lui faire violence devant des gens ?
L'horreur de cette idée la submergea, lui soulevant le coeur.

Elle devait donc admettre que sa tentative de prendre son propre destin en main s'avérait être un échec.

Silhouette entartannée qui, dressée au haut des remparts, attend, de marbre.

Elle ne sait si elle sera toujours debout demain, mais toujours est-il que c'est avec ironie qu'elle regarde les arrivants en bas des remparts.
Certains d'entre eux furent sa porte d'entrée en ce royaume, se pourrait il qu'il fussent sa porte de sortie ?

Une caresse furtive dans sa poche. Elle Lui répondra au Nordique. Si elle est toujours en vie ou pas, seuls les fils du destin en décideront.

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Charlyelle
De là haut elle observe, les yeux inquisiteurs, en clignant des yeux comme pour mieux distinguer les arrivants. Des silhouettes qu'elle reconnait et pour cause. Elle eut un sourire ironique. Sacré destin !

Des ravins étaient bordés de rochers si hauts et si réfractaires pour ainsi dire à la descente que celui qui voulait atteindre le lieu devait d’abord se laisser glisser dans le ravin et ensuite ramper pour ainsi dire vers le ciel.
L'Ecossaise était nantie. De par sa naissance et le rang qu'elle tenait, la jeune femme n'avait aucun souçi pécunier, et elle ne lésinait pas, si elle pouvait aider. Encore une fois, elle n'avait pas regardé. Et y était allé de bon coeur. Sans vraiment savoir ni pourquoi, ni comment ni pour qui. Mais c'était ainsi. Toujours prévoyante. Toujours respectueuse des terres et de la nature humaine.
Elle n'a pas encore répondu au Danois. Elle n'a pas encore répondu à Maelysa. Elle ne répondra pas à son père, continuant son silence obstiné. Elle n'a pas écrit à Machette. Et elle est sans nouvelles de Judas Gabryel.

Sur les hauteurs, dans le vent dont la froideur ne fait que la chatouiller, insensible est elle devenue et habituée à des climats bien plus violents que celui-ci. La missive d'Osfrid est soigneusement pliée et à l'abri dans l'une de ses poches. Et de temps à autre, une dextre s'en vient caresser le vélin, comme pour s'assurer qu'elle ne l'a pas rêvé ce parchemin là.

Les embrumées se perdent. Princesse héritière étrangère sur ces terres, mais humble druidesse qui observe les hommes se battre pour simplement asseoir leur pouvoir, dans un camp comme dans l'autre. Luttes terribles et fraticides au final.
Les épingles qui retenaient sa couronne de nattes lui rentraient dans la peau et lui donnait un peu plus encore mal au crâne. D'un geste agacé, elle les retire, libérant une cascade de boucles brunes sur ses épaules.
De nouveau, la missive du paternel vient la hanter. Mais quand cesserait-il de la torturer ainsi ? Elle n'ignorait plus désormais qu'il ne lâcherait rien, aussi têtu qu'elle ou peut-être était-ce sans doute elle qui l'était autant que lui. Après tout il est son père. Elle n'ignorait donc pas qu'il voulait un héritier. Qui prolongerait la lignée et serait le gardien de la légitimité familiale. Mais après la trahison qu'elle avait connu il y a quelques années, elle ne pouvait s'imaginer accorder de nouveau sa confiance à un homme, au point de l'épouser, lui laissant accès non seulement aux affaires de son père mais aussi à celles du clan maternel et à sa propre personne. Elle ne pouvait supporter cette idée là. Et l'Ecossaise nourrissait l'espoir tenace que le paternel finirait par abandonner la partie. Elle se mordit la lèvre. Irritée. Il fallait qu'elle réfléchisse à la stratégie qu'elle allait adopter désormais. La menace se précisait.

Charlyelle songeait à ses vallées. A ses collines débordantes de céréales mûres et ses troupeaux bien gras. Ce serait là-bas bientôt le temps des récoltes. Dans un même temps, elle avait sorti une fiole. Le puissant fumet d'alcool et de feu de bois monta aussitôt à ses narines. Se penchant légèrement, elle se contenta de sourire en voyant une petite corniche qui formait une saillie juste en dessous de là où elle se trouvait. Elle avait toujours aimé l'escalade. Que ce soit pour cueillir des pommes au sommet d'un arbre ou se hisser le long d'une falaise abrupte afin d'y dénicher les petits faucons qu'elle aimait à élever ensuite pour la chasse. Ou alors pour s'élancer à la capture de vieilles pierres du temps de ses épopées.

