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[RP] Une visite pour une couturière (Seignelay)

Simon_temple
    Simon Temple était arrivé en Bourgogne depuis quelques jours déjà. Il se serait bien présenté plus tôt, mais une algarade entre lui et quelques brigands dans le Berry avait fait qu'il s'était retrouvé démuni de sa bourse. Il s'était donc motivé pendant quelques jours pour travailler, se racheter des vêtements décents, et surtout demander à Yolanda-Isabel de lui envoyer quelques petites choses.

    L'huissier de l'Atelier Douceurs Toiles et Couture avait été habitué à bourlinguer à travers les Royaumes, malgré le fait qu'il aimait surtout Paris, ainsi ne se sentait-il pas dépaysé. Il avait même quelque idée pour obtenir le gite et le couvert à Seignelay, si ses seigneurs étaient assez bons pour cela.

    Ainsi se présenta-t-il à la garde de Seignelay, la fleur au chapeau, et des paquets dans les bras. Il estimait sincèrement que ce lieu paumé ne devait pas connaitre les raffinements parisiens, et que les quelques douceurs de la capitale lui octroierait quelque regard favorable envers son entreprise.


    L'bonjour ! J'voudrais voir Clarinha s'il vous plait. Elle m'attend ! Enfin j'espère...

    Simon était un peu angoissé, il avait promis cette visite à Clarinha, il lui semblait qu'il existait quelque chose entre eux, au-delà de la simple collaboration professionnelle, mais disons-le franchement, il avait les chocottes qu'elle l'ait déjà oublié, ou pire, remplacé.

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--Ygerne
J'arrivai, essoufflée et les joues en feu, pour accueillir le visiteur. En chemin, j'avais remis vite fait une mèche de mes cheveux qui s'échappait de ma coiffe. C'est que j'étais bien occupée lorsque le garde vint m'avertir de cette visite ! Je ne l'avais pas entendu tout de suite qui m'appelait et pour cause...j'étais dans les greniers de Seignelay, en train de chercher des malles dans lesquelles ranger les vêtements que Clarinha avait confectionnés pour la naissance d'une fille.

Je me présentai donc, essayant de retrouver mon souffle, au sieur.


Bonjour, messire.
Je suis Ygerne.
Il parait que vous désirez rencontrer damoiselle Clarinha ?

Si vous voulez bien m'accompagner, je vous conduis au petit salon.


Je repartis dans le sens inverse, suivie du visiteur, direction le petit salon où j'installai le sieur.

Je vais prévenir damoiselle Clarinha de votre présence, messire...? C'est à ce moment-là que je me rendis compte que je n'avais pas demandé le nom du dit visiteur. Oups. Si la Duchesse apprenait ça, j'en prendrais pour mon grade !
Simon_temple
Un servante vint finalement à la rencontre de l'huissier de l'atelier parisien, l'invitant à la suivre dans le petit salon. Il n'eut que le temps de confirmer son intention avec un "Bien le bonjour, oui oui, je veux bien rencontrer Clarinha". En même temps il espérait ne pas avoir parcouru plusieurs centaines de lieues en vain.

Je suis Simon Temple. Mais elle me connait.

Ou alors peut-être l'avait-elle déjà oublié, qui savait ? Rien ne disait qu'un bel hidalgo était passé dans les parages, l'enlevant sur son destrier blanc... Ou alors elle était tombée follement amoureuse d'un troubadour qui savait la faire rêver grâce à ses madrigaux. A ce moment Simon se dit qu'il fallait qu'il arrête un peu de rêvasser. Elle semblait être là et bien là

Se posait donc la question de "quoi lui dire ?". Il lui avait promis de lui rendre visite, mais il se retrouvait désormais dépourvu de répartie. Simon pouvait déjà lui demander comment elle se portait, c'était bien ça, pour entamer la conversation. Murphy, lui, il aurait su.
Ou pas, ce n'était qu'un chat après tout.

Simon commença ainsi à étudier le petit salon, les peintures au mur, les tentures, les menus objets de décoration, afin d'occuper son esprit.

