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[RP/IG] Les Lys contre la lie

Actarius
[Nuit du 4 au 5 décembre 1460 – bataille d'Essoyes / Armée « La Compagnie d'Artus »]

      « La capacité de se remettre d'une blessure n'est pas fonction de sa profondeur, mais dépend de notre capacité à l'accepter. »
      Anonyme


Le cri ne sortit pas. Il se réfugia là où il avait pris sa source. Petit à petit, le corps reprit le dessus, la mâchoire se détendit, l'air glissa à nouveau en lui, les yeux clignèrent, humides. Le hurlement silencieux, perdu dans le fracas de la bataille, était devenu sanglot. Désormais isolé en ce monde, aux cœurs des combats, il versait des larmes amères qui coulaient intarissables sur l'acier jusqu'à se mêler au sang. Atone, toujours incrédule et vidé de sa vie, il demeurait là, agenouillé et étreignant la dépouille. Le colosse d'Oc avait souvent affronté la mort, mais toujours il avait fait le même choix. Revenir. Par amour de la vie, par amour des siens, par orgueil ou obstination, il était revenu ou plutôt avait été renvoyé. Il ne gardait bien entendu aucun souvenir de ses passages dans l'antichambre divine, mais si tel avait été le cas, alors il aurait cherché la mort et aurait préféré en demeurer l'amant éternel que ce fût dans le paradis solaire ou l'enfer lunaire. Car sa vie sans elle ne valait rien... peut-être même se serait-il jeté immédiatement sur une pique, si cet imperceptible mouvement ne l'avait ébranlé au plus profond de son âme, si ce léger toussotement n'avait pas retenti.

Et ces quelques mots...

Elle reprenait vie, là, dans ses bras, et lui de même. Elle parla encore et il entendit sans s'en offusquer pour autant. Les propos tenus lui auraient arraché une prompte réaction révoltée en d'autres circonstances. Pourtant, un sourire pointa sur son visage. Un rictus soulagé, rasséréné. Elle était bel et bien de retour, fidèle à elle-même. Ainsi l'aimait-il. S'il espérait toujours un peu plus, s'il n'imaginait d'autres issues qu'une vie commune, il avait bien conscience que pas plus qu'il ne changerait, elle ne deviendrait autre. Cependant, elle s'oublierait à lui, lui concèderait un instant, le temps d'une étreinte, le temps d'une caresse, le temps d'un geste tendre ou le temps de paroles douces. Et ces moments le contentaient sans satisfaire pleinement son coeur vorace. La glace, le feu, leur choc incessant, parfois masqué, toujours présent cependant. C'était inscrit en eux depuis le début et cela survivrait longtemps sans doute, toujours peut-être. Aussi, il ne pouvait concevoir un mal plus profond dans ces paroles que ce conflit latent, il ne pouvait deviner ce sentiment de trahison.

Mais la culpabilité avait fait son chemin en son esprit et il se maudissait de n'avoir pu maîtriser l'assaut pour demeurer près d'elle et la protéger. Cela en avait ajouté à la douleur désormais évanouie et cela resterait gravé encore et encore. La notion de trahison échappait toutefois à cette sensation désagréable de n'avoir pu lui éviter ces blessures. Sous son ordre, il la reposa au sol et se releva. Alors, dans une succession de mouvements saccadés, il se débarrassa de ses gantelets, la contourna et s'affaissa à nouveau. Un de ses bras glissa sous le dos de la Prinzessin, le second sous les genoux. L'accent d'oc résonna enfin, assuré. Avec son retour, lui-même avait recouvré ses esprits et ceux-ci demeuraient taillés pour la guerre. Ici, il était chez lui plus que nulle part ailleurs. Ici, le doute qui pouvait l'habiter n'existait plus. Il savait. Il savait et il agissait avec pour seul guide et maître son instinct.


Cette étreinte-là ne sera pas désespérée. Accrochez-vous à mon cou de votre bras valide.

Il la souleva alors avec difficulté, la faute à cette armure. Il ne faiblirait pas néanmoins, la maintiendrait tant bien que mal et la porterait là où des soins pourraient lui être prodigués. Le chaos sonore faisait encore rage autour d'eux. Il s'estompa au fil de la progression laborieuse du Mendois, qui ne ménageait pas ses efforts et les déguisait derrière ce faciès aussi rassuré que grave. Ils s'éloignaient toujours vers le campement lorsqu'il brisa à nouveau le silence. Il avait besoin de lui dire, de se libérer du poids de plus en plus prégnant de sa faute.

Ce sang aurait dû être le mien. Ma vie n'est rien en comparaison de la vôtre, elle n'est rien sans la vôtre. J'ai tout fait pour vous rejoindre après l'assaut qui nous a séparés, mais je suis arrivé trop tard. Ce sang aurait dû être le mien...

Nul désespoir dans cet aveu, mais une franchise et une solennité peu coutumière. Le guerrier s'exprimait. Il n'usait pas de détours, il disait ce qui était. Aussi sûrement que la vérité n'affectait en rien sa moue résolue et intrépide, son regard tourné vers les premières pointes de toile qui se devinaient, il apparaissait évident que, le premier et le plus impitoyable, il ne se pardonnerait jamais de n'avoir pu se placer entre elle et les lames. Il ne prononça pas un mot de plus et continua d'avancer tel un forçat prêt à purger sa peine sans faillir, sans se laisser abattre, sans s'abandonner au désespoir. Car pour son âme de combattant, ce qui était fait, était fait et il ne pouvait exister de rédemption que par les actes. L'amoureux abattu était resté sur le champ de bataille, il ne subsistait de lui que cette tendresse dans les yeux qu'il baissait souvent sur elle. On ne le surnommait pas "Le Phénix" pour rien, des cendres de la tristesse ne subsistaient plus guère de traces.

Bientôt, des gens apparurent. Avant qu'ils ne fussent à eux, avant qu'ils ne prissent en charge la Prinzessin, l'Euphor s'arrêta. Les Siennes cherchèrent les Opales, un nouveau sourire naquit sur son visage et il déposa un baiser sur le front adoré. Instant fragile qui se dissipa en un regard aimant. Cette contemplation valait toutes les phrases qu'il aurait pu prononcer. Il allait repartir, il allait l'exaucer. Non par vengeance, non pour aller chercher Ella ou Luzerne, mais parce qu'il le devait, parce qu'il ne pourrait expier que par le sang et l'acier. Oh non, il ne comptait pas se sacrifier, simplement faire ce qu'il savait faire le mieux: se battre. Se battre pour elle.