Elle déroulait une corde lorsqu'un soldat du gué fit irruption.

C'est idiot ! Vous allez vous rompre le cou !

"- Mais non, je n'ai pas le vertige !"

Eh bien je respecte la loi de la nature moi. Les oiseaux ont été créés pour voler et les hommes pour rester les deux pieds sur terre !

"- Je serais prudente et il est parfois bon d'être prévoyante !"

Souriant candidement, elle lui montre sa corde.

Et que suis je censé faire pendant que vous risquez stupidement votre vie ?

Elle ne lui répond pas et un instant plus tard, elle est installée sur sa corniche. N'empêche qu'elle ne pouvait pas se laisser déstabiliser par de folles rêveries. D'accord il était beau et fort. Curieusement, sa stature et ses talents de guerrier nordique la fascinait encore plus que son visage d'archange.
Elle essayait de se concentrer, mais elle avait beau faire, son esprit revenait sans cesse à ce vélin et au songe qui avait agité son sommeil la nuit dernière. Le Nordique et elle, marchant ensemble dans un champ d'orge doré par l'été. Il riait à côté d'elle et elle se sentait le coeur léger, plus léger encore qu'il ne l'avait été depuis des années. Puis il lui avait tendu la main et elle ne demandait qu'à la prendre pour le suivre où il voudrait. Même si c'était au bout du monde.
Ce qu'elle ne comprenait pas, c'est pourquoi elle était prête à l'accepter de Lui et pas des prétendants que son père s'entêtait à vouloir lui faire épouser. Rêve ridicule et insensé d'une chose qui ne se produira jamais, il avait été si dur il y a presque trois mois, et même la missive reçue était encore emplie d'une froideur différente. A la différence qu'aujourd'hui, Charlyelle ne l'avait pas ressentie comme une agression. Et c'est pour cela, qu'elle prendrait le temps de lui répondre.

Elle exhala un soupir glacial de fatigue tout en frissonnant et se frottant délicatement le bras. C'était un rêve et rien de plus !

A présent c'était à elle de réaliser le rêve de sa mère. Ce rêve pour lequel avec Ilug ils se battaient depuis des années. Il était persuadé qu'un breuvage s'améliorait chaque année et qu'au bout de dix ans il atteignait son apogée. Mais pour répondre au besoin du clan, Ilug avait informé Charlyelle que sa grand-mère avait du vendre tous les ans le plus clair de sa production.
Cette année, il faudrait soumettre le dix ans d'âge à quelques fins nobles palais locaux et étrangers. Les nobles accepteraient-ils de conclure des marchés avec une noble étrangère, femme de surcroît ? Elle reportait tout dans ses registres. Ainsi, elle savait exactement quel orge avait été utilisé pour ce breuvage si particulier qu'elle distillait, combien de fois la liqueur avait été distillée. Et bien entendu son âge. Mais elle adorait ça. Rien ne la ravissait davantage que d'entendre la première goutte de liqueur, tomber du tube de l'alambic. Et depuis qu'elle s'était offert cette échoppe parisienne, le sous sol de celle-ci avait été emménagé à cet effet.

Elle se détourna et longea le mur de pierres d'un pas précautionneux en suivant l'étroit rebord de la corniche qui encerclait la tour. La pierre mouillée était glissante sous ses semelles rendant l'aventure un peu plus risqué qu'elle ne l'avait escomptée au début. Enfin elle contourna la fenêtre de la tour et se hissa de l'autre côté, retrouvant la terre ferme des remparts.

Ah enfin !

Le soldat réapparut et lui tendait la main pour l'aider à escalader l'appui.

J'ai cru que vous étiez tombée en ne vous voyant plus sur la corniche !

"- Et bien le rebord était plus glissant que je ne m'y attendais mais je suis là vous voyez, ce n'était pas la peine de vous inquiéter ainsi."

Elle voulut se retourner et trébucha sur l'ourlet de sa robe. Elle serait tombée en arrière si le soldat ne l'avait saisi par le coude.

" Merci. Si vous voulez bien m'excuser à présent. Il est temps je crois que je redescendes. J'ai une journée chargée devant moi".

Rassemblant ses jupes, elle descendit en hâte le degré des marches. Ravalant un juron, elle frappa le mur du plat de sa main. Elle avait le dos douloureux d'avoir passé tant d'heures debout et ses yeux la brûlaient à cause du manque de sommeil.

