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[RP] Casse-tête Nordique.

Astana
Ce RP fait écho aux combats ayant eu lieu en Orléans dans la nuit du 26 au 27 Novembre 1460. RP initialement commencé en gargote Angevine, déplacé ici pour plus de liberté.



[Bouge de l'Amer Alcool, nuit du 26 au 27 Novembre]

Les tripes ne mentent jamais. Pour preuve : la flopée de courriers gisant sur le comptoir de l'Amer Alcool, vestiges de quelques échanges incongrus. Les nouvelles sont mauvaises ; et les hypothèses révélées pires encore. Alors, la Danoise prévient d'une main malhabile, et prescrit la prudence, voire le retour au bercail. Elle fait passer le mot à qui de droit, mais sans doute la missive ne trouvera-t-elle jamais le destinataire. Sergueï, ou sa frangine. Les Russes ont gagné son respect ; chose trop rare pour être ignorée ou négligée. Ce n'est pas votre cause, barrez-vous. N'allez pas crever inutilement. Ne passez pas par la Touraine, ils vous attendent au tournant. Restez en vie surtout.

Ravaler son égo pour laisser entrer l'Inquiétude. Juste une fois.

La sénestre se crispe sur la coupe de vin à moitié vide. Les nerfs sont ouverts à vif. Et ça, le vin n'y changera rien. D'un geste rageur, l'Astana lance le récipient contre la porte. Elle entame les cents pas, tourne en rond, guettant l'apparition d'un quelconque soleil à l'horizon. L'aube seule amènera son lot de réponses. Or, la patience ne figure pas dans la maigre liste des qualités de la mercenaire. La nuit sera Blanche, et immensément longue.

Les tripes ne mentent jamais... L'aube se lèvera Rouge Sang.



[Portes de Saumur au petit jour, 27 Novembre]

Rude perchée sur sa monture, passablement agitée. L'animal quant à lui commence à manifester des signes d'impatience... aussi. Les soupirs excédés se succèdent, et se ressemblent tous. Les chasses grisâtres scrutent l'horizon à l'affût du moindre signe. Mais il n'y a personne. Pas âme qui vive ou qui crève dans les environs. Une heure passe, puis bientôt deux, sans qu'il ne se passe rien non plus. Les pensées s'emmêlent et se brouillent. L'esprit décousu va même jusqu'à s'échapper quelques instants pour repenser à la veille... au Judas et à leur dernier échange au goût si âpre qu'il lui est resté en travers de la gorge. Grincement de dents, et retour au présent. L'ultime soupir fait figure de renoncement. La nuit n'a peut-être pas été si mouvementée que ça, tout compte fait. Peut-être pas...

Suffit.

Les sourcils froncés, et d'un coup de talon, Astana engage la bestiole à faire demi-tour. Bernée. Trahie par son propre instinct, semble-t-il. Tu redeviens faiblarde, Sa Blondeur... Ou pas. L'oreille se dresse soudainement : des cris. L'on crie depuis les remparts que quelque chose arrive. Elle tourne la tête pour regarder par dessus son épaule, stoppant net toute avancée. Natasha. Juste elle ? Le palpitant fait un bond, cogne un grand coup, fait mal. Sensation désagréable. Elle fonce sans plus attendre en direction de la Russe, et à mesure qu'elle s'en rapproche, d'autres silhouettes se dessinent. Corps sans vie, corps sans armes. Le chaos arrive à point nommé. Masse d'éclopés mi-morts, mi-vivants. L'odeur du sang. Et celle d'un égo commun rabaissé. Ça pue la défaite, oui.

Non. Les tripes ne mentent jamais.

Quand Natasha chute de sa monture pour s'échouer à même le sol, Astana met pied à terre et joue des coudes pour se frayer un chemin jusqu'à l'inconsciente. Les mains surélèvent sa tête, où le carmin s'est mêlé au blond, ruisselant jusque dans sa nuque. Et puis... les billes se posent sur une plaie béante. De la poitrine jusqu'au flanc. Salement amochée que tu es, Natasha... Grimace douloureuse d'une danoise qui empathie, d'un coup. Urgence. La cape retirée fait office de pansement provisoire, et vient s'accoler à l'entaille encore fraîche. Maintenir la pression d'une main, vérifier qu'elle respire de l'autre. Vivante. Mais pour combien de temps ?

Et la question existentielle :


Natasha... Tu m'entends ?

Une étoile est née. *
Claque sèchement assenée à la nordique. Restes-là.


Putain.
Crèves pas. C'est VRAIMENT pas le moment. Tu m'entends ?!


... ne me force pas à annoncer à ton frangin que t'as claqué dans mes bras.
D'ailleurs Sergueï, où es-tu ?

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Cistude
    [Orléans]


Le silence avant la tempête. Le camp s'était formé dans la forêt humide qui enveloppait la capitale orléanaise, et les feux avaient été éteints sous l'ordre des capitaines d'armées, laissant une petite troupe pittoresque grelotter sous les assauts des bourrasques de vent, à la merci de l'humidité et du froid mordant. Les Canards avaient sorti leurs plumages d'hiver et ils avaient l'allure de gros canetons boueux sortis de leur coquille un peu trop tôt, à la différence que ceux là étaient armés jusqu'aux dents.. Cistude déjà lançait les paris au milieu des autres troupes, s'approchant d'un pas débonnaire vers les chiens galeux qui squattaient un peu plus loin de leur camp.

Enfin au creux de la nuit, ils disparurent vers les lieux du combat. Focalisons nous sur la Tortue.

