[Au sortir de GUERET]L'affaire avait été rondement menée. J'etais parti des Billanges pendant la nuit, parce que seul j'avais toujours un peu de mal à dormir, et puis quitte à faire la route, autant la faire de nuit. J'avais toujours préféré la discrétion de ces heures là, pour ne pas se faire remarquer.
Bien m'en prit, puisque deux maraudeurs qui cherchaient une victime candide ne m'apercurent qu'au dernier moment. Et je les priai, avec mesure et mon épée, de passer leur chemin, ce qu'ils firent galamment.
Arrivé à Guéret, la transaction marchage fut des plus brèves, et me soulagea du poids de l'objet que j'avais apporté. Je ne trainais pas car la ville était encore endormie, et d'ailleurs, je ne croisai que peu de monde.
Quelques vendeurs matinaux, quelques anciens que le sommeil ne retenait plus guère, et puis des artisans qui s'affairaient dans leurs échoppes.
En me dépêchant un peu, je pouvais être de retour chez moi dans quelques heures à peine. Juste le temps d'acheter de quoi faire taire mon ventre.
Franchissant dans l'autre sens, la poterne de la ville, je dus laisser passer une jeune personne qui manifestement ne m'avait pas vu venir.
Elle fit un bref signe de la tete en remerciement. Les premieres lueurs du jour révélèrent son visage.
http://www.casimages.com/img.php?i=130922065916183429.jpg"Je ... je suis bien à Guéret ?"
"C'est bien le cas jeune demoiselle ! Mais vous ne devriez pas voyager toute seule, il y a quelques brigands sur la route."Elle se contenta de me rendre un sourire et observa les rues d'une ville surement etrangère à ses yeux.
"La bonne journée, demoiselle".Puis je partis sans me retourner. Du chemin m'attendait.
Voyager seul à bien des avantages. Allez à son rythme, garder ses pensées, s'arrêter quand on veut, pour un rien ou pour un caillou dans les bottes. Couper à travers champ, sauter une rivière, prier devant un calvaire. N'avoir que le vent pour soi, et le chant des oiseaux jusqu'à ce qu'ils s'envolent.
Pas le temps de s'ennuyer. Les rives du lac des Billanges se dessinaient de loin, en un spectacle incandescent sous l'angle faible du soleil à cette époque de l'année.
La pente devenait douce et la terre meuble, l'envie de courir me revint.
Pour me sentir bien, pour tester mes forces, comme si je ne me sentais plus l'homme que j'etais avant de partir dans le sud en juin.
Les premieres longueurs furent les pires, à chercher mon souffle, puis la satisfaction de ressentir ma vieille carcasse répondre me donna une force supplémentaire. A tel point, que je regardais l'horizon comme si je pouvais abolir les distances en quelques bonds. Et puis, l'erreur idiote.
A vouloir passer trop près de la rive, je ne remarquai pas une zone un peu plus vaseuse, qui ne manqua pas de tenter de me manger ma botte droite.
Je luttai avec véhémence pour récupérer cette satanée botte en cuir.
A presque croire qu'un sacrifice était nécessaire à Dame Nature.
Et puis non !!! Pas ce jour. Tant pis pour la boue, mais je ne ferai pas ce cadeau là.
Ma botte voulut bien finalement me suivre. Et la puanteur de la vase aussi. Dieu merci la solitude m'accompagnait donc peu m'importait.
Au bout de quelques minutes, j'avais hate finalement de revoir ma demeure car je ne doutais pas que je devais empester les marécages, même si pour moi c'etait l'odeur de mon enfance.
En passant par le jardin, je serais plus discret et même si j'etais le Seigneur de ces lieux, je n'aurais pas ainsi à faire de commentaires.
Je voyais les murs de la maisonnée. Deux trois allées à parcourir.
J'otai mes bottes, et profitai de l'herbe fraiche pour finir le peu de chemin.
En me hatant.
C'est ainsi que je faillis buter sur Sofja. Ma surprise n'en fut que plus grande. Je rentrais à une heure étrange, par derrière la maison, à croire en catimini et les bottes à la main comme un mari qui n'a pas eu le temps de se rhabiller !
Sofja du percevoir mon étonnement !
"Ah, quelle bonne surprise ! Tu es là ? oh, et avec Galaad !"
Je changeai rapidement de place pour avoir le vent de face, et ne pas partager mes effluves.
"Je...je reviens.. de par là comme tu vois... enfin de Guéret où des affaires m'appelaient. Et tu vas rire, j'ai failli laisser une botte dans les rives vaseuses du lac".Longues secondes de silence. A me demander la réaction de mon épouse.