Rosalinde
- [Préambule : De l'utilité d'une introduction.]
A tous ceux qui débarquent, il appert que Finn d'Pommières et la grande, la belle, que dis-je la magnifique Rosalinde (aka l'ex intendante de Judas, vu que c'est surtout comme ça qu'on la connait, ne nous voilons pas la face) vont se marier. Notez également l'impartialité de la narratrice.
La courte (haha) scène qui suit aura lieu le matin du mariage, soit le 12 décembre 1460.
Merci de votre attention, et prenez garde à l'intervalle entre le marchepied et le quai, surtout.
- [Introduction : Ça se dispute.]
Arrivée de Finn, qui fait tourner sa clé personnelle dans la serrure avec peine, vaguement éméché. Rosalinde, pour sa part, est dans son bain, en train de s'épiler les jambes avec une sorte de mélasse odorante et pousse un cri et se planque sous l'eau jusqu'aux oreilles en entendant la clé tourner dans la serrure, et quelqu'un entrer. L'Irlandais pousse l'huis et se débarrasse de la neige sur sa huque en s'ébrouant.
- Ah, c'est vous.
Elle sourit, d'une oreille à l'autre, et se redresse, mais juste un peu. Lui envisage la promise, perplexe, en refermant derrière lui.
- Vous distribuez vos clés comme des petits pains?
- Non, mais... Je ne m'attendais pas à vous voir débarquer.
- Me serais-je trompé de jour?
- Oui. C'était hier.
Elle tente de rester sérieuse, malgré le sourire taquin qui se dessine au coin de ses lèvres. Finn marmonne et tente de se justifier.
- La route fut longue...
- Et moi, abandonnée devant l'autel !
L'Irlandais s'approche de la cuve dans laquelle la rousse se console.
- Vous avez l'air tout à fait déstabilisée, en effet.
Rosalinde rit, et lui vole un baiser au passage.
- Gaah vous êtes trempée !
- Et vous tout crotté !
Il ôte sa fourrure et la lance sur le pageot avant de s'asseoir dans son harnois sur un siège au coin du feu.
- Il a plu, neigé, et re-plu.
Rose plisse le nez en le regardant s'éloigner.
- Je veux bien vous croire. En tous les cas vous avez l'air ravi d'être ici. Ironique.
- Je le serai davantage une fois que je me serai réchauffé. Ça pèle dehors. Comment vous portez-vous?
- Bien mieux. J'ai eu l'autorisation d'enlever mon bandage pour aujourd'hui.
Elle sourit, et termine de se torturer les gambettes.
- Et là.. mais qu'est-ce que vous foutez?
- Je deviens douce.
La rousse arrache comme une brute et grimace de douleur. Finn semble toujours aussi perplexe par l'activité douloureuse de Rose.
- Ne regardez pas ! Vous auriez peur.
Il ne se fait pas prier pour détourner ses chastes prunelles de l'étrange spectacle.
- Hum.. alors, comment procède-t-on?
- On fait chauffer le mélange, puis on attend qu'il tiédisse. Ensuite on l'étale sur la jambe, on laisse refroidir, et puis on tire.
- Pas ça, le contrat !
- Oh ! Attendez un instant.
Rosalinde s'arrache une dernière bande, puis sort de l'eau, s'enroulant dans un drap de bain. Va récupérer un vélin sur la table, puis file à son tour se sécher au coin du feu.
- J'ai préparé un brouillon.
- Faites-moi voir ça.
Rosalinde le lui tend.
Citation:
Le douzième jour de décembre de l'an de grâce 1460, matin, sous le règne de Sa Majesté le Roy Eusaias, en la bonne ville de Troyes ;
Par ledit contrat prénuptial, promettent de se prendre pour légitimes époux, le dénommé Finn d'Pommières, fils légitime de ? et de ?, et Rosalinde Wolback-Carrann, fille légitime de feu Calum Wolback-Carrann et de feue Léonie de Chabannes-Mitara.
