La Marmite, incarné par Della
Dans les cuisines du Louvre, quelle que soit l'heure du jour, l'on peut y voir et y entendre une activité sans relâche.
Il faut dire qu'avec le nombre de personnes qui vivent ici, la tâche est bien ardue.
Moi, je suis la marmite.
Souvent je reste au coin du feu, avec de l'eau que l'on veut tenir chaude ou un bouillon bien goûteux que l'on servira aux gens, pour le repas du soir.
En ce moment, je reçois les éclaboussures grasses du cochon que l'on fait rôtir juste au-dessus de moi. 'Paraît que c'est une demande d'une princesse qui invite quelques amis pour grignoter à la maison.
'Cui qui tourne la pauv'bête, c'est Maric, le chef cuistot des cuisines !
Lui, il a qu'à élever la voix et zou, tout le monde file droit !
Une poêle m'a raconté qu'un jour, il avait tabassé un marmiton qui avait renversé la sauce. Et qu'il s'était servi de la poêle pour le faire !
Moi, quand il est là, tout près de moi, je fais semblant de dormir, en soulevant doucement mon couvercle, à intervalles réguliers. Comme ça, il m'laisse en paix et j'fais ce que je dois.
La jeune femme qui arrive là, sur ma gauche, avec un plat de je-ne-sais-pas-quoi, c'est Renaude, la femme de Malric. Vu que c'est sa femme, elle fait un peu ce qu'elle veut ici. Mais elle travaille, hein ! Elle boulotte comme tout le monde, y a pas de raison. Sauf que parfois, elle glisse un oignon dans la poche de son tablier puis Malric, il fait celui qui ne l'a pas vue. Renaude, elle va vendre l'oignon parce qu'elle en a pas besoin vu qu'ils mangent tous ici, les marmitons et les cuisinières. Même leur marmaille, elle graille dans les cuisines. C'est un avantage ça, quand on travaille aux cuisines du Louvre.
L'autre jour, on a appris par Malric que Eilinn, qu'était Premier Maître d'Hôtel, donc la cheffe suprême, elle s'en allait.
Y en a qui étaient tristes pis d'autres qu'étaient contents.
Pareil que quand on a appris que c'était le Grand Echanson, Della, qui la remplaçait.
Ben ouais, on peut pas plaire à tout le monde !
Même moi, y en a qui m'aiment pas, à cause de mon cul qu'est tout noir !
Mais chuut...voilà justement le Premier Maître d'Hôtel qui arrive...
Bienvenue aux cuisines du Louvre !
--Angus.le.commis
Un étrange jeune homme s'avançait dans les cuisines du Louvres. Partout autour de lui, on s'activait. Lui, pas plus que ça. Il marchait d'un pas lent et assuré à la recherche du Premier Maître d'Hôtel Royal. Lui, c'est le petit neveu du chef des cuisines, maître Malric. N'ayant jamais rien fait de ses dix doigt, le grand dadet ne savait pas plus compter que préparer des tartes. Mais comme il s'était découvert dès l'âge de trois ans une grande passion pour les confitures de la vieille tante Cunégonde, il avait préféré la vie de commis de cuisine à celle de marchand de peaux sur les marchés Auvergnats.
Il n'était pas si grand, mais qu'est-ce qu'il était grassouillets ! Il n'était pas très beau. Non, à vrai dire, qu'est-ce qu'il était laid ! Cela dit, il faisait son âge, si ce n'est plus jeune. Sa peau du visage était couverte de pustule rouge, violette par endroits. Ses joues toute ronde. Le petit était bien en chair. Ah ça ! On ne voyait point ses os ! Ses cheveux étaient blonds foncés ou châtains clairs, cela dépendait du temps et surtout, de la date de son dernier bain. Non, l'adolescent n'était pas vraiment à cheval sur l'hygiène...
Sa dégaine aussi laissait à désirer. C'était un grand satisfait. Il se baladait partout avec sa sale tronche comme si le Très-Haut veillait sur lui à chacun de ses pas. Tout le poids du monde semblait peser sur ses épaules. Et pourtant, il n'avait encore rien vécut. Parce que son oncle était le chef, il marchait lentement, sans se presser. Il ne savait point encore ce qu'était le travail... Et quelque chose me dit que le Boutonneux va avoir un sacré choc !
