Melchiore
-Fiefé crétin. C'voleur.
Ah. Si Melchiore ne lui avait pas tant ressemblé, à ce voleur de fabliau, sans doute aurait-il admis l'idée saugrenue que Cassian puisse être Charlemagne.
Mais la confrontation est assez sublissime pour le laisser déraisonner en toute quiétude. Cassian fait l'effet d'une bougie. Non pas qu'il soit une lumière, mais il rend perceptible -il magnifie, du moins- l'environnement immédiat en condamnant le reste du monde à la pénombre. L'attention de Melchiore se résume à ce halo qui cerne la personne de l'Aiglon. Du reste du monde ne subsistent que le bruit forcené des gouttes de pluie qui martèlent les carreaux. Et puis, Melchiore n'est attentif qu'à ce qu'il veut bien. Les indices qui pleuvent autour de le laissent sec. Il se complait à porter ces illères. Pourtant, s'il a un peu contemplé, plus tôt, les alérions des armoiries du Prince qui auréolaient sa tête lorsque Cassian était étendu contre son traversin, ça n'a été que pour se demander, vaguement, ce que pouvait bien foutre une licorne là dedans.
La fiction supplante la réalité. Elle dérobe les langues au silence, quand elles peinent encore à se délier par crainte de trop en dire. Mais à la nuit tombée, ce que le mot ne peut décrire, le geste accomplit. C'est bon, de parler à Cassian. Et l'entendre répondre recèle quelque chose de palpitant. Mais là ou le seigneur de Corps-scelle excelle pour posséder l'attention évasive de la Buse, c'est en l'astuce que déploient ses mains. Le plus succulent, Melchiore découvre, n'est pas les mots qu'il délivre, mais le baiser dont il lui gratifie les lèvres. Il a, trouve-t-il aussitôt, le goût du trop peu. Et ce mouvement de fendoir sacramentel que reproduit l'Aiglon sur lui achève de ranimer la Buse capricieuse qui sommeille dans son for. Vilainement passif et curieux, Melchiore n'a pas senti son propre souffle enfler un peu, à l'instar de son appendice de mâle, qui languit un peu dans sa solitude. N'est-ce pas ainsi que naissent les violeurs ? Le plomb qu'il a d'habitude dans la tête lui coule le long des membres. Et voici qu'à l'heure des comptines Melchiore devient une boussole dont l'aiguille snobe le cardinal point pour ne plus désigner que la direction du Prince.
Lequel Prince bat aussitôt en retraite et se momifie à nouveau. Melchiore s'arrache une moue. C'est que les dés sont capricieux. On avance de deux pas, et l'on recule de presque autant. Mais puisque Cassian le nargue, Melchiore, bon butor, répondra. Rendu abrupt dans l'appétit qu'il couve, il attrape le col de fortune qui le surplombe et l'Aiglon emmailloté est renversé sur le côté. Et de hisser un visage interloqué sur celui de Cassian. La chevelure informe le pointe du doigt et il offre au regard bleu marine un semblant de réponse :
-Pauvre sort pour notre héros. En plus de voir son projet contrarié, il doit subir le châtiment ultime. Pourquoi sa mort importerait-elle au Prince ? Une simple leçon d'humilité n'y suffirait pas ? Ou bien, c'est qu'ce Prince n'est pas un voleur. C'est un assassin. Votre ami le Gnome en est un ? Est-ce pour ça qu'vous le craignez ?
Lil Montmorencéen accuse vaguement son vis-a-vis, sa chevelure informe pointe du doigt celle de Cassian, et le nez se cache dans l'ombre de son semblable retroussé. Le souffle, quant à lui, qui se propage sur les lèvres étrangement roses du momifié. Lèvres qu'il dérobe, butin autrement précieux, soudainement, qu'un rubis égaré ou qu'une coupe en or. Prolixe et trainant, il en appelle d'autres. Mais un fracas nouveau retentit pour le rappeler à l'ordre. Cassian a apporté au récit sa propre version, qui ne déplaît pas à Melchiore. Bien qu'il y ait à s'insurger sur les grandes lignes. Manifestement, l'honnêteté primaire du brigand est une notion qui lui est inconnue. Mais s'est-il jamais agi d'un Prince et d'un voleur ? Melchiore ne le sait même plus.