On la voyait déjà courir comme une cinglée vers le tas avant même d'avoir attendu le signal, épée au clair, bouclier laissé à l'abandon loin derrière elle car cela l'encombrait. La blondasse dégueulasse se retrouva alors dans les premières lignes du combat à dévirginer le champs de bataille de ses coups. Non pas par acte héroïque, n'allez pas croire que le courage coule dans les veines de Cistude, mais par démence. Quelle conne ! elle allait se faire tuer. Les bastons insignifiantes en taverne ne lui suffisait plus, et depuis une semaine, elle était agitée, prête à lever la main sur un simple "bonjour".

C'était cette gourde, enfin rattrapée par ses camarades de combat, qui hurlait comme une démente au milieu des orléanais. Elle avait presque les paupières closes, la bouche déformée par un cri de fureur, alors que son épée battait l'air au hasard. Elle finirait bien par toucher quelqu'un ! mais personne ne s'approchait d'elle, ils fuyaient comme de pauvres fous dès qu'elle se pointait devant eux... Ils voulaient peut-être mourir au combat en protégeant leurs terres ces vaillants soldats, mais pas par... elle. Et ça l'énervait encore plus la Cistude, alors elle s'agitait férocement, jusqu'à glisser lamentablement sur un corps... et de se prendre un coup d'épée dans la cuisse. Quel rustre ! la voilà étalée à terre comme un cheval de course qui vient de louper une haie, tartinée de boue et de sang.

Elle resta là, abasourdie, et elle essaya de se relever, les traits toujours déformés par la soif de cogner qui la démangeait. Mais sa jambe était incapable de soulever son poids. Relève toi, sotte ! alors elle se mit à se cogner la tête pour se punir, pour évacuer la frénésie du combat qui menaçait de la faire imploser tandis qu'elle voyait plus loin, sa Luciole tomber morte, et les autres... Un temps indécis s'écoula, jusqu'à ce que quelqu'un la soulève sous les aisselles (un courageux) et la porta jusqu'au bas côté contre son grès.

-Laissez moi en cogner un au moins putain ! MAIS LACHEZ MOI BORDEL ! LAISSEZ MOI Y ALLER ! Enfoiré ! j'suis pas blessée bordel espèce de con ! FAIS CHIER ! qu'elle gueulait, hors d'elle.

    [Retour à Saumur]


-Allez tous vous faire foutre étaient les seuls mots qu'elle prononçait depuis son retour.
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Natasha
[Nuit assassine dans la pampa* orléanaise]

La pluie qui les trempait jusqu’aux os et plongeait la nuit dans les ténèbres opaques de son voilage ; les montures comme les hommes, qui avançaient dans la boue capricieuse… Suffisante, hissée sur l’hongre fidèle, la Platine ne dérogeait pas ; elle ne râlait même pas du temps pourrave, ne pestait curieusement pas quant à ses bottes crottées. Non, les mâchoires serrées et le regard noir, elle se lança dans la mêlée avec un simple signe de tête à l’attention des siens, un simple « je t’aime » soufflé du bout des lèvres pour son frère…

Le bruit assourdissant des armes, tantôt s’entrechoquant, tantôt battant les boucliers ; les cris de souffrance, mêlés à l’écho de rage qui s’étouffait parfois, comme noyé… La hache s’abattit violemment sur un adversaire, l’écu modéra l’impact d’une première agression que déjà elle en fauchait un autre ; animée par la violence environnante, elle ne considéra pas la gêne provoquée par la plaie distillant le carmin dans la crinière aurifère. Les prunelles scrutèrent la plaine en quête du jumeau qu’elle cru apercevoir enfin et, de talonner les flancs puissants ; la bouche s’ouvrit pour héler son Autre alors, c’est un hurlement de douleur qui passa la pulpe. Les yeux, voilés des perles salées, se posèrent furtivement sur l’assaillant avant de glisser sur sa poitrine ; un furtif sourire étira les lèvres… Cette nuit, dans la pampa orléanaise, la Grande Faucheuse l’a vaincue…

[L’aube d’une renaissance ?]

… Enfin, c’est le silence qui lui parle ; enfin, c’est l’éthéré qui la porte… Enfin…

La monture avale les lieues. Le jour se lève. L’aurore qu’elle savait ne pas voir, à l’instant où la langue claquait, à la minute où la senestre flattait l’encolure… elle avait su. L’intuition féminine peut-être, la conscience d’une folie sans doute, mais la première foulée équine sonnait le glas dans son esprit. Qu’importe hier. L’âme et l’enveloppe se dissocient, la douleur n’est plus, les souvenirs reviennent…

La monture avale les lieues. Le jour se lève. Les paupières sont closes sur l’onde lacrymale qui s’écoule sur le minois, comme le carmin couvre bientôt la robe de l’hongre. Elle ne sent pas, elle ne sent plus… Elle a 10 ans, elle est heureuse et enjouée… Elle a 12 ans, elle est creusée et désolée… Elle a 15 ans, elle est cruelle et combattive… Elle a 20 ans, elle aime et est aimée. Qu’importe hier. Tu as 22 ans et…

La monture avale les lieues. Le jour se lève. Le souffle du vent se fait vigoureux pour, soudain, s’éteindre… le cheval s’est cabré aux cris des sentinelles, le corps a quitté l’animal pour choir lourdement sur le sol angevin ; c’est assourdissant, de nouveau… j’ai mal, j’ai froid. Qu’importe hier. Les sens s’éveillent à l’unisson du calvaire dans la chair meurtrie ; les voix lui parviennent, asphyxiées par le vrombissement incessant qui lui vrille les tympans.

