Gwilherm
La pluie tombait sur Brest, depuis
depuis quand au fait ? Gwilherm se le demandait bien depuis plus dun mois quil était là, il flottait, pas forcément des cordes, parfois juste de la bruine, mais il flottait. Il se disait quil devrait demander à un Ti Zef, un de ces jours. Ne se couvrant même pas, il longeait la digue après sa journée passé au port à maçonner. De lautre côté du chemin, devant un étal se tenait là une gamine, un peu boulotte, elle devait habiter dans la bicoque derrière, elle était donc du coin, elle pourrait peut-être satisfaire à la lubie du jour du Bréhatin !
- Salud dit Katellig ! Ur goulenn zo ganin... a-choude pegoulz ra glav ? [Salut petite ! Jai une question... depuis quand pleut-il ?]
La petite le regarda les yeux écarquillés, interdite par la question saugrenue.
- Ben dam ! Nhellan ket respont... nem eus nemet 8 vloaz ! [Ben dam ! Je ne peux pas répondre... je nai que 8 ans !]
- Ya, evel just... dit-il dun air dépassé, comme si lévidence sabattait sur lui, il pleut tout le temps à Brest. Puis il regarda en lair, contemplant ce ciel bas et gris, et continua son chemin. Il approchait dun croisement de rues et distingua la voix dun crieur.
- Quil soitdit quune messe ser
Et le Harscouët recommença à grommeler tout seul sur le fait que même à Brest, on nutilisait plus que le français et que le Duché était, sinon responsable, au moins complice de cet oubli volontaire de la langue du menu peuple. Mais ce coup ci, il sinterrompit tout seul.
- arie de Kermorial, Marqui
Oh Marie ! Si chère Marie ! Si blonde Marie ! Si belle Marie Le Bréhatin se figea en entendant évoquer le nom de celle quil avait sans nul doute aimé, en secret. Dune première rencontre fortuite au beau milieu de la nuit dans une église de Rennes à des réunions sérieuses sur des questions maritimes, de sanglots lourds de sens coulant de ses yeux de femme enceinte esseulée à des regards coupables de désirs partagés, les relations entre la Kermorial et le Harscouët avaient été pour le moins pleines démotions de tous ordres.
Cétait sans doute en partie à cause delle quil en était là aujourdhui, à faire les bars parallèles de Brest-même et de Recouvrance, passant des Ti-Zefs au Yannicks sans aucune considération pourvu que la boisson soit au rendez vous. La descente aux enfers navait pas été lente pour le Bréhatin mais brutale, un gobelet, du poison, et vlan, il était passé tout près dêtre chargé dans karrigell an Ankoù et il en remontait à présent lentement, très lentement, des enfers terrestres, après avoir tout perdu si ce nest la vie. Marie, elle, avait sombré inversement, peu à peu, tristement, vers le trépas et Gwilherm nétait pas étranger à cela, il navait pas été présent pour elle au moment où elle en aurait sans doute eu le plus besoin. Désormais, Marie nétait plus quune ombre, un souvenir, qui le hantait chaque jour un peu, alourdissant sa culpabilité et son dépit. Figé et dégrisé par la même occasion comme sil avait la morte en personne rien quà lévocation de celle quil se plaisait à appeler vostre Blondeur, lancien Amiral écoutait avec effroi la suite de la déclaration.
- glise de Reoz tient un mot breton ! se dit-il inconsciemment ce dimanche seize décembre.
Vlan ! Deuxième coup de massue ! On était le 15, soit la veille de ladite cérémonie et il était quasiment à lautre bout de la Bretagne Or pour rien au monde il naurait manqué ce dernier hommage ! Il se devait dêtre présent. Cétait indiscutable. Il retourna au port à pas rapide, se surprenant même à courir, pour faire savoir quil ne serait pas là pour les travaux le lendemain, quil avait à faire.
Il passa à son auberge, pris un balluchon et y mit des vêtements propres, de cérémonie pour ainsi dire, quil avait emmené avec lui sans savoir pourquoi, au cas où. Puis il alla louer un cheval de bon calibre pour chevaucher la campagne de basse et de haute Bretagne afin darriver à lheure, même exténué à Rieux. La nuit fut épouvantable, ventée et pluvieuse, comme si le climat brestois devait le poursuivre à jamais, mais sur son cheval, il ne sen souciait plus, il faisait galoper son destrier de prêt aussi vite que possible. Les nuages passaient, laissant apercevoir un croissant de lune de temps à autres
- Seigneur de la Lune, oui cest ainsi quelle me nommait. Souvenir nostalgique dune époque définitivement révolue quon sapprêtait à ensevelir définitivement.
Le Harscouët arriva devant les murs de Rieux, descendit de cheval et le tint fermement. La ville semblait vide en ce dimanche matin Il attacha son compagnon à un poteau prévu à cet effet où il allait pouvoir se désaltérer et continua à pied en direction de léglise, où il distingua quelques silhouettes assez baraquées, lune delle se trouvait devant lune des portes de léglise, comme attendant un ordre pour entrer. Intrigué de ce qui se tramait et surtout de savoir si on ne laisserait pas enfin Marie en paix, il interpella cet homme.
