Ondine.
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[Quelque part entre ici et ailleurs...]
- Finette Finette viens vite jcrois quelle s'réveille
Une main sur le front de la brune, large, calleuse, masculine. Encore coincée au fin fond de son subconscient la jeune fille râla, essayant de sétirer, de soulever ses paupières mais rien ne marchait. Dur était le réveil, dur avait été la chute. Pourtant il navait été que seul à laffronter, pourtant elle sétait défendue comme une lionne enragée mais il avait eu raison delle. Delle et de son fils.
Ondine avait entrepris de partir de Saint Bertrand de Comminges, la vie ny étant que peu attractive malgré son ami Lazlo quelle laissait derrière elle. Le pauvre diacre ne sortant que très peu, leur relation sétiolait petit à petit sans que lun ou lautre ne fasse vraiment grand-chose pour changer la donne.
Donc Ondine avait pris son fils et ses maigres affaires, investit dans une jolie chemise et quelques denrées, fait confectionner une couverture de laine pour son fils et un châle plus résistant afin de le passer autour de son corps pour y glisser lenfant durant son trajet. Il serait tout contre elle et ce petit nid douillet le protégerait du froid. En plus de la cape quOndine portait dès quelle mettait le nez dehors.
Si dordinaire, la jeune fille voyageait léger et surtout nhésitait pas à laisser des affaires sur place, depuis la naissance de Mathéo, Ondine gardait ses affaires bien précieusement. Ils nétaient pas riches tous les deux et le peu pouvait devenir le tout. Et elle y croyait la brindille, elle y croyait dur comme fer que bientôt sa vie serait meilleure. Ça ne pouvait être autrement.
Mettant un trait sur le passé qui la martyrisait, elle avançait doucement. Le jour de la naissance de son fils, elle sétait juré de ne penser quà lui et désormais cétait ce quelle faisait. Sa propre vie navait que peu dimportance tant que son fils pouvait grandir en sécurité et en harmonie. Le reste devenait illusoire et obsolète.
Prenant donc la route pour quitter le comté dArmagnac, Ondine était partie entre chien et loup. Il faisait encore assez clair pour marcher quelques lieues et quitter la ville qui lavait accueilli dernièrement sans faire de bruit. Personne ne remarquerait son départ, ou si peu. Peut-être Lazlo sen rendrait compte dans quelques jours mais elle lui écrirait plus tard pour lui dire où elle se trouverait. Il avait été un ami précieux et compréhensif et elle ne loublierait point. Mais Ondine était de ses oiseaux quon mettait difficilement en cage et là, elle ne désirait quune chose : senvoler.
Et Mathéo dormait contre le sein de sa mère tandis que la jeune femme marchait dun bon pas. Rien ne viendrait freiner son entrain et sa bonne humeur, rien narrêterait son enthousiasme, rien ne stopperait son rythme. Rien ?
Pas vraiment. La rencontre fut brutale et douloureuse. Ondine avait protégé son petit bec et ongles, griffant lanimal qui sen prenait à elle mais cela navait pas suffi. Lhomme plus robuste avait frappé et fort. Genoux à terre, elle lavait supplié de leur laisser la vie sauve et sans doute quil était revenu à la raison car il ne frappa pas assez fort pour la tuer mais juste la plonger dans les limbes. Et avant de seffondrer, Ondine avait serré ses bras autour de Mathéo qui ségosillait déjà. Mais même les cris de son enfant navaient pas réussi à la sortir de ce sommeil dans lequel elle avait plongé. Heureusement pour elle, quelques minutes plus tard passait un vieil homme qui conduisait une charrette tirée par son vieux buf. Et ce furent les vagissements de lenfançon qui firent aboyer le chien qui les accompagnait. Statique, il montra à son maitre lemplacement où se trouvaient les deux corps.
Après avoir fait des efforts, le vieux guibin hissa Ondine sur la carriole et la ramena directement à la ferme auprès de sa femme. A eux deux, ils linstallèrent dans le lit tandis que Finette prenait soin du petit bout dhomme. Et il fallut attendre quelques heures avant quOndine ne sorte de son sommeil improvisé. Heureusement, lenfant navait guère réclamait, se trouvant apparemment bien dans le creux des bras de la vieille femme qui sentait une certaine jeunesse revenir avec plaisir.
Et à lappel de son époux, elle vint surveiller le réveil de la belle au bois dormant tout en confiant Mathéo aux bras vigoureux de Gimbin.
- Occupe-toi donc de ce p'tit pendant qu'sa mère séveille. Elle risque dêt'e perdue.
Et en effet, ce fut lair hagard quOndine observa la femme qui se penchait sur elle à son tour en lui passant un linge humide. La peur la saisit et le seul mot quelle arriva à prononcer fut celui de son enfant.
- Mathéo où est Mathéo ?
Se redressant vivement, Ondine lâcha un cri avant de se laisser tomber sur les oreillers. La douleur dans le dos et sur son visage se réveilla, la saisissant au passage et la clouant presque inanimée une nouvelle fois. Une larme roula sur sa joue tandis quelle cherchait du regard la vieille femme qui tapota sa main avec douceur.
