Syuzanna.
« I say high, you say low,
You say why and I say I don't know, oh no
You say goodbye, I say hello » *
[Le 24 Décembre 1460 - à Vêpres - Sarlat - taverne du « Barbu Tyrannique »]
Joyeux Noël ! Joyeux Noël ! Ces cris de joie résonnaient à travers tout le royaume, et sans doute aucun dans tout le Périgord-Angoumois. Les femmes rivalisaient d'élégance avec des tenues d'or et d'argent, de velours rouge ou vert, de soie bleutée et de mousseline blanche. Les plus aisées d'entre elles arboraient de charmants cols de fourrure. Certaines avaient même les pieds chaussés de vair, ou les mains gantés d'hermine. Sur les gorges rondes brillaient des perles, des diamants, ou des pierres plus humbles. Les hommes eux-mêmes s'étaient mis en frais : leurs bottes étaient convenablement cirées, leur cape fraichement lavées, leur chemise sentaient bon le savon de Marseille, et sur certains couvre-chefs, une plume flottait au vent.
Dans les tavernes, on avait installé le traditionnel arbre de Noël. Tout paré de pommes rouges, de pomme de pin, et parfois même de rubans, les sapins rivalisaient de splendeur. La grosse boule de verre peinte était suspendue à l'arbre de fête, pour « éloigner les sorcières », comme le disaient les aristotéliciens. Tout le monde était joyeux, chaque visage était illuminé de bonheur. A minuit, on célèbrerait la naissance d'Aristote avec une grande messe. C'était l'occasion de montrer que l'on était généreux. On accueillerait un mendiant pour l'occasion, là où il resterait de la place. On avait déjà choisi la bûche à souhait, celle sur laquelle chaque membre de la famille placerait sa main en faisant un voeu : si la bûche était consummée au matin du 25, le souhait prendrait corps. Si non, il ne restait plus qu'à attendre le Noël prochain...
Le lendemain aussi serait une fête. La dinde serait dégustée, entourée de marrons. On jouerait dans la neige, bâtirait d'éphémères bonhommes auxquels on donnerait son foulard, voire son chapeau.
Chacun avait hâte, désormais, de se réunir, de se retrouver ensemble pour fêter la naissance du prophète. Les tavernes se vidaient peu à peu, sur de joyeuses paroles. Tout le monde était heureux.
Tout le monde ? Non, car une jeune femme luttait encore et toujours contre l'esprit de Noël. Et cette jeune femme n'était autre que la païenne du coin - chaque région en avait au moins une - la rousse Ecossaise, Syuzanna NicDouggal. Qui haïssait cette fête ridicule. Il fallait bien dire aussi, qu'à part les quatre fêtes Druidiques, Syu n'aimait pas les célébrations. Pas parce qu'elle se sentait exclue - même si c'était le cas - mais parce qu'il fallait faire semblant d'être heureux. Tout allait mal les 363 autres jours de la vie, mais comme par miracle, le bonheur était complet, la félicité atteinte, le 24 et le 25 Décembre. Cela sentait l'hypocrisie à plein nez.
Assise dans un coin de la taverne, juste à côté du sapin, elle jouait avec la boule des sorcières. On ne lui disait rien, parce qu'on la considérait comme telle. La rousse herboriste adepte du druidisme et qui en plus a perdu la mémoire ? Elle n'avait rien pour elle, pauvre femme. Et elle devait être bien puissante pour ainsi toucher un objet béni par le prêtre sans se tordre de douleur.
Une chope d'étain trônait sur la table, en compagnie d'un pain d'épices à moitié consommé. Son en-cas, avant d'aller déguster une bonne pièce de viande fraiche.
Elle soupira alors que la cloche de l'église marqua sept coups. Vêpres, l'heure du rendez-vous avec le Danois. Danois, simplement, pas de mention écossaise. Il ne le méritait pas. Pas à ses yeux de pure Scott.
S'adossant dans sa chaise, la boule de verre en suspension entre ses doigts fins et pâles, elle jeta un regard à la porte, qui demeurait close. Que faisait-il donc ? Ah, songea-t-elle avec amertume. Il devait être en train de quitter une donzelle, dans une quelconque chambre d'auberge. A moins qu'il ne les prenne directement dans le foin de l'écurie ? Elle eut une moue dédaigneuse.
Ce n'était pas par plaisir qu'elle lui avait donné rendez-vous. Plutôt par contrainte. Il avait voulu lui parler d'une chose personnelle, au bureau de la prévôté, mais n'en avait rien fait. Et elle voulait savoir de quoi il retournait. Ensuite, elle devait lui demander deux ou trois choses dont lui seul aurait les réponses. Et puis, rompre définitivement ce mariage encombrant, qui l'empêchait de renouveler d'autres voeux, pris en d'autres temps. Et même si elle ne comptait pas fêter Noël, elle avait hâte de partir du Barbu Tyrannique. Hâte que ce pénible entretien soit terminé. Hâte de reprendre enfin sa liberté.
- Mais qu'est-ce que tu fous, Eriksen ?
