Johanara
«Les Baronnes se cachent pour mourir. »
Berry, Baronnie de Lignières, la veille des noces.
Les pluies torrentielles qui sabattaient sans vergogne depuis plusieurs jours sur les fiefs de la Baronne avaient transformé en ruisseau de boue les chemins de terre qui conduisaient jusquau castel de Lignières. Et seul le fracas assourdissant du tonnerre parvenait à faire taire, pour de brefs instants seulement, le hurlement dun vent glacial qui emportait sous son souffle les dernières feuilles mortes dun automne qui touchait à sa fin.
La belle noble contemplait, passive et lil morne, le déchainement de la Nature, la main crispée sur les grands rideaux de velours purpurin de sa chambrée.
Plus tôt dans la soirée, elle avait soupé en compagnie de ses plus chères amies. Toutes logeaient pour cette nuitée dans le vaste Château afin dêtre près de la Baronne dès laurore et laider dans ses préparatifs de futur mariée.
Le temps sétait écoulé, furtif, depuis que la dernière chandelle du long corridor avait été soufflée. Et chaque heure égrenée au sablier plongeait Johanara dans un écrin dangoisse et de doutes.
La courbe amarante de ses lèvres se perdit en un cruel rictus. Mariage pluvieux, mariage heureux ? Des rivières de perles salées, au diapason avec le temps, nacrèrent le satin de sa peau, tandis que de ses mains fébriles elle se saisit de son déshabillé de soie.
Refermant les pans à la hâte à laide dune fine ceinture parme et brodée, elle ne prit pas la peine de se chausser et déambula dans les couloirs sombres et silencieux jusquà sortir du Castel et séloigner de ses enceintes, la boue imprimant lempreinte de son pas altier et souillant le délicat vêtement immaculé.
Le froid mordit âprement son visage, formidable soufflet sur son minois aux traits parfaits. Le vent sengouffra dans sa crinière dénouée. La Baronne avait les cheveux assez longs et assez épais pour couvrir son corps jusquà mi-cuisse lorsquelle était dénudée. Labondance de ses flamboyantes anglaises obstruait sa vision tandis quelle senfonçait dans les bois du domaine, ignorant les ronces et les épines qui écorchaient ses pieds et sa peau dopale.
La Chapelle Saint Louis se profila bientôt au milieu dune clairière, dominant les futaies, bâtiment impressionnant taillé dans la vieille pierre.
La Baronne se laissa tomber à genoux, le visage couvert de larmes et de terre devant lédifice, la pupille hagard, ancrée au clocher que seuls de timides rayons de lune éclairaient. Les souvenirs la submergeaient tout entière, lancinants et douloureux.
Elle navait pas voulu y songer. Son fiancé occupait la majeure partie de ses pensées. Sa famille et ses proches se disputaient le reste. Aucune place pour les regrets assourdissants, pour lire et leffroi Mais pas ce soir.
Non pas cette nuit noire de remords et de réminiscences plus aiguisées que mille poignards dans la chair martyrisée de son cur sanguinolent.
Il était partout. Devant ses grands yeux baignés de larmes, derrière chaque arbre et chaque ombre tordue, dans chaque goutte deau qui venait glacer ses joues.
Comment limage de celui qui avait été son époux pouvait-elle être encore aussi nette alors que son corps reposait en terre depuis bien longtemps déjà ?
Sublime éphèbe au regard céruléen. Au front dairain baigné dune crinière cuivrée comme un crépuscule dor et de pourpre. Son premier amant La vision du beau seigneur dans son simple appareil lui avait arraché un petit cri d'admiration. Apollon réincarné était descendu du Mont Olympe pour lui apprendre l'Amour et la Passion. Elle était tombée à genoux, empourprée par la vive émotion qui s'était emparée de tout son être tremblant.
Les nuits sans Lune, les ombres bleus que le désir dessine éclairent le Firmament...Et cest à genoux encore, quelle repensa à cette tombe quelle fleurissait une fois lan. Cette pierre tombale, froide et austère. Cet épitaphe gravé : "Et la mort naura pas dempire."