Elle croisa un groupe qui s'exerçait à l'épée et au tir à l'arc. Ils s'escrimaient avec force jurons et cliquetis. Elle les observa un moment avant de continuer sa descente.

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Charlyelle
Là haut, une brise glaciale soufflait. Charlyelle offrait son visage aux éléments gelés. Elle se régalait du spectacle du firmament qui scintillait, illuminés d'étoiles. Elle était grimpée dans un arbre, des aiguilles s'étaient prises dans ses cheveux et ses vêtements le long de son ascension. Les doigts dans l'écorce, sa frêle silhouette était cachée par les frondaisons. Et elle avait baissé sa garde, le nez levé tout là haut, perdue dans sa contemplation astrale. Spectacle grandiose. Les collines poudrées de blanc étaient escarpées, froides et vides. Au loin, plus bas, se faisait entendre le cliquetis d'acier et le martèlement des sabots sur le roc et la terre.
Elle ne cessait de contempler ces paillettes étoilées. Le vent sifflait, et les pentes étaient si raides qu'elle distinguait à peine les sommets à travers la neige et la masse sombre de la nuit.

La Lune ne faiblit pas, mais le Soleil ne renonce pas. Il n'aura de cesse de la rattraper pour la dévorer comme elle l'avait forcé à dévorer les étoiles mais la Lune fuira à jamais devant lui, sans trève ni repos. De temps en temps, le Soleil réussit à la serrer d'assez près pour attraper un quartier et le croquer, mais le morceau qui subsiste finit toujours par s'échapper pour retrouver sa forme pleine.

Exactement comme la relation entre l'Ecossaise et son père. La comparaison qui lui vient à l'esprit ne manque pas d'arracher un léger sourire à Charlye.

Mais celui-ci se fige lorsqu'elle redescend agilement de l'arbre dans lequel elle s'était perchée. Le spectacle est tout autre en bas. Sur le moment, elle n'a pas le temps de faire le moindre mouvement qu'elle se récolte une gifle magistrale et qu'une lame vient se ficher contre sa gorge.
Un aperçu de l'Enfer qui a entrouvert ses portes. Les hurlements retentirent alors, longs et sinistres et déchirèrent l'air. Le bruit retentit encore, bref et terrifiant, se répercutant comme un écho sur les vieilles pierres abruptes des remparts.

Mais la brune qui sait si bien se fondre dans les éléments, au point d'en passer pour effacée et sans consistance aucune, sent alors se réveiller les instincts de la Dentellière. La rage de la guerrière Celtique, se propage en elle, partant de l'intérieur du creux du ventre, tel le noeud du cyclone endormi qui s'éveille, toujours latent en elle.

Elle dégaine non pas son arme habituelle, mais une Claymore qu'elle portait en travers de son dos. Derrière elle, la jeune femme entend des cliquetis d'épées que l'on dégainent de leurs fourreaux et de carreaux qu'on encochait dans les arbalètes. L'archère qu'elle est a déjà reconnu le moindre mouvement. Tout autour d'elle, les gens essayaient de s'enfuir, certains fonçaient droit devant, d'autres essayaient de faire demi-tour.
Rage qui se décuple en elle lorsqu'elle voit les nattes graisseuses qui volent autour des visages convulsés en brandissant des armes hétéroclites : poignards, frondes, épées immenses, lances et fragment de rocs. Un long frisson la parcourt avant que de sa gorge ne s'échappe soudain en réponse à leur hurlement une autre envolée lyrique tout aussi puissante mais clamée dans des sons rauques d'une tonalité étrangère.
Le rideau de neige et de projectiles gênent un moment sa vision. Parant alors de son bouclier les jets de pierres et de lance, la Dentellière abattit son épée sur l'agresseur le plus proche. Une flèche le toucha à la cuisse mais ricocha sur son armure.

Autour d'elle, ça se démenait comme de beaux diables. Mais elle en vit tomber plusieurs. Certains se glissaient entre les chevaux, les transperçant de leurs lames, si bien que les nobles animaux s'effondraient avec leurs cavaliers qui se retrouvaient alors à la merci des épées tranchantes.
D'un moulinet féroce, elle assaillit un second agresseur qui tomba foudroyé net par l'Ecossaise. Les cris autour d'elle lui glaçait le sang. Elle jeta un rapide regard alentour et vit les corps des morts et des blessés que la neige ensevelissait déjà.