Chut… j’ai mal…

La gifle de la danoise résonne dans la caboche comme mille tambours ; un soupir s’échappe pour seul écho… l’air parvient difficilement aux poumons, la poitrine se soulève au rythme des spasmes effrayants de brutalité.

Chut…

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Astana
    « If you're still breathing, you're the lucky ones »


— X heures plus tard, dans le réduit de l'Amer Alcool.

Chut.

Silence est d'or dans le refuge danois.

La russe toujours inconsciente gît sur une couche de fortune improvisée pour l'occasion, fiévreuse. Le palpitant fait des ratés dans sa poitrine depuis plus d'une heure. Son souffle maigrelet semblant n'être rattaché que par un fil si fin qu'il en serait presque indécent. Fragilité de la vie. Combativité de l'Etre. Un peu plus tôt, l'Astana dut s'improviser médicastre. Ou plutôt... dut mettre ses connaissances à profit. L'urgence de la situation pesant sur des épaules ayant déjà bien trop à supporter. Une fois l'écoulement griotte plus ou moins maitrisé avec les moyens du bord, l'atroce zébrure fut nettoyée à l'aide de vin, pour l'assécher et l'aseptiser. Procédé houleux ayant arraché quelques cris à la slave qui tenta de se débattre, avant qu'elle ne retombe dans le monde des songes. Chut. Le fil de lin et l'aiguille firent preuve d'une dextérité déroutante, leur maitresse ayant dû se recoudre maintes et maintes fois en solo. Elle, qui collectionnait les cicatrices éparses, diverses et variées tout le long du corps n'en était pas à son coup d'essai, donc. Suture propre et suffisamment lâche pour agir dessus plus tard. Soupir libérateur et lambeaux d'oripeaux en guise de bandage.

A présent, la Rude observe ses mains moites et rougies par le sang trembler. Malgré son teint pale et ses yeux cernés, elle s'était activée à soigner la souffrance physique de Natasha qui n'était qu'à ses prémices ; s'oubliant dans l'équation. Depuis combien de temps n'avait-t-elle pas dormi ? ... Tant pis. Dextre et sénestre se voient plongées dans le seau d'eau couleur roussi à coté de la couche, entremêlées. Effacer les traces. Se laver d'un sang qui n'est pas le sien, le visage impassible. Tendre l'oreille pour écouter le souffle de sa camarade.... Et finalement, redresser le corps, qui se mue comme une poupée désarticulée. Essuyer son front d'un revers de main. Il lui faut écrire. Prévenir encore... Apporter de funestes nouvelles, toujours. L'ami corbeau est de retour.

La danoise quitte le réduit pour s'acquitter de sa tâche. Porte fermée à double tour.
Sergueï, j'ai quelque chose à te dire...

Rideau.



* Si vous respirez toujours, vous êtes les chanceux.
Daughter - Youth

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Natasha
Chut… j’ai mal…

Elle n’avait plus ressenti cette souffrance depuis des années… ça lui parut des siècles tant elle était parvenue à l’enfouir au plus profond de sa caboche ; faire en sorte qu’elle ne soit qu’un affreux cauchemar, engendrée par sa seule folie, un simple leurre. La douleur physique, ressentie dans sa chair, bien qu’incroyablement virulente, n’en demeurait pourtant qu’inférieure à la torture que subissait son esprit.

Chut… tais-toi !

Les tiroirs de sa mémoire s’ouvrent lentement. Chaque réminiscence revient la tourmenter au rythme du souffle irrégulier… L’enfance enchantée, petite Princesse choyée par ses ainés, ses parents, ses sujets. Le cœur manque un battement. La fillette aux toilettes précieuses, la chevelure maitrisée de rubans assortis, coquetterie de la gracieuse poupée. Un soupir échappe péniblement aux lèvres exsangues. Le départ de l’ainé, prélude aux changements, radicaux.

Chut… laisses-moi !

Le recueil répand son savoir. Les souvenirs refusent de l’oublier et c’est son front qui suinte de vouloir les expulser… Nikolaï partit, ce fut le tour de Vladimir sans qu’elle n’en comprenne les raisons. Le cœur manque un battement. Elle restait ignorante des affaires paternelles, couvée par sa mère, surprotégée par le frère restant. Un gémissement sourd passe la pulpe blême. Proches de par leur âge, ils devinrent fusionnels par l’absence des autres.

Chut… cesses !

Le spicilège choisit les souvenances. Chaque témoignage rend l’aveu d’un crépuscule décadent qui l’invite à lâcher prise… L’adolescence passionnée, la fillette n’est plus tout à fait mais la femme n’est pas totalement, traitrise d’un corps qui se bouleverse. Le cœur manque un battement. La tendresse muée en passion, les cajoleries affectueuses converties en étreintes enflammées et l’anathème de son Autre. Les larmes perlent aux yeux clos. Banni par l’acte d’amour, le fruit de l’opprobre murissant en elle, il n’en saura rien.

Chut… j’ai mal…

L’avait-on déplacée ? Le froid l’enveloppe de son manteau à la faire trembler… Les blessures reprennent l’ascendant sur les pensées ; cuisantes et acérées, elles lui arrachent des râles rauques alors qu’elle tente de se mouvoir, en vain… les limbes la récupèrent, frissonnante de fièvre et la respiration convulsive. La nature n’obéit qu’à ses lois, la slave se bat contre la mort, à son insu… Quelque part, Chronos se balance à la cadence des grains dans son sablier. Tic Tac. Les moires scindent les fils d’autres victimes. Couic. Hadès fait des ricochets dans le Styx. Ploc. Cerbère attend sagement les prochaines âmes…

Chut… Non, écoute encore !