* The Beattles - Hello goodbye
{Je parle haut, tu parles bas
Tu dis pourquoi et je dis je ne sais pas, oh non
Tu dis au revoir, je dis bonjour}
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You say why and I say I don't know, oh no
You say goodbye, I say hello » *
[Le 24 Décembre 1460 - à Vêpres - Sarlat - taverne du « Barbu Tyrannique »]
Joyeux Noël ! Joyeux Noël ! Ces cris de joie résonnaient à travers tout le royaume, et sans doute aucun dans tout le Périgord-Angoumois. Les femmes rivalisaient d'élégance avec des tenues d'or et d'argent, de velours rouge ou vert, de soie bleutée et de mousseline blanche. Les plus aisées d'entre elles arboraient de charmants cols de fourrure. Certaines avaient même les pieds chaussés de vair, ou les mains gantés d'hermine. Sur les gorges rondes brillaient des perles, des diamants, ou des pierres plus humbles. Les hommes eux-mêmes s'étaient mis en frais : leurs bottes étaient convenablement cirées, leur cape fraichement lavées, leur chemise sentaient bon le savon de Marseille, et sur certains couvre-chefs, une plume flottait au vent.
Dans les tavernes, on avait installé le traditionnel arbre de Noël. Tout paré de pommes rouges, de pomme de pin, et parfois même de rubans, les sapins rivalisaient de splendeur. La grosse boule de verre peinte était suspendue à l'arbre de fête, pour « éloigner les sorcières », comme le disaient les aristotéliciens. Tout le monde était joyeux, chaque visage était illuminé de bonheur. A minuit, on célèbrerait la naissance d'Aristote avec une grande messe. C'était l'occasion de montrer que l'on était généreux. On accueillerait un mendiant pour l'occasion, là où il resterait de la place. On avait déjà choisi la bûche à souhait, celle sur laquelle chaque membre de la famille placerait sa main en faisant un voeu : si la bûche était consummée au matin du 25, le souhait prendrait corps. Si non, il ne restait plus qu'à attendre le Noël prochain...
Le lendemain aussi serait une fête. La dinde serait dégustée, entourée de marrons. On jouerait dans la neige, bâtirait d'éphémères bonhommes auxquels on donnerait son foulard, voire son chapeau.
Chacun avait hâte, désormais, de se réunir, de se retrouver ensemble pour fêter la naissance du prophète. Les tavernes se vidaient peu à peu, sur de joyeuses paroles. Tout le monde était heureux.
Tout le monde ? Non, car une jeune femme luttait encore et toujours contre l'esprit de Noël. Et cette jeune femme n'était autre que la païenne du coin - chaque région en avait au moins une - la rousse Ecossaise, Syuzanna NicDouggal. Qui haïssait cette fête ridicule. Il fallait bien dire aussi, qu'à part les quatre fêtes Druidiques, Syu n'aimait pas les célébrations. Pas parce qu'elle se sentait exclue - même si c'était le cas - mais parce qu'il fallait faire semblant d'être heureux. Tout allait mal les 363 autres jours de la vie, mais comme par miracle, le bonheur était complet, la félicité atteinte, le 24 et le 25 Décembre. Cela sentait l'hypocrisie à plein nez.
Assise dans un coin de la taverne, juste à côté du sapin, elle jouait avec la boule des sorcières. On ne lui disait rien, parce qu'on la considérait comme telle. La rousse herboriste adepte du druidisme et qui en plus a perdu la mémoire ? Elle n'avait rien pour elle, pauvre femme. Et elle devait être bien puissante pour ainsi toucher un objet béni par le prêtre sans se tordre de douleur.
Une chope d'étain trônait sur la table, en compagnie d'un pain d'épices à moitié consommé. Son en-cas, avant d'aller déguster une bonne pièce de viande fraiche.
Elle soupira alors que la cloche de l'église marqua sept coups. Vêpres, l'heure du rendez-vous avec le Danois. Danois, simplement, pas de mention écossaise. Il ne le méritait pas. Pas à ses yeux de pure Scott.
S'adossant dans sa chaise, la boule de verre en suspension entre ses doigts fins et pâles, elle jeta un regard à la porte, qui demeurait close. Que faisait-il donc ? Ah, songea-t-elle avec amertume. Il devait être en train de quitter une donzelle, dans une quelconque chambre d'auberge. A moins qu'il ne les prenne directement dans le foin de l'écurie ? Elle eut une moue dédaigneuse.
Ce n'était pas par plaisir qu'elle lui avait donné rendez-vous. Plutôt par contrainte. Il avait voulu lui parler d'une chose personnelle, au bureau de la prévôté, mais n'en avait rien fait. Et elle voulait savoir de quoi il retournait. Ensuite, elle devait lui demander deux ou trois choses dont lui seul aurait les réponses. Et puis, rompre définitivement ce mariage encombrant, qui l'empêchait de renouveler d'autres voeux, pris en d'autres temps. Et même si elle ne comptait pas fêter Noël, elle avait hâte de partir du Barbu Tyrannique. Hâte que ce pénible entretien soit terminé. Hâte de reprendre enfin sa liberté.
- Mais qu'est-ce que tu fous, Eriksen ?
* The Beattles - Hello goodbye
{Je parle haut, tu parles bas
Tu dis pourquoi et je dis je ne sais pas, oh non
Tu dis au revoir, je dis bonjour}
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