Yolanda_isabel
Elle arrive maintenant à marcher, non sans mal, mais quand même avec une canne et sans grimace sil vous plaît, même si depuis que sa vue sest troublée, il lui arrive de se cogner régulièrement dans tout ce qui se trouve à sa gauche. Cest la guerre comme dirait lautre ! Et ce jour, un courrier darriver à lhôtel particulier de sa tante où elle séjourne depuis LE jour funeste, portant le sceau de la Folie. Le pli est lu par Anaon parce quelle avait déjà du mal avec les mots, à ne pas les mélanger auparavant, alors avec un il en moins, ça ne va pas aller en sarrangeant vous pouvez me croire. Sauf quau fur et à mesure de la lecture, les yeux sarrondissent, tant chez la néo-borgne que chez la mercenaire parturiente. La lettre est posée entre elles comme le silence que vient rompre Anaon.
-« Mais.. Il sait que vous avez 14 ans ? »
Silence.
-« J'peux aussi lui dire ma façon de penser, moi... »
-« Non. Je vais le faire.. Cela ne peut être quune erreur Ann. »
Et cest ce quelle fait. Car si la dernière lettre envoyée à lArchifou était bien écrite, cest bien parce quAnaon la écrite. Mais là, Yolanda sinquiète de ce ton chargé de directives et de rancur, oui, elle sinquiète, aussi, cela mérite-t-il de prendre la plume elle-même et dinfliger à un Fou blessé son écriture imparfaite et chargée de pattes de mouches.
Citation:
A vous, Edern, Archiduc d'Anjou
De moi, Yolanda Isabel.. Vous connaissez la suite.
Ab imo pectore, bonjour,
J'ai appris Mon Seigneur pour votre état, et j'ai prié chaque jour pour votre rétablissement, mais pour ne pas vous mentir, j'ai prié chaque jour pour le rétablissement de chacun des angevins, mais vous passiez un peu avant quand même. La lettre que j'ai reçu de vous m'attriste, parce que je me suis crue assez pleine de foi en l'Anjou et l'Amour, et j'ai cru que je pourrai - naïvement, je m'en rends compte maintenant - apaiser les tensions, en vous conseillant, mais je n'ai fait que mentir, et je le confesse bien piteusement. Point de présent d'Eusaias, les madeleines viennent de Château-Gontier, elles sont au citron et sont très bonnes, et s'il vous prend l'envie de les manger comme de me destituer, n'hésitez pas, vous y trouveriez beaucoup de plaisir. Elle m'attriste parce que j'ai eu tort de penser que la guerre pourrait être évitée avec de gentils conseils et des bons mots - et de bonnes madeleines - alors même que mon frère hait la terre qui a porté sa mère et sa soeur. Et si vos inquisitions me bouleversent, elles n'en restent pas moins fondées en vertu du piètre mensonge que je vous ai servi. Mais gardez-vous de me maljuger Mon Seigneur, je n'ai fait cela qu'en pensant pouvoir vous aider et à travers vous l'Anjou. Je n'ai jamais eu le goût des armes et du sang, et j'aurai de loin préféré que cette affaire-là se règle autrement qu'à coups de lames et d'effusions. Ce préambule avant de répondre à vos questions pour vous faire comprendre l'affliction qui est la mienne.
Je n'ai pas eu de nouvelles d'Eusaias, en dépit du courrier que je lui ai envoyé en lui demandant de cesser les hostilités. Il n'a pas répondu et en cela, vous êtes bien plus poli que lui, et les hostilités n'ont pas cessés non plus comme vous le savez. Preuve en est que les mots d'enfant ne trouvent pas leur place dans les affaires d'hommes.
L'expédition à Saumur.. Si je suis partie seule, c'était bien en pensant qu'ainsi, je ne constituerai pas une menace pour des soldats un peu très zélés, et qui je le pensais, m'auraient reconnu. Je n'ai pas d'épée, ni d'armes et vous savez le temps qu'il faut sûrement pour en faire forger une, d'ailleurs je n'ai même jamais su m'en servir, contrairement à ma mère, et c'est elle que j'allais voir car j'avais appris qu'elle était sortie de son couvent pour rejoindre l'armée d'Abraxes, je voulais voir si elle se portait bien, si son recueillement lui avait été bénéfique. Punissez-moi, mais ne me reprochez pas d'avoir voulu voir celle qui m'a donné la vie. De plus, j'avais laissé à Saumur, un chargement de pains cuits à Château-Gontier que je destinais aux armées angevines et que j'escomptais ramener assez vite à la Capitale pour aider de mon mieux. Car voilà plusieurs semaines, depuis que le conflit a commencé, que les récoltes de blé de Château-Gontier sont utilisées pour réaliser de la farine et du pain à destination de la population angevine, et que tout cela se passe sous la supervision de mon cuisinier Linien Lamora. Nombre de saumurois ont été bien aise d'avoir de quoi manger en taverne et sur le marché, lors même que les armées françaises n'étaient pas encore entrées par de-là les remparts. Et ce pain-ci, je vous le destinais à vous et vos soldats, mais le pain n'est jamais arrivé puisque je n'ai jamais pu arriver à Saumur, comme vous le savez.