[7 décembre 1460 – Troyes / Armée « La Compagnie d'Artus »]

Les combats s'étaient prolongés, le Comte, délesté de son aimée, y avait participé sans éclat. Il avait frappé, reçu, mais pas plus qu'il n'était blessé, il n'avait l'impression d'avoir fait des victimes. Il avait retrouvé Luzerne et Ella au terme des affrontements, saines et sauves. Il en avait souri, tout comme il avait offert un visage attristé lorsqu'on lui apprit que le Roy était tombé. Cela ne revêtait pourtant aucune importance en son esprit tout entier tourné vers Troyes où avaient été transportés les blessés. Après une vaine poursuite de l'ennemi, l'armée reprit elle aussi le chemin de la cité champenoise. Dès son arrivée, le Coeur d'Oc rejoignit le refuge des convalescents et demanda à un des médicastres croisés de bien vouloir l'annoncer à la Prinzessin.
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Marko


Excitant la mule autant qu'il le pouvait, Marko mena la charrette vers le roi. En route, il retrouva la petite rouquine et hésita un instant. Le roi était prioritaire évidemment, mais... il aimait bien les petites rousses. Ainsi que les petites blondes et les jolies brunes. En gros, les filles.

Il tourna la tête vers l'arrière de la charrette pour demander à Titi ce qu'il devait faire, mais finalement se tût. Son beau-père n'avait sans doute aucun goût pour les petites rousses gracieusement évanouies et refuserait sûrement tout arrêt avant le roi. Le mieux était donc de se passer de son assentiment.

Marko stoppa la charrette et sauta à terre.


Il y en a une, là !


Sans attendre, il souleva maladroitement la jeune fille pour obliger Titi à l'aider. Quand elle fut installée, la charrette reprit la direction du roi, s'arrêtant de temps en temps pour charger un blessé.

En retrouvant le roi toujours inconscient, le garçon reprit la mesure de la gravité de la situation. Cette fois il laissa son beau-père et les chevaliers s'occuper du monarque, et dès qu'Eusaias fut installé le moins mal possible, ordonna anxieusement à la mule de reprendre la route de Troyes.

Le trajet de retour se fit sous haute escorte et quasiment sans arrêt, à peine des ralentissements pour permettre aux blessés légers de grimper à bord. Arrivé devant l'hostellerie qui devait servir d'infirmerie, Marko se précipita à l'arrière de la charrette pour aider à la descente du blessé royal. Il lança un regard plein d'anxiété au Maje.


Il va pas mourir, non?
Letiti
Qu'est ce tu fous?!

Le Maje lanca un nouveau chapelé de jurons tandis qu'il apparaissait évident que le Roy n'était pas la. En quelques enjambées il eut rejoint Marko qui tentait de ramener une gamine rousse.
Ses nouvelles récriminations moururent dans sa gorge. Mais qu'est ce qu'elle foutait la celle la?! La mine dévasté, il la prit des bras du gamin pour la poser dans la charrette. Elle devait à peine être plus âgée que Miel...
Cachant son malaise sous une mauvaise humeur, il grogna:


Reprend vite la route, je m'occupe d'elle.

Grimpant à l'arrière, il l'examina rapidement.
A son grand étonnement il ne trouva rien...
A moitié rassuré, à moitié incrédule, il la releva, appuyant son dos contre un montant de la charrette, histoire de faire de la place.
Marko avait semble t il choisit de sauver tous les blessés avant d’arriver au Roy. Sitôt la gamine installée, le Maje sauta à terre pour monter une autre victime des combats puis s'occuper d'elle.


Dépêche toi Gamin!

Ils avaient finalement rejoint Eusaias. Des soldats avaient éloigné le monarque du gros des combats et tachaient de lui garantir une zone plus calme.
Encore une fois, le petit bonhomme sauta à bas de la charrette.


Titi, Maje royale et médicastre, bouger vous!


Il put enfin se pencher sur le corps ensanglanté. Le poul fut taté, le souffle vérifié avant de glisser des doigts sur la plaie. La main rouge de sang et une grimace sur le visage il demanda aux chevaliers de déposer le mourant dans la charrette.

Qu'un détachement nous protège!
Marko, direction Troyes, vite mais sans à-coups!


Le Maje grimpa aux côtés d'Eusaias et entreprit de dégager à l'aide de son couteau. Pas de doute c'était moche. Titi n'était guère impressionné par le sang et la tripaille, il avait deja bien trop travaillé sur de la viande froide ou chaude, légalement ou non. Mais cette bidoche la, il avait plutôt intérêt à la sauver.
Il avait précautionneusement rationner sa mixture à base de lavande pour la cicatrisation et mille-feuille pour la douleur. Il s'attela donc à faire un généreux cataplasme à Eusaias. Il aurait préféré que la blessure soit à la jambe. On ne pouvait couper un homme au niveau du torse...

Le trajet fut long et pénible. Il tacha de soigner et diminuer la douleur de ses différents patients. Par chance aucun ne finit amputé. C'est un Titi épuisé qui arriva donc à Troyes, guidé par un Marko qui ne devait guère être en meilleur état.

Fourbu il vit partir les blessés qui étaient pris en charge par des gens frais et compétent.
Marko s'adressa à lui tandis qu'il regardait harassé les soigneurs se mettre en branle.
Son ton habituellement grognon qu'il adresse si souvent au gamin fut oublié pour un moment. Ce n'était pas vraiment le meilleur moment pour se chamailler se dit il devant le visage inquiet et juvénile. Il tenta un petit sourire, posa une main sur son épaule et répondit honnêtement:


Il a une méchante blessure Marko.
Sans nous, sans toi, il serait mort.
Nous lui avons offert une chance de vivre.
Si le très-Haut le veut...

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Jusoor
[Nuit du 4 au 5 décembre 1460 – bataille d'Essoyes]

-Nec jactantia, nec metu-

La Moineaute d'un temps, aujourd'hui devenue Altesse, n'avait pas varié ses habitudes de la première heure. Elle était là, au milieu des rangs soldatesques tenus par la fidélité, pour veiller son père, comme maintes fois auparavant.

Quelques heures plus tôt, Troyes avait vu les étendards de lys et de corbeau la quitter, son air raisonnant de chants honorant les coeurs braves. Désormais, en rase campagne, l'air quoique frais paraissait lourd. Le silence régnant en était responsable, mais pas seulement. Tous autour d'elle devaient percevoir cette même tension qui planait, puis se posait sur leurs épaules alors que les lambeaux de brume laissaient percevoir entre leurs déchirures les rangs ennemis, tout aussi immobiles que l'étaient ceux des royalistes.

Jusoor se dressa sur les étriers qui soutenaient ses pieds et perça les lignes adverses du regard, autant qu'elle le put. Non pas qu'elle chercha à estimer les forces en présence, mais plutôt à se figurer l'ennemi, nouer une étrange connaissance avec lui et de cela, retirer la vigueur qui conduirait son bras à s'abattre avec fracas sur un des crânes qui le composaient.

Ainsi nourrie, elle ramena le regard vers le commandement de la Compagnie d'Artus et l'éclat de la couronne royale fit flotter un fin sourire sur les lèvres fraîches. Jamais cette dernière n'avait trouvée meilleure tête pour la porter.