Alors une fureur terrible s'empara d'elle. Elle hurla, avec une force décuplée par la rage et entreprit de s'ouvrir un chemin. Un autre assaillant se précipitait sur elle, lance brandie. Elle l'esquiva juste à temps et lui transperça le flan.

"- Ach Dhia !"

Une acuité surnaturelle semblait commander tous ses mouvements. Elle agissait avec une précision absolue, retrouvant les réflexes enfouis. Luttant malgré elle pour sa survie. Vaincre semblait impossible et pourtant il le fallait, son esprit ne pouvait accepter une défaite.
Et elle frappait sans relâche, d'estoc et de taille, tournant sur elle-même pour fermer tous les angles par lesquels on aurait pu l'approcher. Une colère indiscible, refoulée en elle, armait son bras.

La neige enveloppait les combattants d'un voile tourbillonnant qui ne cessait de s'épaissir, tandis que le vent redoublait de violence, semblant alors venir à la rescousse de Charlyelle. Les éléments la cinglaient mais elle faisait corps avec eux.
Surpris de la blancheur mouvante, des silhouettes se jettent sur elle pour l'attaquer, une apparut dans son dos.
Elle ressentit un choc violent contre son flan, prenant le temps de baisser les yeux, elle vit son surcot déchiré, le haubert déchiqueté, molestée mais pas ensanglantée, elle n'éprouvait pourtant aucune douleur.
Et elle frappe en retour, étendant un homme dans la neige et pivote sur elle-même. Un cinquième agresseur arriva alors sur elle, brandissant une épée. Hors d'haleine, elle assura alors son mouvement et son bouclier et d'un geste précis envoie voler l'assaillant dans l'ouragan blanc.

Guerrière déchainée. La neige était plus dense et la lumière avait pris une teinte lavande. Elle avait le visage, l'armure, et l'arme barbouillée de sang. La neige lui cinglait les joues et le vent glacé sifflait autour d'elle, soulevant son tartan.

Et soudain le chaos se tut et ce fut le silence. L'Ecossaise restait plantée là, dans la neige et le vent, serrant son tartan autour d'elle et se balançant d'un pied sur l'autre pour ne pas geler sur place. Engourdie et exténuée, elle restait là au milieu du carnage, à faire les cent pas, s'arrêtant régulièrement pour scruter le rideau de neige.

Elle réalisait simplement, qu'elle était vivante.


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Chimene
Nouvelle venue en ces terres tellement lointaines, la brune s'avança dans le campement, silencieuse, aussi discrète qu'un félin.
Enfin, moins discrète qu’auparavant, car son ventre gonflé, distendu, prêt à se déchirer entravait quelque peu ses mouvements.

La nuit tomba, l'astre solaire dardant sur elle ses derniers rayons. Elle profita de la chaleur qu'ils lui apportait. Ils la galvaniseraient pour les heures qui s'ensuivraient, car nul doute qu'elle en aurait besoin.

Elle enfila chaque partie de sa tenue de guerrière, serrant autant qu'elle le pouvait. Tout jeune combattante qu'elle était, Chimène se tint prête, aux aguets, comme elle l'avait appris.

Elle nettoya une dernière fois ses armes, puis s'installa près du feu. Ses onyx perdus dans les flammes, elle pensa à son enfant à naître...si loin de sa terre natale.

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Charlyelle
Vivante et point seule à n'en pas douter.

Pourquoi le passé la rattrappait-elle ainsi elle n'en savait rien. Mais les gens qu'elle avait défendus pour certains, elle les avait connu lors d'une certaine période de sa vie qu'elle avait aujourd'hui délaissée.

Les gens au sol sont morts, seuls deux ont survécus avec quelques blessures légères. Des éclaboussures de sang sur le visage, les embrumées captent alors une silhouette. Qui se harnache. Mais elle a eu le temps d'apercevoir l'inconcevable.
Cette jeune femme s'apprête à aller combattre alors qu'elle est enceinte et prête, selon son oeil expert à mettre son enfant au monde.

Elle s'approche d'elle, s'accroupit près du feu et sans un mot, du bout de sa dague sacrée, qu'elle tend et qu'elle maintient à bout de bras, elle tranche les liens que la jeune soldate vient de serrer au plus fort qu'elle pouvait.


"- Tsss Tsss. Vous pensez vraiment que c'est bon pour votre enfant ce que vous faites là ? Vous allez déjà le secouer et le brutaliser, faites au moins en sorte que cela se fasse avec le plus de douceur et le moindre mal pour lui. Bien que je doute fort de la chose."