Le voilà qui trouve enfin Dame Della qui dégustait une tarte. Il y avait une autre femme, et puis son oncle. Ne sachant pas vraiment laquelle des deux était le Premier Maître d'Hôtel Royal, il se planta devant les deux femme, il ouvrit la bouche et ne sachant à qui s'adresser il se présenta sans quitter ses chausses des yeux.
_"Le Bonsoir Dame Della...
Je me présente, Angus. Mon oncle vous a sûrement déjà parler de moi... Petit coup d'oeil du côté de l'oncle, histoire de voir si, effectivement, il lui avait bien parler de lui.
Je suis prêt à commencer mon apprentissage. Oh, je sais faire quelques trucs. Je euh... Je sais faire les confitures... Et euuh... Le "euh" final ponctuait toutes ses réplique. Un long "euuuh" qui grinçait dans les airs. Sa voix grinçait d'ailleurs. Ce n'était pas encore tout à fait une voix d'homme, ni tout à fait celle d'un tout jeune adolescent. C'était une voix grave et grinçante, une grosse voix énervante qui ne contribuait à le rendre plus sérieux aux yeux des gens.
Décidément, le Grassouillet n'était point très doué pour les présentation. Il restait planté là, hagard, attendant une réponse de l'une des deux femmes, ou bien de son oncle. En tout cas, il semblait attendre que quelqu'un rompe le silence. Enfin... On sait pas trop ce qu'il attend, en fait. Il attend là, le regard vide, presque recroquevillé...
--Angus.le.commis
Le jeune sorti de ses rêvasserie au moment où Della prit la parole. Il s'était sans doute lancé dans la visualisation d'une tartelette à la crème. Le retour à la réalité était brutal, et la question... difficile.
En effet, le Boutonneux ne s'était jamais essayé à la préparation des confitures. Il avait seulement eu le privilège de la plus grosse part d'écume lorsque le vieille tante Cunégonde en faisait autrefois. Aussi, le grand dadet se dandinait sur place, tout gêner. Le coup de la confiote, c'était du bluff ! Allait-il se faire bêtement démasquer ?
Le Grassouillet ne l'entendait point ainsi. Il mit le doigt sur sa bouche, leva les yeux aux ciel et, après quelques secondes, les posa sur ceux de Della.
_"Dame Della, sachez que je fais les meilleures confitures de..."
Les yeux parcourait la pièce, se posèrent sur son oncle, celui-ci ne bronchait pas. Il les posa sur l'autre dame, aucun indice sur elle qui lui aurait suggérer un fruit en particulier. D'ailleurs, celle-ci semblait également attendre une réponse. Pas le choix, il allait devoir se débrouiller pour trouver un fruit tout seul... L'image de la tarte aux mûres lui vint alors en tête. Eurêka !
_"... de mûre, Dame... Oui ! Exactement ! Je fais les meilleures confitures de mûres du Royaume, Dame !"
Hep ! T'avances pas trop, mon grand ! T'es pas plus capable de te frotter que des faire des confiotes. Aie aie aie... Le grand dadet avait pas mal de trucs à apprendre. Finit l'oisiveté, maintenant, il va falloir bosser ! ... Et c'est pas gagné !
--Angus.le.commis
Angus regardait son oncle s'esquiver dans les cuisines. Dommage, il ne pourrait dorénavant plus s'appuyer sur lui. Il était seul, maintenant, face au Premier Maître dHôtel et la Dame. En effet, c'en était une drôle de coïncidence. Le Boutonneux regardait ses chausses, inquiet. Venait-il de se faire démasquer ?
Au diable les soupçons ! Quite à mentir, mentons jusqu'au bout !
_"Oui Dame... Hihi... Il semblerait que les mûres soit une affaire de famille. Mais je ne fais pas n'importe quelle confiture de mûre ! Je fais les meilleures !"
Le boutonneux souriait, il fallait toujours sourire lorsqu'on essayait d'entuber quelqu'un. C'était le grand-père d'un de son meilleur amis d'enfance, le jeune nain Grimoald, qui le lui avait appris. Chez eux, famille de commerçant, le sourire avait apporté la fortune. Pourquoi ne ferait-il pas passer ce monstrueux mensonge ?
Mais apparemment, le sourire ne suffisait pas pour duper le Premier Maître d'Hôtel...