A cette seconde précise, Jusoor était sereine. Plus que jamais elle était convaincue d'être dans le juste. Ni forfanterie, ni crainte ne l'assaillaient. Elle était là pour une raison précise. Le reste, doutes, excès de fierté ne pouvait rivaliser. La devise familiale se vérifiait.

L'attente silencieuse avant l'assaut n'avait du durer que quelques secondes et au cri d'arme royal suivi du retentissement des cors, un sentiment de hâte l'envahit et elle lança sa monture, pointe de l'épée rendue agressive.

A ses cotés chevauche Ernst, fidèle. Là bas sur sa droite, elle reconnait le rang des archers où Etienne doit se tenir, arc bandé et implacable. Le Maje est au devant, un peu à l'écart. Un regard en arrière et elle distingue la section de Finn. Ils sont tous là.

Une confusion désordonnée et bruyante l'entoure dès les premières lignes franchies. A coté d'elle, ses compagnons avancent et tiennent bon. Elle abat son bras sur les ennemis qu'elle peut atteindre de droite, de gauche, sans toutefois leur faire beaucoup de mal, dans cette cohue. Elle ne cherche pas à frapper juste, elle frappe pour retarder, pour permettre aux autres... les autres. Ils ne sont plus là.
Elle se dispense quelques secondes pour fouiller d'un regard troublé les rangs tumultueux de la mêlée. Ernst n'est plus visible, l'éclat de la tête couronnée, pas plus.

Effroi. Piquant sa monture elle parvient à avancer de quelques coudées à peine. Finalement, elle préfère se jeter à bas de son cheval, illusoire protection pas même capable de piétiner les ennemis comme elle l'aurait souhaité.
Elle, mieux formée au combat au corps à corps, n'en est que plus à l'aise pour se glisser dans les rangs, naviguer parmi ceux-ci et faire mouche sur l'ennemi.

A chaque écu, grimace, heaume qui passe sous son regard nerveux, les scènes sont différentes mais pourtant tellement répétitives. Des corps se lient en une chorégraphie macabre et désarticulée devant elle, puis disparaissent, pour laisser place à d'autres. Mais cette fois, l'éclat de la lame attire son attention. C'est une invitation, et la danse est pour elle.

Coup d'oeil précis et rapide sur le partenaire. Son ennemi est de corpulence moyenne. Une femme probablement. Les forces ne seront donc pas à son désavantage et le ballet sera agréablement fluide.

Pas de contretemps toléré, Jusoor fait tournoyer son épée, arborant un visage impassible. Quelques gracieux estocs sans effet, les uns répondant aux autres, une progression à pas chassés, bras tendus et épée pointée, puis d'inefficaces arabesques décrites au fil de l'épée. C'est assez. Jusoor arme son bras et tranche dans la chair ennemie. La partenaire s'effondre. Rideau.

Alors sans attendre et échangeant quelques coups -perdus parfois-, elle repart en quête de ses compagnons mais le champ piétiné se déserte déja.



Citation:
05/12/1460 04:05 : Vous avez frappé Roferrariste. Vous l'avez grièvement blessé.
05/12/1460 04:05 : Vous avez été attaqué par l'armée "Aleae Furor VI" dirigée par Thoros.

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Letiti
[Troyes, après la bataille, devant le dispensaire]

Titi se dirigea vers la charrette, prit l’outre de vin où il but de longues gorgées avant de la tendre à Marko. Mentalement, il haussa un sourcil. L’insupportable mioche était comme une piqure mal placée, toujours entrain de vous démanger sans que vous puissiez vous en soulager.
Bah un petit mot de réconfort ne pouvait pas faire bien grand mal à l’occasion.
Un rictus au coin de la bouche il lui lança :


Va donc voir si ta p’tite rouquine simulatrice s’est réveillée à l’arrière.

Lâchant un ricanement il grimpa à l’avant et s’attela à rédiger une lettre. Etonnement ce n’était pas Eusaias qui l’avait recruté, il se devait de donner des nouvelles, même si celles-ci n’étaient guère encourageantes :

Citation:
Du maje Titi
à Jusoor de Blanc-Combaz


Petite princesse,

J’espère que le détachement sous vos ordres a su vous protéger et que vous vous portez bien. Si ce n’est point le cas, je tacherai de corriger le sieur Etienne LaHire de mes mains à coups de chopes, vides bien entendu ! En temps de guerre il ne fait pas bon gâcher.
Demoiselle, je pense que l’information a déjà du faire chemin jusqu’à vous, mais il me faut néanmoins devoir vous la confirmer. Le Roy votre père est au plus mal. J’étais dans son détachement, il a profité d’un moment où [rature] j’étais la tête dans mon tonneau [/rature] j’avais l’esprit occupé par des centaines d’ennemis arrivant de toutes parts, pour chevaucher avec rage et bravoure, brisant la ligne ennemie. On ne peut enlever le courage et la témérité dont il a fait preuve malgré l’imbécilité d’un tel mouvement qui plus est de la part de celui qui mène cette armée. Un vrai héros…
Un méchant coup d’épée à son flanc, [rature rature rature] ouvrant plusieurs pouces de bidoche qui ne tardèrent pas à dégouliner de sang bouillonnant – vous noterez l’ironie de la situation. La plaie que j’ai nettoyée de vin bouilli était pleine de terre et va très certainement s’infecter lui causant au minimum milles tourments. Or, même quand j’ai du fouiller de mes doigts la plaie béante, il ne remua pas, à l’abri de son inconscience. D’ailleurs il m’a fallut trancher quelqu…[/rature rature rature] lui a été administré. Fort heureusement je suis arrivé suffisamment tôt pour lui administrer les premiers soins. Il a été ramené et est encore vivant. Ses chances de survies sont minces mais existent.
Nos prières l’accompagnent.

Maje Titi


Le petit bonhomme grimaça. Rédiger ce genre de courrier n’était guère dans son habitude et cela se voyait aux multiples ratures. Il était néanmoins trop las pour la remettre au propre. Se tournant à demi il interpella Marko et lui tendit la missive cachetée:

Page Mako, quand t’auras fini de roucouler, y a une missive à apporter à la princesse Jusoor.
Elle souhaite certainement des nouvelles de son père alors traine pas.


Il avait volontairement appuyé sur le mot princesse histoire que sa lettre ne finisse pas dans la boue à cause de sa pique.
Il soupira et fit craquer son cou. Fichue journée. Le Roy mort ou presque, son jetteur de flamme détruit, encore des morts, la souffrance omniprésente…
Titi prit enfin le chemin de l’auberge où il avait laissé son épouse quelques jours plus tôt. Après les nouvelles atrocités qu’il avait du endurer, la peur qui s’était insinué dans ses os, il brulait de la retrouver. Une douce euphorie le gagnait à mesure des pas de son vieux cheval. Rescapé, il avait soif de se sentir pleinement en vie. Il donna un petit coup de rêne un fin sourire sur le visage :


Hue vieille carne.
Trognon m’attend !