-Mais vous aviez raison. La fin n'était pas tell'ment différente. N'empêche. On pourrait lui trouver une meilleure échappatoire. Ou le Prince d'lui enseigner quelques techniques qui lui font défaut. Ou simplement le laisser filer pour mieux lui rendre la pareille un jour. Mais moi, j'aurai bientôt froid, si vous n'me cédez pas un bout d'couverture.
Le vent souffle et le front de Melchiore se fronce à la vue de la chrysalide où il n'est pas invité. Stupide, joueur, et renfrogné, il pince cette dernière, et tant pis si l'Aiglon doit s'en plaindre. Médiocre négociatrice, la Buse gratte, frôle, pince , flatte ou caresse, courtise ou chiffonne, bouscule ou attire, là des côtes qu'on devine fuyantes, là un cou qui se planque, là une aspérité phallique qui se dérobe, là l'aine anguleuse qui s'évade.
Et puis c'est un soupir de perdant qui lui échappe. C'est un fait : la Buse n'est plus offensive : elle négocie, puisqu'étonnée de constater que l'Autre n'est pas effrayé ; puisque sidérée de voir qu'il ne fuit vraiment pas. Adieu butin Princiers. Bonsoir inconnu taciturne.
-Ouvrez. Ouvrez ! Ouvrez ?
L'ordre, qui succède à la requête et qui précède à la supplique. Et entre chaque, un baiser harponné sur les lèvres de Cassian, seul et piètre argument qu'il ait en sa possession. Mais s'en inquiète-t-il ? Si les arguments sont invalides, il aura toujours recours à la méthode initiale ; celle de la force. Qui ne lui dit plus rien.
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And for next year !
Ah. Si Melchiore ne lui avait pas tant ressemblé, à ce voleur de fabliau, sans doute aurait-il admis l'idée saugrenue que Cassian puisse être Charlemagne.
Mais la confrontation est assez sublissime pour le laisser déraisonner en toute quiétude. Cassian fait l'effet d'une bougie. Non pas qu'il soit une lumière, mais il rend perceptible -il magnifie, du moins- l'environnement immédiat en condamnant le reste du monde à la pénombre. L'attention de Melchiore se résume à ce halo qui cerne la personne de l'Aiglon. Du reste du monde ne subsistent que le bruit forcené des gouttes de pluie qui martèlent les carreaux. Et puis, Melchiore n'est attentif qu'à ce qu'il veut bien. Les indices qui pleuvent autour de le laissent sec. Il se complait à porter ces illères. Pourtant, s'il a un peu contemplé, plus tôt, les alérions des armoiries du Prince qui auréolaient sa tête lorsque Cassian était étendu contre son traversin, ça n'a été que pour se demander, vaguement, ce que pouvait bien foutre une licorne là dedans.
La fiction supplante la réalité. Elle dérobe les langues au silence, quand elles peinent encore à se délier par crainte de trop en dire. Mais à la nuit tombée, ce que le mot ne peut décrire, le geste accomplit. C'est bon, de parler à Cassian. Et l'entendre répondre recèle quelque chose de palpitant. Mais là ou le seigneur de Corps-scelle excelle pour posséder l'attention évasive de la Buse, c'est en l'astuce que déploient ses mains. Le plus succulent, Melchiore découvre, n'est pas les mots qu'il délivre, mais le baiser dont il lui gratifie les lèvres. Il a, trouve-t-il aussitôt, le goût du trop peu. Et ce mouvement de fendoir sacramentel que reproduit l'Aiglon sur lui achève de ranimer la Buse capricieuse qui sommeille dans son for. Vilainement passif et curieux, Melchiore n'a pas senti son propre souffle enfler un peu, à l'instar de son appendice de mâle, qui languit un peu dans sa solitude. N'est-ce pas ainsi que naissent les violeurs ? Le plomb qu'il a d'habitude dans la tête lui coule le long des membres. Et voici qu'à l'heure des comptines Melchiore devient une boussole dont l'aiguille snobe le cardinal point pour ne plus désigner que la direction du Prince.