Votre instruction si elle est claire, ne m'est jamais parvenue aux oreilles, aussi, je me félicite de savoir, que sans en avoir jamais rien entendu, j'ai confié la tâche à mes gens d'aller acheter avec mes deniers personnelles des denrées bien chères pour aller les revendre à l'Archiduché à moindre prix. Puisque c'est ce que l'on m'a rapporté Mon Seigneur, mes gens m'auraient-ils menti en me disant que ce sont les votres qui ont racheté cette nourriture ? Ils m'ont même dit qu'un tourangeau avait voulu leur acheter du pain mais qu'ils avaient réussi à le convaincre de le revendre à plus bas prix à des hommes portant la livrée de l'ancienne archiduchesse, Otissette de Reikrigen. Si ces hommes ont menti, ou si des brigands ont usurpé vos couleurs, alors vous m'en voyez contrite, et je me ferai fort de réparer le préjudice en vous cédant les poissons qui ont été acheté sur le marché pour renflouer les garde-manger de la Duchesse de Brissac chez qui je loge, même si cela m'en coûte puisque la vingtaine de poissons que nous avons acheté sert bien depuis que ma tante a ouvert son hotel aux angevins démunis et blessés par la guerre.
Vous parlez de couteau que l'on retourne dans la plaie de l'Anjou et je suis affligée de penser que j'ai pu d'une façon ou d'une autre y participer, aussi, je ne peux qu'accéder à votre demande de mon mieux. Je ne pourrai, vous vous en doutez, participer à l'effort de guerre en allant battre le fer à vos côtés, c'est tout juste si je peux aller aux latrines sans avoir mal. Mais qu'on ne dise pas que je ne veux pas aider, je vous envoie avec ce courrier de bons gars solides*, des castrogontériens plus habitués aux travaux de ferme, mais aux bras assez forts pour porter une arme ou au moins un baton, puissent-ils vous aider et se montrer à la hauteur de ce que vous leur demandez. Ils étaient miens, ils sont votres, ils sont l'Anjou.
Prenez soin de vous, on a beau être Archiduc, on n'en reste pas moins humain et une blessure, ça fait toujours un peu mal.
Moi.
Et comme dit la lettre d'être portée par une bande de castrogontériens venus à la Capitale au départ pour ramener des nouvelles de Château-Gontier et rassurer quant au sort de Craon devenu mainoise.
Yolanda, quant à elle, a quitté la table où elle a peiné à écrire pour lui préférer son lit où elle s'exerce à une discipline qu'elle maîtrise à la perfection : Les pleurs. Pas parce que le Fou l'a fâchée, non cela, elle s'en remettra en vérité, mais parce que lui reviennent en tête ses derniers mots. Elle qui répugne aux armes est le couteau qui laboure les plaies de l'Anjou.
-« Ô rage, ô désespoir.. Que nai-je tant vécu que pour faire ce coup-là à lAnjou.. »
Et poète avec ça.
(*) PNJ, donc que ton bonhomme en dispose à sa guise.
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Quand on met les RR en boîte !
Edern
Une salle parmi d'autres.
Une table, des cartes et du vélin.
Le Fou, son encre, sa plume, ses desseins.
Votre Archigrâce.
Deux armées bloquées à Orléans...
Votre Archigrâce.
Tombera... tombera pas...
Votre Archigrâce !
Mmm ? La moitié du conseil d'occupation a démissionné, je sais.
Non, vous m'avez ordonné de vous rappeler pour... la réponse à Yolanda.
Yoland... Ah.
L'Archiduc d'écrire les lignes attendues par Château-Gontier.
Et le valet de s'en retourner avec sa lettre recommandée.
Citation:
À Yolanda Isabel de Josselinière.
De gentils conseils, des madeleines, des prières et de l'amour... Eusaias est-il Roi de Tolérance ? Suis-je Archiduc des Bisous ? Quelle sorte de fleur avez-vous humée sur le terreau constitué par la masse suintante des cadavres accumulés devant la Porte des Champs ? Ouvrez les yeux. Ce monde n'est pas rose : il est rouge, noir ou blanc selon la saison et bien plus amer que votre zeste de citron. L'équilibre entre l'Anjou et la France a été rompu et le fossé creusé ne peut être comblé par les quelques niaiseries de la petite princesse que vous vous plaisez à incarner. Cette guerre est pour vous l'occasion de rompre avec la jeunesse dorée que vous regrettez probablement déjà, ainsi qu'avec ce frère haineux dont l'acier pourfendra vos proches sur un seul sifflement de ses maîtres parisiens. Je ne vous demande pas de grandir... mais de réaliser à quel point l'enfance n'est que l'antichambre de la violence.
Saumur. Les raisons invoquées importent moins que la manière dont l'expédition a été menée. Retenez ceci : dans la nuit, tous les chats sont ennemis. En temps de guerre, nul ne peut reconnaître une ombre qui n'a pas annoncé clairement aux autorités militaires son intention de voyager au jour dit. Si vous avez été blessée, les soldats par qui les blessures sont arrivées n'ont rien à se reprocher. Comprenez-vous que ce sermon vous est adressé dans votre propre intérêt ? Lors de vos prochains déplacements, je ne saurais trop vous conseiller d'en informer les chefs des armées croisées suffisamment à l'avance, et moi le premier.
Je vous remercie pour les hommes que vous envoyez à Angers, ils seront affectés à divers travaux de réparation. Il ne me semble pas, en revanche, que la noblesse ait jamais pu être tenue par procuration... en conséquence de quoi et, compte tenu de votre état et de votre goût pour la boulange, je vous affecte au ravitaillement de la prochaine armée archiducale. Vous organiserez donc au meilleur de vos possibilités et sur vos propres deniers le stockage d'un maximum de denrées - pain, maïs -, tant que le prix de ces dernières ne sera pas abusif au regard de leurs conditions d'achat.
Cessez par ailleurs de vous moquer de moi quant à la présence de vos braves gens sur le marché.
Ils auraient vendu les mêmes marchandises aux Français s'ils étaient passés...
Soyez véritablement gentille : ne me décevez pas une nouvelle fois.
Je compte sur vous.
Le Fou,
Archiduc d'Anjou.