Alors qu'Irella était allée se préparer pour officier aux côtés de l'Archevêque de Rouen la Magnifique... Enfin, dans le temps, aujourd'hui, peu de choses l'étaient dans ce pays.
C'est ce qui se disait à droite et à gauche en tout cas.
Je me ferai mon opinion plus tard, cela n'avait guère d'importance, les choses s'arrangeraient avec de la bonne volonté. Enfin si cela existait encore.
Mise à part Irella en elle-même, le reste du royaume était corrompu au plus profond de son âme et cela lui plaisait à Elle... Celle qu'on ne nomme pas.
Et grâce à Irella encore une fois, cette pensée ne me fit point sourire comme je l'aurai fait il y a encore peu de temps.
Mais alors que je pensais à tout cela, une impression, comme si quelque chose était connecté.
Un ressenti, c'était elle, oui, elle.
Depuis que l'on s'était quitté voilà maintenant des années, une partie de nos âmes était restée liée l'une à l'autre, donnant parfois des impressions bizarres ou faisant rejaillir nombres de souvenirs.
C'est en tout cas ce que je pense, la preuve en est.
Tête tournée, regard mêlé dans l'ombre d'une colonne et d'une rangée de croyants.
Instant fugace, assez pour me voir afficher un petit sourire... Elle m'avait vu.
Que pensait-elle ? Toujours cette émeraude particulière dans ses yeux, pourquoi ne s'était-elle pas arrêté ce jour là sur cette route ?
Liarim, ce beau cheval, l'avait pourtant bien averti, averti que miraiL l'attendait.
Ou bien ses hommes, les nobliaux qui la suivaient, l'en avaient-ils empêché ?
Peu importe aujourd'hui, j'étais ici et dans le même lieu.
J'étais de nouveau normand, sous une nouvelle identité, pour une nouvelle vie.
Elle avait ensuite détourné le regard, entourée des siens de maintenant, des gens de sa classe, de sa stature.
Mon regard la quitta également quand l'abbesse refit son apparition, habillée pour l'occasion, cet habit lui allait si bien.
Cela me rappelait Seriella, autre sourire. Accompagné d'un regard furtif vers la sacristie. Dernier sourire.
Irella... J'étais son escorteur aujourd'hui, je la servais et servirai... A jamais.
Le frère Toque de la Marmite a fait un beau discours, enfin... Je ne l'ai écouté que vaguement.
Mon esprit était tourné à ce moment là vers toute autre chose, seuls quelques mots me vinrent alors aux oreilles.
J'avais souris lorsque Irella avait fait de grands gestes désarticulés pour tenter de dissuader le Frère tastevinasse.
Nous en étions donc au Credo, le fameux.
Si aujourd'hui j'accepté d'entrer dans une église pour suivre et écouter une messe, il n'en était pas de même pour les chants sacrés et autres Credo de foy.
Non... Je n'en suis pas encore là, même si je donne l'impression d'aller normalement et de ne plus parler de certaines choses, elles n'en sont pas moins encore et toujours là.
Dans une moindre mesure certes, mais là.
J'écoute donc ce cher Credo, que j'entonnais fièrement et puissamment dans les temps jadis, sans ouvrir la bouche une seconde.
Tous chantent ensembles, une belle chose que cela.
Mais certaines choses ne doivent pas être faites à la légère dans mon cas et je ne suis pas encore prêt pour ce genre d'expression.
Durant cette partie de la messe, mon regard quitte Irella pour vagabonder sur les différentes personnes présentes, en arrivant évidemment comme attiré, sur elle.
Anya, tu dois sans doute t'attendre à ce que je vienne te voir, hum ?
La Blanche est entourée par ses proches, d'autres nobles comme elle, peut-être des vassaux, ou autres.
Je ne veux pas m'approcher devant eux, et certainement pas en ce lieu.
Même si je n'ai aucune intention hostile, Dieu a ses yeux sur moi en cet instant, je le sais, je le sens.
Je suis sans doute celui à cette époque qui L'a le plus outragé.
Si alors que j'étais dans cette crypte dans le Dauphiné, Mirail devenu Nyix, la nuit, Phényix, la flamme, j'avais été à Oanylone lors de la Punition, il y aurait eu un Prince-Démon en plus.
Celui de la corruption de l'âme. Serviteur et prophète de la Créature.
Le moment où Irella devra me confesser approche, je le sais aussi...
Ce jour là, elle me pardonnera de mes péchés, et vous ? Très-Haut ? Accepterez-vous tous les sacrifices que j'ai perpétré ?
Petit sourire, puis pensées vers la duchesse Blanche de Puycharic.
Nyix, surnom pour une nouvelle vie. Toi tu as repris ton vrai nom alors que moi, je l'ai caché et enfoui.
Patience... Anya de Puycharic, nous sommes proches à présent et viendra le moment de notre rencontre.
Et ce jour là, nous discuterons enfin. Comme je te l'avais dis environ un an auparavant.
Puis un moment après, une fois que j'ai observé Irella qui se tient prête à officier.
Me voilà courbant l'échine devant la seule Entité qui le mérite et qui puisse me l'ordonner, posant un genou à terre, devant mon pilier, yeux fermés, tête baissée.
Par pensée, je m'adresse à Lui.
- Dieu, Très-Haut, pardonnez-moi mes péchés... Aussi nombreux fussent-ils, aussi abjects fussent-ils.
- Pardonnez-moi d'avoir vendu mon âme et d'avoir établi ce pacte maudit que je combats aujourd'hui grâce à l'aide de Votre Fille.
- Pardonnez-moi d'avoir lié le coeur de Seriella au miens alors qu'elle vous servait, car cela ne l'a pas empêcher de le faire. Je requiert Votre clémence.
- Pardonnez-moi d'avoir... Pardonnez-moi là aussi, vous verrez vous-même Grand Esprit que cela n'affectera rien.
Je me relève, me postant dos au pilier comme si de rien n'était.
Je le sais, un premier pas vient d'être fait lors de cette messe si particulière.
Tout comme le miracle du chuintement disparu pour le frère Marmiton, Mirail qui se prosterne une fois de plus devant Dieu.
Une chose est certaine à présent, une fois que je mettrai le pied dehors... Je devrai payer le prix de ce que je viens de faire.
C'est maintenant au tour d'Irella de prendre la parole et je ne louperai cela pour rien au monde.