Pour supporter les charges de cette union, la fiancée apportera en guise de dot la ferme de sa propriété, et les vignes attenantes, situées près de la bonne ville de Sémur en Bourgogne. Elle confectionnera également son trousseau.
Le fiancé s'engage pour sa part à s'acquitter d'un douaire de mille écus, ainsi que d'une rente mensuelle de 200 écus destinés à l'entretien du ménage.
Une fois le mariage scellé, s'il s'avère que l'époux décède avant l'épouse, ses héritiers seront engagés à verser à cette dernière une rente mensuelle de 250 écus afin de lui assurer subsistance.
Le nom de jeune fille de l'épouse sera abandonné, et celle-ci adoptera le patronyme de l'époux.
L'épouse se réserve le droit de choisir le prénom de chacun des enfants qu'elle mettra au monde. Elle aura également pleine autorité sur les questions éducatives.
En cas d'adultère avéré, et si aucun pardon n'est accordé, l'époux fautif devra se retirer six mois dans un monastère ou un couvent. Si de ce péché un enfant venait à naître, celui-ci serait abandonné à l'assistance publique.
Par ledit contrat prénuptial, promettent de se prendre pour légitimes époux, le dénommé Finn d'Pommières, fils légitime de ? et de ?, et Rosalinde Wolback-Carrann, fille légitime de feu Calum Wolback-Carrann et de feue Léonie de Chabannes-Mitara.
Pour supporter les charges de cette union, la fiancée apportera en guise de dot la ferme de sa propriété, et les vignes attenantes, situées près de la bonne ville de Sémur en Bourgogne. Elle confectionnera également son trousseau.
Le fiancé s'engage pour sa part à s'acquitter d'un douaire de mille écus, ainsi que d'une rente mensuelle de 200 écus destinés à l'entretien du ménage.
Une fois le mariage scellé, s'il s'avère que l'époux décède avant l'épouse, ses héritiers seront engagés à verser à cette dernière une rente mensuelle de 250 écus afin de lui assurer subsistance.
Le nom de jeune fille de l'épouse sera abandonné, et celle-ci adoptera le patronyme de l'époux.
L'épouse se réserve le droit de choisir le prénom de chacun des enfants qu'elle mettra au monde. Elle aura également pleine autorité sur les questions éducatives.
En cas d'adultère avéré, et si aucun pardon n'est accordé, l'époux fautif devra se retirer six mois dans un monastère ou un couvent. Si de ce péché un enfant venait à naître, celui-ci serait abandonné à l'assistance publique.
- Les points d'interrogation, c'est parce que je ne connais pas le nom de vos parents, en fait.
Rosalinde l'observe, curieuse de sa réaction. Finn parcourt le parchemin de yeux, plissant le front un peu plus à chaque ligne.
- Mille écus !?
- Et bien, oui ! Cela me parait équitable.
L'Irlandais se racle la gorge, secoué.
- Soit. Mais qu'est-ce que c'est que ça? Vous voulez faire raquer mes fils?!
- Le douaire, il doit être constitué dès maintenant.
- Oui oui... Mais pourquoi vous voulez vous faire entretenir par ma descendance?!
- NOTRE descendance ! Vous préférez que je crève dans la misère et sans le sou si jamais vous veniez à mourir avant moi ?!
- Vous aurez bien assez des revenus de mes fiefs !
- Vos fiefs retourneront à vos suzerains à votre mort.
- Je suis sûr que certains, du moins, vous passeront à la vassalité.
- Et s'ils ne le font pas ?
- Et votre talent en négoce?
- Je serai vieille ! Mon pouvoir de persuasion en aura pris un coup.
- Ça tombe bien, mes suzerains étant des suzeraines, elles ne le remarqueront même pas.
- Et si elles sont mortes avant vous, et que leurs héritiers ne renouvellent pas votre vassalité ?