Tu es si jeune et déjà grosse de scandale. On te dissimule aux regards, ta génitrice use d’artifices, ton géniteur de mensonges… L’isolation, la solitude, mais pourtant, tu grandis à l’instar de ce petit être qui se nourrit de toi ; cette nuit-là, on te l’arrache dans une libération qui se veut cassante et méprisante ; cette nuit-là, résonne encore des cris et des pleurs… depuis, tu dors peu, tu ne dors plus Natasha. Les entends-tu encore ses sanglots ?

Chut… Non, souviens-toi !

Ta convalescence est succincte. On te présente « ta sœur », le regard de ta mère est fuyant, celui de ton père blessant… Le crime t’incombe, il exige réparation de ce qu’il a perdu ses fils, tu seras l’ultime ; ce matin-là, on te dépouille définitivement de ta crédulité pour te plonger dans l’univers masculin ; ce matin-là, le poison a pénétré ton sang et ton esprit… depuis, tu abhorre les enfants, tu es insensible et cruelle Natasha. Les pleures-tu encore tes maux ?

Chut… Non, entends-moi !

Les années ont passé. On t’a tout pris, on t’a modelée ; on t’a tout appris, on t’a souillée… De la délicate damoiselle, tu n’as gardé que la silhouette ; le fils que tu n’étais pas, tu l’es devenue, bien malgré toi… mais femme, tu l’es restée, malgré tout. Les sens-tu encore les odeurs bestiales ? Les subis-tu encore les sévices indécents ?

Chut… j’ai mal…

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Serguei.novgorod
La Meute au sein d’un groupe plus vaste ; l’idée n’enchantait personne, loin de là, mais le projet avait su séduire plusieurs des comparses, en présentant une petite aubaine de possibilités multiples, de contacts en expériences... Soit. Ils iraient.
…Reviendraient-ils ?

La famille séparée, ce n’était jamais un moment facile à accepter, pour chacun d’entre eux ; néanmoins, il fallait à plusieurs prendre le temps de savoir où ils voulaient aller, où ils ne le souhaitaient plus, et surtout, avec qui ou sans qui ils le désiraient… Soit, ils sauraient.
… Renoueraient-ils ?

Vastes questions que celle des liens, aussi grande que celle des disparités ; qu’est-ce qui les faisait, qu’est-ce qui les distinguait de ces « autres » qu’ils se plaisaient à targuer, à toiser, à mépriser… Soit, ils le découvriraient.
… Le reconnaîtraient-ils ?

Qu’importait, finalement, ce qu’ils reviendraient, ce qu’ils renoueraient, ce qu’ils reconnaîtraient ; si Sergueï avait pris le chemin des rangs armés, c’était seulement, et uniquement pour Elle, sa jumelle pourtant cadette de quelques années, son Autre, si différente et si semblable. Natasha, c’était lui, en mieux, en plus brillant, en plus beau ; un peu comme s’il avait été une flamme, et Elle, une étoile. En commun restait le feu, vivace et éternel, d’une fougue pareille, nourrie des mêmes instincts, des mêmes ressentis. Deux pour Un, Un pour Deux… Et qu’ils aillent tous au diable.

C’était d’ailleurs en partie pour aider les adversaires à rejoindre celui-là que le duo Novgorod s’était engagé en tant que mercenaires ; la passion du sang, celle des cris, de la douleur, de la fureur aussi… La conquête de la vie, comme pour repousser, à chaque victoire, la défaite qui viendrait, finale. Etre un peu les Faucheuses, pour repousser, un instant encore, la Glaneuse d’âmes. Faire le travail d’un Dieu, quel qu’il soit, en étant les sbires du Sans Nom, en lui offrant leur allégeance dans ce qu’ils lui apportaient d’offrandes, cadavre après cadavre… pas si intacts que ça.

Vivre et laisser mourir ; vivre, et aider à mourir. Vivre, dans chacun des derniers souffles extirpés, respirer, dans l’air vicié du sang, celui-là même qui embaumait l’air, dans chaque espace au creux duquel ils se laissaient aller à leurs travers, de découpages en lacérations… Vivre, dans chaque exaltation perverse, jusqu’à paraître cléments aux victimes, quand la cruauté est telle que le coup de grâce est donné ; vivre, magnanimes, d’avoir apaisé les corps et les âmes qui, de toutes façons, sont vouées à disparaître. Etre un peu dieux vivants, en simples mortels ; être un peu démons mortels, en vrais divins.

Les chevauchées se succédaient, à l’instar des rencontres, toutes plus insignifiantes et aussi pénibles de désintérêt, même en compagnie des complices ; après tout, aucun n’avait d’intérêt sinon les proches, et surtout sinon Elle, Elle qui faisait grise mine, et que le Lion savait concentrée. Un regard à ses yeux suffisait à comprendre qu’elle se laissait peu à peu gagner par ses démons les plus sombres ; un regard à son sourire vous ferait damner, tant il était angélique. Divin poison que celui qui coule en Elle ; addictif poison, celui qu’Elle distille, même en taisant.

Enfin, le moment est arrivé ; un dernier regard à Elle, azur vissé à l’ambre, rien n’est dit, tout est pourtant palpable. L’amour de ces deux-là, personne n’aurait pu le nier, sans pour autant le saisir tout-à-fait. Il n’y a jamais eu qu’eux, même parmi la foule ; des quatre de la fratrie, leur lien est unique. Plus qu’une sœur, Elle est tout pour lui. Littéralement. Viscéralement.

Et les combats s’engagent.

