Isaure.beaumont
...dans chaque famille - Proverbe géorgien
[Petit Bolchen Jour de pluie et de solitude]
Isaure et ennui n'avaient jamais fait bon ménage. Prostrée devant la fenêtre, elle regardait la pluie battre la campagne, aussi sombre que son humeur. Rien ne l'intéressait, tout l'ennuyait. Les couloirs avaient été arpentés cent fois, les pages des livres cornées, le vélin froissé et la plume abandonnée. Mais rien ne trouvait grâce à ses yeux. Non, rien ne semblait retenir son attention, si ce n'est ce rideau de pluie qui s'accordait si bien à ses pensées. Il faisait moche sur Petit Bolchen, moche sur sa vie. A ce triste constat, la belle ne put que soupirer. Encore et encore. Bientôt, ce ne fut plus qu'une avalanche de soupirs. Hélas, elle était seule, et ses plaintes ne trouvèrent aucune oreille amicale. L'ennui était toujours là. Lassée par sa propre musique, elle décida de rejoindre ses appartements. Quitte à se morfondre, autant le faire confortablement cachée sous une pile de chaudes couvertures.
Sur le chemin de sa chambre, elle eût envie de musique, et de fil en aiguille, elle repensa à ce précieux luth qu'Aléanore lui avait légué. Penser à la trépassée lui arracha un soupir, et nostalgique, elle se remémora les instants passés aux côtés de la Dame Framboise. Les souvenirs l'assaillirent et bientôt, le désir impérieux de retrouver l'éventail d'or incrusté d'ambre d'Aléanore s'empara d'elle. Adieu ennui, bonjour nostalgie !
Dans une petite salle, sombre et poussiéreuse, des malles empilées contenaient toutes les affaires d'Isaure accumulées au fil des années. Et c'est ainsi qu'elle se retrouva à fouiller des trésors oubliés. Elle retrouva de vieilles robes portées. Nombreuses étaient celles qui portaient les stigmates de son enfance. Isaure soupira, encore. Il était loin le temps où elle courait la campagne à la recherche de grenouilles, où elle se pendait aux branches des arbres, dévoilant sans gêne ses jambes juvéniles.
Assise à même le sol, les genoux encombrés, la Frayner s'étonna d'avoir pu accumuler autant d'objet en à peine quinze ans d'existence. Trois coffres vides, et tant d'autres à redécouvrir. Hésitante, elle avança la main vers un quatrième, joliment sculpté, dont elle n'avait pas le souvenir. Devait-elle l'ouvrir alors que le sol était déjà dissimulé sous une montagne de chiffons et objets en tout genre ? Qu'importe, Gwennaelle rangerait. A son retour de guerre.
Ce coffre-ci lui était étranger. Et pour cause, les trésors qu'elle en sortit lui étaient totalement inconnus. Il ne lui fallut que quelques lettres pour comprendre qu'il avait appartenu à sa mère, et que ce n'était non plus son passé qu'elle fouillait, mais celui de Marie Beaumont. Des lettres à foison, des tonnes de livres qu'ils soient de chevet ou de comptes. Voilà de quoi regorgeait cette malle. Et tout au fond, dissimulé sous quelques rares étoffes miteuses, se trouvait un petit coffre. Les lèvres morvilliennes s'étirèrent en un radieux sourire : elle avait déniché un trésor. Le trésor de sa mère.
Le précieux contenant fut extrait avec toute la délicatesse du monde. Caressant d'un doigt le bois vermoulu, elle imagina quelles merveilles il pouvait contenir. De somptueux bijoux ? Des écus sonnants ? La clé d'une propriété ignorée ? N'en pouvant plus, elle se décida enfin à percer son mystère... mais le coffre ne s'ouvrit pas. La clef ? Où était la clef ?
- Non, non ! Mais non, non ! Ce n'est pas possible ! Non ! Mais nooon ! La tête dans la malle, elle cherchait désespérément le sésame. Ni le couteau, ni l'aiguille ne parvinrent à faire céder la serrure. Contrariée, elle balaya un monticule de lettres d'un revers de main rageur, découvrant quelques lettres encore cachetées. Curieuse, elle entreprit de les rompre pour en découvrir le contenu, jusque là inviolé. A mesure qu'elle avançait dans la lecture, le nez froncé laissa place à un sourire qui s'évapora bien vite. Elle avait retrouvé la clef. Ou presque.