Lequel Prince bat aussitôt en retraite et se momifie à nouveau. Melchiore s'arrache une moue. C'est que les dés sont capricieux. On avance de deux pas, et l'on recule de presque autant. Mais puisque Cassian le nargue, Melchiore, bon butor, répondra. Rendu abrupt dans l'appétit qu'il couve, il attrape le col de fortune qui le surplombe et l'Aiglon emmailloté est renversé sur le côté. Et de hisser un visage interloqué sur celui de Cassian. La chevelure informe le pointe du doigt et il offre au regard bleu marine un semblant de réponse :
-Pauvre sort pour notre héros. En plus de voir son projet contrarié, il doit subir le châtiment ultime. Pourquoi sa mort importerait-elle au Prince ? Une simple leçon d'humilité n'y suffirait pas ? Ou bien, c'est qu'ce Prince n'est pas un voleur. C'est un assassin. Votre ami le Gnome en est un ? Est-ce pour ça qu'vous le craignez ?
Lil Montmorencéen accuse vaguement son vis-a-vis, sa chevelure informe pointe du doigt celle de Cassian, et le nez se cache dans l'ombre de son semblable retroussé. Le souffle, quant à lui, qui se propage sur les lèvres étrangement roses du momifié. Lèvres qu'il dérobe, butin autrement précieux, soudainement, qu'un rubis égaré ou qu'une coupe en or. Prolixe et trainant, il en appelle d'autres. Mais un fracas nouveau retentit pour le rappeler à l'ordre. Cassian a apporté au récit sa propre version, qui ne déplaît pas à Melchiore. Bien qu'il y ait à s'insurger sur les grandes lignes. Manifestement, l'honnêteté primaire du brigand est une notion qui lui est inconnue. Mais s'est-il jamais agi d'un Prince et d'un voleur ? Melchiore ne le sait même plus.
-Mais vous aviez raison. La fin n'était pas tell'ment différente. N'empêche. On pourrait lui trouver une meilleure échappatoire. Ou le Prince d'lui enseigner quelques techniques qui lui font défaut. Ou simplement le laisser filer pour mieux lui rendre la pareille un jour. Mais moi, j'aurai bientôt froid, si vous n'me cédez pas un bout d'couverture.
Le vent souffle et le front de Melchiore se fronce à la vue de la chrysalide où il n'est pas invité. Stupide, joueur, et renfrogné, il pince cette dernière, et tant pis si l'Aiglon doit s'en plaindre. Médiocre négociatrice, la Buse gratte, frôle, pince , flatte ou caresse, courtise ou chiffonne, bouscule ou attire, là des côtes qu'on devine fuyantes, là un cou qui se planque, là une aspérité phallique qui se dérobe, là l'aine anguleuse qui s'évade.
Et puis c'est un soupir de perdant qui lui échappe. C'est un fait : la Buse n'est plus offensive : elle négocie, puisqu'étonnée de constater que l'Autre n'est pas effrayé ; puisque sidérée de voir qu'il ne fuit vraiment pas. Adieu butin Princiers. Bonsoir inconnu taciturne.
-Ouvrez. Ouvrez ! Ouvrez ?
L'ordre, qui succède à la requête et qui précède à la supplique. Et entre chaque, un baiser harponné sur les lèvres de Cassian, seul et piètre argument qu'il ait en sa possession. Mais s'en inquiète-t-il ? Si les arguments sont invalides, il aura toujours recours à la méthode initiale ; celle de la force. Qui ne lui dit plus rien.
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