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Clarinha
Ygerne était venue me prévenir. De la visite pour moi, c'était déjà assez inhabituel. Mais quand elle mentionna qu'il s'agissait de Simon Temple, je n'attendis pas davantage pour délaisser l'escoffion que je reprisais. Je bondis sur mes pieds, remerciai Ygerne, et allait à mon miroir, pas très lisse, pas très fidèle, sans doute, mais suffisamment pour me donner une idée de moi-même : la poitrine serrée dans un petit gilet, une longue jupe d'un violet fade, sur une chemise ample serrée aux poignets... Contre le froid de la saison, une petite cape protégeait mon dos, tandis que de devant, je n'avais besoin de rien, faisant face au feu.

J'attrapai une petite coiffe assortie et la plaçai sur mes cheveux lâchés, mes cheveux de... prostituée. Il faudrait que j'apprisse à les coiffer aussi bien que je le faisais sur ma maîtresse. Mais se coiffer soi-même...
Peut-être oublierait-il ce genre de signe. Il m'avait vue décoiffée bien des fois, et après tout, se souciait-il de ce genre de détails ? Se souciait-ils qu'ils me donnassent l'air très sensuel, qu'accentuait la rougeur sur mes joues ?

Je descendis au salon. Je retins ma main derrière la porte, puis la poussai finalement...


Olaaa, Simon ! Eu n'attendais pas vocêch !
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Simon_temple
Enfin elle arriva, et le narrateur s'abstiendra de citer le lac de Lamartine pour caractériser cet instant de grâce. Un sourire naquit, sans qu'il en ait conscience sur son visage aux traits fins, à voir la couturière de l'Atelier qui s'était retirée en Bourgogne. Il regrettait les couleurs fades qu'elle portait, l'imaginant bien mieux dans un cinabre flamboyant, un outremer voluptueux, ou peut-être, dans l'intimité d'une chambre, revêtue d'un lin sensuel évoquant la carnation de sa peau.

Ah... euh... Ah bon ? Je vous avais pourtant dit que je viendrais vous voir.

Bon, passons ce premier rateau, il fallait espérer que la suite se déroule mieux. Peut-être avait-elle oublié après tout. Mais lui n'oubliait rien, oh non. Il n'oubliait pas la boucle ébène qui s'échappait au creux d'une épaule, le frémissement de sa gorge lorsqu'elle soupirait après bien des heures de travail acharné, la façon dont sa peau reflétait le soleil hivernal même en cet instant.
D'ailleurs cette contemplation fit qu'il resta un bref instant silencieux, avant de reprendre la discussion.


Oh, je vous ai ramené quelques petites choses, je ne sais pas ce que vaut la cuisinière de Seignelay, mais cela ne doit pas valoir l'Atelier !

Simon prit le petit coffret rigide qui renfermait quelques douceurs et bonbons, avant de le tendre à Clarinha. Il ne savait pas si cela lui plairait, il la connaissait si peu, finalement.
Ils se voyaient fréquemment, quotidiennement presque, et pourtant...
Il ne pouvait pas non plus offrir de bijoux, déjà il n'en avait guère les moyens, et de surcroit cela aurait été déplacé, pour l'instant. Il ne lui faisait pas officiellement la cour, elle n'avait pas de duegne contrôlant ses faits et gestes ou une autorisation à demander. Du moins le pensait-il.

Et timidement, il demanda :


Comment se passe votre séjour ici ?
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Clarinha
Je pris le coffret et secouai la tête, dans une attitude mêlant bienveillance et confusion. Je n'ouvrai pas, je voulais dire, d'abord :

-« Eu attendis mach eu não savais quando o Simon alla venir... »

Non, je n'avais pas oublié... Oh, Dieu, faites qu'il ne croie pas cela ! Je n'oubliais rien. Je le considérais comme mon phare, comme la lumière que je rejoindrais à la fin de mon voyage sur le chemin de la rédemption et de la liberté.
J'étais libre, bien sûr, à Seignelay, ma maîtresse ne cessait de le dire, et je l'aimais pour cela. Mais je n'étais pas libre de coudre ce que je voulais, et je n'étais pas libre d'avoir mon propre commerce. J'avais accepté, certes ; c'était une façon d'échapper aux Doigts d'Or, havre béni, havre maudit, j'y avais été sauvée par mon talent, j'y avais été piégée par ma notoriété.