[Paris Quelques jours plus tard]
L'excuse était toute trouvée. Elle était à Paris pour affaires, et quelles affaires ! L'atelier des doigts d'or n'attendait plus qu'elle. C'est pourtant une toute autre raison qui avait poussée Isaure à désobéir une nouvelle fois à l'interdiction de son époux de quitter Petit Bolchen dans son état : la mystérieuse clef.
-Vous y êtes ma p'tite dame... Prenez bien du plaisir... Et l'homme repartit, goguenard.
- Du plaisir ? Elle le regarda partir avant de hausser les épaules.
Poussant la porte, la jeune femme, dissimulée sous une grande capuche ornée de fourrure, s'avança dans une salle où quelques personnes semblaient bavarder. Les prunelles de la Wagner parcoururent minutieusement la pièce, s'arrêtant sur chaque visage masculin, comme si elle s'attendait à pouvoir découvrir leur nom gravé sur leur front. Quentin, qui es-tu donc ?
L'atmosphère était douce et parfumée. Isaure était alors loin de se douter qu'elle venait de franchir les portes de la Honte. Tout ce luxe, toutes ces parfaites toilettes, comment aurait-elle pu l'envisager ? Un lustre scintillant attira son attention, et alors qu'elle relevait la tête pour l'admirer, la capuche glissa, dévoilant un visage encore juvénile qu'éclairait un sourire admirateur. De grands yeux bleus contrastaient avec le teint naturellement hâlée de la jeune femme. Le minois au nez fier était encadré par une épaisse chevelure que l'on avait tressée et remontée. Elle n'était pas bien grande et enfouie sous une couche de vêtement, sa silhouette ne laissait pas deviner sa maternité naissante.
L'heure n'était pourtant plus à la contemplation. Isaure entreprit alors de retrouver son mystérieux inconnu. Se pouvait-il qu'après toutes ces années il soit encore là ? A défaut de trouver ce Quentin, au moins espérait-elle rencontrer le dénommé Nigel. Quel nom ridicule au demeurant.
-Quentin ? Tenta-t-elle auprès d'un homme qui se trouvait seul. Constatant sa surprise, elle poursuivit son chemin. Quentin ? Cette fois-ci, sa main se referma sur le bras d'une jeune personne qu'elle retourna vivement. Nouvel échec. Je cherche Quentin. Hasarda-t-elle. Quelqu'un allait-il enfin lui répondre ?
EDIT pour cohérence RP. Gwennaelle suit les armées.
_________________
[Petit Bolchen Jour de pluie et de solitude]
Isaure et ennui n'avaient jamais fait bon ménage. Prostrée devant la fenêtre, elle regardait la pluie battre la campagne, aussi sombre que son humeur. Rien ne l'intéressait, tout l'ennuyait. Les couloirs avaient été arpentés cent fois, les pages des livres cornées, le vélin froissé et la plume abandonnée. Mais rien ne trouvait grâce à ses yeux. Non, rien ne semblait retenir son attention, si ce n'est ce rideau de pluie qui s'accordait si bien à ses pensées. Il faisait moche sur Petit Bolchen, moche sur sa vie. A ce triste constat, la belle ne put que soupirer. Encore et encore. Bientôt, ce ne fut plus qu'une avalanche de soupirs. Hélas, elle était seule, et ses plaintes ne trouvèrent aucune oreille amicale. L'ennui était toujours là. Lassée par sa propre musique, elle décida de rejoindre ses appartements. Quitte à se morfondre, autant le faire confortablement cachée sous une pile de chaudes couvertures.
Sur le chemin de sa chambre, elle eût envie de musique, et de fil en aiguille, elle repensa à ce précieux luth qu'Aléanore lui avait légué. Penser à la trépassée lui arracha un soupir, et nostalgique, elle se remémora les instants passés aux côtés de la Dame Framboise. Les souvenirs l'assaillirent et bientôt, le désir impérieux de retrouver l'éventail d'or incrusté d'ambre d'Aléanore s'empara d'elle. Adieu ennui, bonjour nostalgie !
Dans une petite salle, sombre et poussiéreuse, des malles empilées contenaient toutes les affaires d'Isaure accumulées au fil des années. Et c'est ainsi qu'elle se retrouva à fouiller des trésors oubliés. Elle retrouva de vieilles robes portées. Nombreuses étaient celles qui portaient les stigmates de son enfance. Isaure soupira, encore. Il était loin le temps où elle courait la campagne à la recherche de grenouilles, où elle se pendait aux branches des arbres, dévoilant sans gêne ses jambes juvéniles.
