Ayena
[Mi-novembre. Lengadoc.]
Ayena de Talleyrand Desage s'est retirée au couvent. La solitude et la grossesse ne font pas bon ménage. C'est ce qu'elle a dit à son destinataire mystérieux, autant appliquer sur soit les maximes que l'on énonce. Loin de toute civilisation, la veuve vit la fin de sa grossesse dans le silence : la communauté de surs qui l'accueille est en recueillement perpétuel et seul le murmure des prières, et ce à heures régulières, vient rompre la monotonie de la journée. Les cloches sonnent. Les soeurs prient. C'est simple. C'est facile. Et Ayena a besoin de cette facilité : ne pas se poser de questions, obéir bêtement au son des cloches, se lever, prier. Et jeuner. La jeune femme a eu une relation difficile avec la nourriture ces derniers mois : tour à tour affamée, nauséeuse, dégoutée ou boulimique, elle a donné du fil à retordre à son corps qui n'a pas suivi le rythme : elle semble dévorée par son ventre énorme, le fruit d'un amour trop tôt mis à mal. Elle est pâle, alitée puisqu'ayant cessé d'en demander trop à sa jambe folle, fatiguée. Mais, prise par les prières, la Vescomtessa semble retrouver une certaine paix intérieure. Pour la première fois depuis le décès de son cher et tendre époux, elle redevient sereine.
C'est au moment où elle réalisa cela qu'Ayena sentit la première contraction étreindre son bassin.
Autant dire que toute la sérénité possible quitta en l'instant la parturiente. Pensez bien que c'est persuadée de mourir dans l'épreuve qui s'annonçait qu'elle était venue s'enfermer dans ce couvent. Plus près du Très Haut. Rapidement enterrée, sans alerter qui que ce soit. Pas de famille, pas ou si peu de vassaux, des amis qui n'étaient pas les siens mais ceux d'Adrien... Partir tranquillement. Sans vagues.
C'est le regard perdu dans le dessin que faisaient la chaux qui recouvrait le mur qu'Ayena accueillit la seconde contraction quelque temps plus tard.
Avec la force de l'habitude, elle attrapa l'écritoire tenu à disposition près de sa couche et entreprit de relire pour la énième fois les lettres qui étaient tenues prêtes depuis quelques jours. Ses lettres testamentaires. Autant de petites bouteilles jetées à la mer. Destinées à partir le jour où le travail commencerait. Destinées à partir le jour où elle même partirait rejoindre son Adrien.
A Sa Seigneurie Actarius d'Euphor,
De nous, Ayena de Talleyrand, Veusa Deusage,
Adissiatz.
Je vous écris depuis un petit couvent où j'ai décidé de mettre au monde le petit de feu Adrien Desage, qui fut votre ami. Il ne devrait plus tarder à présent, les douleurs s'éveillent. Nous sommes bien entourés, ne vous en faites pas : ce n'est pas pour créer une quelconque pitié que nous vous disons cela. Seulement nous savons que le destin maternel est parfois de s'effacer au profit d'autres âmes, aussi nous souhaitons vous demander quelques faveurs.
Si le petit être et moi même disparaissons ce jour, s'il vous plait, veillez à ce que Liloie Desage, fille de feu notre époux, soit avertie avec douceur. La pauvre a vécu trop de drame pour ne point être ménagée un temps soit peu. Tous nos biens lui reviendront. Les dispositions pour nos enterrements ont déjà été prises. Ne vous inquiétez pas.
Si seul le petit venait à survivre, pourriez vous en être le parrain, en mémoire à l'amitié qui vous liait à votre frère d'armes ? Soyez bon pour lui, je vous en prie. Il s'appellera Charles Madrien Desage Talleyrand, comme le voulait Adrien. Veillez à ce qu'il soit élever dans une famille respectable qui ne profitera point de sa richesse à ses dépends. Si c'est une fille, qu'on la place en couvent et qu'on la marie correctement l'âge venu. Faites, je vous en prie, qu'elle ne connaisse point l'amour. Il fait trop souffrir. Appelez la Esme.
Enfin, je voulais vous remercier d'avoir été bon ami pour Adrien.
L'On vous garde.
A. d'A.
A Fool de Bois Hardi,
De nous, Ayena de Talleyrand, Veusa Desage;
Cher vassal, le temps de la naissance arrive. Promettez moi de vivre en paix et de ne jamais vous en vouloir. Le Très Haut décide. Vous n'y pouvez rien. Alors, pleurez peut être, n'oubliez jamais, mais vivez pleinement.
Vous avez été bon pour Adrien, bon pour nous, soyez le pour le petit ou la petite à naitre. Nous le plaçons sous l'autorité de Sa Seigneurie d'Euphor si malheurs devait nous arriver.
En cas de nécessité, allez près de Liloie Desage et remettez lui la présente en gages des bons services rendus à la famille : sans doute pourra t-elle vous aider d'une quelconque façon.
Amitiés sincères,
A. d'A.
Suivaient de tendres paroles pour Aimelina de Siarr, d'émouvants adieux adressés à Catalina Constance de Volpilah et à Charles Marie de Talleyrand, ses parents adoptifs et quelques regrets pour d'autres.
Lorsque les contractions commencèrent à faire gémir notre Vescomtessa, une soeur ouvrit la porte de la cellule, eut un sourire contrit, et prit les plis fraichement scellés qu'on lui tendait. Ils furent envoyés.
