Claire létoile de mer était dans sa chambre, mais sa chambre à elle était vaste comme locéan.
La surface des eaux formait un plafond dansant quelle quittait rarement des yeux car, pour elle, locéan nétait rien comparé à limmensité du ciel qui tremblait par-dessus.
- Viens dans mes bras, lui dit sa maman quelle navait pas entendu venir dans lépais silence des eaux.
Je te sens rêveuse. À quoi penses-tu donc?
- Raconte-moi encore le Monsieur Nicolas, maman, répondit Claire.
- Eh bien, il va charger cette nuit son traîneau de cadeaux pour tous , senvoler dans le ciel en se guidant aux étoiles et visiter chaque maison le temps dune longue nuit.
- Même nous ?
- Bien sûr.
- Pourtant, nous sommes sous leau !
- Le Monsieur Nicolas est un homme pour les hommes, un poisson pour les poissons, un oiseau pour les oiseaux, rien ne larrête et il noublie jamais personne.
- Je vois, dit Claire dune petite voix.
Elle sembla hésiter, et poursuivit :
- Tu sais à quoi je rêve souvent, maman ? Je rêve de menvoler pour devenir une de ces étoiles qui brillent et aident des milliers de marins à se repérer !
Oh oui ! comme jaimerais, avec des amies, former de drôles de dessins dans le firmament, des casseroles, des maisons, des croix, des cerfs-volants, des serpents
Quitte à ne pas briller tellement, dailleurs
- Tu es une étoile de mer, Claire, répondit sa maman, et pour nous, la plus jolie de toutes. Ton ciel, cest le fond de leau ! On ne peut rien y changer.
- Dommage, dit Claire.
Elle sécarta légèrement.
- Est-ce que jai le temps de me promener encore un peu ?
- Oui, mais ne traîne pas trop, le Monsieur Nicolas ne devrait plus tarder maintenant.
Sa maman partie, Claire agita de nouveau ses bras et frôla le sable des fonds. En se soulevant, il formait comme une traîne derrière elle. Les habitants de la mer étaient encore nombreux à cette heure. Elle croisa même Célestin le requin et Audrey la raie.
- Rentrez vite le Monsieur Nicolas ne va pas tarder dit Claire
- Chouette ! fit Célestin en disparaissant comme une torpille.
Et puis, petit à petit, locéan se vida. Pour Noël, on se rassemblait en famille.
Claire sentit que les eaux déjà sombres sassombrissaient encore. La nuit qui tombait sur le monde semblait tomber dans leau au goutte-à-goutte.
Elle simmobilisa. Elle sentait autour delle comme une présence. Plusieurs fois, elle crut voir un éclair rouge fendre les eaux, trop rapide pour être un poisson.
Elle patienta encore, prise de curiosité. Combien de temps sécoula ? Elle ne sut le dire. Mais soudain, une voix la fit sursauter sur son rocher.
- Merci, Claire.
Un homme aux écailles rouges se tenait près delle. Une grosse barbe blanche flottait sous son menton au gré du courant. Derrière lui, un traîneau tiré par des rennes reposait sur le sable.
Vous êtes Monsieur Nicolas ?
- En effet, petite étoile.
- Pourquoi mavez-vous remerciée ?
- Parce que grâce à toi, les habitants de locéan auront reçu leur cadeau !
- Je
je ne comprends pas
- Monsieur Nicolas a toujours besoin dune étoile pour se guider. Quand on traverse le ciel, cest toi quon voit au fond de leau, si lumineuse ! Tu mas servi de repère. Et avec ton nuage de sable derrière toi, tu ressemblais même à une étoile filante ! Bon, maintenant, cest à moi de filer car jai encore un long voyage à faire. Joyeux Noël, Claire !
Monsieur Nicolas grimpa sur son traîneau. Lorsque les rennes larrachèrent au sable, un nuage de bulles les accompagna. Puis tout redevint comme avant.
Sauf Claire, qui était devenue une étoile de mer
du berger.
Un gigantesque sourire éclairait son visage.