- Och ober petra emaoch 'ta ? [Que faites vous donc ?]
Par précaution, il avait posé la main au fourreau de son épée. Sait-on jamais
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- Salud dit Katellig ! Ur goulenn zo ganin... a-choude pegoulz ra glav ? [Salut petite ! Jai une question... depuis quand pleut-il ?]
La petite le regarda les yeux écarquillés, interdite par la question saugrenue.
- Ben dam ! Nhellan ket respont... nem eus nemet 8 vloaz ! [Ben dam ! Je ne peux pas répondre... je nai que 8 ans !]
- Ya, evel just... dit-il dun air dépassé, comme si lévidence sabattait sur lui, il pleut tout le temps à Brest. Puis il regarda en lair, contemplant ce ciel bas et gris, et continua son chemin. Il approchait dun croisement de rues et distingua la voix dun crieur.
- Quil soitdit quune messe ser
Et le Harscouët recommença à grommeler tout seul sur le fait que même à Brest, on nutilisait plus que le français et que le Duché était, sinon responsable, au moins complice de cet oubli volontaire de la langue du menu peuple. Mais ce coup ci, il sinterrompit tout seul.
- arie de Kermorial, Marqui
Oh Marie ! Si chère Marie ! Si blonde Marie ! Si belle Marie Le Bréhatin se figea en entendant évoquer le nom de celle quil avait sans nul doute aimé, en secret. Dune première rencontre fortuite au beau milieu de la nuit dans une église de Rennes à des réunions sérieuses sur des questions maritimes, de sanglots lourds de sens coulant de ses yeux de femme enceinte esseulée à des regards coupables de désirs partagés, les relations entre la Kermorial et le Harscouët avaient été pour le moins pleines démotions de tous ordres.
Cétait sans doute en partie à cause delle quil en était là aujourdhui, à faire les bars parallèles de Brest-même et de Recouvrance, passant des Ti-Zefs au Yannicks sans aucune considération pourvu que la boisson soit au rendez vous. La descente aux enfers navait pas été lente pour le Bréhatin mais brutale, un gobelet, du poison, et vlan, il était passé tout près dêtre chargé dans karrigell an Ankoù et il en remontait à présent lentement, très lentement, des enfers terrestres, après avoir tout perdu si ce nest la vie. Marie, elle, avait sombré inversement, peu à peu, tristement, vers le trépas et Gwilherm nétait pas étranger à cela, il navait pas été présent pour elle au moment où elle en aurait sans doute eu le plus besoin. Désormais, Marie nétait plus quune ombre, un souvenir, qui le hantait chaque jour un peu, alourdissant sa culpabilité et son dépit. Figé et dégrisé par la même occasion comme sil avait la morte en personne rien quà lévocation de celle quil se plaisait à appeler vostre Blondeur, lancien Amiral écoutait avec effroi la suite de la déclaration.
- glise de Reoz tient un mot breton ! se dit-il inconsciemment ce dimanche seize décembre.
Vlan ! Deuxième coup de massue ! On était le 15, soit la veille de ladite cérémonie et il était quasiment à lautre bout de la Bretagne Or pour rien au monde il naurait manqué ce dernier hommage ! Il se devait dêtre présent. Cétait indiscutable. Il retourna au port à pas rapide, se surprenant même à courir, pour faire savoir quil ne serait pas là pour les travaux le lendemain, quil avait à faire.
Il passa à son auberge, pris un balluchon et y mit des vêtements propres, de cérémonie pour ainsi dire, quil avait emmené avec lui sans savoir pourquoi, au cas où. Puis il alla louer un cheval de bon calibre pour chevaucher la campagne de basse et de haute Bretagne afin darriver à lheure, même exténué à Rieux. La nuit fut épouvantable, ventée et pluvieuse, comme si le climat brestois devait le poursuivre à jamais, mais sur son cheval, il ne sen souciait plus, il faisait galoper son destrier de prêt aussi vite que possible. Les nuages passaient, laissant apercevoir un croissant de lune de temps à autres
- Seigneur de la Lune, oui cest ainsi quelle me nommait. Souvenir nostalgique dune époque définitivement révolue quon sapprêtait à ensevelir définitivement.
Le Harscouët arriva devant les murs de Rieux, descendit de cheval et le tint fermement. La ville semblait vide en ce dimanche matin Il attacha son compagnon à un poteau prévu à cet effet où il allait pouvoir se désaltérer et continua à pied en direction de léglise, où il distingua quelques silhouettes assez baraquées, lune delle se trouvait devant lune des portes de léglise, comme attendant un ordre pour entrer. Intrigué de ce qui se tramait et surtout de savoir si on ne laisserait pas enfin Marie en paix, il interpella cet homme.
- Och ober petra emaoch 'ta ? [Que faites vous donc ?]
Par précaution, il avait posé la main au fourreau de son épée. Sait-on jamais
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