Assise à même le sol, les genoux encombrés, la Frayner s'étonna d'avoir pu accumuler autant d'objet en à peine quinze ans d'existence. Trois coffres vides, et tant d'autres à redécouvrir. Hésitante, elle avança la main vers un quatrième, joliment sculpté, dont elle n'avait pas le souvenir. Devait-elle l'ouvrir alors que le sol était déjà dissimulé sous une montagne de chiffons et objets en tout genre ? Qu'importe, Gwennaelle rangerait. A son retour de guerre.
Ce coffre-ci lui était étranger. Et pour cause, les trésors qu'elle en sortit lui étaient totalement inconnus. Il ne lui fallut que quelques lettres pour comprendre qu'il avait appartenu à sa mère, et que ce n'était non plus son passé qu'elle fouillait, mais celui de Marie Beaumont. Des lettres à foison, des tonnes de livres qu'ils soient de chevet ou de comptes. Voilà de quoi regorgeait cette malle. Et tout au fond, dissimulé sous quelques rares étoffes miteuses, se trouvait un petit coffre. Les lèvres morvilliennes s'étirèrent en un radieux sourire : elle avait déniché un trésor. Le trésor de sa mère.
Le précieux contenant fut extrait avec toute la délicatesse du monde. Caressant d'un doigt le bois vermoulu, elle imagina quelles merveilles il pouvait contenir. De somptueux bijoux ? Des écus sonnants ? La clé d'une propriété ignorée ? N'en pouvant plus, elle se décida enfin à percer son mystère... mais le coffre ne s'ouvrit pas. La clef ? Où était la clef ?
- Non, non ! Mais non, non ! Ce n'est pas possible ! Non ! Mais nooon ! La tête dans la malle, elle cherchait désespérément le sésame. Ni le couteau, ni l'aiguille ne parvinrent à faire céder la serrure. Contrariée, elle balaya un monticule de lettres d'un revers de main rageur, découvrant quelques lettres encore cachetées. Curieuse, elle entreprit de les rompre pour en découvrir le contenu, jusque là inviolé. A mesure qu'elle avançait dans la lecture, le nez froncé laissa place à un sourire qui s'évapora bien vite. Elle avait retrouvé la clef. Ou presque.
[Paris Quelques jours plus tard]
L'excuse était toute trouvée. Elle était à Paris pour affaires, et quelles affaires ! L'atelier des doigts d'or n'attendait plus qu'elle. C'est pourtant une toute autre raison qui avait poussée Isaure à désobéir une nouvelle fois à l'interdiction de son époux de quitter Petit Bolchen dans son état : la mystérieuse clef.
-Vous y êtes ma p'tite dame... Prenez bien du plaisir... Et l'homme repartit, goguenard.
- Du plaisir ? Elle le regarda partir avant de hausser les épaules.
Poussant la porte, la jeune femme, dissimulée sous une grande capuche ornée de fourrure, s'avança dans une salle où quelques personnes semblaient bavarder. Les prunelles de la Wagner parcoururent minutieusement la pièce, s'arrêtant sur chaque visage masculin, comme si elle s'attendait à pouvoir découvrir leur nom gravé sur leur front. Quentin, qui es-tu donc ?
L'atmosphère était douce et parfumée. Isaure était alors loin de se douter qu'elle venait de franchir les portes de la Honte. Tout ce luxe, toutes ces parfaites toilettes, comment aurait-elle pu l'envisager ? Un lustre scintillant attira son attention, et alors qu'elle relevait la tête pour l'admirer, la capuche glissa, dévoilant un visage encore juvénile qu'éclairait un sourire admirateur. De grands yeux bleus contrastaient avec le teint naturellement hâlée de la jeune femme. Le minois au nez fier était encadré par une épaisse chevelure que l'on avait tressée et remontée. Elle n'était pas bien grande et enfouie sous une couche de vêtement, sa silhouette ne laissait pas deviner sa maternité naissante.
L'heure n'était pourtant plus à la contemplation. Isaure entreprit alors de retrouver son mystérieux inconnu. Se pouvait-il qu'après toutes ces années il soit encore là ? A défaut de trouver ce Quentin, au moins espérait-elle rencontrer le dénommé Nigel. Quel nom ridicule au demeurant.
-Quentin ? Tenta-t-elle auprès d'un homme qui se trouvait seul. Constatant sa surprise, elle poursuivit son chemin. Quentin ? Cette fois-ci, sa main se referma sur le bras d'une jeune personne qu'elle retourna vivement. Nouvel échec. Je cherche Quentin. Hasarda-t-elle. Quelqu'un allait-il enfin lui répondre ?
EDIT pour cohérence RP. Gwennaelle suit les armées.
_________________