Nizam
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[Avant les négociations, la présentation.]
Le seize, le seize... Ça ne doit pas être loin, pourquoi donc la rousse avait-elle choisi la demeure située à l'autre extrémité de la ville ?
Nizam était à Limoges depuis ce matin, deux jours d'un si éprouvant voyage où les seules mauvaises rencontres qu'il fit furent des ronces mal placées sur son chemin. Définitivement, il n'avait aucune affinité avec les plantes. Ses bottes, fraîchement usées, foulèrent enfin les pavés de la cité, cette capitale que l'on disait plus animée que toutes les autres villes du comté réunies, pour le guérétois habitué à deux uniques tavernes le défi n'était pas trop difficile à relever. Le blond écoula ses premières heures à flâner à travers le marché, les rues, les ruelles qui lui faisaient tourner à plusieurs reprises le cou. N'ayant croisé que quelques badauds à Bourganeuf, l'animation qu'il voyait aujourd'hui l'avait rassuré, adieu auberge éternellement vide. Le centre présentait une vie bouillonnante et riche. Surtout riche. Note cérébrale : penser à chercher les endroits malfamés dans cette cité au sang bleu, y'en a forcément, cela fait bien partie des lieux obligatoires d'une ville accomplie.
Lui, épaules recouvertes d'une cape bon marché, là pour le protéger du froid vous piquant déjà la peau en cette fin d'automne, il ne brillait pas avec sa dizaine d'écus en poche, ni son bâton et ce qu'il trainait dans sa besace de cuir. Il avait une drôle d'impression dans certains quartiers; Limoges, la ville avec trois nobles pour un gueux ? Vous m'étonnez qu'il y ait de l'argent à se faire dans le coin... D'ailleurs n'était-il pas venu pour cela ? Fauché par ses dernières acquisitions et en sérieux manque d'actions concrètes, le balafré avait saisi l'opportunité que lui offrait une jeune rouquine. Il avait apprécié la correspondance qui s'en était suivie, la nobliote à qui il avait indirectement proposé ses services armés l'avait encore surpris depuis leur rencontre "marine" lors de la joute verbale. Sa méfiance naturelle l'avait forcé à tempérer son engouement, malgré les descriptions de Mahelya, il ne savait pas précisément dans quoi il s'embarquait, si ce n'était que le salaire à la clé avait l'air suffisant pour qu'il se déplace. Sans parler de toutes les conditions intéressantes que lui avait énoncé la tribun, logé, nourri, la monture offerte - l'étalon, non les lunettes, pour ceux qui ne suivent pas - et puis d'la brioche quoi... Elle lui avait parlé dernièrement des talents de sa cuisinière, en bon gourmet - comprenez goinffre - qu'il était il ne pouvait résister davantage.
Il devra certainement revoir les modalités du "contrat" le liant à la noble, que les choses conviennent à l'employeur et à l'employé, à lui de négocier sa paie et de mettre les pendules sur les "i", comme dirait l'autre, concernant leur affaire. Rendra-t-elle cela officiel au point de lui donner un parchemin à signer ? Se contentera-t-elle de la parole du balafré ? Sera-t-elle seulement là lorsqu'il se présentera à l'adresse qu'elle lui avait donnée dans ses lettres ?
Foutue adresse à ce propos, il tournait en rond. Blond certes, mais d'habitude son sens de l'orientation lui permettait de s'en sortir. Mettant un terme à son vagabondage citadin, il demanda sans grande amabilité, celle-ci ayant disparu avec sa patience, la direction exacte pour trouver le seize rue de la Justice - quelle ironie le nom de cette rue...
- A gauche et t'as qu'à r'monter mon gars, c'est au bout !
Étouffant un léger merci dans sa barbe claire et mal taillée, il suivit l'indication, constatant alors toute la longueur de ladite rue. Elle n'aurait pas pu choisir plus en retrait, hein ? Ce n'était pas comme s'il était venu pour visiter toutes les impasses de la ville. Le râleur arriva enfin à destination, faisant face à une bâtisse plus imposante. Il la fixa un court instant, souffla, et s'avança pour donner quelques coups contre la solide porte. Nizam attendit, pas d'inquiétudes, pas de craintes non... Juste son nez et ses extrémités entrain de geler avec ce temps humide, qu'on lui ouvre !