- Votfils va bien Guibin va vous lramnez mais va falloir le nourir parce quil va pas vous lâcher !
Le cur battant la chamade, Ondine tenta une nouvelle fois de se redresser contre vents et marées. Elle ne se laisserait pas abattre, non pas cette fois et dans une ultime effort, elle trouva une position qui lui allait pour enfin revoir son fils.
Et les jours se succédèrent, Ondine repris du poil de la bête. Doucement, ses côtes ne la firent plus autant souffrir quauparavant quand elle respira, ses bras furent moins douloureux lorsquelle prit son fils dans ses bras et il ny eut que son visage qui fut encore légèrement tuméfié, surtout que sa lèvre sétait fendue sous les coups. Un autre souvenir qui resterait gravé sur sa peau Elle nétait plus à une cicatrice près, sa famille avait apposé leur griffe à plusieurs endroits de son corps dans sa prime jeunesse et la folie des hommes savaient être destructrice.
La brindille avait donc reprit un semblant de vie, oscillant entre ne rien faire et laide quelle voulait apporter à Finette et Gimbin qui les avaient sauvé, elle et son fils, dune mort certaine mais Finette refusait catégoriquement quOndine se tue à la tâche. Pourtant, lautomne allait bientôt être chassé par lhiver et les premières gelées pointaient leur nez. Les champs seraient alors au repos et les vivres, avec une bouche de plus à nourrir allaient se réduire comme une peau de chagrin. Alors Ondine avait râlé et cétait mis en tête de se soustraire à lautorité de la vieille femme. Elle travaillerait coute que coute, que ça plaise ou pas. Dabord pour les remercier de ce quils avaient fait tous les deux et pour son fils, parce quelle ne voulait pas quil puisse manquer de quelque chose. Et puis il lui faudrait reprendre la route, cette route qui la sauverait de ce passé qui lengloutissait doucement.
Depuis que Mathéo était né, Ondine avait mis sa vie entre parenthèse. Oh ça navait pas été très dur, elle navait pas de vie. Ses amis lui avaient tourné le dos, certains étaient malheureusement morts depuis longtemps et les autres se faisaient rares ou se faisaient appeler désiré tant ils ne donnaient jamais de nouvelles ou nen prenaient pas. Et cette attitude arrangeait la brindille. Elle nétait pas de celles qui couraient après les autres pour quelques miettes damitié. Non, elle était plutôt du genre à seffacer lorsquelle sentait quelle nétait plus aussi désirée aussi, comptait-elle très peu damis ce qui lui permettait aussi daller et venir où bon lui semblait. Pas dattaches ou très peu, Ondine avait du mal à se stabiliser quelque part mais avec Mathéo, les choses changeraient peut être. En tout cas, elle voulait essayer la brindille et par un beau matin, se levant de bonne heure, elle passa un long moment près de son fils à lui donner le sein, à soccuper de lui. Lenfant lové ainsi contre elle, Ondine lavait observé avec tendresse. Ce petit bout dhomme lui donnait la force de conquérir le monde et cétait ce quelle sapprêtait à faire en ce jour. Alors Ondine trouva quelques occupations qui durèrent quelques jours et puis, lenvie de partir revint au galop. Leur voyage devait continuer et il leur faudrait du temps pour arriver en Helvétie mais la Brindille savait que plus rien ne se mettrait entre eux et cette famille dont elle avait quelques souvenirs.
Décidée à ne plus perdre de temps dans sa vie, la route souvrit à nouveau sous ses pas. Ondine, calfeutrée dans sa longue cape marchait le jour, se reposant la nuit souvent dans une vieille grange ou encore dans une écurie histoire déconomiser un peu et puis quand les grands froids vinrent, elle sobligea à prendre une chambre à lauberge de la ville où elle passait. Mathéo ne devait aucunement souffrir.
[Grandson - Helvétie]
Les jours senchaînèrent, les nuits se succédèrent, le chemin se fit sans encombre et bientôt elle fut devant la porte que révélait les murs de pierres taillées de lenceinte de Grandson. Ondine se stoppa quelques instants afin dobserver le jour se lever sur les montagnes au loin. Le spectacle enchanteur quelle découvrit lui affirma que cétait là le bon choix quelle venait de faire. La route avait été longue mais jamais ô grand jamais elle ne sen voudrait pour autant. Maintenant elle navait plus quà trouver ceux dont elle avait entendu parler petite fille, espérant secrètement que ses souvenirs ne sétaient pas joués delle. Mais en attendant, la brindille prit la direction dune taverne afin de se réchauffer et manger à sa fin. Mathéo pourrait ainsi gazouiller comme il lentendait, un peu plus à son aise que contre le corps de sa mère. Et à peine la porte poussée qu'Ondine respira plus tranquillement, relâchant enfin cette angoisse d'avoir eu à travers le Royaume de France seule avec son enfant.
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