Simon, c'était le nouveau foyer que je me créais, que je projetais, dans mon coeur, dans mon âme, sans le lui dire. Ma maîtresse savait que j'aspirais à cela. Et moi, j'aspirais aussi à avoir des enfants, mon corps le criait, le voulait. Trop souvent avais-je fait passer des embryons par les tisanes du Sans Nom ; à la lanterne rouge, c'était monnaie courante, plutôt que passer 9 mois sans clientèle.
Le temps passant, ce besoin de maternité se faisait de plus en plus pressant... Je craignais, plus que tout, que les années passassent et qu'au jour où je pourrais m'établir, être maîtresse de maison, même d'une maison humble et m'usant les yeux à la bougie pour coudre de menus travaux, qu'au jour où je serais mariée et établie, mes entrailles soient aussi arides et infertiles que les déserts d'Orient.
Alors, si j'avais oublié Simon ? Oh, grand dieu, jamais de la vie ! Je tremblais face à lui. La distance n'effaçait rien.


-« Eu sou bem... Muito bem. O Simon veut... asseoir-se ? O Simon chta bem ? I a donna Youlanda ? »
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Simon_temple
Simon hocha la tête à la proposition de Clarinha. S'asseoir, quelle bonne idée, même si les fauteuils qui meublaient Seignelay semblaient bien fragiles et précieux pour lui, qui semblait décalé dans cet univers noble et guindé.

Simon s'installa donc, non loin de Clarinha, la regardant avec ce mélange d'affection et de timidité. Il avait longtemps imaginé ces instants, mais il s'était souvent arrêté dans ses rêveries au "Bonjour", trouvant déjà compliqué de trouver la bonne attitude. Son imagination échevelée avait parfois fomenté des retrouvailles passionnées, vous savez, comme ces deux jeunes gens qui courent sur la plage au soleil couchant pour se sauter dans les bras l'un de l'autre ; ou bien alors Clarinha qui se pâmait dans ses bras en lui murmurant quelques mots passionnés avec son accent si particulier, et lui qui lui répondait d'une voix grave et assurée qu'il l'avait toujours su, alors que le vent faisait claquer leurs capes. Mais il n'y avait pas de plage ici, ni de brise susceptible de faire voler leurs cheveux et ce genre d'attitude convenait bien mieux à des adolescents en pleine tempête hormonale qu'à ces deux jeunes gens, gênés et engoncés dans un salon de Seignelay.

Il lui donna alors quelques nouvelles de l'Atelier.


Oui je vais bien, il y a une nouvelle couturière à l'Atelier, Armelle. Elle est devenue la couturière attitrée de Yolanda d'ailleurs et elle réalise parfois quelques robes pour l'Atelier.
Quelques peintres aussi se sont essayées à la couture, c'est prometteur. Et Linien fait toujours ses madeleines au citron, et il a fait des progrès ces derniers temps en couture.

Yolanda a été blessée en Anjou, à cause de la guerre, mais elle saura se remettre...


Il remarqua qu'elle n'avait pas ouvert la boite, peut-être n'aimait-elle pas les bonbons ?
Venait désormais le moment délicat : celui ou on épuisait les sujets de conversation courant, et ou il ne restait plus qu'à aborder ceux bien plus sensibles. Simon se réinstalla sur le fauteuil, mal à l'aise avec ce formalisme et il reprit la parole, comme on se jette à l'eau. Il en bafouilla un peu d'ailleurs


Clarinha, je... enfin je... nous, vous et moi... raclement de gorge alors qu'il s'insultait in petto pour être un tel boulet nous nous apprécions... enfin je crois ?

Non, ça c'est nul, allez, tu peux mieux faire mon petit Simon.

Enfin moi, je vous apprécie. Beaucoup même.

Un silence. En même temps il n'aurait pas fait le voyage depuis Paris si ce n'était pas le cas.

Et je me demandais si... enfin si vous vouliez bien que... je vous courtise ?

