Ayena
[Tour de Saint Rémèze, Viscomtat de Sant Remezy, Lengadoc. - Fin octobre 1460]
Énième retour de retraite. Finalement, les voyages sont plus fatigants qu'autre chose. Mais il le faut. On est Vicomtesse ou on ne l'est pas. Enfin, en loccurrence, Ayena ne sait plus trop ce qu'elle est. Sinon sur la sellette. La Héraulderie semble ne pas vouloir reconnaitre qu'elle fut mariée sous contrat à Adrien Desage. Aussi, pour le moment, elle n'est plus Vicomtesse que dans ses souhaits. Or des souhaits, elle en fait pléthore chaque jours. Parmi eux, celui de rester en vie arrive numéro un. Ce n'est pas parce que l'on est une femme, enceinte, prête à accoucher que l'on va forcément mourir... N'est-ce pas ? Ha, et tous les regards autour d'elle ne la rassurent pas sur ce fait. Bande d'oiseaux de mauvais augure, tous ! Pourquoi le fait de ne plus pouvoir tenir debout sans aide d'une cane et d'une servante ferait-il pitié ? Mh ? Je vous le demande.
Soit. Elle est en mauvais état. D'accord. Vous avez raison. Mais ne faudrait-il pas au contraire lui insuffler de l'espoir ? Lui faire miroiter un avenir doux ? Exemptée de douleur et physiques et morales ? L'espoir fait vivre.Mais qu'il est compliqué à obtenir, le gredin.
- Amène moi de la bière. Et du lait.
La bière, pour elle. Le lait, pour le marmot, celui qui pousse chaque jour les frontières de ses entrailles plus loin, celui qui repousse les limites, juste par principes. Mais Ayena fait semblant de l'aimer déjà. Les gens attendent cela d'une mère : qu'elle aime ce qui met sa vie en sursit. Allez comprendre. Alors elle boit du lait. Parce qu'Adrien, le Hibou, buvait du lait. Et que mine de rien, ça ne lui réussissait pas si mal. Si l'on excepte le fait qu'il a finit broyé sous des rochers. On ne peut pas tous avoir une belle mort. Mais peut être que s'il avait pas bu de lait, sa mort aurait été pire. Allez savoir. le Très-Haut est un peu étrange parfois, dans ses idées.
- Et de l'encre.
La servante la regarde avec un air de pitié. Attention, ça commence à échauffer les sangs de notre poupette. Ils vont la rendre folle. C'est sur.
- Pas pour la boire fada ! Pour écrire !
Bon. La voix est faiblarde, trop rauque. Elle a perdu de son ton sucré et délicat, celui qu'Adrien, l'amour perdu a connu. Mais il nest plus là. Elle ne fait plus d'efforts. Elle a arrêté de manger ses dix cuillères de miel le matin. Et puis, il n'avait qu'à pas la laisser. Lâche.
A trop remuer d'idée morbides, le petit dans son jus finit sans doute par ressentir les ondes plus que nocives de tout cela. Il se rebelle et envoie un violent coup de tête de pattes ou de l'on-ne-sait-quoi dans les reins de sa génitrice.
Ayena serre les dents, laisse passer la vague, les yeux humides. Elle en veut à cette chose en elle. Elle aurait préféré garder Adrien et ne jamais avoir d'enfant. Cet échange de vie ne lui parait pas correct : personne ne lui à demandé, à elle, son avis. Or elle était la première concernée. Satané Très Haut.
Avec dépit, l'ébauche de lettre est pliée, incomplète, en suspens. Ha. Jamais elle n'enverra cela. Il suffit que ça soit intercepté et pouf, le peu de respect qu'on lui devait encore se muera en dédain, voire en haine. En dégout ? Pf. Qu'importe. Mourir seule. Et retrouver son Adrien. Voilà tout ce qui importe. Plus que quelques semaines à subir encore les douleurs de la vie ici bas pour avoir le droit d'accéder au Soleil.