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- Bases par Truscot et DellaGrottaglia - Héraldique > Ayena est habillée par DECO
Ayena de Talleyrand Desage s'est retirée au couvent. La solitude et la grossesse ne font pas bon ménage. C'est ce qu'elle a dit à son destinataire mystérieux, autant appliquer sur soit les maximes que l'on énonce. Loin de toute civilisation, la veuve vit la fin de sa grossesse dans le silence : la communauté de surs qui l'accueille est en recueillement perpétuel et seul le murmure des prières, et ce à heures régulières, vient rompre la monotonie de la journée. Les cloches sonnent. Les soeurs prient. C'est simple. C'est facile. Et Ayena a besoin de cette facilité : ne pas se poser de questions, obéir bêtement au son des cloches, se lever, prier. Et jeuner. La jeune femme a eu une relation difficile avec la nourriture ces derniers mois : tour à tour affamée, nauséeuse, dégoutée ou boulimique, elle a donné du fil à retordre à son corps qui n'a pas suivi le rythme : elle semble dévorée par son ventre énorme, le fruit d'un amour trop tôt mis à mal. Elle est pâle, alitée puisqu'ayant cessé d'en demander trop à sa jambe folle, fatiguée. Mais, prise par les prières, la Vescomtessa semble retrouver une certaine paix intérieure. Pour la première fois depuis le décès de son cher et tendre époux, elle redevient sereine.
C'est au moment où elle réalisa cela qu'Ayena sentit la première contraction étreindre son bassin.
Autant dire que toute la sérénité possible quitta en l'instant la parturiente. Pensez bien que c'est persuadée de mourir dans l'épreuve qui s'annonçait qu'elle était venue s'enfermer dans ce couvent. Plus près du Très Haut. Rapidement enterrée, sans alerter qui que ce soit. Pas de famille, pas ou si peu de vassaux, des amis qui n'étaient pas les siens mais ceux d'Adrien... Partir tranquillement. Sans vagues.
C'est le regard perdu dans le dessin que faisaient la chaux qui recouvrait le mur qu'Ayena accueillit la seconde contraction quelque temps plus tard.
Avec la force de l'habitude, elle attrapa l'écritoire tenu à disposition près de sa couche et entreprit de relire pour la énième fois les lettres qui étaient tenues prêtes depuis quelques jours. Ses lettres testamentaires. Autant de petites bouteilles jetées à la mer. Destinées à partir le jour où le travail commencerait. Destinées à partir le jour où elle même partirait rejoindre son Adrien.
A Sa Seigneurie Actarius d'Euphor,
De nous, Ayena de Talleyrand, Veusa Deusage,
Adissiatz.
Je vous écris depuis un petit couvent où j'ai décidé de mettre au monde le petit de feu Adrien Desage, qui fut votre ami. Il ne devrait plus tarder à présent, les douleurs s'éveillent. Nous sommes bien entourés, ne vous en faites pas : ce n'est pas pour créer une quelconque pitié que nous vous disons cela. Seulement nous savons que le destin maternel est parfois de s'effacer au profit d'autres âmes, aussi nous souhaitons vous demander quelques faveurs.
Si le petit être et moi même disparaissons ce jour, s'il vous plait, veillez à ce que Liloie Desage, fille de feu notre époux, soit avertie avec douceur. La pauvre a vécu trop de drame pour ne point être ménagée un temps soit peu. Tous nos biens lui reviendront. Les dispositions pour nos enterrements ont déjà été prises. Ne vous inquiétez pas.
Si seul le petit venait à survivre, pourriez vous en être le parrain, en mémoire à l'amitié qui vous liait à votre frère d'armes ? Soyez bon pour lui, je vous en prie. Il s'appellera Charles Madrien Desage Talleyrand, comme le voulait Adrien. Veillez à ce qu'il soit élever dans une famille respectable qui ne profitera point de sa richesse à ses dépends. Si c'est une fille, qu'on la place en couvent et qu'on la marie correctement l'âge venu. Faites, je vous en prie, qu'elle ne connaisse point l'amour. Il fait trop souffrir. Appelez la Esme.
Enfin, je voulais vous remercier d'avoir été bon ami pour Adrien.
L'On vous garde.
A. d'A.
A Fool de Bois Hardi,
De nous, Ayena de Talleyrand, Veusa Desage;
Cher vassal, le temps de la naissance arrive. Promettez moi de vivre en paix et de ne jamais vous en vouloir. Le Très Haut décide. Vous n'y pouvez rien. Alors, pleurez peut être, n'oubliez jamais, mais vivez pleinement.
Vous avez été bon pour Adrien, bon pour nous, soyez le pour le petit ou la petite à naitre. Nous le plaçons sous l'autorité de Sa Seigneurie d'Euphor si malheurs devait nous arriver.
En cas de nécessité, allez près de Liloie Desage et remettez lui la présente en gages des bons services rendus à la famille : sans doute pourra t-elle vous aider d'une quelconque façon.
Amitiés sincères,
A. d'A.
Suivaient de tendres paroles pour Aimelina de Siarr, d'émouvants adieux adressés à Catalina Constance de Volpilah et à Charles Marie de Talleyrand, ses parents adoptifs et quelques regrets pour d'autres.
Lorsque les contractions commencèrent à faire gémir notre Vescomtessa, une soeur ouvrit la porte de la cellule, eut un sourire contrit, et prit les plis fraichement scellés qu'on lui tendait. Ils furent envoyés.
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- Bases par Truscot et DellaGrottaglia - Héraldique > Ayena est habillée par DECO