Car bien sur, Simon lui ne draguait pas. Il courtisait, nuance. Enfin Clarinha serait la première, il ne savait pas vraiment comment on faisait et il espérait que sa duchesse accepterait une telle entreprise.
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Clarinha
Je m'assis, et posai la boîte à bonbons sur une petite desserte à portée de main. Je n'étais ni tout à fait en face de Simon, ni tout à fait à côté. Nos deux sièges étaient tournés de biais vers le feu, qui flambait joyeusement dans l'âtre.
Je regardais Simon d'un oeil intense, sans pudeur, je n'en avais que faire. Une pucelle rougit et baisse les yeux. Je ne l'étais plus depuis des années. Je le dévorais d'un regard intense et impatient.
J'ignorais tout à fait ce qui allait se passer. Je n'avais pas l'habitude de ces convenances du monde : j'avais été de la marchandise, tout juste, parfois, demandait-on mon nom avant de commencer. Alors, bien qu'ayant vécu bien des choses que de nobles oreilles ne devraient jamais entendre en toute une vie, j'étais tout à fait perdue dans ce nouveau jeu, qui s'appelait amour, et qui s'encombrait de tant d'hésitations, de tant d'étapes.

J'écoutai les nouvelles de l'atelier avec grand intérêt. Linien avait progressé ? Il faudrait que je visse cela ! (il s'agit là de voir, non de vices vissés à mon être, quoi qu'il y en eût aussi beaucoup — là n'est pas le propos)
Armelle ? Oui, elle avait déjà fait ses débuts quand j'allais encore à Paris de temps à autres... Simon semblait trop troublé pour se rappeler sa chronologie. Je souris : ce n'était rien d'important.
Je m'inquiétai bien plus pour la blessure de la rondelette Duchesse... Mais alors que j'entrouvrais mes lèvres rebondies, yeux inquiets, pour demander davantage de précisions, il remua sur sa chaise, comme pour clore ses propos et en lancer sur un autre sujet. Je retins mon souffle. Allait-il toucher au but de sa visite ? Allais-je savoir si c'était bien la raison que j'espérais ?

Je n'eus plus à attendre longtemps.


Clarinha, je... enfin je... nous, vous et moi... nous nous apprécions... enfin je crois ?

Je hochai les cils. La tête, pas encore, j'étais comme une statue de sel ; je craignais de rompre son élan par le moindre de mes mouvements.

Enfin moi, je vous apprécie. Beaucoup même.

Un silence. Ce préambule me captivait, et mon cœur, inévitablement, s'emballait. Allait-il, allait-il...

Et je me demandais si... enfin si vous vouliez bien que... je vous courtise ?

Mon cœur, suspendu un instant, retomba comme une masse. Dans mes entrailles, ça me fit la même impression que lorsqu'on rate une marche.
Mes traits figés reprirent alors vie, et je hochai, lentement, la tête. J'étais peut-être plus pâle que l'instant d'auparavant, mais je n'aurais pu m'en prendre qu'à moi, d'avoir formé des espoirs démesurés sur cette visite.
Bienvenue dans le monde réel.
De mon chuintant et chantant accent, je répondis :


-« Sim, Simon... Eu quero muito que tou... que vocêch courtise-me. »

Reprenant contenance, je lui offris un sourire plus franc, plus chaleureux, et lui tendis ma main.
Je n'ai jamais fait cela... Je n'ai jamais vécu l'amour dans le bon ordre, je n'ai jamais... Jamais... Je n'ai pas lu le mode d'emploi, je ne sais rien de tout cela, alors, montre-moi...

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Simon_temple
Suspendu aux lèvres de la lusitanienne, Simon attendait la réponse. Que dis-je, LA réponse.
Serait-elle d'accord ? Ou bien s'était-il fourvoyé depuis le départ concernant les sentiments de Clarinha à son égard ? Car comprenez-le bien cher lecteur, Simon n'avait pas fait de demande d'épousailles afin de ménager son égo. Il était en effet moins douloureux de se faire éconduire à l'orée d'une relation (le classique "tu es quelqu'un de bien, mais restons ami !") que d'y aller direct, droit au but, et de se voir dire non "Ah quelle jolie bague, mais non, tu t'es trompé, mais je la garde quand même !").