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Finn
Le partisan de la Nouvelle Opinion qu'était Humbert répondit à l'appel tacite non sans ironiser l'entretien particulier de l'Irlandais avec le Seigneur. Peu importait, il était là et nul doute que ce n'était pas pour regarder passer les vaches.

La promise couchée en travers de sa monture, l'homme d'arme se hissa derrière avec le soulagement d'avoir le Savoyard pour couvrir son flanc. Il n'avait d'ailleurs pas eu besoin de réclamer qu'il veille à leur garantir une percée à travers la foule de belligérants pour que le chevalier s'en acquitte prestement. Ils passaient à côté de la bataille, le sort en avait voulu ainsi.

Une pointe de désespoir traversa la fente de son armet et s'échoua sur le corps sans vie de Rosalinde. Sentiment sur lequel l'Irlandais n'eut le loisir de s'appesantir alors qu'une déflagration tonitruante vînt griller la queue de son cheval, le lançant à toute berzingue à la suite de l'alezan d'Humbert.


- « Quelle est cette diablerie ! », s'éberlua-t-il, les mains trop occupées à sauver ce qu'il restait de sa future épouse pour se signer.

Le haut de la colline rapidement gagné, la bataille semblait avoir connu son lot de malheurs. Des blessés gisaient de part et d'autre du campement de fortune dédiée aux soins et autres barbaries approuvées par la science. Les bras tremblant et le cœur serré, il recueillit Rose entre ses bras afin de léguer son sort aux services compétents. Visière relevée brutalement et prunelles charbonneuses figées dans leur orbite par la contemplation douloureuse de la jeune rousse s'éloignant entre les mains des barbiers.


- « Merci mon vieux. Il semble que nous soyons quittes. »
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Herode
[Nuit du 4 au 5 décembre 1460 – bataille d'Essoyes / Armée « La Compagnie d'Artus »]

C'est fou ce que le temps passe vite, parfois. Etienne connait déjà cette sensation. En face du groupe d'archers où il se trouve, plusieurs détachements de fantassins légers évoluent rapidement et se rapprochent de leur position avec l'intention évidente de les déloger. Une rangée de piquiers, à cinq mètres d'Etienne, est chargée de contenir un éventuel assaut de cavalerie.

Le bras du sergent se lève. Les yeux d'Etienne quittent le centre du champ de bataille. Deux vagues d'hommes et de chevaux viennent de s'y entrechoquer. On entend jusqu'ici le fracas des armes brisées, des armures lacérées, les cris de joie féroce et la clameur des corps broyés. La vaste prairie, ses herbes basses, ses buissons maigres qui plient au vent, tout a disparu dans la houle des chevaux, des armures et des fanions. L'étendard au Lys et celui au Corbeau flottent là-bas, au coeur de la mêlée. Le Roy doit être par là. Eusaias, le Balbuzard, que la couronne n'a point châtré assurément, fait fi de toute prudence. Avec la nuit qui vient, la lumière est trop faible pour que l'on puisse reconnaître quelqu'un dans ce tumulte. Où sont-ils, ses compagnons de lance ?

Le bras du sergent se lève. Etienne ramène son attention devant lui. L'arc levé, les doigts fermés sur la corde tendue, il attend. En face, les hommes de Thoros continuent de quitter leurs positions pourtant avantageuses et convergent vers le centre de la bataille. Tant mieux... Un cor résonne pour appeler les soldats à se regouper. Cest l'Ost qui sonne. Un trait de cuivre clair dans le laiton du ciel qui s'éteint.


Le bras du sergent s'abaisse. Les guêpes de fer et de bois filent en chuintant. Elles font un trait de brume grise contre la brume grise des cieux.

Le bras se lève. Derrière Etienne, la seconde rangée d'archers s'apprête.

S'abaisse. Des corps s'affalent au sol, disparaissent dans l'herbe grise.


Se lève. Etienne a posé sa nouvelle flèche contre le bois souple de l'arc. Quelque chose s'enflamme et explose, assez loin sur sa gauche. Ha, le petit Maje n'est pas loin ! Etienne sourit et oublie. N'entend plus rien que le murmure féroce de son trait, tendu, frémissant, avide de jaillir. Tête d'acier soiffard, barbelée, je sens ta peau frémir tant tu as faim et envie. La lumière rouge des flammes qui montent soudain du bas de la colline dansent sur ta pointe de métal. Tu souris, mon acier frelon.

S'abaisse. Va, la nuit t'appelle. Tu la traverses en sifflant, tu poses ton baiser froid dans la chair et dans l'os. Pense à moi qui t'envoie quand tu boiras les flots âpres de la bile et du sang.

Se lève. S'abaisse. Se lève...

L'air est un nuage d'acier. Il noie les hommes aussi bien que de l'eau. Pris de flanc, le groupe de mercenaires ennemis reflue soudain en désordre.

- Le Roy est tombé !

Un cri sur sa gauche. Un flottement dans les rangs. C'est le moment crucial des batailles. La première armée qui flanche, perd. Déjà, un homme lâche son arc et tourne les talons. Un cri. Une lame rougie qui se dresse au dessus du fuyard effondré. L'officier en charge des lanciers fait un pas puis s'élance en avant.

- Pour la Roy et la France !

Les hommes hésitent une fraction de seconde. Puis un lancier se redresse et s'élance derrière l'officier, un second, et la rangée entière.

- Tirez à volonté, couvrez les nom de dieu !

Miracle. Entrainés par l'officier anonyme, les hommes oublient la peur qui les a saisis en voyant basculer l'étendard royal. Aux cris de vive le Roy ! Cosnes et Montjoie ! Nevers ! Mâcon ! Saignez les ! au lieu de fuir, les hommes s'élancent furieusement dans la bataille.

Les flèches visent un peu plus loin à présent, il s'agit de gêner le déplacement des renforts mercenaires.

C'est fou ce que le temps passe vite, parfois... Enfin, le fracas se tait.

Les hommes ont reflué. L'armée de Thoros abandonne sa position et se retire dans l'ordre tandis que les soldats de la Compagnie d'Artus, trop épuisés pour les poursuivre, relèvent morts et blessés.

Le Roy est tombé, et d'autres avec lui. Les corps jonchent le sol, hommes et chevaux entremêlés. Etienne avance lentement. Il a une torche à la main. Devant chaque blessé qu'il croise, il abaisse la flamme pour scruter son visage. Connu, inconnu ? Inconnu.

Un jeune soldat rampe devant lui. Sa jambe a été broyée. Ses yeux révulsés par la souffrance semblent prêts à jaillir de ses orbites. Son visage est maculé de boue, de sang. Etienne s'agenouille près de lui.


- L'étendard de Bouillon, l'as-tu vu ?

Le garçon fait un mouvement du bras, bredouille des mots sans suite. Sans doute n'entend-il plus. Etienne soupire, change sa torche de main, passe le bras de l'homme autour de son épaule et se redresse.

