Merlot
Il y a des jours où la vie semble être parvenu au firmament du ravissement. Des jours où l'on est en droit de se demander comment un tel bonheur est possible, et qu'on ose pas jouer l'arriviste en se disant : " Se pourrait il que l'avenir soit plus brillant ?". Et bien ce jour n'en est pas un.
Assis entre deux créneau sur le mur d'enceinte bien maigrichon de Saumur, les jambes ballantes au dessus des dehors de la pierre usée par le temps et les combats de l'an passé, le Poète rêvasse en grignotant un morceau de viande coriace, chapardé une heure plus tôt sur un marché déjà bien pauvre. Quelque lieux au delà de la muraille s'entassent les tentes et les fumerolles de feu de camp. Le tout résonne de cliquetis, d'ordre aboyés, de renâcles de chevaux, et cela bercé par l'écoulent mollasson de la Loire à demi gelée. Le mur est décharné, et les quelques défenseurs à vouloir en découdre sont armés comme fermiers en jacquerie. Des fourches, des gourdins ferré ou des haches, et quand ils possèdent une épée, c'est un tisonnier aplati la veille par quelques forgerons amateur. Très peu de vrai soldat, et pas un seul mercenaire. L'Anjou ne paie pas.
La chance tourne, et là c'est le vent contraire à croire. Quasi crevé dans un fossé, avec une donzelle, certes jolie mais engrossée par mégarde, coincé pour un moi et demi à boiter dans une ville que le voudrait voir pendu.
Mais en fin de compte, la couronne, cest encore ce quil y a de pire. Et les bouseux de lAnjou ont encore bien du courage à revendre de monter au créneau en sachant bien ce qui leurs pend au nez Aussi par une furieuse envolée dinspiration lyrique, le tout neuf Merlot que lon appelait Bossuet se met à chanter haut comme un fin partisan, les pied ballants par-dessus le mur et levant un pichet de vin noire comme un sang tourné.
« Anjou entend tu sur tes plaines les cris du Roi Freux?
Entend tu le lys, qui taboie de rendre ta pique?
Il hurle à nos mères, et laffreux tend sa trique!
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi bien heureux!
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi des peureux!
De ton courroux Roi Freux, lAnjou sen défie
Quitte à danser à la lune, tous montent au rempart.
Des preux à lépée, ou longue pique brandie,
Paysans comme capitaine, sus au roi pendard!
Quil ose grimper, le crochu, tous lattendent.
Des vieux grinçant ferrés de clous au gourdin,
Ou Jouvencelle, tant rudes que belles de légendes,
Et ferrailleurs qui fourbissent et chante bon train.
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi coléreux!
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi filandreux!
Anjou, vois ta ville de toile et tes feux silencieux,
Tes soudards avinés, plus soumis que tes chiens,
Tes destriers qui pavanent, en ballet gracieux,
Anjou, vois comme sont plus beaux les tiens!
Des humbles chantant haut qui lèvent les armes,
Des forts rustaud, à lil noir comme charbon
Des grisard dure à la peine, vieillis par les alarmes
Pour ne pas voir ta couronne, lAnjou tiendra bon!
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi pernicieux!
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi capiteux!
Sous sa tente le Lys grelotte et lAnjou boit,
Et sous le murs dAnjou, la neige tarde à rougir,
Viens y ! résonne les cris, Vien y bon roi!
Viens y crever, viens y danser, viens y mourir!
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi capricieux!
Et lAnjou crache sur ton lys, ô bon Roi freux! »
Il conclue son chant dun rasade de piquette, en riant comme un forcené. Ouais, rien que pour faire la nique à la Couronne, lAnjou méritait bien une chanson. Et celle-ci se nommera bien « Du sel sur les plaies » Pourquoi pas. Et lArchipoète sen gondole dautant plus du haut du rempart.
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Assis entre deux créneau sur le mur d'enceinte bien maigrichon de Saumur, les jambes ballantes au dessus des dehors de la pierre usée par le temps et les combats de l'an passé, le Poète rêvasse en grignotant un morceau de viande coriace, chapardé une heure plus tôt sur un marché déjà bien pauvre. Quelque lieux au delà de la muraille s'entassent les tentes et les fumerolles de feu de camp. Le tout résonne de cliquetis, d'ordre aboyés, de renâcles de chevaux, et cela bercé par l'écoulent mollasson de la Loire à demi gelée. Le mur est décharné, et les quelques défenseurs à vouloir en découdre sont armés comme fermiers en jacquerie. Des fourches, des gourdins ferré ou des haches, et quand ils possèdent une épée, c'est un tisonnier aplati la veille par quelques forgerons amateur. Très peu de vrai soldat, et pas un seul mercenaire. L'Anjou ne paie pas.
La chance tourne, et là c'est le vent contraire à croire. Quasi crevé dans un fossé, avec une donzelle, certes jolie mais engrossée par mégarde, coincé pour un moi et demi à boiter dans une ville que le voudrait voir pendu.
Mais en fin de compte, la couronne, cest encore ce quil y a de pire. Et les bouseux de lAnjou ont encore bien du courage à revendre de monter au créneau en sachant bien ce qui leurs pend au nez Aussi par une furieuse envolée dinspiration lyrique, le tout neuf Merlot que lon appelait Bossuet se met à chanter haut comme un fin partisan, les pied ballants par-dessus le mur et levant un pichet de vin noire comme un sang tourné.
« Anjou entend tu sur tes plaines les cris du Roi Freux?
Entend tu le lys, qui taboie de rendre ta pique?
Il hurle à nos mères, et laffreux tend sa trique!
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi bien heureux!
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi des peureux!
De ton courroux Roi Freux, lAnjou sen défie
Quitte à danser à la lune, tous montent au rempart.
Des preux à lépée, ou longue pique brandie,
Paysans comme capitaine, sus au roi pendard!
Quil ose grimper, le crochu, tous lattendent.
Des vieux grinçant ferrés de clous au gourdin,
Ou Jouvencelle, tant rudes que belles de légendes,
Et ferrailleurs qui fourbissent et chante bon train.
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi coléreux!
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi filandreux!
Anjou, vois ta ville de toile et tes feux silencieux,
Tes soudards avinés, plus soumis que tes chiens,
Tes destriers qui pavanent, en ballet gracieux,
Anjou, vois comme sont plus beaux les tiens!
Des humbles chantant haut qui lèvent les armes,
Des forts rustaud, à lil noir comme charbon
Des grisard dure à la peine, vieillis par les alarmes
Pour ne pas voir ta couronne, lAnjou tiendra bon!
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi pernicieux!
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi capiteux!
Sous sa tente le Lys grelotte et lAnjou boit,
Et sous le murs dAnjou, la neige tarde à rougir,
Viens y ! résonne les cris, Vien y bon roi!
Viens y crever, viens y danser, viens y mourir!
Et lAnjou crache sur ton lys, Roi capricieux!
Et lAnjou crache sur ton lys, ô bon Roi freux! »
Il conclue son chant dun rasade de piquette, en riant comme un forcené. Ouais, rien que pour faire la nique à la Couronne, lAnjou méritait bien une chanson. Et celle-ci se nommera bien « Du sel sur les plaies » Pourquoi pas. Et lArchipoète sen gondole dautant plus du haut du rempart.
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