Il n'imaginait pas, lui, de son côté, l'intensité des désirs de la couturière, car à peine s'étaient-ils effleurés à Paris, dans une danse prudente et chaste.

Ainsi dans l'esprit de Simon, cela donnait ceci :

Serait-elle d'accord ?
Elle est d'accord ?
Elle est d'accord !
Mon dieu, elle est d'accord !
*pif paf wizz, feu d'artifice mental, oh la belle bleue*

Et Simon sourit, non pas l'un des sourires qu'il offrait à la clientèle de l'Atelier, mais un sourire heureux, alors qu'elle acceptait.
Ainsi le jeune homme s'épancha-t-il un peu plus, après tout elle était d'accord (je le répète au cas ou le lecteur ne l'aurait pas bien compris).


Ah, ma douce Clarinha, vous n'imaginez pas à quel point cela me réjouit !

Attention, vague de guimauve en approche.

Simon prit ainsi la main de la couturière, et dans un élan absolument charmant il quitta son fauteuil pour déposer un genou à terre face à la lusitanienne.


Je ne suis pas un preux chevalier, ou un fils de famille noble, hélas.
J'ai quelques économies, bien entendu, et bien des choses dépendront également de l'acceptation de votre duchesse.

Pourrez-vous lui demander si elle prendrait ombrage que... nous nous rapprochions ?


Simon espérait que Della ne s'opposerait pas à ce que Clarinha et Simon envisagent des projets, mais savait-on vraiment ce qu'il y avait dans la tête des nobles (à part des blasons et des arbres généalogiques) ?
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Clarinha
Si le sang avait reflué de mes joues, il afflua derechef, au sourire radieux de celui que je pouvais, désormais, sans me mentir ni mentir au monde, appeler l'homme que j'aime. Il posa quelques mots sur sa joie, et prit ma main. Je n'en espérais pas tant, et pourtant, j'en espérais plus !
J'avais le sang chaud et j'avais connu déjà les délices de la chair (n'en étant pas toujours, mais quand le désir s'y associe... et assurément, mon désir pour Simon était né avant mon amour pour lui et son étrange caractère). Il pourrait, sur cette main qu'il tenait, poser ses lèvres et remonter tout le bras ainsi, glisser l'autre sur ma taille, et son souffle sur mon cou, je n'en serais que plus encourageante.

Mais ce n'est résolument pas ce que l'on fait, dans les salons bien comme il faut. Et toute la bonne volonté qu'il mettait à faire les choses comme il fallait pardonnait forcément cette pruderie à laquelle je ne me ferais jamais.
À la place de cela, il mettait un genou en terre, comme je ne l'avais jamais vu faire, sinon dans les récits chevaleresques d'antan. La fin'amor touchait à sa fin, en notre siècle...
Je n'avais pas envie de rompre cette intimité en faisant chercher ma Duchesse qui était, d'autant plus, sortie quelques heures plus tôt. Je ne savais plus trop pour quelle raison, ni combien cela devait durer. Voir l'intendant de la Baronnie à quelques lieues de là ou payer une visite à la cour de Bourgogne, ce n'est assurément pas le même genre de voyage !
Et puis, au coeur d'une discussion animée, je lui avais déjà parlé de Simon... Alors je répondis :


-« Ça não sera oum proublem, querido... Eu jà parla de ti à a minha donna. »

N'était-ce pas, d'ailleurs, la meilleure preuve de toute la place qu'il avait dans mon coeur ?
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Simon_temple
Tenant toujours la main de Clarinha dans la sienne, Simon sourit de plus belle.

Ma bien-aimée... obrigado !

Tant de choses se dessinaient alors même qu'il n'avait jamais posé ses lèvres sur celles de la couturière.

Bien entendu, Simon n'était plus puceau depuis un moment, ses longs voyages en France lui avaient permis de faire assez de rencontres féminines afin de parfaire son expérience. Parfois s'était-il pris à imaginer à s'installer dans une de ces mesnies nobles ou une jolie domestique avait su charmer ses sens, mais Paris... Paris finissait par le rappeler.
Un an, deux ans après son départ, il revenait immanquablement à la capitale ou il avait grandi, après avoir bourlingué et vécu des histoires et chants qu'il connaissait et qui ravissaient les seigneurs en manque de nouvelles ou de poésie. Même au sein de la cité, il avait noué quelques liaisons ou pris quelques libertés dans les quartiers "chauds", fréquentant même parfois la rue des Deux-Ecus*.