Violents, assourdissants de tintements, de cris déchirants, de souffles étouffés, de gémissements plaintifs. Le nombre est impressionnant, et bientôt, le sang sur les armures, sur les vêtements, vous fait vous demander si l’adversaire ne serait pas de votre camp. Rien ne compte que gagner ; rien ne compte que passer. La crinière de sa sœur lui échappe, alors qu’il engage le combat, frontalement, contre une armée, puis contre les deux ; la brèche est évidente, la défense béante, et le Slave de s’y immiscer, lame et corps intacts, persuadé de La retrouver, de l’autre côté.

Mais Elle n’est pas là.

Elle doit fatalement se trouver quelque part, à panser Iarilo. Ou à nettoyer ses vêtements maculés du sang qu’elle aura fait perler, gicler, s’épandre. Elle est évidemment en train de reprendre son souffle, après une charge dantesque, de soigner, peut-être une malheureuse égratignure. Elle est fatalement quelque part, à soigner ses lames. Elle est sûrement en train de le chercher aussi ; d’ailleurs, peut-être progressent-ils en sens inverse. Alors il fait le tour des gens arrivés. Une fois, deux fois, trois fois… une dizaine.

Elle est forcément quelque part, oui, mais Elle n’est pas là.

Le piaffement d’un oiseau l’agace ; furtivement, insidieusement, le son est parvenu à son esprit, peu à peu. Sourcils froncés, l’inquiétude gagnant, il a fini par le saisir, pour noter que le message dont il est porteur provient d’Astana, la seule qui ait eu grâce à ses yeux, la seule qui fut une petite merveille de trouvaille, au détour du chemin. Il n’en peut toutefois sourire, alors qu’il cherche des yeux une dernière fois sa sœur, avant de se pencher au vélin.

Une mise en garde… Trop tardive, bien sûr… Un avertissement, et ce « prends ta frangine, et barrez-vous. », qui martèle dans sa tête ; ils s’étaient lancés, alors que ça s’annonçait difficile, avaient lancé l’offensive, l’épée de Damoclès au dessus de leurs têtes… Lui était passé, et si…

Saisi, il refit cent fois le tour des arrivées, mille fois, dix mille fois peut-être, interrogeant là quelqu’un, ici secouant carrément l’interlocuteur ; à hurler sur les mourants, à beugler sur les vivants : où était sa sœur ?
Il apprit que Marie, « une brune au visage marqué », était tombée, et avait été ramenée à Saumur, et la nervosité grimpa d’intensité. Natasha... Non. Elle ne pouvait pas être tombée. Elle ne tombait jamais.

Tutu avait été attaquée, elle aussi ; lorsqu’il fut informé qu’une « baleine blonde franchement pas futée » avait été transpercée, il s’était rué à son secours, à son chevet. Resté auprès d’elle, il avait aidé à mettre au monde le petit, la petite en l’occurrence, une petite Myrtille. La mère avait succombé, soudainement, aussi vite qu’elle était arrivée dans le groupe…*
Marie, Tulipe… Où était Natasha ? Il faudrait le lui annoncer, elle serait soucieuse, se sentirait peut-être coupable… Il devait être là. Oui, il le devait, mais Elle, où était-elle passée ?

La réponse lui vint au courrier suivant d’Astana. Comme un son de glas, comme un goût de trépas.

« Cette nuit, Sergueï, ta sœur a été gravement touchée… ».

Y a-t-il des moments où le sang s’arrête de circuler ? Est-il des instants où tout s’arrête, même la moindre pensée ? Où l’âme, immobile comme le corps, cesse de fonctionner, s’arrête, pour ne pas comprendre ? Est-il une minute, où le monde disparaît, pour laisser place au néant ?

Oui. Il en est. A la seconde où il avait lu cette phrase.

Tout s’était feutré, tout s’était éteint, soudain ; le soleil en berne, l’esprit ébène de colère, de rage. Natasha… Dents serrées, le premier clampin venu, tout proche, vit la main du colosse enserrer sa gorge ; d’ire mordante, bouffante, il sentit le cou céder sous la rampe mue en joug funeste ; et encore, la tête sans vie heurta un mur proche, jusqu’à ce que l’os arrière ne cède à son tour, et qu’un magma informe de cervelle et de sang n’en tâche la pierre de vestiges écœurants. Encore, le sac de corps fut fustigé une fois au sol, de coups de bottes, violents ; don à la fureur, le cadavre fut enfin délaissé, après que le colosse soit finalement tombé à genoux, sur son dos, et eut appuyé sa main au sol poussiéreux ; Atlas portant un monde de fardeaux, une charge incommensurable de maux…

Mais son monde à lui, il était à Saumur. Entre les bras d’Astana.

Vélins renvoyés, il lui était impossible, pourtant, de faire demi tour ; il serait fauché, évidemment, et là n’était pas propice aux retrouvailles. Ast’ le pressait de rentrer, mais il faudrait prendre des chemins détournés, et suivre, encore, pour contourner. Evidemment.

Si Elle partait entre temps…

Non.

Elle ne partirait pas.

Un Novgorod ne perd jamais.




*Voir rp Laryssa. aux aprs "Entretien d'une blonde avec le Barbu".

_________________
Astana
.
    « De tous les néants du passé
    Leur avenir grouille et s'encombre,
    Et leur Aujourd'hui n'est que l'ombre
    De leur lendemain trépassé »

    - Les morts vivants, Maurice Rollinat -


— Le premier décembre, au matin.

Retour après trois jours d'absence.

