Rosalinde se relève, et va lui arracher le vélin des mains.
- Vous avez raison. C'est mieux si je termine ma vie dans le ruisseau, que nos enfants soient élevés par un père parti guerroyer la moitié de l'année, et que nous puissions gaiment être adultères !
Elle déchire le papelard en deux et le jette au feu tandis qu'il siffle entre ses dents.
- Vous n'arriverez à rien en dramatisant les choses. Je ne vous demande qu'une seule chose et vous le savez fort bien. Je garde tout le reste et de bon coeur, mais entre la définition de vos rentes et celle de votre place dans l'avenir de ces futurs enfants, vous devrez choisir. Il est hors de question que je sois contraint de vous verser quoi que ce soit si je n'ai rien en retour.
- Donc vous me demandez de choisir entre nos enfants et moi ?
- Vous n'êtes qu'une enfant vous-même et si je ne doute pas que vous ferez une formidable mère plus tard, pour l'heure, j'estime être en meilleure posture pour décider ce qui doit l'être à leur égard.
- Je ne suis pas une enfant.
Rosalinde réfléchit un instant puis inspire profondément.
- Je ne vous laisserai pas envoyer mes enfants au couvent s'ils ne s'en sentent pas la vocation. Donc... Je veux avoir mon mot à dire sur leur avenir.
Elle le fusille du regard, car sans doute n'imagine-t-il pas combien cela lui coûte.
- Vous l'aurez, mais j'aurai le dernier. Pensez-vous que je n'avais pas deviné ce que vous aviez à l'esprit? Le fait même que vous parliez de vocation pour un enfant prouve que vous êtes dans le faux.
- On m'a forcée à entrer au couvent et je ne souhaite ça à personne ! Sauf à la cousine von Frayner. Ou sinon, vous avez le dernier mot, à l'exception des entrées dans les ordres.
Irrité, l'Irlandais se lève.
- Vous réagissez comme une jouvencelle n'ayant toujours pas digéré les choix de ses parents ! Une mère doit savoir ce qui est le mieux pour les siens, ce qui n'est de toute évidence pas votre cas. Mais vous n'avez pas tout à fait tort, étant donné le résultat de votre expérience malheureuse je me vois mal imposer cela aux miens. Si la question se pose un jour, et que l'un de mes enfants connaisse la même aversion envers une carrière dans les ordres, vous pourrez vous y opposer. En dehors de cela, je déciderai.
Rosalinde esquisse une ombre de sourire.
- Parfait. C'est tout ce que je demandais.
Finn plisse les yeux.
- C'est déjà trop.
- On dirait que c'est une tare pour vous que de vouloir le bonheur de ses enfants.
- On ne fait pas le bonheur de ses enfants en leur laissant le choix de leurs affectations. Vous qui tenez à être responsable de leur sort, ce n'est pas en se désistant de ce devoir que vous le serez.
- On ne peut pas être heureux dans ces prisons !
- Je l'ai bien été moi.
- Et bien vous êtes un fol.
- Un fol pieux !
Rosalinde soupire.
- J'abandonne, faites en ce que vous voulez.
- Ah ne cherchez pas à me culpabiliser à présent, la décision est prise. Qu'avons-nous d'autre à voir?
- Je ne sais plus. Le brouillon est en cendres.
- Par votre faute.
Elle va chercher un vélin vierge, et lui colle entre les mains.
- Écrivez donc.
- Il faudrait que je répare vos fautes en plus? Je n'ai pas eu de père avocat anglois moi, chargez-vous donc de ce que vous savez faire si bien. Il n'y a pas grand chose à changer finalement. A moins que vous ne teniez absolument à garder le paragraphe sur les bâtards?..
- Vous comptez avoir des maîtresses ?
- Non.
- Alors il ne devrait pas vous poser de problème.
- Je n'ai pas besoin d'en avoir de nouvelles pour que la question se pose de mon côté.
- De nouvelles quoi ?
- Maîtresses.
- Il y en a déjà ?
La promise fronce les sourcils.
- Il y en a eu, tss.. ne faites pas semblant.
- Actuellement, je veux dire.
- Je viens de vous répondre que non.