Tout avait changé avec l'arrivée de Clarinha à l'atelier. Elle, si lointaine, si inaccessible, se calfeutrant dans sa chambrée pour ne point faire entendre son accent chantant, et qui venait lui réclamer la lecture de certaines lettres au verbe si tourné qu'il en devenait incompréhensible.
Elle était, pour Simon, comme l'une de ces épices rares que l'on ramenait d'Orient, précieuse, que l'on se devait de manier avec précaution pour en exhaler tout l'agrément. Il connaissait son passé, murmuré par les potins féminins qu'il entendait parfois, mais même cela n'avait pas entaché l'image qu'il avait de la lusitanienne, auréolée des sensations frémissantes des quelques effleurements advenus à l'Atelier.

Ce fut la main de Clarinha qui fut portée aux lèvres de Simon et il y déposa des baisers, avant de relever ses yeux clairs vers ceux si sombres de la couturière. Un de ces regards ou transparaissait le désir, ou la jeune femme pouvait clairement lire sa demande de se pencher vers lui pour lui donner un baiser.



*ahah, kass-dédi mon ptit Edmond.. !
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Clarinha
    "Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce ?
    Un serment fait d'un peu plus près, une promesse
    Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,
    Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer;
    C'est un secret qui prend la bouche pour oreille,
    Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille,
    Une communion ayant un goût de fleur,
    Une façon d'un peu se respirer le cœur,
    Et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme !"
      Cyrano de Bergerac, Rostand, Acte III, Scène 10


Il semblait n'y avoir rien de mal à un baiser, que je sentais Simon appeler de ses voeux. Il n'y avait rien de mal à un baiser, j'en étais moi-même convaincue... Enfin, il y avait un danger en la matière : celui de ne pouvoir s'arrêter. J'étais déjà convaincue que les baisers reçus sur ma main ne s'étaient arrêtés que faute de pouvoir remonter le long du bras, parce que je portais de manches amples, ajustées aux poignets, qui ne se pouvaient retrousser.

Maintenant, je regardais ses lèvres, et ses yeux semblaient aussi aller par petites touches vers les miennes. L'air vibrant d'électricité contenue, d'un désir que l'attente fait croître. Parler ? Pourquoi faire ? Les mots sont inutiles. Entre nous, mêmes, ils étaient souvent là pour faire semblant d'agir comme le commun des mortels : je savais trop bien que ce que je disais n'était de toute façon qu'à demi compris par mon entourage. Et ce que mon entourage disait n'arrivait pas toujours jusqu'à ma comprenette.
Je rêve d'un monde sans parole, d'un monde de chair, d'un monde d'indicibles émotions.

Lentement, très lentement, je me penchai vers le visage de Simon. Je sentais son souffle chaud, d'une odeur neutre, juste celle de la chair, celle du désir. Ses lèvres, avec l'air froid, seraient-elles asséchées ? En voudrais-je plus, tant et plus, toujours plus ? Attendrais-je qu'il posât sa main sur ma joue, pour me forcer au baiser bien volontiers consenti ? Sa main autour de ma taille, était-ce trop osé, était-ce trop espérer ?

Mes lèvres entrouvertes, impudiques, chaudes, fiévreuses, furent à un centimètre des siennes, yeux mi-clos... Il lui appartiendrait de franchir ce dernier espace, de sceller notre pacte d'amour - et le mot ni le verbe, pourtant, n'avaient jusque là franchi nos lèvres.

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Simon_temple
Clarinha n'eut guère à se pencher pour s'approcher de Simon, car même ainsi, un genou à terre devant elle, il restait diablement grand. Il la regarda ployer, ses iris clairs s'abreuvant un bref instant de sa gorge blanche qui s'offrait à son regard, éclairée par la lumière du foyer qui faisait danser des ombres sur sa peau. Simon quitta sa contemplation peu décente pour porter à nouveau son regard sur le visage de Clarinha. Que lirait-il dans les yeux sombres de la couturière ? Assurément il y lisait le même désir que le sien, restés trop longtemps bridés par la retenue et les convenances. Les cils de la lusitanienne se baissèrent, laissant présager l'abandon qu'une femme pouvait avoir en cet instant.