- Accroche-toi à moi, on a va trouver où te poser.

Une fine neige commence à tomber. Des appels. Une voix connue de lui, sur sa droite, donne des ordres calmes et froids. Etienne oblique dans sa direction. Il reconnait ce velours clair et glacé. Et il a répondu à son appel pour venir se battre ici, ou ailleurs, sous les couleurs du Balbuzard.

A cinq pas de la cavalière, il s'arrête. L'homme accroché à son épaule gémit. A un hoquet.

- Ma Dame, je suis heureux de vous revoir. Le choc au centre a été rude...

Ses regards explorent les ténèbres qui s'amoncellent autour d'eux. De plus en plus de torches y dansent.

- Ernst ?

Invisible. Mauvais signe...

- Il aura sans doute été blessé dans la bataille. Nous le retrouverons au camp, ou dans une des tavernes de Troyes. Vous savez, les teutons sont indestructibles quand ils ont de la bière à moins d'un jour de marche.

Il rit. Cela soulage, même s'il n'en sait pas plus que cela sur le sort de l'allemand. Mais il faut bien se donner quelque espoir, tant que l'on peut. Ses yeux se posent à nouveau sur Jusoor de Blanc-Combaz

- Vous n'avez rien ?

Il neige à présent. La nuit épaisse désormais n'est plus que brumes blanches, feux qui dardent dans l'ombre, pas et gémissements. Le froid qui vient tuera rapidement ceux que l'on n'aura pas ramassés.
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Etienne LaHire, dit Herode
Rosalinde
Une explosion. Il n'en fallut pas moins pour sortir la Rose de l'inconscience dans laquelle le violent coup qu'on lui avait porté sur le crâne l'avait plongée. Le Maje Titi n'avait décidément pas son pareil en terme de techniques médicales originales.

Éveillée, plus ou moins, c'est un cri qui la sort de sa torpeur, et la force d'une poigne autour de son bras, qui semblait vouloir la maintenir. Inexorablement, elle se sentait glisser, mais cette main l'empêchait de choir au sol. Des mouvements brusques, le corps du cheval lancé au galop qui se meut contre elle. La voix, celle du cri. C'est celle de Finn, elle la reconnait. Que fait-elle ici ?

Maladroitement, elle tente de redresser la tête, pour apercevoir le monde alentours. Peine perdue, un rideau de boucles rousses l'aveugle.
Que faire ? Rien. Se laisser porter, attendre, rassérénée par l'idée que l'Irlandais n'est pas loin. Que pouvait-elle envisager d'autre, de toute façon ? Elle n'avait la force de rien, comme vidée de toute énergie.

Quelques foulées plus loin, c'est la douleur qui se réveille. D'abord sourde, elle se mit ensuite à lui vriller le crâne, lui arrachant un gémissement de douleur, qui sans doute se perdit dans les hurlements de la bataille.

Encore un bout de chemin, et les voici arrivés. Redressée, elle y voit enfin clair, toute cette lumière soudaine l'aveugle un instant. Il lui semble être dans les bras de Finn. Elle ne saurait exactement le dire, et tout ce métal froid, et sa plaie... Les yeux toujours mi-clos, la voilà transvasée dans les bras d'un autre homme, qui lui ne porte pas d'armure. Tout est si flou... On l'éloigne. A nouveau la voix s'élève, lointaine, elle ne parvient pas à identifier le contenu de ses paroles. Mais c'est lui.

Effort surhumain pour relever la tête et la tourner, vers la gauche. Oui, c'est bien lui. Nouveau sursaut de vigueur et un bras se tend vers l'Irlandais, au bout duquel ses cinq doigts se referment sur le vide, comme si elle avait voulu l'attraper et l'attirer à elle, en vain. Deux secondes plus tard, la main retombe, inerte, et la tête d'une Rose de nouveau inconsciente vient se loger contre l'épaule du barbier.

Lorsqu'elle se réveille à nouveau, l'environnement a changé. Le calme, le merveilleux calme, simplement entrecoupé de quelques gémissements plaintifs. L'infirmerie. Battements de cils et paupières qui s'ouvrent enfin. Il fait nuit, et seule la lueur d'un feu crépitant dans la cheminée éclaire la pièce. La première chose qu'elle fait est de le chercher, mais de fiancé il n'est point. La seconde est de porter la main à sa plaie, dont la douleur est sensiblement atténuée par l'effet des calmants qu'on lui a administré. La pulpe des doigts rencontre le tissu rugueux d'un bandage.

Que s'était-il passé ? Comment était-elle arrivée sur le champ de bataille ? Aucun souvenir ne lui revient en mémoire. Trop faible pour faire quoi que ce soit, elle se résolut d'adopter l'activité la plus saine dans son état, et se rendormit tranquillement, remettant l'inquiétude à demain.

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Revenge is a dish best served nude ! - Dr Sheldon Cooper
Aymon
La guerre, cette grosse rigolade - du moins, c'est ce que s'était dit Aymon, en se souvenant de la première fois qu'on l'avait envoyé, flanqué de son acolyte d'alors, Danavun, tenir un siège. On l'avait seriné d'anecdotes toutes plus ragoûtantes les unes que les autres (des histoires de tripes qui volent, de cervelle qui gicle, tout ça) et formé au maniement des armes. Et au final, il n'avait pas eu à faire grand chose. Il s'était donc mis en chemin avec le sourire aux lèvres - son sourire niais d'adolescent un peu limité - et la fleur à l'épée. La dernière fois, ç'avait été de vraies vacances.

Son sourire s'était peu à peu décomposé lorsqu'il s'était retrouvé parmi la masse, à attendre l'assaut, l'épaule au niveau du genou d'Aimbaud, monté quand à lui sur son destrier caparaçonné. Sa cotte de mailles miteuse et son calot de cuir lui paraissaient bien dérisoires contre les types d'en face, qui semblaient brûler d'envie d'en découdre, et toutes les anecdotes précédemment citées lui revenaient en mémoire, charriant avec elles un tas d'images mentales où il s'agissait de SES tripes et de SA cervelle. Il déglutit avec difficulté. L'armée d'en face frappait ses écus et beuglait des insultes, et, si tous autour de lui avaient l'air calme et déterminé, il n'était pas loin de compisser ses chausses. L'air sentait la sueur et la rouille, on entendait grogner les hommes et renâcler nerveusement les chevaux, et dans la forêt de lance alentour, ce n'était que lueurs de lames et reflets d'acier.

Puis soudain, sur un cri du roi qu'il ne distingua que peu, l'assaut fut lancé. Il se mit à courir où il pouvait, tentant de se maintenir dans le sillage de Lugh, les tripes nouées. Toutes les leçons d'Aimbaud sur comment manier le bout de fer qu'il tenait dans sa pogne droite lui semblaient maintenant fort lointaines, et surtout parfaitement inutiles.