Foutaises. Elle finissait par tout emporter la faucheuse. Elle gagnait toujours. Nétait-elle pas sur le point den épouser un autre ? De répéter les mêmes promesses, les mêmes sermons ?
Ne trahissait-elle pas la mémoire de son défunt mari en renouvelant le sacrément Johanara écarta vivement les boucles rutilantes de son visage souillé en songeant que lultime trahison nétait guère de se marier Mais bien dépouser un homme quelle aimait profondément.
Avec le temps, elle lui dirait certainement les mêmes mots, doux, sucrés, emplis de réconforts et davenir teinté dazur. Elle sendormirait près de lui en pensant que dans mille ans elle laimerait encore, et que comme Tristan et Iseult, les légendes loueraient leurs noms.
Mais cétait faux. Un mensonge, une vaste blague à laquelle elle allait se prêter pour la seconde fois.
Se traînant vers la Chapelle, la démence allumant au fond de ses prunelles un brasier ardent, elle poussa la grande porte de chêne avec force, laissant le vent hurler contre la pierre froide et les bancs vide de lédifice.
Ce nétait pas une Eglise. Cétait un tombeau où elle enterrerait à jamais les vux quelle avait prononcé des années plus tôt. Plus jamais elle ne serait la veuve de Valezy dEmerask. Elle deviendrait lépouse de Balian de Montbazon-Navailles.
La vue de lautel lui souleva lestomac. Portant la main à sa bouche gercée par le froid, elle réprima un haut le cur et séloigna de la nef pour emprunter un étroit escalier en colimaçon.
Se tenant au mur gelé, les cheveux en bataille, le sang dessinant la plante de ses pieds sur chaque marche, elle progressa jusquen haut du clocher. Lombre de lénorme cloque leffraya un instant puis elle reprit sa progression.
Chaque pas réveillait sa mémoire.
Sa joue sur la sienne comme un jardin secret lorsquils trompaient la vigilance de leurs soldats pour sembrasser, valeureux Capitaine épris dune délicate Connétable aux yeux lagon.
Ses mains sur ses hanches larges, ses lèvres sur sa nuque prisonnière, commandant implacable de son bonheur et ses désirs. Elle navait vécu que par lui.
Chaque pas voyait des morceaux de mémoire qu'elle avait cru enfouit à jamais dans les limbes de l'oubli ressurgir.
Penchée au-dessus du vide, elle contemplait à présent du haut de la grande tour, la campagne berrichonne recouverte de son long manteau de nuit.
Le vertige serra ses entrailles, ses ongles grincèrent contre la paroi. Quelle émotion de mirer ses terres après tant de temps écoulé loin du Berry. Elle retrouvait le chemin de lenfance heureuse. Trop de voyages et trop dépreuves lavaient séparée de cette longue allée darbres bicentenaires conduisant au domaine familial.
Revoir le Castel, la colline où il sadossait, sa vallée étroite, sa cascade ombragée de marronniers séculaires, sa sylve verdoyante, ses bois où le gibier faisaient foison fut pour elle tout un monde que ne franchissait plus depuis longtemps ses souhaits et ses rêves.
Elle était partie depuis trop longtemps.
« En perdant Valezy, cest bien moins lamour que jai pleuré que lidéal rêvé de la vie. »
Johanara avait souffert atrocement dans son âme et dans sa chair dun tel gâchis dont lun comme lautre étaient au fond responsable.
Les bourrasques cessèrent et bientôt la Madone fut saisie par le silence qui lentourait soudain
Sentiras-tu quelque part dans lInfini comme tu métais cher et sacré ? Tout ma été donné à la naissance, beauté, noblesse, intelligence Quen ai-je fait ? Je ne comprends rien à la destinée. Tantôt il me semble que je voudrais mourir, tantôt au contraire jéprouve une forte aspiration vers la vie
Ses souffrances intérieures létreignit tout entière, ce mal être chronique dans lequel elle replongeait inévitablement dès que son tendre fiancé, ses enfants ou ses amis prenaient congés, la laissant seule et désemparée.