Et là venait la première épreuve de leur relation. Car un premier baiser, cela pouvait se rater. Trop de fébrilité, d'angoisse et tout dérapait. A l'inverse, pas assez de passion et il devenait mou et sans saveur. C'était presque l'avenir entier de leur liaison qui se décidait en cet instant, alors que les lèvres de Simon franchissaient l'espace les séparant de celles de Clarinha.

Ce fut d'abord un effleurement, un tâtonnement doux, un amuse-bouche sage, avant que finalement, le baiser ne se fasse plus appuyé. La main de Simon effleura la joue rosie de sa bien-aimée, la caressant avec douceur. Et tout serait resté sage, mais celle-ci glissa sur la nuque de la lusitanienne en un geste sensuel et totalement déplacé dans ce lieu, mais il n'en avait cure pour l'instant. Ses doigts se mêlèrent aux cheveux sombres de la couturière et le jeune homme se laissa emporter par le tumulte de l'instant. Le baiser se fit fiévreux, alors que l'autre main de Simon se posait sur la hanche de Clarinha, froissant presque un court instant le tissu pâle et la tête lui tournait presque lorsque leurs lèvres se descellèrent.

Et pourtant, il avait offert le premier baiser, il espérait désormais qu'elle lui donne le second.

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Clarinha
Il y a des moments où un baiser vaut toutes les étreintes. Ce baiser-là avait cette valeur. Parce qu'on l'avait trop attendu, parce qu'on l'avait trop fantasmé, parce que la nouveauté et l'interdit gonflaient les sens, parce que, là, dans cette pièce, quiconque entrerait me ferait monter le feu aux joues, parce que j'étais seule, avec un homme, sous le toit de ma maîtresse... Oh, si Isandre savait ! Isandre était si pure, si... austère, à certains points de vue !
Et comme ce baiser était accompagné de tous les gestes idoines, de cette main sur la joue, dans les cheveux, de cette autre sur la hanche, mes hanches qu'aucun enfantement encore n'avait élargies, mes sens ardents jaillirent comme un volcan trop longtemps contenu. Je me dressai, droite et fière, électrique, après ce premier parfait baiser. J'étais étourdie d'une ivresse d'amour et de soif d'autrui. Voilà la différence qu'il y aurait toujours entre Isandre et moi : moi, j'avais déjà connu le péché de chair. Je pouvais m'en repentir toutes les années de ma vie, je l'avais connu, et au moment de l'entrevoir à nouveau, j'en ressentais déjà, par anticipation, les effets les plus doux, les plus pressants, ceux qui vous poussent à la faute. Il est plus aisé pour une pucelle de résister à la tentation, que pour une femme d'y être insensible. La femme sait ce qu'elle rate.

Et quoique toutes les convention nous l'interdissent, mon corps, à être trop resté au repos, avait accumulé une force irréductible de désir, à mettre au service de ma prochaine étreinte. Là. Ce jour. Tout de suite.
Comment, d'ailleurs, pourrais-je mettre Simon à la porte, après ce baiser, après ces voeux ?

Je m'étais relevée, je m'étais dressée, tout soudain, électrique - j'avais enveloppé mon grand amoureux de la chaleur de mes yeux ibériques. Et j'étais allée à la porte. J'avais verrouillé. Tout simplement. En revenant, grisée plus encore par cette erreur que je voulais commettre, j'avais dit :


-"Ca faudra pas faire dou brouit."

Et j'avais enfoui ma tête dans le cou doux et délicieux de Simon, où j'avais laissé traîner le frisson de mon souffle chaud, la caresse des boucles que faisaient quelques cheveux courts sur mes tempes.

Le reste ? Qui le saura ?
L'avions-nous fait ? Eut-il, lui, trop de scrupules ?
Nul ne saura que nous deux : la porte était close.

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