Qu'est-ce qu'il fichait là, déjà ? Il ne savait même pas vraiment contre qui ils se battaient. Des Angevins - qu'est-ce qu'on avait bien pu leur faire, aux Angevins, pour qu'il leur prenne l'envie de les hacher menu, le Roy et, surtout, eux tous ? Cette manie de son maître de se lancer dans ces choses -- son maître. Un regard vers Aimbaud, fringant sur son palefroi, l'air d'avoir été né pour la guerre...Le voilà qui se retourne vers lui, et lui lance un tonitruant :


JOSSELINIÈRE TE FOUT MISÈRE ! Aymon, après moi !

Juste avant de dézinguer proprement un type armé d'une lance. Aymon le regarda bouche bée s'élancer à nouveau dans la bataille.
Il suait à grosses gouttes en tentant d'éviter les coups, suivant Lugh du mieux qu'il pouvait, à moitié paralysé par la terreur. Les épées déchiraient l'air, le vacarme était assourdissant. Un instant plus tard, un colosse à barbe noire se dressait devant le valet de toute sa haute taille, l'épée levée, l'air réjoui d'avoir trouvé son entrée en matière.

Il para instinctivement, et le choc, vibrant depuis son bras jusqu'à ses orteils, l'électrisa. Vivre. Il fallait vivre, maintenant. Un cri inarticulé monta de sa gorge, et il s'élança l'épée en avant, surprenant l'autre qui ne s'attendait sans doute pas à ce que le gringalet oppose une quelconque résistance. Il sentit les mailles céder sous sa lame, et son épée traverser la chair. Le sang macula ses mains et son visage. Il n'en revenait pas.

J'l'ai eu ! Cré-foutre-bleu - j'y ai taillé ses chairs, à ce scélérat ! Maître !

Le maître en question était déjà plus loin dans la bataille, cherchant à rallier la bannière aux fleurs de lys, écumant de rage de vaincre. Il pressa le pas pour le rejoindre, la peur toujours au ventre, mais additionnée d'une exaltation sauvage. Une autre silhouette surgit devant Aymon, lui barrant la route : agacé, il esquiva un coup en se baissant, en para un autre, et se fendit en avant, sentant au passage qu'il éraflait le flanc de l'autre. Les mouvements appris dans les cours boueuses des écuries de Nemours payaient.

Haro ! Sus aux marauds ! J'accours, maître !

Il s'élança à nouveau et vit le marquis choir juste devant lui, jeté à bas de Lugh, et lui prêta son épaule, avant de se précipiter vers le lourd destrier qui ruait, pris de panique.

Tout doux, Lugh ! Calme !
Son ton contrastait avec ses paroles, mais impossible de calmer les tremblements dans sa voix - le choc de sa lame contre celle de l'autre vibrait encore dans tous ses membres. Mais le cheval d'Aimbaud de Josselinière était une bête de prix, Aimbaud lui-même était occupé près du roi, et il lui échoyait donc d'empêcher l'animal de fuir. Il saisit la bride.

Un instant, le grand quadrupède parut s'apaiser. Aymon s'approcha avec toute la circonspection dont il était capable, prit son élan, mit un pied à l'étrier...

Et Lugh partit au triple galop. Il n'eût que la force de s'accrocher à son encolure et, balloté en tout sens, hurlant des imprécations à l'animal, il vit le champ de bataille s'éloigner à une vitesse effroyable.






Citation:
05/12/1460 04:05 : Vous avez frappé Chloe__. Ce coup l'a blessé superficiellement.
05/12/1460 04:05 : Vous avez frappé Inconnu. Vous l'avez grièvement blessé.
05/12/1460 04:05 : Vous avez été attaqué par l'armée "Aleae Furor VI" dirigée par Thoros.

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Marko


Ralala, ce beau-père !! Le pire qu'on puisse trouver, toujours le sarcasme à la bouche !

Marko rougissant retira vivement ses doigts qui écartaient une mèche rousse du front de la jeune fille et fronça furieusement les sourcils vers le Maje. Mais puisqu'il était question de la fille du roi... il arracha le courrier des mains de Titi et d'un air hautain, s'éloigna en direction des groupes de soldats et de chevaliers qui arrivaient.

Au bout d'un long moment d'errance, il repéra les couleurs de Jusoor et se précipita vers elle et l'homme qui l'accompagnait.


Princesse, princesse ! Un pli urgent pour vous... Des nouvelles du roi.

Essayant de masquer la mauvaise nouvelle qu'il devait porter sur le visage, le jeune brun grimaça.
Saanne
Comment tomber au champ d'honneur sans même avoir dégainé son épée ?

Humbert faillit bien l'apprendre à ses dépends s'il n'avait pas perçu à temps le tonneau plein de mélasse dévaler la colline. L'objet douteux avait échu non loin de leur position, et le savoyard eut la bonne inspiration d'obliquer à l'écart de la traîné de liquide qui prenait désormais... Feu ?!!!!!

La scène se déroula si rapidement que la surprise fut aussitôt détrôné par l'affolement des chevaux qui s'élancèrent au triple galop dès qu'une puissante déflagration retentis derrière eux. Le chevalier manqua d'être désarçonné tandis qu'un énième juron de son compagnon lui certifia qu'aucun n'avait été touché par ce furieux sortilège.

Au moins cela leur facilita la retraite, puisque le désarroi général provoqué par l'explosion leur permit de regagner les hauteurs sans heurt et plus rapidement que prévu.

La promise était sauve, les deux cavaliers avaient avaient accompli au moins un acte de bravoure plutôt que de combattre, et de toute manière les rangs alliés et ennemis commençaient à s'étioler devant la masse de cadavres et de blessés...

Humbert se signa, résigné à ne point trouver d'explication sur ce qui avait pu se produire tout à l'heure. Et Finn de reprendre contenance peu à peu :
« Merci mon vieux. Il semble que nous soyons quittes. »

- Jusqu'à la prochaine messire Cazayous, mais que diriez-vous plutôt d'aller prendre un verre ? Je doute que nous chargions désormais, et je vois qu'une carriole s'en vas déjà recueillir nos blessés.


On ne retiendra pas grand chose de leur rôle dans la bataille d'Essoyes. D'autant que dans l'opération, la nouvelle de la blessure du Roy ne leur parvenue pas tout de suite... Néanmoins, le campement était sous bonne garde !
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Jusoor
[Nuit du 5 décembre 1460 – bataille d'Essoyes / Armée « La Compagnie d'Artus »]

Le destrier avait été retrouvé, ou un congénère, et Jusoor de nouveau juchée sur la selle, laissait planer sur le champ de bataille son regard aussi froid que la nuit. Sous cette lumière âcre faite de feux incertains et irréguliers, il n'y avait rien de glorieux, pas même les incertains et rares flocons qui s'invitaient : de la boue, de la boue mêlée de sang, des corps désarticulés, des gisants silencieux et parfois, chanceux encore, des gisants geignants. Epars sur ces vestiges d'une bataille, des hommes debouts, qui s'activaient le coeur lourd. A chaque fois que nécessaire, à leur attention, la voix de Jusoor s'élevait, intransigeante et imperturbable. On n'abandonnait pas les compagnons. Les autres, ils s'en occuperaient plus tard. Ou pas.

