Osfrid
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Cétait le grand jour celui quil attendait plus que quiconque.
Si certains espéraient voir arriver la fin de lannée à grand pas, Osfrid, lui, ne voyait que par le jour où sa danoise de mère ainsi que quelques membres de sa maison allaient débarquer. Et leffervescence était à son comble depuis quil sétait éveillé. La veille au soir, il avait retrouvé sa petite cousine pour lui demander de laccompagner jusquau port afin dy accueillir les voyageurs dès le lendemain. Sachant laffection quavait Briana pour sa mère et donc tante, il savait quelle ne lui refuserait pas ce petit tour malgré les récents évènements dont lenfant avait été victime. Mais le coup dil rapide lancé à lenfant, Osfrid sétait assuré quelle avait repris quelques couleurs. De plus, elle lui avait assuré quelle mangeait correctement dorénavant et il savait, en plongeant son regard dans le sien, quelle ne lui mentirait pas. Un jour peut-être elle le ferait mais pour le moment, les regards échangés avec son grand cousin avaient encore cette saveur où linnocence prenait le dessus sur la banalité des choses, sur les meurtrissures du passé dont celui dOsfrid était encore empreint. Alors avec cette promesse faite la veille, le danois sétait rentré dans sa chambre à lauberge du coin, satisfait de pouvoir entraîner la petite dans un nouveau tourbillon. Et le matin avait été là, plus vite quil ne laurait cru.
Deux pieds posés à terre, Osfrid sétait passé une main dans les cheveux afin de rassembler ses esprits. Il faisait dans sa tête encore embrumé la liste de ce quil devait faire avant de retrouver sa famille. Les chambres avaient été retenues à lauberge du port. Il savait sa mère avec ce besoin insolent et presque maladif de pouvoir contempler lhorizon et leau comme lui-même en était dépendant alors il ne sétait pas fait prier. Et puis, ça mettait les siens un peu à lextérieur du centre du village ce qui nétait pas plus mal. Harald avec sa femme et ses monstres avaient tout autant besoin despace que lui, même solitaire, en réclamait. Un sourire aux bords des lèvres et il pensa à sa blonde de mère. Il espérait quelle ne serait pas trop fatiguée mais surtout que la peine et le deuil ne laurait pas amoindrie. Il savait les ravages de labsence, il en connaissait les moindres affres pour les avoir vécues et en ressentir encore aujourdhui les piques certains jours.
Se levant enfin, le danois alla se débarbouiller. Le bain la veille lui avait offert cette détente nécessaire à une bonne nuitée et il ne lui restait plus quà ouvrir correctement ses mirettes pour affronter le monde et sa journée. Une fois chose faite, il enfila une belle chemise de lin tissé finement dans les tons quil affectionnait, lie-de-vin, avec quelques broderies dorées au col, puis ses braies couleurs crème assorties à son mantel. Aujourdhui cétait jour de fête même si pour la plupart des gens il restait jour ordinaire. Quand on na pas vu sa famille depuis des mois, chaque instant devient exceptionnel. Il enfila enfin ses vieilles bottes qui avaient vécu tant de voyages quelles en étaient usées jusquà la corde mais Osfrid se sentait bien et navait pas mal aux pieds.
Voilà quil était tout beau le danois et prêt à sortir. Mais à peine arrivé sur le pas de la porte quil se ravisa. Son épée, son éternelle Clémence qui laccompagnait partout, il ne pouvait imaginer la laisser ainsi. La veille au soir, il avait passé de longs moments à lastiquer. Chaque rune gravée représentait un adversaire tombé au combat et sa lame commençait à devenir presque trop petite pour recevoir cette distinction mais cétait une façon dhonorer leur mémoire. La plupart sétait battu avec bravoure et il ne voulait pas les oublier. Donc revenant sur ses pas, Osfrid saisit sa Clémence et la glissa dans le fourreau prévu à cet effet à sa ceinture. Là il se sentait complet et pouvait aller chercher sa petite cousine.
Quelques pas en direction du centre où Briana logeait avec sa mère et le valet de celle-ci et Osfrid se retrouva rapidement devant la grille de la maison. Un instant dhésitation, un regard vers les fenêtres de la maison, à létage. Souvenirs encore récents de sa venue jusque-là alors que la petite semblait vouloir quitter ce monde. Il ne lavait pas vu venir celle-là, trop occupé à se déchirer avec sa mère, cette mère quil malmenait pour lui faire ouvrir les yeux et qui navait rien vu de plus que lui Jusquoù irait son inattention face à son enfant, il se le demandait chaque jour mais il avait aussi fait une promesse à sa petite fleur de Ribe et il essaierait de la tenir au mieux. Prenant une grande goulée dair, il poussa enfin la grille et savança jusquà la porte pour soulever le butoir afin de prévenir de son arrivée.
Osfrid se retourna, scrutant lhorizon puis ce ciel chargé de nuages annonciateurs de neige à venir. Un sourire naquit sur les lèvres du danois. Si le temps était au rendez-vous alors ça serait une belle journée pour tous. Mais la porte qui souvrait soudainement à la volée le tira de ses réflexions. Ses azurs vinrent se poser sur celle quil espérait voir alors ses lèvres sétirèrent doucement avant de se baisser pour se mettre à sa hauteur et la recevoir contre son torse. Petit ange dont il se faisait le protecteur, jamais il ne voulait en être séparé à nouveau même si sa mère avait ce pouvoir et le lui avait bien fait comprendre. Est-ce que la période de fêtes serait propice à changer les choses finalement, il se le demandait à chaque instant surtout avec cette colère sourde et ses reproches jamais bien loin de ses lèvres. Soupirant légèrement, il déposa un baiser sur la chevelure dorée.
- Bonjour ma petite Fleur. Es-tu prête à venir avec moi accueillir comme il se doit notre famille ?
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