Il froisse légèrement le papier entre ses doigts, au pied du mur. Rose fait un aller-retour pour aller chercher un peigne, et se démêle les cheveux, continuant à l'observer.
- Bon bon.. mais vous n'aurez pas la primauté dans leur éducation ! Vous n'êtes vous-même pas très éduquée.
- Pas très éduquée ?! Mais vous vous êtes vu ?!
Elle fronce les sourcils, mécontente, tandis qu'il se dresse contre son dossier, hautain.
- Ne le prenez pas mal mais vous n'êtes pas un prix de vertu et de juste piété.
- Ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas éduquée ! L'éducation ne se limite pas à la pastorale, que par d'ailleurs j'ai réussi par deux fois haut la main.
- Que vous avez réussi à feindre d'avoir intégrée dans votre petite tête de païenne grecque, oui.
Finn s'empare d'une plume et rature le passage sujet à dispute.
- Est-ce une tare de réfléchir par soi-même ? Et je ne suis pas d'accord pour supprimer cette clause !
- Dans votre cas, c'est un péché. Et un gros ! Le sujet est clos, je vous laisse bien volontiers décider des sobriquets mais j'aurai le dernier mot sur les questions d'éducation et de carrière.
- Le sujet n'est pas clos du tout !
- Ne soyez pas trop gourmande et notez plutôt que je ne vous demande point d'argent.
Rosalinde tape du poing sur l'accoudoir de son fauteuil.
- Soyez un peu raisonnable ! Ce n'est pas le rôle d'un père de s'occuper de l'éducation des enfants. Vous apprendrez à nos fils à se battre et à monter à cheval, à la limite.
- Oh mais je ne compte pas m'en occuper au quotidien, cela aussi je vous le laisse. J'aurais juste le pouvoir décisionnaire au cas où vous vous mettriez en tête de leur enseigner je ne sais quelle hérésie.
Elle croise les bras.
- Soit, vous vous chargerez de l'éducation religieuse.
- Et je choisirai leur avenir.
- Non.
L'Irlandais fronce le sourcil, agacé.
- Nous choisirons ensemble.
- C'est bien ce que je dis. J'aurai donc le dernier mot.
- Aucun dernier mot ! Une décision commune.
- Commune? Mais vous n'êtes pas capable d'entendre raison ! Avant que nous ne tombions d'accord sur cela ils seront en âge de se casser l'échine pour que vous puissiez couler des jours paisibles avant votre trépas.
- C'est faux ! C'est totalement faux !
Voilà que la rousse menace de lui balancer son peigne à la figure. Du coup, Finn agrippe son armet, prêt à se protéger avec.
- Si vous refusez, c'est bien simple, je divise de moitié votre rente mensuelle.
- Si vous refusez, pas de nuit de noces !
- Tss.. comme si vous pouviez vous en passer.
- On parie ?
- Bon, je vous la monte à 250 pièces si vous acceptez.
- Je ne suis pas à vendre !
- Je peux aussi vous la descendre à 10 hein...
- Non plus !
- Allez 255.
- C'est si dur de me faire un minimum confiance ?
- Je vous fais déjà assez confiance comme ça, pour les enfants je ne peux transiger.
- Moi non plus.
Il grommelle et repousse la négociation à plus tard.
- Je vous préviens, je n'irai pas au couvent.
- Alors moi non plus.
- Vous n'avez rien spécifié pour vous, je vous signale.
- La clause est valable pour les deux.
- Vous serez bien aimable de le préciser alors.
- Autant la supprimer, au final.
- Non non, tout n'est pas à jeter.
- Vous gardez l'abandon des bâtards à l'assistance publique ?
Le Gaélique hésite, lissant un pan de la feuille.
- Ai-je le choix?
- Nous sommes ici pour négocier.
- Drôle de négociation. Vous me présentez un brouillon et je n'ai rien le droit de toucher.