L'Acariâtre encapuchonnée pousse la porte de l'établissement d'une main pressée, la sénestre blessée présentement enfouie au fond d'une poche. « Fissure du destin » fendant sa paume en deux, infligée par un rapace blanc. Le regard fait le tour du tripot, rapidement, pour venir se poser sur le larbin chargé de veiller sur la slave durant son absence. L'homme a la mine grise ; mais c'est un point commun qu'ils partagent. Ils se passeront donc aussi de cérémonial. L'Astana demande, l'air aussi aimable qu'une lourde de prison :


Comment va-t-elle ?
...
Je vous ai posé une question.
Je... j'ai... quelque chose à...


Coup de sang pour une bestiole déjà bien sur les nerfs. La danoise traverse la salle en quelques enjambées au détriment du larbin dans ses pattes. Sa main valide le repousse violemment en arrière, le contraignant à reculer de quelques pas et à ne pas s'interposer plus que ça. La clef déverrouille la serrure du réduit, et... Boum, fait le coeur. Du sang sur les draps. Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que les coutures ont lâché et que l'autre imbécile en est responsable. Règle n°1 : ne jamais confier à autrui ce qu'on peut faire soi-même. Grondement sourd. Les états d'âme sont muselés et foutus au placard ; ils partent là-bas, dans le grand Noir... pour une durée indéterminée. Elle s'approche, tandis que les plaintes du parquet font écho à celles de Natasha. Front luisant, constellé de perles cristallines : la Fièvre.

Je croyais bien faire vous savez... je n'arrivais pas à...
Sortez d'ici ! ... avant de perdre des dents.


A peine est-il parti qu'elle avise l'hideuse balafre pour en constater les dégâts. Recoudre des déchirures... encore. Refaire les points, les consolider, veiller à ce que rien n'entrave une cicatrisation qu'elle espère rapide et sans heurts. La Rude sait faire, donc elle Fait. Rien de compliqué, quand on a l'Art et la Manière. Une couche d'onguent en supplément, et c'est reparti comme en quarante. Parce que ça marche, pas vrai ? Ta cicatrice sera une oeuvre à part entière, Natasha. Arrêtes de faire le tendron, sois hargneuse, et défends ta vie. Reprend tes armes, et bouge ! Le corps sec et long de la nordique finit par se déplier, engourdi. Et le sang d'affluer, peu à peu, dans ses veines asphyxiées. Elle fiche une main sur la tempe brûlante de la blonde. Ha, tu douilles hein ? Sauf que t'es tellement dans les vapes que tu dois pas t'en rendre compte. Et puis la russe remue, dessous le drap, elle se tord un peu. Les entrailles qui font des leurs, sûrement. Une seule solution à ça : éponger. Cinq doigts s'emparent d'un linge qu'ils trempent dans la jatte d'eau, puis l'essorent, avant de l'appliquer sur son front. Là.

La température doit baisser, sinon... tu passeras l'arme à gauche, Nat'. Or, tu n'en as pas le droit.

Il ne faut pas se méprendre. La danoise ne s'est pas transformée en mère couveuse en l'espace de quelques jours. Mais le Respect, parfois, pousse à faire de drôles de choses. Comme faire des promesses et faire ce qu'on peut pour s'y tenir. Parce que les promesses, c'est l'Honneur. Et l'Honneur, c'est tout ce qu'il lui reste à l'Acariâtre, avec sa fierté.

Bruissement de draps. Respiration accélérée, saccadée. Y'a du mouvement dans l'air.
Natasha, reviendrais-tu parmi les vivants, finalement ?

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Natasha
Combien d’heures… combien de jours depuis sa chute ? Les paupières se lèvent, l’onyx fiévreux s’accoutume à la pénombre ; la température fausse la conception de ce qui l’entoure, elle ignore jusqu’au moment de la journée. Un soupir pénible. Quelques voix lui parviennent en murmure ; celle de l’homme, inconnue, ranime les neurones –oui, j’insiste hein, elle en a- et l’Orgueilleuse de se redresser brutalement en échappant un juron douloureux.

дерьмо*

Le dos repose aussitôt sur la couche alors que la senestre découvre les bandages ; les yeux se ferment à l’unisson des doigts qui parcourent le buste. Le souffle se fait plus agité quand elle effleure la plaie fraichement suturée… L’air brule sa gorge sèche à chaque bouffée, Mère Nature se rappelle à ses bons souvenirs ; vivre se mérite et le combat n’est pas terminé… Défaillance.

Ploc ! Ploc ! Ploc !

La pluie… Il pleuvait cette nuit-là, te souviens-tu ? Cette nuit où, par ta fuite, tu as réduit les projets paternels à néant ; cette nuit où, ivre de haine, de fatigue et d’aversion, tu as quitté les Terres Froides. La route fut longue et périlleuse, te souviens-tu ? Des semaines à voyager seule, à te dissimuler aux prédateurs, à te faire chasseresse aussi ; des semaines à éviter le contact de tes semblables, à préférer l’isolement pour te préserver… mais de quoi, Natasha ? Te souviens-tu ?

Ploc ! Ploc ! Ploc !

Le poison… Il coule dans tes veines, il est ton sang depuis ce matin frileux. Il est ce que tu es, de pire comme de meilleur ; il perle à tes cils quand tu pleures, il suinte par tous tes pores sitôt la colère éveillée. Tu sais vivre avec, le contrôler souvent ; il te domine pourtant, transparent aux yeux d’autrui, il est là, tapi dans un sourire ou un regard, à peine résonne-t-il dans tes paroles. Patient, il se prépare à t’habiter comme il t’encourage dans tes hésitations. C’est lui, chaque fois !

Ploc ! Ploc ! Ploc !