Elle ne parvenait plus à contenir ce mal de vivre qui la rongeait depuis son plus jeune âge et qui sétait singulièrement accru avec les épreuves de sa vie. La mort de son père, puis celle de sa mère quelle aimait farouchement et dont la perte lui laisserait toujours un trou béant au coeur, sa tante qui avait essayé de la remplacer, sa sur bien aimée la vicomtesse de Culan, et enfin celle de sa moitié, constituèrent autant de chocs émotionnels successifs que son extrême sensibilité et son habitude de tout noircir avait renforcé.
Toujours elle songeait à la mort. Elle ne se sentait plus le courage de lattendre. De la voir une fois de plus lui arracher des morceaux dâme et de cur.
Ses dernières pensées allèrent d'abord à ses enfants. Mère indigne, mère indigne scandait une voix intérieure déformée par les remords. Mais ils partiraient tous. Même Daria qui lui jurait tous les jours ne jamais se marier pour toujours veiller sur elle. Puis à Balian tandis quelle enjambait la corniche, le corps tremblant. Il finirait par labandonner lui aussi. Il ne laimait pas. De la tendresse certes, du désir Il lappréciait quand elle tombait éperdument amoureuse de lui jour après jour.
Cest pour ce soir, je crois, mon bien-aimé !
Jai l'âme lourde encore d'amour inexprimé,
et je meurs ! Jamais plus, jamais mes yeux bleutés,
mes regards dont c'était les frémissantes fêtes,
ne baiseront au vol les gestes que vous faites ;
j'en revois un petit qui vous est familier
pour toucher votre front, et je voudrais crier adieu !
mon cur ne vous quitta jamais une seconde,
et je suis et serai jusque dans l'autre monde
celle qui vous aima sans mesure, celle.. [Rostand]
Les mots crevèrent sur ses lèvres vermeilles et salée par le goût de ses larmes. Et elle voulut crever aussi, un pied après lautre sur le rebord glissant.
Si vous vous étiez tenu en bas de lEglise, au milieu de la forêt de Lignères, vous auriez été saisi par le spectacle effrayant de cette grande Dame aux pieds nus et à la longue chevelure de sang, prête à se jeter dans le vide, la chemise couverte de boue et de terre, mais les traits purs dévorés par le regard limpide de la déraison
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Berry, Baronnie de Lignières, la veille des noces.
Les pluies torrentielles qui sabattaient sans vergogne depuis plusieurs jours sur les fiefs de la Baronne avaient transformé en ruisseau de boue les chemins de terre qui conduisaient jusquau castel de Lignières. Et seul le fracas assourdissant du tonnerre parvenait à faire taire, pour de brefs instants seulement, le hurlement dun vent glacial qui emportait sous son souffle les dernières feuilles mortes dun automne qui touchait à sa fin.
La belle noble contemplait, passive et lil morne, le déchainement de la Nature, la main crispée sur les grands rideaux de velours purpurin de sa chambrée.
Plus tôt dans la soirée, elle avait soupé en compagnie de ses plus chères amies. Toutes logeaient pour cette nuitée dans le vaste Château afin dêtre près de la Baronne dès laurore et laider dans ses préparatifs de futur mariée.
Le temps sétait écoulé, furtif, depuis que la dernière chandelle du long corridor avait été soufflée. Et chaque heure égrenée au sablier plongeait Johanara dans un écrin dangoisse et de doutes.
La courbe amarante de ses lèvres se perdit en un cruel rictus. Mariage pluvieux, mariage heureux ? Des rivières de perles salées, au diapason avec le temps, nacrèrent le satin de sa peau, tandis que de ses mains fébriles elle se saisit de son déshabillé de soie.
Refermant les pans à la hâte à laide dune fine ceinture parme et brodée, elle ne prit pas la peine de se chausser et déambula dans les couloirs sombres et silencieux jusquà sortir du Castel et séloigner de ses enceintes, la boue imprimant lempreinte de son pas altier et souillant le délicat vêtement immaculé.
Le froid mordit âprement son visage, formidable soufflet sur son minois aux traits parfaits. Le vent sengouffra dans sa crinière dénouée. La Baronne avait les cheveux assez longs et assez épais pour couvrir son corps jusquà mi-cuisse lorsquelle était dénudée. Labondance de ses flamboyantes anglaises obstruait sa vision tandis quelle senfonçait dans les bois du domaine, ignorant les ronces et les épines qui écorchaient ses pieds et sa peau dopale.