- Parce que vous n'êtes pas convaincant ! Et c'est faux, vous avez retiré la partie sur le couvent.
- Pour moi, pas pour vous. Trouvez-moi autre chose.
- Et pourquoi pas pour vous ?
- J'aurais l'air de quoi? Non, c'est embarrassant. Trouvez quelque chose de moins féminin.
- On pourrait faire de vous un castrat.
- Je vous demande quelque chose de moins féminin pas de moins masculin !
- Vous avez des suggestions ?
- Vous le prendriez mal si je vous proposais une compensation financière?..
- Oui.
Finn ne le fera pas alors.
- Mortification? Autoflagellation?
- J'aimerais mieux me flageller que d'aller au couvent...
- Ahh mais c'est là tout l'intérêt. Vous n'êtes pas sensée envier ce sort.
- Je ne l'envie pas. Et dans ce cas, vous irez au monastère.
- Peu importe, si vous voulez. Voyez comme je suis conciliant;
- Parfait. De toute façon, si vous me trompez, je vous tue. Et votre maîtresse avec.
Il ricane devant la boutade. C'en est une, n'est-ce pas ? Le problème est qu'elle n'a même pas l'air de plaisanter.
- Hum... Les geôles ne comportent pas de baignoire, vous savez?
- Je m'en fiche. Le sacrifice en vaudra la peine.
Moue exaspérée qui se dessine sur le faciès de la Rose, ce sujet l'agaçant au plus haut point.
- Et c'est avec ce genre de comportement forcené que vous comptez discuter de l'avenir de nos progénitures?
- Je n'ai aucun comportement forcené !
- Soyez raisonnable et laissez-moi décider du sort de ces enfants. Vous les rapinerez à votre guise après ma mort mais épargnez-nous crises et disputes à leur sujet. Il n'y a jamais qu'un seul chef à la tête d'une armée. D'autant que je ne compte rien faire sans vous consulter.
- Vous parlez des enfants pour lesquels je suis prête à devenir énorme et moche, pour qui je risquerai ma vie pendant l'accouchement et que j'enfanterai dans la douleur ?
Elle croise les bras.
- C'est dans l'ordre des choses. Je ne peux aller contre l'équilibre établi par Dieu. A vous les souffrances de l'enfantement, à moi la haine qu'ils me voueront sans doute si j'en viens à contrarier leurs aspirations.
- Je ne veux pas être moins responsable du sort de mes enfants.
Rosalinde pose instinctivement une main sur son ventre.
- Je vous en prie, vous ne savez même pas ce que c'est.
- Parce que vous le savez ? Vous m'avez caché d'autres enfants ?
Il lui fiche un regard douloureux.
- Vous savez très bien ce qu'il en est pour moi.
- Non je ne sais pas. Vous ne me dites rien.
- Vous l'avez découvert par vous-même et c'est bien tout ce qu'il y a à savoir.
- Je ne serai jamais amenée à le rencontrer ?
- Non. Je ne pense pas.
- Quel âge a-t-il ?
Elle s'est radoucie sensiblement.
- Je vous ai déjà dit qu'il commençait à marcher.. est-ce bien le moment?!
Elle se lève, énervée de nouveau, et va se ficher devant son miroir.
- Je n'ai plus rien à ajouter.
L'Irlandais la suit du regard sans mot dire et secoue la tête d'un air désespéré.
- Vous n'êtes pas raisonnable, quand je vous le disais.
- Et pourquoi donc ?!
Rose frissonne, ainsi éloignée de la cheminée, et éternue en prime.
- Vous ne voulez revenir sur aucun point de votre escroquerie.. et revenez par ici malheureuse.
- Escroquerie ?
Elle ne bouge pas d'un iota.
- Vous m'ôtez tous mes droits ! Heureusement que je ne vous épouse pas uniquement dans l'espoir de faire un bon mariage.
- C'est faux !
- Vous ne savez dire que ça.
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