Sur son lit, la jeune femme s'endort. Autour d'elle, sa chevelure épaisse et jadis brillante, est terne. A l'image de sa vie. Sans intérêt. Son souffle n'est pas paisible. Jamais. Depuis qu'elle est veuve, elle a perdu tout attrait. Pour les autres, mais pour elle, aussi.
Un serviteur entre. Il voit le pli. Il pense bien faire. Il s'en empare et... Le fait envoyer. Dieu sait où.
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- Bases par Truscot et DellaGrottaglia - Héraldique > Ayena est habillée par DECO
Énième retour de retraite. Finalement, les voyages sont plus fatigants qu'autre chose. Mais il le faut. On est Vicomtesse ou on ne l'est pas. Enfin, en loccurrence, Ayena ne sait plus trop ce qu'elle est. Sinon sur la sellette. La Héraulderie semble ne pas vouloir reconnaitre qu'elle fut mariée sous contrat à Adrien Desage. Aussi, pour le moment, elle n'est plus Vicomtesse que dans ses souhaits. Or des souhaits, elle en fait pléthore chaque jours. Parmi eux, celui de rester en vie arrive numéro un. Ce n'est pas parce que l'on est une femme, enceinte, prête à accoucher que l'on va forcément mourir... N'est-ce pas ? Ha, et tous les regards autour d'elle ne la rassurent pas sur ce fait. Bande d'oiseaux de mauvais augure, tous ! Pourquoi le fait de ne plus pouvoir tenir debout sans aide d'une cane et d'une servante ferait-il pitié ? Mh ? Je vous le demande.
Soit. Elle est en mauvais état. D'accord. Vous avez raison. Mais ne faudrait-il pas au contraire lui insuffler de l'espoir ? Lui faire miroiter un avenir doux ? Exemptée de douleur et physiques et morales ? L'espoir fait vivre.Mais qu'il est compliqué à obtenir, le gredin.
- Amène moi de la bière. Et du lait.
La bière, pour elle. Le lait, pour le marmot, celui qui pousse chaque jour les frontières de ses entrailles plus loin, celui qui repousse les limites, juste par principes. Mais Ayena fait semblant de l'aimer déjà. Les gens attendent cela d'une mère : qu'elle aime ce qui met sa vie en sursit. Allez comprendre. Alors elle boit du lait. Parce qu'Adrien, le Hibou, buvait du lait. Et que mine de rien, ça ne lui réussissait pas si mal. Si l'on excepte le fait qu'il a finit broyé sous des rochers. On ne peut pas tous avoir une belle mort. Mais peut être que s'il avait pas bu de lait, sa mort aurait été pire. Allez savoir. le Très-Haut est un peu étrange parfois, dans ses idées.
- Et de l'encre.
La servante la regarde avec un air de pitié. Attention, ça commence à échauffer les sangs de notre poupette. Ils vont la rendre folle. C'est sur.
- Pas pour la boire fada ! Pour écrire !
Bon. La voix est faiblarde, trop rauque. Elle a perdu de son ton sucré et délicat, celui qu'Adrien, l'amour perdu a connu. Mais il nest plus là. Elle ne fait plus d'efforts. Elle a arrêté de manger ses dix cuillères de miel le matin. Et puis, il n'avait qu'à pas la laisser. Lâche.
A Aimelina de Siarr, ma douce et tendre filleule,
A la Vescomtessa de Fenouillèdes, qui a déserté ses terres,
De nous, Ayena de Talleyrand, Veusa Desage,
Esseulée, seule et solitaire,
Adissiatz.