L'Ecossaise observe la jeune femme longuement.

"- Latha màth. Charlyelle. Dentellière et Ecossaise. Vous comptez vraiment vous battre dans l'état dans lequel vous êtes ? Dites donc, votre mari c'est un dingue de vous laisser ainsi ou bien il s'en carre ? Sérieux, vous êtes pratiquement à terme là !"

Plaisante pas la Charlye sur ce coup là et ses embruns lancent des éclairs furieux.
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Chimene
Les yeux perdus, une femme se dresse soudainement devant elle. Ses sens ne l'avaient pas prévenu, elle devait être encore plus fatigué qu'elle ne le pensait.

Sans crier gare, la dame sort un couteau. Bientôt maman, Chimène se raidit un instant, craignant pour la vie de son enfant. Mais ce n'est que les liens de son plastron qui sont tranchés.
Leçon faite, la brune baisse les yeux, honteuse de ce qu'elle s'apprêtait à faire.


Vous avez raison, mais je me dois de combattre, de servir mon royaume, de l'honorer.

Beau discours sans nul doute, même si la jeune Trente commence à douter de ses paroles. Depuis qu'elle était enceinte, elle avait remis certaines choses en question.

Les deux jeunes femmes s'observent longuement. Ses yeux de lynx, observant tout, sa démarche souple et silencieuse...tout en elle indiquait qu'elle était également une soldate, ou du moins, une combattante.

Demat, je suis Chimène de Beaumanoir, bretonne. Je puis vous assurer que mon mari voudrait plus que tout être auprès de moi, il respecte simplement mes choix.

Mais vous avez raison, je devrais...

Sans se douter de ce qu'il se passait, une douleur lancinante se fit sentir dans son ventre telle un coup d'estoc bien placé. Elle tomba à genoux et serra son ventre dans ses bras tellement la douleur était atroce.
Quelques secondes plus tard, plus rien. Se demandant ce qu'il venait de se passer, la jeune femme se releva et s'excusa.


Veuillez m'excuser, je ne sais pas ce qui m'a pris.

Le regard auparavant furieux de l'écossaise se faisait maintenant inquiet.
Charlyelle
Elle couvrit la main de la Bretonne de la sienne, un instant.

"- Cela s'appelle une contraction ce que vous venez d'avoir. Et ça signifie que le terme est proche. Et elles vont s'accentuer de plus en plus jusqu'à ce que vous perdiez les eaux. Et ce sera alors le moment de la naissance. Sauf que si vous perdez les eaux au beau milieu d'un combat, vous comptez faire comment ? C'est bien beau tous ces discours sur sa patrie, son royaume, son honneur, blablatez tant que vous voudrez mais vous n'aurez plus que vos yeux pour pleurer quand vous accoucherez d'un enfant mort-né."

Oui elle se fait volontairement dure l'Ecossaise mais pourtant, les deux celtiques savent ce qu'il en est.
Tirant sur la sacoche de cuir qu'elle porte en bandoulière, elle en extrait une petite fiole dans laquelle se trouve des fleurs séchées de framboisier soigneusement pulvérisée. Elle la lui tend.

"- Faites vous une tisane avec ça, au moins ça permettra de détendre votre utérus et ralentir les contractions. J'dis pas que le travail se fera pas, mais il se fera plus lentement. Bon j'garantis rien si cette nuit vous vous faites amocher, j'risque d'avoir du boulot avec vous !"

Elle tapote un brin plus conciliante, le bras de la bretonne.

"- Si vous avez besoin je serais pas bien loin. Je reste dans le coin. Je suis ce qu'on appelle par chez vous, une druidesse. Mais j'dentelles la chair aussi. J'ai cessé de le faire dans le mauvais terme, mais dans l'bon terme, je le fais toujours quand on me demande ou qu'il y a personne de compétent sous la main. J'ai pas l'air comme ça mais des crevettes et leurs mères, j'en ai aidé quelques uns."

Le sourire est ironique mais le regard franc. Elle n'a aucune intention de lui raconter sa vie, et encore moins de se rapprocher des gens auprès de qui elle vivote tout de même en ce moment. Puis la donzelle là, ça ressemble à du militaire pur cru et Charlyelle a toujours eu du mal à comprendre pourquoi des femmes qui portent la vie en elle foncent sur les champs de bataille.
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