L'assurance était fièrement affichée, mais néanmoins bien imitée. Dans sa tête, c'était un feu inquiet qui la dévorait. Parmi les vivants et les blessés, nulle part n'apparaissait le visage de son balbuzard de père, ni même celui d'Ernst. Et non, elle n'irait pas retourner les morts, l'idée même de les y trouver, l'un ou l'autre était inconcevable. Son coeur, bien que plus élevé de cette hauteur chevaline que celui des hommes sur le champs, ne lui en paraissait pas moins lourd. Trop. La petite redressa les épaules.


- Ma Dame, je suis heureux de vous revoir. Le choc au centre a été rude...

La voix est familière malgré le trop peu d'occasions et son propriétaire en est immédiatement reconnu. Les azurs troublés se fixent sur lui et bien qu'ils n'en soient guère atteints d'un éclat, Jusoor sent bel et bien une certaine joie la toucher.

Etienne... Je suis heureuse également de vous voir. Particulièrement en cette visible santé. Les combats ont été rudes oui. Laisse passer quelques instants et reprend, de nouveau sombre. Et non. Pas d'Ernst alentours. J'ignore où il est. Sans doute là où vous le dîtes.

Elle laisse un nouveau regard planer autour d'elle et saute à bas de cheval.

Je vais bien, merci de vous en inquiéter. Ce qui n'est pas le cas de cet homme que vous avez amené jusqu'ici. Hissez-le donc sur mon cheval Etienne. Ici, notre charge se termine et il est de ceux qui ont besoin de soins. Conduisons-le. De plus, quelques pas à vos côtés me seront agréables.



[En chemin vers Troyes et son dispensaire]

Parfois silencieuse et pensive, ou simplement exténuée, parfois presque bavarde pour chasser des pensées dérangeantes, Jusoor n'avait pas quitté son compagnon. De nouveau il lui servait d'appui, mais pouvait-il seulement s'en douter ? Côte à côte ils rejoignaient Troyes, entourés des autres membres de la compagnie. Fussent certains morts.

Au bout de quelques lieues une agitation troubla les rangs mornes de l'armée victorieuse et Jusoor en chercha la raison. Celle-ci lui apparut sous les traits du jeune garçon rencontré à Bouillon. Fils de Linon et du Maje... à peu de choses près. Ce dernier semblait la chercher et sans attendre l'interpella. Mais la joie ne transparaissait pas dans sa voix, juste la hâte. L'expression du môme réunissait de même tous le nécessaire pour nourrir les inquiétudes de Ju.

Elle prit le velin et le déroula. Malgré l'aube naissante, sa lecture nécessita la faveur d'une torche voisine.

S'il était possible dans le visage déja fatigué, la pâleur s'accentua alors que le regard effleurait le parchemin. La main froide saisit la manche d'Etienne alors qu'un frémissement la prenait et qu'une angoisse naissante lui serrait la gorge. Elle déglutit et regarda un moment son compagnon avant de chasser de ses yeux toute incertitude par plusieurs battements de paupières. Après s'être éclaircie la voix elle reprit à l'attention du garçon :


Je te remercie de t'être hâté Marko. Il n'y a pas de temps à perdre. Nous ne devrions plus être si loin, je pars avec toi. Lachant la manche d'Etienne elle leva un regard ferme sur lui. Je pars devant, ces nouvelles-ci ne sont guère bonnes et je voudrais déja être au dispensaire Troyen. Viendrez-vous avec moi ?
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Herode
[En chemin vers Troyes et son dispensaire]

Etienne et l'aînée du Balbuzard marchent à présent côte à côte sur la route qui ramène au campement établi près de Troyes. Aux yeux du nivernais, la scène semble tout à la fois familière et terriblement irréelle. La nuit qui s'évanouit dans des lambeaux de brumes blêmes, la fatigue qui empèse leurs pas, se conjuguent et embrument peu à peu son esprit. Mais l'impression d'irréalité vient d'ailleurs. Mélange des temps et des lieux, tourbillon noir des voix. Un souvenir...

Ils avaient déjà marché ensemble il y a quelque temps de cela. C'était à Dijon, Eusaias était en train de devenir Roy. Un quiproquo avec le Maje et la Marquise Angélyque, un curé grognon qui ne voyait pas d'un bon oeil la candidature du Balbuzard, une brune future princesse qui surgit vengeresse sur l'esplanade dorée de soleil et saupoudrée de feuilles. Ainsi, en quelque sorte, avait-il fait de Jusoor la connaissance. Une Corbelette (la corbelette est la petite femelle du corbeau, comme chacun sait) qui le fusille du regard. Un Maje qui éblouit la Corbelette (ha, ce Titi, un vrai tombeur celui-là !). Mais c'était à son bras lui, Etienne (pas peu fier de l'affaire !), que Jusoor avait gagné l'Hôtel de Ville où l'élection de son père avait été proclamée. Ils avaient devisé, alors, comme aujourd'hui. Lui était d'humeur badine, la conversation avait été aimable, spirituelle, superficielle. Elle lui avait semblé intelligente, volontaire et même capricieuse, sérieuse parfois à en faire sourire son cavalier du moment, charmante donc. Etienne n'est pas homme du monde ni guère tenté par cela. Il aurait pu l'oublier sitôt tourné les talons. Pourtant, la jeune femme avait eu ce jour là un petit quelque chose d'indéfinissable qui avait fixé son visage et sa voix dans la mémoire de notre nivernais. Ce même petit quelque chose qui avait poussé Etienne à répondre à son appel au lieu de juste froisser la lettre en se disant : caprice de gamine gâtée, elle trouvera bien d'autres gars avides de se pavaner et de mourir pour ses beaux yeux.

Il faisait bon ce jour là, un vent frais tombait du Nord qui vous réveillait tous les sens et vous donnait envie de marcher droit devant, juste pour sentir vibrer le monde qui babille encore comme un môme avant le grand sommeil de l'hiver. C'était un bel automne, c'était il y a des années, des siècles.

Et ce matin de décembre, la boue leur éclabousse les chausses jusqu'aux genoux. Leurs capes sont empoussiérées de neige fine. Le vent du Nord encore, mais celui-ci porte l'hiver pâle et long qui rampe dans les fossés, qui glapit aux volets, qui charbonne le ciel et vous gèle les doigts. Autour d'eux, les hommes parlent à voix basse, les blessés gémissent, agonisent parfois. De temps à autre on croise sur le bas-côté un homme affalé, trop épuisé ou trop blessé pour continuer à marcher. Des brancardiers exténués remontent les rangs des soldats qui refluent en silence vers la ville pour ramasser ceux-là ou les aider à se relever. Pour leur fermer les yeux quand le regard se fait fixe et vitreux.

