Anaon
"Dis-lui que je ne l'aime plus. Dis-lui que je n'ai plus envie de le voir. Dis-lui que je ne veux plus lui parler. Dis-lui qu'il ne me manque pas. Dis-lui que je ne pense plus à lui. Mais ne lui dit pas que je pleure en disant ça..."
Musique " Radioactive" par Imagine Dragons. Bien que la musique peut sembler n'avoir aucun rapport, elle m'a pourtant bercé durant tout l'écriture de ce post.
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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III -Anaon dit Anaonne[Clik]
- - Anonyme -
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Indolence.
Le feu s'est tarit dans le lit de mes veines, ne me laissant dans la bouche qu'un goût de poussière. Brasier consumé, rage épanchée, qui ne délaissent derrière eux que des bûches moribondes et des braises maladives. J'en crache des cendres.
Inspiration.
Assise sur un lit de feuilles mortes, adossée contre l'écorce d'un arbre rabougri, elle se livre au silence mortuaire qui gèle la forêt. L'air est immobile, tout comme son être qui ne s'ébranle que d'une poitrine qui se soulève. Courbée comme le vénérable qui lui fait un dossier. Rongée comme un chêne résigné qui se laisse travailler par le vers.
La terre crache une haleine de brume qui dépose sur la mousse sauvage des perles liquides. Elle mord de sa fraicheur la peau laissée à nue et brule de froid les poumons qui la respirent. Bientôt, Erda reprendra l'allure des vestales drapées d'immaculé. Pour l'heure, elle exhale un brouillard qui dévore l'horizon avec autant d'avidité que celui qui empoisse les pensées de l'esprit à la dérive.
Je sens encore les vapeurs âcres qui suintent de mon âme. Des relents d'amertume, des lambeaux délétères de l'ire qui n'est plus et qui abandonne sur le pavé l'animal qui s'est si bien écorché. Blessé par ses propres pensées. Mutilé par ses propres émotions.
L'arbre saigne sur la tête brune des feuilles d'ocre qui se meurent dans leurs ultimes danses. Comme lui, inexorablement, elle s'effeuille. Les années s'égrènent, avec elles les peines. Devant ses yeux à demi-clos, elle voit se creuser plus encore le gouffre qui l'attend. La raison en lèpre, elle sait qu'un jour viendra le claquage de ses méninges qui signera le début d'un non-retour vers des limbes qu'elle ne veut atteindre. Folie.
Il fait froid. Elle n'en frissonne pas. C'est au silence figé dans les larmes en suspension qu'elle frémit. Elle s'est enfermée dans le cur des bois comme on s'encloître dans une chambre pour y broyer son noir. Mais Château-Gontier lui est irrespirable. Le loup est de nouveau entré dans la bergerie. Le mouton noir s'est enfuit.
Petite poupée de chiffon alimentée pas la rage qui n'est plus, je m'effondre. Vidée. Encore. L'âme béante par une plaie dont je tâte la blessure, en vain. Entaille infectieuse, lovée trop loin dans son carcan de chair, qui m'interdit la moindre suture. J'attends, le Temps, le tisseur de mensonge qui se dit si bon remède au cur qui saigne.
Les mains se resserrent sur le bois de son arbalète. La tête se redresse dans un soupire qui se meut en un nuage vaporeux. Les azurites se révèlent pour aller frôler de leur langueur le cheval qui broute à ses côtés. Le rétif saura retrouver, lui, le chemin que la brume voile à ses yeux de femme. Les prunelles glissent sur les côtes flanquées de l'arc long et le regard se fait tendresse. Ultime vestige d'une vie en ruine et d'un amour crevé. Un pincement ancien qu'elle avait oublié de ressentir, se manifeste de nouveau dans sa poitrine. Le regret de celui qui, jadis, empoignait cet arc pour aller chercher dans la forêt de quoi nourrir la famille qu'elle s'apprêtait à lui offrir.
Un nud dans la gorge. Elle sent les larmes lui ourler les paupières sans pour autant en franchir la barrière. La tête reprend sa place et les azurites contemplent la rondeur proéminente qui lui alourdit la panse.
En temps normal, elle serait allée décharger sa hargne dans les bras des tavernes. Chercher à se blinder le bide d'alcool jusqu'en recracher ses tripes. Choper le premier clampin venu pour le provoquer et exulter sur sa trogne jusqu'à s'en faire péter les phalanges. En temps normal oui, l'Anaon se serait livrée corps et âme dans cet engrenage pernicieux de l'auto-destruction. Oublier la prime douleur remplacée par une autre. Sentir dans ses veines la jouissance factice de se sentir maitre de ses faits et non victime. En temps normal oui... Elle aurait flirté avec la mort pour mieux frôler la vie. Frémissement des narines. Mais cette panse habitée par des mois de vie l'en interdit. Les doigts se crispent un peu plus encore.
Amour indigeste. J'en vomirais la bile s'il n'était pas ancré dans mon organisme comme un parasite. Il a abandonné mon cur pour se repaitre de mes entrailles, l'indésirable. Amour fécond, Amour de cons.
Mais je suis contaminée. Syndrome Judas.
Qu'est-ce donc qui la retient d'essayer une fois de plus de se débarrasser de cette vie qui s'est liée à la sienne ? Le remord et la peur de revivre l'horreur qui avait vidé prématurément son corps de l'enfant qu'elle portait ? L'envie et le devoir d'assumer pour une fois l'erreur qu'elle a commise. Aujourd'hui pourtant, elle n'est plus sûr de rien. Puisqu'Il est revenu. Puisque pour lui, elle ne vaut pas mieux qu'une simple catin. Elle qui, pourtant, et malgré elle, porte son fruit.
Alors pourquoi ne pas chercher à tout abréger...
Un craquement perce la brume. Le regard se relève pour accrocher les voiles de gris. Insondables. L'oreille guète. Elle sait que Visgrade à côté d'elle a redressé la tête. Bien imprudent est l'animal qui se risque aussi près de la chasseresse avec autant de maladresse. Dans un geste empreint de la lassitude des résignés, la main serre le pied de biche qui vient tendre silencieusement la corde de l'arme dénuée de carreau.
Musique " Radioactive" par Imagine Dragons. Bien que la musique peut sembler n'avoir aucun rapport, elle m'a pourtant bercé durant tout l'écriture de ce post.
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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III -Anaon dit Anaonne[Clik]