Je vous en veux. Vous restez muette, ma chère, à mes missives. Je sais qu'elles sont rares. Mais j'ai besoin de votre amitié et de votre amour. Folle que vous êtes d'avoir quitté le Lengadoc. Car en me laissant seule, aux mains des habitants du coin, vous avez laissé une veuve dont l'âme dérive. D'ailleurs, je n'ose faire appel à un confesseur. D'abord parce que je suis trop usée pour remuer ciel et terre pour en trouver un de confiance qui n'ira pas répéter mes péchés, mis aussi parce que je vois bien, lorsque je suis au couvent entourée de surs, que mon comportement dérange. Alors je me confie à vous. Vous savez entendre. Ou lire, puisque la distance nous oblige à ces subterfuges. Vous ne me jugerez pas. Vous avez vous-même trop vécu pour me reprocher mes écarts. Enfin, je l'espère. Mais si je devais attirer votre courroux, au moins suis-je assez loin pour ne pas craindre sa violence.
Je pense souvent à la mort. D'abord pour tenter de me faire à l'idée. Car si vous avez survécu à la mise bas de votre bâtard, je crains que cela ne soit pas mon cas. Pensez donc : je me suis rendue avant hier à la cérémonie d'allégeance à Malkav. J'ai du tenir la couche deux jours ensuite tant cela m'a épuisée. Je marche avec une cane, soutenue par une bonne. Au moins, votre infirmité à vous ne vous a pas empêché de donner la vie. Mon bâtard à moi (grand dieu oui, ce sera un bâtard, l'héraulderie me fait encore des misères) doit passer par des endroits qui se déchirent rien que d'y penser. J'ai peur, ma chère. Je suis terrorisée. Mettre cet enfant au monde en sachant qu'il n'aura pas de père est déjà une horreur. Pensez alors que je ne serai plus capable de gérer le Vescomtat ou la Baronia ajoute à mon effroi. Tout cela risque de mal tourner. Et tout cela reviendra à Liloie, qui nest pas non plus en bonne santé. Pensez donc qu'en plus d'avoir perdu son père Adrien, elle a perdu un enfant.
La maison Desage va à son terme, je le crains. Et je n'ai plus la force de me battre.
J'ai espéré longtemps qu'un noble des environs me prendrait en pitié et viendrait demander ma main. Mais ou passer après le Hibou leur fait peur, ou je suis trop éplorée pour eux. Tant pis, ils ont perdu une belle alliance. Car à ma mort, tout aurait pu revenir à celui qui aurait pris sous son aile le petit bâtard et les domaines. Et il est trop tard pour eux : étant donnée la tension de la peau de ma gésine, je ne vais pas tarder à ressentir les douleurs de l'enfantement.
J'ai pensé à faire un testament, mais ...
A trop remuer d'idée morbides, le petit dans son jus finit sans doute par ressentir les ondes plus que nocives de tout cela. Il se rebelle et envoie un violent coup de tête de pattes ou de l'on-ne-sait-quoi dans les reins de sa génitrice.
Ayena serre les dents, laisse passer la vague, les yeux humides. Elle en veut à cette chose en elle. Elle aurait préféré garder Adrien et ne jamais avoir d'enfant. Cet échange de vie ne lui parait pas correct : personne ne lui à demandé, à elle, son avis. Or elle était la première concernée. Satané Très Haut.
Avec dépit, l'ébauche de lettre est pliée, incomplète, en suspens. Ha. Jamais elle n'enverra cela. Il suffit que ça soit intercepté et pouf, le peu de respect qu'on lui devait encore se muera en dédain, voire en haine. En dégout ? Pf. Qu'importe. Mourir seule. Et retrouver son Adrien. Voilà tout ce qui importe. Plus que quelques semaines à subir encore les douleurs de la vie ici bas pour avoir le droit d'accéder au Soleil.
Sur son lit, la jeune femme s'endort. Autour d'elle, sa chevelure épaisse et jadis brillante, est terne. A l'image de sa vie. Sans intérêt. Son souffle n'est pas paisible. Jamais. Depuis qu'elle est veuve, elle a perdu tout attrait. Pour les autres, mais pour elle, aussi.
Un serviteur entre. Il voit le pli. Il pense bien faire. Il s'en empare et... Le fait envoyer. Dieu sait où.
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- Bases par Truscot et DellaGrottaglia - Héraldique > Ayena est habillée par DECO