La Chapelle Saint Louis se profila bientôt au milieu dune clairière, dominant les futaies, bâtiment impressionnant taillé dans la vieille pierre.
La Baronne se laissa tomber à genoux, le visage couvert de larmes et de terre devant lédifice, la pupille hagard, ancrée au clocher que seuls de timides rayons de lune éclairaient. Les souvenirs la submergeaient tout entière, lancinants et douloureux.
Elle navait pas voulu y songer. Son fiancé occupait la majeure partie de ses pensées. Sa famille et ses proches se disputaient le reste. Aucune place pour les regrets assourdissants, pour lire et leffroi Mais pas ce soir.
Non pas cette nuit noire de remords et de réminiscences plus aiguisées que mille poignards dans la chair martyrisée de son cur sanguinolent.
Il était partout. Devant ses grands yeux baignés de larmes, derrière chaque arbre et chaque ombre tordue, dans chaque goutte deau qui venait glacer ses joues.
Comment limage de celui qui avait été son époux pouvait-elle être encore aussi nette alors que son corps reposait en terre depuis bien longtemps déjà ?
Sublime éphèbe au regard céruléen. Au front dairain baigné dune crinière cuivrée comme un crépuscule dor et de pourpre. Son premier amant La vision du beau seigneur dans son simple appareil lui avait arraché un petit cri d'admiration. Apollon réincarné était descendu du Mont Olympe pour lui apprendre l'Amour et la Passion. Elle était tombée à genoux, empourprée par la vive émotion qui s'était emparée de tout son être tremblant.
Les nuits sans Lune, les ombres bleus que le désir dessine éclairent le Firmament...Et cest à genoux encore, quelle repensa à cette tombe quelle fleurissait une fois lan. Cette pierre tombale, froide et austère. Cet épitaphe gravé : "Et la mort naura pas dempire."
Foutaises. Elle finissait par tout emporter la faucheuse. Elle gagnait toujours. Nétait-elle pas sur le point den épouser un autre ? De répéter les mêmes promesses, les mêmes sermons ?
Ne trahissait-elle pas la mémoire de son défunt mari en renouvelant le sacrément Johanara écarta vivement les boucles rutilantes de son visage souillé en songeant que lultime trahison nétait guère de se marier Mais bien dépouser un homme quelle aimait profondément.
Avec le temps, elle lui dirait certainement les mêmes mots, doux, sucrés, emplis de réconforts et davenir teinté dazur. Elle sendormirait près de lui en pensant que dans mille ans elle laimerait encore, et que comme Tristan et Iseult, les légendes loueraient leurs noms.
Mais cétait faux. Un mensonge, une vaste blague à laquelle elle allait se prêter pour la seconde fois.
Se traînant vers la Chapelle, la démence allumant au fond de ses prunelles un brasier ardent, elle poussa la grande porte de chêne avec force, laissant le vent hurler contre la pierre froide et les bancs vide de lédifice.
Ce nétait pas une Eglise. Cétait un tombeau où elle enterrerait à jamais les vux quelle avait prononcé des années plus tôt. Plus jamais elle ne serait la veuve de Valezy dEmerask. Elle deviendrait lépouse de Balian de Montbazon-Navailles.
La vue de lautel lui souleva lestomac. Portant la main à sa bouche gercée par le froid, elle réprima un haut le cur et séloigna de la nef pour emprunter un étroit escalier en colimaçon.
Se tenant au mur gelé, les cheveux en bataille, le sang dessinant la plante de ses pieds sur chaque marche, elle progressa jusquen haut du clocher. Lombre de lénorme cloque leffraya un instant puis elle reprit sa progression.
Chaque pas réveillait sa mémoire.
Sa joue sur la sienne comme un jardin secret lorsquils trompaient la vigilance de leurs soldats pour sembrasser, valeureux Capitaine épris dune délicate Connétable aux yeux lagon.
Ses mains sur ses hanches larges, ses lèvres sur sa nuque prisonnière, commandant implacable de son bonheur et ses désirs. Elle navait vécu que par lui.