Etienne et la princesse marchent à nouveau côte à côte, comme naguère. Comme naguère ils devisent calmement. Parler chasse le froid, la faim, les crampes dans les mollets, l'inquiétude. Ils parlent comme alors mais ce sont d'autres images, d'autres mots. Ils parlent avec gravité, la guerre est autour d'eux aujourd'hui, en eux, ils ont baigné dans ses cris, elle pousse encore dans l'aube ses clameurs de faucheuse. Ce sont aussi parfois des évocations plus légères d'autres gens, d'autres lieux. Parfois encore le don fragile et réciproque du silence ou chacun écoute les voix en soi. Le nivernais écoute sa compagne. Elle a la même voix qu'alors, mais sa voix n'a pas la même couleur. Autre temps, autres âmes. Etienne écoute et dessine en esprit des silhouettes complémentaires. Il y a tant de facettes aux gens, il est si facile d'en oublier. La Blanc-Combaz dans le monde et les courtisans de Dijon, et celle qui bat des ailes sur le champ de bataille où son père est tombé. La même et une autre. Tant de facettes à l'âme...

Son père... Ils n'en ont pas parlé. Etienne sait que l'étendard du Balbuzard a basculé. Là où se trouvait son groupe d'archers, la vue sur le champ de bataille était assez bonne pour cela. Il a entendu les cris d'effroi de ses compagnons d'armes, et il a vu de loin la mêlée. Jusoor, dans la mêlée, qu'a-t'elle vu ?

Elle n'a rien dit, semble éviter le sujet à dessein. Il l'a aidée à parler d'autre chose pour étouffer la peur. Lui, personnellement, il s'en fiche un peu, au fond. Eusaias, Roy de France certes, il valait mieux que d'autres sans doute, il aimait bien son style, sa prestance, sa gueule, quoi ! Mais les Roys passent, trépassent, la France demeure. Un père, c'est autre chose... Un peu moins qu'un dieu, mais tellement plus qu'un roi. Etienne se rappelle le sien, il y a si longtemps... Il frappe le fer rougi dans sa forge. Il est fort, il parle d'une voix grave comme la montagne et les cieux, il les nourrit et les protège. C'est la Vie, c'est un Titan. Un père, c'est autre chose pour elle aussi, il le devine mieux encore quand approche le jeune garçon porteur du pli et que Jusoor agrippe soudain sa manche.

Il se rapproche d'elle mais elle ne tombe pas, ne tangue pas. Son regard d'acier cille à peine. Presque rien. Un battement de cils. Un Balbuzard ne gémit pas, non plus sa Corbelette de fille. Pas besoin d'être grand astrologue pour deviner le contenu de la missive.


- Ma Dame, je vais avec plaisir partout où vous avez besoin de moi, répond Etienne. Mais s'il faut presser le pas, quittez d'abord votre armure sinon, toute Blanc-Combaz que vous soyez, vous allez vous effondrer d'épuisement avant d'avoir fait une lieue.

Sans attendre l'accord de la jeune femme, le nivernais fait signe au jeune coursier qui vient d'apporter la funeste nouvelle.

- Enlève lui ses jambières, garçon, je l'aide pour la cuirasse.

Passant derrière Jusoor, Etienne entreprend de dégrafer les attaches qui maintiennent sa cape puis, dans le dos, les lacets et crochets qui resserrent les mailles protectrices. Arriver à se battre avec de si encombrantes armures, voilà un point ce qui a toujours étonné Etienne. En tant qu'archer, son équipement est évidemment assez léger. Mais jadis, quand il combattait Anglois et routiers sur les chemins de France, il s'était toujours battu avec un simple haubert de cuir bouilli, et cuissardes parfois, jamais rien de plus et surtout jamais de ferraille. Etienne privilégiait la mobilité et la souplesse sur la force. Du reste, il n'usait point d'armes nobles comme masse ou épée. Il travaillait à l'arc, au couteau, à la hache légère parfois quand l'adversaire était aussi légèrement équipé que lui. Il esquivait, faisait tomber ses adversaires, soulevait les visières et plongeait sa lame dans les yeux, écartait les plaques de métal et tournait sa lame dans les chairs, soulevait les heaumes pour découvrir la gorge et trancher. Jamais force contre force, jamais poids contre poids. Il fallait bouger vite, plonger, viser juste, frapper comme la guêpe, bouger encore. Danser.

- Comment faites-vous pour combattre avec toute cette ferraille, ma Dame ?

Il s'est penché un peu et, dans son dos, parle près de son oreille.

- Pour la prochaine bataille, je veux être auprès de vous et vous voir à l'ouvrage, cela promet d'être fascinant.

Il sourit en l'aidant à faire glisser par dessus la tête le lourd corset de mailles qui la protège. Peut-être un peu de légèreté l'aide-t-elle à soulever le fardeau de ces moments pénibles ? Si elle ne l'irrite pas.. Pour le savoir, il faut essayer. En dessous du corset, une chemise légère et une veste de simple toile pour éviter les frottements trop vifs sur les chairs. Il pose à nouveau sur les épaules de la jeune femme la cape brodée qui coupe vent et pluie. Il laisse ses mains là, un peu pour retenir la cape tandis que Jusoor replace les agrafes, un peu pour le simple plaisir de sentir vibrer sous ses paumes un petit fauve vif et tendu, prêt à bondir. Il devine son regard porté loin devant eux sur la route, là où elle veut aller.

Marko finit de détacher les jambières en grommelant. Etienne héle un garde passant près d'eux pour lui donner des instructions rapides : récupérer le matériel, l'amener à la tente de la princesse, trouver Ernst von Schlumpfnagel ou un truc du style, bref, son garde du corps attitré et savoir ce qu'il devient.

- Princesse, je vous suis. Au pas de course à présent ! Tu restes avec nous, gamin ?

Le petit groupe s'élance en direction de Troyes et de son hospice où arrivent depuis quelques heures déjà les premiers blessés.

- Au fait, fiston, ajoute Etienne à l'attention du jeune garçon avant d'être essoufflé par la course, tu connais la tradition dans les armées du Roy ? Celui qui apporte une mauvaise nouvelle doit être sacrifié au prochain coucher de soleil et on le fait rôtir pour le manger et conjurer le mauvais sort. C'est quoi ton nom et le nom de tes parents, qu'on les prévienne ?

Il rirait bien un peu du regard outré du brunet, s'il en avait le temps. Ca repose, parmi ces hommes qui marchent et meurent, de rire parfois à contretemps. C'est le flux de la vie, aussi : on marche, on se bat, on saigne, on court, on pleure, on rit, la nuit s'efface et revient. Au bout de la course, c'est toujours la même faucheuse qui t'attend. Alors, quoi qu'il arrive, profite bien de la course et du vent. Même si tu es épuisé, même s'ils sont amers, tu n'en auras pas toujours d'autres à te mettre sous la dent.

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Etienne LaHire, dit Herode
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