Le plasma… Il goutte de ta Fidèle depuis que le patriarche t’en a fait cadeau. Cette lame que tu ne quittes pas, elle t’accompagne jusque dans les draps ; elle est l’alliée de toujours, l’amie qui ne t’a jamais trahie… Elle revendique le carmin adverse quand le tien bouillonne du venin. Ils sont nombreux, victimes de son tranchant, dans une extase qu’ils n’imaginaient pas, la tienne. C’est lui, encore !

Combien d’heures… combien de jours ? Elle s’agite sensiblement, elle transpire… D’autant, le minois reste impassible ; des années à paraitre, les paupières frémissent à peine et les lèvres sèches de s’étirer… Le calme revient en écho au râle qu’elle imagine hilarité. Folle.

Aliénation partagée avec elle. Cette « jumelle » choisie dés lors que vos regards se sont croisés ; un défi, relevé bien sur, pour une loyauté durable et l’organe vitale s’est exprimé à nouveau… pour elle, par elle, Maribel. Une famille oubliée pour une autre, élue… et la Meute apparut.

Rire.

Combien d’heures… combien de jours ? La névrose n’expire pas tant que bat le cœur et celui de la Slave palpite encore. La poitrine se soulève invariablement, lentement certes ; une toux soudaine, elle s’éveille, elle revient… pour eux, par eux, pour Lui :


Sergueï !

La vision s’éclaircit, la pièce à peine éclairée lui parait minuscule, peut-être l’est-elle vraiment. Elle a chaud des reliefs fiévreux, la caboche lui cogne légèrement alors qu’elle se soulève un peu pour s’assoir :

J’ai soif…

Le Sans Nom m’attendra encore… Tu as échoué, Faucheuse !

*Mer.de

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Astana
Dans la salle, la danoise rumine tandis que la Belle au Bois Dormant s'éveille dans le réduit. Elle a congédié ce larbin de pacotille, lui assurant qu'il cracherait ses dents une à une et marquerait ainsi le Renouveau de sa collection, si jamais ils venaient à se recroiser. Plantée là, derrière le comptoir branlant, Astana essuie des verres propres et autres babioles, parce que ça lui occupe les mains. Que ça lui évite de péter son propre matériel, aussi. Elle a le sang chaud, la créature du grand Nord.

Quinte de toux.

Regard torve avisant la porte du réduit, comme si c'était une mauvaise blague. Va pas nous cracher tes boyaux dans le lit, la russe, ça tâche... et puis ça ferait désordre. Sa Blondeur esquisse quelques pas en direction de la porte, juste pour vérifier, avant de piler net. Un murmure dans un souffle à peine audible. Sergueï. Un murmure aussi vite passé qu'un battement de coeur... et qui pourtant, traîne en longueur. Ça ricoche contre les murs. Est-ce qu'elle est consciente, vraiment ? Ou est-ce une ultime supplique rêveuse, accrocheuse et désespérée, comme celles de ces cinq derniers jours ? Parce que oui, Natasha, t'as causé. Et pas qu'un peu. Sauf que c'était dans ta langue natale, et que j'ai rien pigé... sauf pour ta Douleur et les prénoms. Sergueï. Nikolaï. Lady. Maribel.

Même les rêves ont leur part de Vérité.

Figée là, commence l'Attente avec une capitale A.


J'ai soif...

Ou pas.

La voix aux accent brutes mais aux contours flous claque dans l'air. Électrochoc pur et simple. La Rude frémit. Ça veut réveiller les morts, mais quand ils causent une fois revenus des Limbes, ça fait toujours cet effet-là. Boire ? Tu m'étonnes que t'as la gorge aussi sèche qu'un désert rouergat. Mais boire quoi ? Dans le doute, elle prend un verre d'eau, et une bouteille de whisky qu'elle cale sous son bras. Dans le doute. Toujours prévoir, sait-on jamais. La lourde du réduit finit par s'ouvrir, dévoilant une Natasha assise sur la couche. Les deux femmes s'observent, les regards se croisent puis se lisent. Silence. Demi-sourire, mi-figue mi-raisin, qui fait son apparition sur le faciès danois. Croissant voulant aussi bien dire désolée, que je suis contente de te voir en vie.


Bonjour, Natasha.

Dépôt du verre d'eau et la boutanche devant la russe.

J'ai entendu que tu avais soif, alors...

Un pas en arrière, puis deux.
Lui laisser de l'air. Ne pas l'envahir.
Surtout.

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Serguei.novgorod
[Et pendant ce temps-là, pour Sergueï,
rentrer près de sa soeur, c'est... difficile...
...et c'est le moins qu'on puisse dire.]



Jurons. Sifflés entre ses dents. Tous. Un à un. Au rythme assourdissant des battements silencieux en son poitrail. Un pas, un martèlement. Un pas, une pause. Les pensées, elles, sont toutes dirigées vers la Soeur. L'Autre. L'Aimée. L'Unique.

Un pas. Deux pas. Des milliers de pas. Vains. Ramper lui semblerait plus rapide. Trop loin. Trop lent. Inutile. Foutremiches !

Regarder le paysage, à se distraire? Il pense à quelque chose de vert... Une ambre.* Celle de ses yeux. Jaunie. Mélange. Fusion. Séparation douloureuse. Souffrance...