Chaque pas voyait des morceaux de mémoire qu'elle avait cru enfouit à jamais dans les limbes de l'oubli ressurgir.
Penchée au-dessus du vide, elle contemplait à présent du haut de la grande tour, la campagne berrichonne recouverte de son long manteau de nuit.
Le vertige serra ses entrailles, ses ongles grincèrent contre la paroi. Quelle émotion de mirer ses terres après tant de temps écoulé loin du Berry. Elle retrouvait le chemin de lenfance heureuse. Trop de voyages et trop dépreuves lavaient séparée de cette longue allée darbres bicentenaires conduisant au domaine familial.
Revoir le Castel, la colline où il sadossait, sa vallée étroite, sa cascade ombragée de marronniers séculaires, sa sylve verdoyante, ses bois où le gibier faisaient foison fut pour elle tout un monde que ne franchissait plus depuis longtemps ses souhaits et ses rêves.
Elle était partie depuis trop longtemps.
« En perdant Valezy, cest bien moins lamour que jai pleuré que lidéal rêvé de la vie. »
Johanara avait souffert atrocement dans son âme et dans sa chair dun tel gâchis dont lun comme lautre étaient au fond responsable.
Les bourrasques cessèrent et bientôt la Madone fut saisie par le silence qui lentourait soudain
Sentiras-tu quelque part dans lInfini comme tu métais cher et sacré ? Tout ma été donné à la naissance, beauté, noblesse, intelligence Quen ai-je fait ? Je ne comprends rien à la destinée. Tantôt il me semble que je voudrais mourir, tantôt au contraire jéprouve une forte aspiration vers la vie
Ses souffrances intérieures létreignit tout entière, ce mal être chronique dans lequel elle replongeait inévitablement dès que son tendre fiancé, ses enfants ou ses amis prenaient congés, la laissant seule et désemparée.
Elle ne parvenait plus à contenir ce mal de vivre qui la rongeait depuis son plus jeune âge et qui sétait singulièrement accru avec les épreuves de sa vie. La mort de son père, puis celle de sa mère quelle aimait farouchement et dont la perte lui laisserait toujours un trou béant au coeur, sa tante qui avait essayé de la remplacer, sa sur bien aimée la vicomtesse de Culan, et enfin celle de sa moitié, constituèrent autant de chocs émotionnels successifs que son extrême sensibilité et son habitude de tout noircir avait renforcé.
Toujours elle songeait à la mort. Elle ne se sentait plus le courage de lattendre. De la voir une fois de plus lui arracher des morceaux dâme et de cur.
Ses dernières pensées allèrent d'abord à ses enfants. Mère indigne, mère indigne scandait une voix intérieure déformée par les remords. Mais ils partiraient tous. Même Daria qui lui jurait tous les jours ne jamais se marier pour toujours veiller sur elle. Puis à Balian tandis quelle enjambait la corniche, le corps tremblant. Il finirait par labandonner lui aussi. Il ne laimait pas. De la tendresse certes, du désir Il lappréciait quand elle tombait éperdument amoureuse de lui jour après jour.
Cest pour ce soir, je crois, mon bien-aimé !
Jai l'âme lourde encore d'amour inexprimé,
et je meurs ! Jamais plus, jamais mes yeux bleutés,
mes regards dont c'était les frémissantes fêtes,
ne baiseront au vol les gestes que vous faites ;
j'en revois un petit qui vous est familier
pour toucher votre front, et je voudrais crier adieu !
mon cur ne vous quitta jamais une seconde,
et je suis et serai jusque dans l'autre monde
celle qui vous aima sans mesure, celle.. [Rostand]
Les mots crevèrent sur ses lèvres vermeilles et salée par le goût de ses larmes. Et elle voulut crever aussi, un pied après lautre sur le rebord glissant.
Si vous vous étiez tenu en bas de lEglise, au milieu de la forêt de Lignères, vous auriez été saisi par le spectacle effrayant de cette grande Dame aux pieds nus et à la longue chevelure de sang, prête à se jeter dans le vide, la chemise couverte de boue et de terre, mais les traits purs dévorés par le regard limpide de la déraison
*Citation de Charles Lemesle
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