"_Il se trouve, jeune Angus, que très bientôt, la Bouche dont vous faites partie désormais, doit organiser une collation lors d'une cérémonie d'hommages très importante. Et cette confiture...dont vous semblez être un virtuose, serait tout à fait à sa place.
L'adolescent était impressionné. Déjà, son torse se dégonfla et ses joues rosir. Dire que l'on sait faire la confiture, c'est facile. Apprendre que l'on va devoir assurer, c'est tout de suite plus compliqué !
Mais ce n'était pas tout ! ... "Je vous en commande donc...une dizaine de pots."
Le Boutonneux, cette fois-ci, perdit son sourire d'un coup d'un seul. Là, ça craignait vraiment. Si les deux femmes n'avaient pas encore compris, là, c'était clair. L'adolescent mentait. Il virait du pâle au tout rose, une goute de sueur perlait sur son visage et ses jambes semblait vouloir l'emmener loin, très loin d'ici. De plus, il commençait à balbutier !
_"Je...euh.. D... Dix ? Vous avez bien dit... Dix ? C'est...euh... Oh... Hé Hé...
Angus ne savait plus quoi dire. Il ne lui restait plus qu'à faire de son mieux...
Il regonfla son torse, aspira un grand bol d'air et déclara :
_"Dame ! Je ferais dix pot de confitures ! Sauriez-vous où je pourrais trouver un tablier, du sucre, des mûres, une sorte de grosse marmite et un machin pour touiller ?"
Euh.. hep ! Le coup de la grosse marmite et du machin pour touiller... Désolé mon grand, mais ça fait pas très "pro" !
--Angus.le.commis
Le Boutonneux écouta attentivement les instructions sans broncher. Il se doutait de quelque chose. Il se sentait démasquer. Il ne pouvait pas l'expliquer, mais il savait maintenant qu'il devait assurer. Il fallait sauver les meubles. Dernier sourire...
_"Bien, Dame Della ! Je vous prépare ça... Je n'en aurai que pour... Euuh... Enfin... Le temps que ça cuise, quoi."
Il fit volte-face et s'en alla chercher son tablier dans larmoire, puis il chopa la plus grosse casserole qu'il trouva. Il tenta de se remémorer les gestes de la tante Cunégonde, lui faisait de grand sourire en espérant qu'elle le laisserait racler l'écume, elle remuant l'épais liquide noire avec sa grande cuillère en bois. S'il n'y connaissait pas grand chose en cuisine, l'adolescent avait bonne mémoire !
Tout en ouvrant les placard, le jeune homme énumérait les ustensiles dont il avait besoin au fur et à mesure qu'il les prenait.
_"Alooors... Le tablier.. j'ai ! La cuillère... j'ai ! La grosse casserole... j'ai ! Les mûres... Ah défection ! Les mûres !
Paniquant soudain, l'adolescent lançait ses deux émeraudes aux quatre coins de la pièce à la recherche des précieuses mûres... Trouvées ! Son oncle en avait laissé sur la paillasse. Malheureusement pour le gredin, l'oncle s'en était allé. Il allait devoir se débrouiller tout seul... Et c'était pas gagné !
Il se mit alors au fourneau. Dans la casserole, il lança pêle-mêle les mûres et se mit à les frapper avec sa grande cuillère en bois. Les mûres étaient juteuse, et des éclaboussures vinrent décorer les environs plus ou moins proches. Puis, lorsque les mûres furent réduites à une bouillie peu ragoutante où se mêlait petites graines et liquide noire, il balança un bonne rincée de sucre. Il y en avait autant que de fruits, a vrai dire. Non, décidément, ce ne sera pas de la confiote "light"...
_"Bon ! Alors... Maintenant... Reste plus qu'à croiser les doigts... Alors... On met la casserole sur le fourneau et... C' EST PARTIIIIIIIII"
Le Boutonneux laissa chauffer sa bouillie. Il se tourna vers le Premier Maître d'Hôtel. Il était couvert de jus de mûres de la tête aux pieds, et son assurance ne laissait rien présager de bon...
_"C'est bon, Dame Della ! Je gère ! J'crois que c'est bien partit ! Ça f'era d'la bonne confiture ! J'en suis sûr ! cria-t-il des cuisine
Erf... Attend un peu de voir le résultat gamin.