Herode
Citation:
RP libre sur le siège de Saumur. Ouvert à tous bien entendu, angevins, loyalistes ou centristes. Pensez juste à signaler en début de post l'endroit où se passe l'action. Et bonne année !
[Hors les remparts, camp de la Compagnie d'Artus]
Comme prévu, Etienne vient de se faire refouler devant la tente de la Princesse. Ca avait donné un échange du genre :
- Qui vous envoie ?
- C'est un message personnel.
- Mais qui vous envoie ?
- Heu...
Il avait failli répondre
- Le pape, crétin !
C'eût été maladroit, les relations entre le Saint Siège et Eusaias, Roy de France par la grâce des urnes et du Très Haut, n'étant pas à proprement parler au beau fixe selon les dernières nouvelles qui circulaient. Aussi Etienne, prudent pour ne pas dire diplomate, avait-il admis qu'il n'était envoyé par personne. En quelque sorte.
- Ca ne te regarde pas, soldat, et ce message est destiné à la princesse Jusoor de Blanc-Combaz. Si tu ne me laisses rentrer, sache que tu prends sur toi de le lui remettre en mains propres ou bien il t'en cuira les miches plus chaud que mille enfers.
Sur quoi il avait sèchement coincé le pli scellé entre les doigts du cerbère et avait tourné les talons. Avec un peu de chance, le ton impérieux employé dissuaderait l'homme de faire des fantaisies et la missive parviendrait prestement à sa destinataire.
Laquelle était donc, selon le gus en question, en pleine réunion. Etienne hausse les épaules. Les excuses administratives, il connait et ne leur accorde guère d'importance. Réunion, sieste, promenade, rien du tout, n'importe : on n'accède pas comme cela à une princesse de France. Bien qu'en la circonstance cela contrarie quelque peu ses projets, Etienne admet volontiers que telles précautions s'imposent. Après tout, un ennemi mal intentionné (comme tout ennemi qui se respecte) pourrait tenter de semer le désordre en s'en prenant aux symboles. Parmi lesquels la brune Jusoor, ci-devant fille ainée du Balbuzard, n'est pas le moindre comme on s'en doute.
Dans le camp où flotte la bannière bleue et blanche de la Compagnie d'Artus, une morne agitation règne. Ce jour de Nouvel An, les soldats le fêtent loin de chez eux, dans le froid et la pluie. Et l'ennui.
L'ennui. Voilà des jours et des jours qu'on traîne devant les remparts de Saumur. De temps à autre, une nouvelle circule : l'assaut est pour demain ! On remonte à Chinon ! On descend à Craon ! On fait ci ! On fait ça !
Que nenni, mes bieaux sires et damoiselles. On ne fait rien, on bat la semelle autour de la ville pour empêcher toute sortie, toute entrée. On bouffe du maïs le matin, du maïs à midi, du [biiiiip] de maïs le soir. On prend la pluie et on regarde couler la Loire.
La Loire... La même qu'à Nevers, en plus large, en plus gras. En plus plat. Etienne n'aime pas bien la Loire. Elle l'ennuie elle aussi. Déjà à Nevers, malgré les charmes du pays alentour. Alors bien vous pensez, ici, en plein Anjou, tout plat, avec des vignobles rabougris et des tout petits crus de rouges vaseux ou de blanc à piquette. Pouah !
Vivement qu'on prenne cette ville et qu'on aille se battre ailleurs. Voilà l'opinion générale. Ci et là, quelques agacements commencent à se manifester. Ainsi tel chef de section, hier, a-t-il sans façons congédié une brunette de sa lance sous prétexte que la demoiselle lui avait parlé de travers. Cela avait fait beaucoup rire et beaucoup jaser, pas vraiment à l'avantage dudit chef de lance, il faut bien l'avouer.
- Ce chef de lance, c'est pas une flêche !
- Ouarf ouarf ouarf !
- Moi, je parie qu'elle a juste refusé de lui rouler un patin.
- Honk honk honk !
- Ouais, ça s'essplique pas autrement !
- En même temps, la Calico, faut s'la cogner, hein !
- Quoi t'las connais ?
- Nan, mais...
- Alors ?
- Bin !
- Ha oui !
- Mais quand-même, quel joli khûl la donzelle !
- Ouarf ouarf ouarf !
- Va savoir, l'gars préfère p'tet çui d'ses amis. C'est plus serré !
- Honk honk honk !
- Gniark gniark !
- Hi hi hi !
- Mouhahaaaaa !
Enfin, vous voyez le genre : potache en période de service militaire, quoi.
Et tout cela n'empêche pas Etienne de s'ennuyer. Le blond se dirige donc vers la sortie. Un peu de calme et de silence, marcher, réfléchir. Et aussi, maintenant que la journée tombe et que les ombres gagnent, essayer de voir les remparts d'un peu plus près sans se prendre illico flèches ou carreaux. C'est que les Saumurois sont un peu bougons en ce moment, et pas bien accueillants.
Le camp est désormais derrière lui. L'heure est grise, elle tourne au violet. Il y a sur sa gauche un bosquet de sorbiers et de charmes qui fait comme une île de brume légère sur la plaine élaguée. Derrière le bosquet, un chemin part en sinuant entre les buttes rases, en direction de la vraie forêt qui s'est tapie plus loin, comme une grande chose aux aguets, et qui surveille en silence la foumilière des humains.
Un rideau de pluies griffe le ciel bas, lève de vagues brumes sur les bancs proches du fleuve. D'ici une heure, il fera sombre assez pour tenter une approche. Etienne gagne le bosquet, s'assoit.
Il repense à ces lettres échangées. A-t'il bien fait d'écrire ainsi à Jusoor ? C'est risqué, il le sait, cela pourrait bien lui valoir des ennuis. Si la lettre tombe entre de mauvaises mains. Si elle est mal reçue. Si... si...
En même temps, il faut bien s'engager à découvert, parfois. Quand viendra le temps de l'assaut, ici, il le fera aussi. Alors, risque pour risque...
Les remparts de Saumur viennent de s'effacer.
Il pleut.
Et ca lui coule dans le dos.
Putain de ville, putain de siège...
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Etienne LaHire, dit Herode