Le jeune homme inspirait doucement pour se donner du courage, tandis qu'il entendait l'archevêque commencer l'office. Confiant dans sa décision, ayant le cœur à rejoindre cette belle communauté, attendant cet instant avec impatience depuis bien longtemps, il continuait toutefois de se sentir quelque peu intimidé en cet endroit, devant ces personnes rassemblées pour lui, et surtout sous le regard du Très-Haut. Lui, l'actuel Commissaire au Commerce de Normandie, qui pourtant avait l'habitude de prendre contact avec autrui, qui disposait d'une certaine assurance en public, qui prenait la parole pendant les débats électoraux et n'hésitait pas à faire la fête en taverne, était maintenant timide. C'est que le Très-Haut était tout puissant, et comment ne pas faire preuve d'humilité dans sa maison ?
Il glissa un dernier regard vers l'assemblée, esquissant un léger sourire ravi en voyant Ava entrer et se placer au fond de la salle. Cette présence était importante pour lui, à bien des égards. Parce qu'il la considérait comme une amie avec qui il sentait avoir beaucoup d'affinités, quoiqu'ils ne se connaissaient au fond pas énormément. Parce qu'elle était peu sociable, ce qui donnait bien plus d'importance à sa présence encore. Et parce qu'elle lui rappelait Dieppe, la vie qu'il avait eu là-bas pendant quelques semaines, et par conséquent la femme qu'il aimait et qui lui manquait terriblement ces temps-ci, incapable de savoir précisément où elle se trouvait.
Ses yeux se posèrent également un instant sur Matou, cette fois-ci intrigué, et même perplexe. Pourquoi donc restait-elle debout ? Puis il se dit qu'il s'agissait sans doute là d'une obligation rituelle de la part de la future marraine, et Jean se maudit intérieurement de ne pas mieux connaître les coutumes et les rituels à accomplir durant les cérémonies religieuses. Il finit donc par sourire à Matou, avant de très vite redonner son attention à l'archevêque.
Il écouta ses paroles et espéra être en mesure de répondre de son mieux aux exigences de l'Amitié Aristotélicienne. Le Très-Haut, sans doute, voudra bien l'aider dans sa tâche et l'aider à lutter contre toute forme de méchanceté, de corruption, de désirs excessifs ou de brutalité. Jean ne put s'empêcher de frissonner longuement en écoutant l'orgue, ce magnifique instrument qui avait comme vertu de parler directement à l'âme. Il eut alors une pensée pour Floralise, cette musicienne rouennaise qui excellait dans l'art de la musique et dont les mélodies trouvaient encore quelques échos dans son âme aujourd'hui. Puis il rejoignit le Cardinal près de l'autel.
Monseigneur, je souhaite rejoindre la plus noble des communautés par amour. Par amour du Très-Haut, tout d'abord, mais aussi par amour des hommes à travers lui, et dans l'espoir de contribuer à guider autrui dans ce beau chemin qu'est celui des vertus aristotéliciennes. Je me sais humain, Monseigneur, et par conséquent faillible. J'ai besoin de force pour poursuivre la voie qui me guidera peut-être jusqu'au Soleil, et je sais pouvoir compter sur la communauté pour m'accompagner et m'aider dans ce chemin, tandis que j'espère tout autant aider les autres en retour.
Tandis qu'il parlait, sa main droite s'accrochait quelque peu à sa longue tunique avec laquelle il jouait distraitement, probablement par nervosité et sans trop s'en rendre compte. Il avait parlé d'une traite, peut-être un peu précipitamment, laissant son cœur parler et ne reprenant son souffle qu'après cela. Il pensait à tous ceux qu'il aimait à cet instant, à tous ceux de qui il allait pouvoir se sentir plus proche encore, car quel lien plus fort pouvait-il y avoir que celui instauré par le Très-Haut ?
Il ne pouvait plus voir les personnes présentes, derrière lui, mais sentait leurs regards sur lui et leur attention. Chaque regard était comme un fil qui l'attachait à eux, ces fils s'entrelaçaient et se nouaient et formaient déjà l'esquisse de la communauté aristotélicienne qu'il était sur le point de rejoindre.
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Jean Beldurian,
Eleveur et paysan rouennais (moutons et maïs),
Ambassadeur de Normandie auprès du Bourbonnais-Auvergne,
Membre du Conseil Ducal de Normandie,
Commissaire au Commerce de Normandie.