- Parfait.
Rosalinde recopie le contrat, de mémoire.
- Comment se nomment vos parents ?
- Mmh.. non mais laissez tomber ça.
L'Irlandais semble embarrassé par la question.
- Pourquoi ?
- Quoi, ça fait rien, si?
- Si ! Il faut l'écrire !
- A quoi bon? Ils ne sont sans doute plus de ce monde pour le voir.
- "sans doute" ?
- Oui, comment savoir? Ils sont loins après tout. Je pense.
- Vous ne leur écrivez pas ?
- Je vous dis qu'ils sont décédés. Vous écrivez à votre défunte mère, vous?
- Vous n'êtes même pas sûr qu'ils soient morts !
Il maugrée devant son insistance et se détourne. Soupir de Rose qui élude la mention des parents. Finn se retourne alors, inquisiteur.
- Vous gardez la clause sur les bâtards, alors?
- Oui.
- Et si j'en venais à récupérer le mien?
- Il est antérieur au mariage, donc il ne s'agit pas d'adultère.
Hochement de tête de l'Irlandais tandis qu'elle termine de recopier.
- Voilà.
Citation:Le douzième jour de décembre de l'an de grâce 1460, matin, sous le règne de Sa Majesté le Roy Eusaias, en la bonne ville de Troyes ;
Par ledit contrat prénuptial, promettent de se prendre pour légitimes époux, le dénommé Finn d'Pommières, et Rosalinde Wolback-Carrann, fille légitime de feu Calum Wolback-Carrann et de feue Léonie de Chabannes-Mitara.
Pour supporter les charges de cette union, la fiancée apportera en guise de dot la ferme de sa propriété, et les vignes attenantes, situées près de la bonne ville de Sémur en Bourgogne. Elle confectionnera également son trousseau.
Le fiancé s'engage pour sa part à s'acquitter d'un douaire de mille écus, ainsi que d'une rente mensuelle de 200 écus destinés à l'entretien du ménage.
Le nom de jeune fille de l'épouse sera abandonné, et celle-ci adoptera le patronyme de l'époux.
L'épouse se réserve le droit de choisir le prénom de chacun des enfants qu'elle mettra au monde.
Il reviendra à l'époux le loisir de décider de l'avenir de ses enfants, en dernier ressort. Toutefois, l'accord de l'épouse sera indispensable lorsque la décision concernera une entrée dans les ordres.
En cas d'adultère avéré, et si aucun pardon n'est accordé, le fautif devra se retirer six mois dans un monastère ou un couvent. Si de ce péché un enfant venait à naître, celui-ci serait abandonné à l'assistance publique.
- Cela vous agrée ?
Le promis saisit le vélin et prend connaissance des changements.
- Votre vieux portait un sacré sobriquet. Il avait vraiment la couenne si épaisse?
Il ricane doucement avant de se reprendre.
- Vous avez mis LE fautif.
- Oui ! J'ai enlevé l'époux. Et de toute façon j'ai précisé monastère ou couvent, donc cela prouve bien que cela vaut à la fois pour homme et femme.
- Je serais plus tranquille si vous le précisiez plus clairement.
Finn lui sourit jaune en lui rendant le contrat.
- Je ne peux pas. Il ne faut pas raturer. Sinon, recopiez-le vous-même.
Soupir de l'Irlandais qui se charge de la menue modification.
Citation:Le douzième jour de décembre de l'an de grâce 1460, matin, sous le règne de Sa Majesté le Roy Eusaias, en la bonne ville de Troyes ;
Par ledit contrat prénuptial, promettent de se prendre pour légitimes époux, le dénommé Finn d'Pommières, et Rosalinde Wolback-Carrann, fille légitime de feu Calum Wolback-Carrann et de feue Léonie de Chabannes-Mitara.
Pour supporter les charges de cette union, la fiancée apportera en guise de dot la ferme de sa propriété, et les vignes attenantes, situées près de la bonne ville de Sémur en Bourgogne. Elle confectionnera également son trousseau.
Le fiancé s'engage pour sa part à s'acquitter d'un douaire de mille écus, ainsi que d'une rente mensuelle de 200 écus destinés à l'entretien du ménage.