A quoi Elle pense, Elle, en ce moment même ? Perdue dans les limbes de son esprit ? Sent-Elle à quel point même loin, il est à Elle ? C'est quelle couleur qui gagne, dans l'ambre ? Les yeux, glaciaux d'azur terni depuis que sa Flamme est trop éloignée, parcourent les environs, pour tenter de trouver LA bonne teinte. Ce n'est pas vert, évidemment... Jaune ? Pas uniquement. Une pointe d'ocre ? De rouge, de marron? Un peu, mais ce n'est encore pas tout-à-fait cela. Il tergiverse, il transige, il cherche, il farfouille. Qu'est-ce que c'est, exactement, ambre ? Indéfinissable. Comme toutes ces entités que l'on ne peut décrire que par ce qu'elles ne sont pas. Comme Elle. Unique et spéciale ; inédite, exceptionnelle. Ambre, finalement... C'est Elle, en résumé.

Il les observe, ses "compagnons" qui n'en sont pas... Ils ont la démarche des grands singes, chaloupée, voûtée parfois - même leurs bras semblent traîner à leurs pieds. Ou bien est-ce lui ? Cet homme qui les mène, sait-il même où il va? Silencieux, il suit. Tente de se repérer. Marche, toujours. Marche, ou crève. Mais crever sans Elle, c'est pas crever.

Une halte, encore. Ne font-ils que des haltes ?! Sont-ils en mission pour établir un guide touristique, ou mesurer la vitesse de quelque fourmi ou papillon? Sont-ils en promenade, les preux avortons? Tout ceci n'est que vaste fumesterie, et un Sergueï qui ne croit pas en son meneur, c'est un Sergueï grincheux. Il fait quoi le Roi, lui ?* Nikolaï, son grand frère. Rassurant. Protecteur. Dur. Il voudrait presque l'entendre lui reprocher de n'avoir pas pris soin de sa soeur, juste pour entendre un autre que lui le réprimander dans sa tête. Une autre voix, que la sienne. Celle de Natasha... Pardon, Princesse. Ton Tsar aurait dû éviter cela. Ouvre les yeux, dis... Rien qu'une fois ; ouvre les yeux, et attends-moi. Car je te reviens, ma Princesse, ma Reine, ma Vie.

Regard, encore, aux hommes et femmes présents. Ni intéressé, ni lubrique. Inédit. Blasé. Dénué d'avenant. Il veut rentrer, c'est tout. La veiller, c'est tout. Et il les mire, ces âmes sans nom - en ont-elles seulement, ou bien s'en moque-t-il? Deuxième hypothèse. Ils ne sont que des singes, et lui que l'on dit inhumain, souvent, cruel, fréquemment, a envie de leur hurler qu'ils ne sont que des ombres, sans importance, sans emphase. Inutiles. Fastidieux.

Elle ne peut pas le laisser tout seul. Comment a-t-Elle pu tomber ? Comment a-t-Elle pu... Sans lui. Vague regard au ciel, pour l'heure ou pour le temps...** Soupir. Les minutes filent plus vite que les pas. Il faudra encore camper, ce soir. Encore. Toujours. Dormir quand il veut que cesse Son sommeil. Qu'Elle s'éveille, lui auprès d'Elle...

Ce sera nuit blanche, ce soir encore.




*Mes excuses.
** JJG, Fermer les yeux.

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Natasha
Les prunelles observent ce qui l’entoure, un mobilier sommaire et quelques candélabres ; l’ouïe est aux aguets mais les ronronnements persistent encore dans le crâne fatigué… amalgame de résonnances guerrières et de timbres rauques. Un frisson lui parcourt l’échine tandis que la senestre vient redécouvrir les bandages et le soupir d’échapper aux lèvres en glissant sur la cuisse. Instinct. Les sourcils se froncent et le sillon mécontent traverse le front moite ; l’onyx s’anime d’une colère sourde alors qu’elle LA cherche, sa Fidèle et la voix enrouée de pester :

Прокляты воры!*


L’esprit s’égare. Retourner au proche passé, refaire les derniers gestes, revoir les dernières scènes… Se souvenir pour vivre, ne rien oublier pour exister. Ils sont ensemble, le quatuor Asmodéen ; d’une même allure, ils quittent le camp ; d’un même élan, ils se lancent dans la bataille… Elle peut encore les voir, un court instant, et l’ennemi approche… Marie lui échappe, elle ne s’en inquiète pas, la brune rompue à la guerre ; déjà une prime menace, la hache s’abat sur un homme sans hésitation. Rude. L’irascible reporte son attention sur la marée humaine, elle talonne la monture et l’épée perfide d’une greluche ne fait qu’effleurer la caboche. Fortune. Tulipe a disparu, elle ne s’en émeut pas plus que ça, la boulette est rusée à défaut d’être subtile ; sensiblement sonnée, elle frappe encore à briser son arme. Ferme. Au loin, une crinière blonde se détache et de diriger l’hongre ; l’œil perçoit le danger à l’unisson de la bête, l’écu protège l’animal. Erreur. La lame taille dans la chair, le carmin s’épand et le sourire d’apparaitre. Folie.

La clarté pénètre la pièce et la ramène au présent. Le regard se pose sur l’azur froid ; le temps semble s’arrêter, un moment. Les lèvres s’étirent avant de composer un « merci », simplement… Que dire d’autre qui ne saurait exprimer davantage, rien.
Un hochement de tête en guise de réponse, le verre est ignoré au profit de la bouteille ; l’alcool lui brule délicieusement la gorge et la toux de se rebiffer légèrement. Vivante !

Enfin, le silence revient et la Slave d’hésiter à le troubler ; l’angoisse des réponses à venir se partage au besoin de savoir :

Comment vont les autres, Astana ?... où est Sergueï ?... et, ma dague ?

Natasha ou l’art de gérer les priorités…

*Maudits voleurs !

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