Adess
Le jeune homme avait pénétré dans la bicoque, sans même attendre que Catterine ne se soit décidée à entrer. Il s'était précipité à l'intérieur, mu par une indicible excitation. Une demeure plongée dans le noir, une Dame en détresse, une probable légion de rats affamés... Il n'en fallait pas plus pour mettre un peu d'animation dans la vie du meunier. A Craon, la vie était si morne, que la moindre feuille se détachant de son arbre, chutant paisiblement, indolemment, dérivant au gré du vent, était source d'exaltation.
Et puis, occasion lui était donnée de se rendre utile et ça, le brun en raffolait !
Hum, il fait fichtrement sombre..., marmonna-t-il
Et c'était le cas. L'obscurité de la nuit naissante, ainsi que lexiguïté de la maison, rendait ardue toute progression et ce, même s'il connaissait les lieux. Enfin qu'importe, il ne craignait guère la sombre opacité qui régnait en la demeure. Il était couard pour bien des choses, il craignait les abeilles et leurs dards acérés ; il redoutait les mots, qu'il ne savait employer ; et il se méfiait des hommes et de leur propension à manipuler les gens, à assouvir, par quelques moyens que ce soit, leurs désirs impérieux. Mais, l'obscurité, cela, il ne le craignait point.
C'est donc prudent mais confiant qu'Adess cheminait, pas à pas, dans la masure de son amie.
Adess
? vous
vous voyez quelque chose ? il fait tout noir
Vous êtes là ?
Un instant durant, il eût envie de faire une mauvaise blague à la brune. Il eût envie d'émettre un son, quelconque, mais suffisamment inquiétant pour troubler la brunette ; il eût envie de hurler "Grand Dieu, cette rate est énorme !"... Mais il n'en fit rien. Il avait déjà suffisamment charrié Catterine et, de surcroit, elle semblait réellement anxieuse.
Il se mut jusqu'au poêle encore habité par quelques braises rougeoyantes, les attisa et, à l'aide d'une fine mèche qu'il sortit de sa besace, alluma une lanterne qu'il avait dénichée au hasard de quelque tâtonnement.
Il regarda la brune, qui se tenait dans l'encadrement de la porte. Celle-ci n'avait osé franchir le seuil, sûrement de crainte de tomber nez-à-nez avec la rate engrossée. Il ne put s'empêcher de sourire, gentiment, puis de lui dire d'un ton rassurant :
Allons, Catterine... Entrez donc !