Le nom de jeune fille de l'épouse sera abandonné, et celle-ci adoptera le patronyme de l'époux.
L'épouse se réserve le droit de choisir le prénom de chacun des enfants qu'elle mettra au monde.
Il reviendra à l'époux le loisir de décider de l'avenir de ses enfants, en dernier ressort. Toutefois, l'accord de l'épouse sera indispensable lorsque la décision concernera une entrée dans les ordres.
En cas d'adultère avéré, et si aucun pardon n'est accordé, la partie fautive du couple devra se retirer six mois dans un monastère ou un couvent. Si de ce péché un enfant venait à naître, celui-ci serait abandonné à l'assistance publique.
- Tenez.
Rosalinde relit, et signe.
- Voilà.
Finn appose sa signature à la suite. Elle se dépêche d'aller ranger ça, et au passage enfile autre chose que son drap de bain, maintenant sec.
- Une bonne chose de réglée.
- Mmh.. Quand aura lieu la cérémonie?
- Cet après-midi.
L'Irlandais s'inquiète de l'heure à travers la vitre embuée.
- Combien de temps reste-t-il?
- Je n'en sais rien.
Rose n'a pas l'air plus inquiète que cela.
- L'aubergiste n'a pas encore apporté mon dîner, il reste encore du temps.
- Vous m'aidez à retirer ça?
Finn ôte rivets et sangles sur son armure.
- Si je me pince les doigts je vous frappe.
La rousse sourit doucement, et vient lui porter assistance.
- Alors ça vous pouvez toujours essayer.
Commençant à se détendre, il le lui rend timidement.
- Vous m'avez manqué.
Finn découvre son torse et la laisse se dépêtrer avec les jambières.
- Je sais.
- Ravie d'entendre que ce fut réciproque.
Il lève les yeux au ciel.
- Vous savez bien que ça l'est.
- Vous conservez vos quelques reliquats de gentillesse pour la cérémonie ?
Elle adopte sa moue contrariée en reposant les jambières à côté des autres pièces d'armure et se relève.
- J'envisageais plutôt de vous dispenser mes douceurs le temps qu'il nous reste.
- Ah vraiment ?
Rosalinde semble sceptique. Lui se lève dans son doublet armant et ses chausses à plain fond et l'étreint aux hanches.
- Quoi, vous vous réservez pour la nuit de noce?
Rose passe ses bras autour du cou de l'Irlandais, soudainement mieux disposée.
- Je pourrais...
- Vous devriez...
- Alors je vais le faire !
La fiancée se détache brusquement de lui et file à l'autre bout de la pièce sous le regard éberlué du promis.
- Qu'est-ce qui vous prend? Allons, soyez gentille...
Rosalinde lève l'index.
- Pour une fois dans ma vie, je ne céderai pas.
- On vous a ensorcelée?!
- Nenni.
- Allez quoi, j'ai chevauché tout le jour et toute la nuit... Ca fait des jours qu'on ne s'est pas vu.
L'Irlandais se rapproche, quémandeur. Elle arbore alors un air de défi.
- Il faudra être patient.
Finn bougonne.
- Venez au moins m'embrasser.
- C'est un piège ?
- Evidemment que c'en est un !
- Alors c'est non !
Rose n'est pas décidée à en démordre. Il la fixe, désespérément admiratif.
- Il aura fallu que vous attendiez le jour de notre mariage pour être plus chiante que vous ne l'avez jamais été.
- Vous n'avez encore rien vu.
Finn craint pour l'avenir. Joueuse, elle choisit une paire de bas dans ses affaires, s'assied sur le lit, et les enfile avec une lenteur étudiée, dévoilant ses jambes d'albâtre. Outré par tant de mesquinerie, l'Irlandais attrape ses affaires.
- Je m'en vais hein !
- Comme vous voudrez !
Rosalinde sourit, triomphante alors qu'il lui lance un dernier regard frustré et prend la porte afin d'aller se préparer. Elle se lève et se précipite à sa suite.
- Revenez !
L'Irlandais lui répond d'aller se faire voir d'un geste obscène et dévale les escaliers._________________