Susy servait la jeune Irissarri depuis de nombreuses années... Elle avait été attachée à sa personne sous le règne de la Reyne Béatrice, elle avait épenchée les larmes à la mort de la protectrice, elle avait été le témoin impuissant du viol de sa Maîtresse, elle avait veillée sur elle durant sa grossesse non désirée... La petite rousse était restée quand la Castelnau de Montmiral avait renié sa fille et son enfant né hors mariage. Elle s'était occupé du nouveau-né, lui servant de nourrice, tout en veillant sur sa mère qui se laissait dépérir. Elle avait espéré que le jeune Blackney l'aiderait à remonter la pente, et tremblé devant sa trahison, de crainte que sa jeuen Maîtresse ne se jette du haut des falaises du Mont... Telle une ombre, elle avait accompagné chacun des grands événements de la vie de l'Irissarri. Remplissant tout les rôles... Confidente, servante, camériste, nourrice, gouvernante, intendante... Susy était tout cela et encore plus. Et son affection pour l'Ange était tel que cela n'avait pas d'importance. Elle faisait ce qu'il fallait, c'était tout.
Mais il fallait reconnaitre qu'elle avait été surprise par l'invitation proposée à la Jagellon et à sa famille. Susy avait comme il se doit entendu parlé du "Blond" par Breval, de ce soupirant qui n'en était pas vraiment un puisqu'il ne s'était ni déclaré ni ne faisait sa cour, mais qui était par trop attentif et curieux pour être indifférent. C'était d'un mauvais oeil d'ailleurs, que la jeune camériste voyait les choses, craignant qu'en cas de deception, elle n'entendit le bruit mat du corps de sa Maîtresse s'écrasant au pied de sa tour. Et bien décidé à ne pas laisser cela arriver, la rouquine avait choisi de prendre les choses en main.
La remise en ordre du château avait été possible grâce aux serviteurs de la tantine Baronne, qu'elle recommanderait bien entendu dans ses prières... Mais pour la suite, c'était à elle de rendre le séjour le plus appréciable possible pour les invités, puisque l'hôtesse officielle risquait de s'effondrer à tout moment. D'ailleurs, cela n'avait pas loupé. Le jeune coq avait débarqué dans la cours en se pavanant, blessant sans le savoir le fragile cygne. Susy connaissait Elizabelle mieux que personne, et elle avait vu dans son esprit les rouages se mettre en oeuvre, la blessure se rouvrir. Elle en aurait mis deux claques à l'idiot. Ce qui aurait sans doute été mal vu.
La petite brune avait guidé ses invités jusqu'à leur chambre, avant de disparaitre dans sa tour, alors que le brave chevalier miniature s'en était retourner bouder. Un long soupire s'échappa de ses lèvres. Cela commençait mal... Il allait lui falloir poser les choses au clair. Si le jeune noble aimait vraiment sa petite Maîtresse, alors elle l'aiderait et serait une alliée de poids, tant elle connaissait bien l'Ange. Mais s'il ne l'aimait pas, elle allait lui faire passer l'envie de jouer avec les sentiments de la fragile jeune fille. En attendant, elle avait à faire.
Réintégrant les cuisines, elle veilla à la préparation du dîner. Rien de bien compliqué mais tout serait délicieux, la cuisinière étant un cordon bleu digne des plus beaux châteaux. Il y avait un coq rôti, accompagné d'une soupe de légumes. Du pain frais et encore chaud, avec un peu de fromage, et une délicieuse tarte aux pommes, avec des fruits concervés dans la cave du domaine. Ce serait sans doute parmis les dernières, les autres fruits ayant déjà été séchés pour ne pas être perdu. De l'eau accompagnerait le repas, puisque Elizabelle ne tolérait pas l'alcool en sa demeure. Susy retourna dans la grande salle où la cheminée répendait une agréable chaleur, et commença à installer la table, plaçant stratégiquement sa Maîtresse à un bout, avec à sa droite la Vicomtesse, et à sa gauche son fils. Ainsi, l'Ange ne se sentirait pas trop vulnérable.
Une fois tout prêt, elle monta rapidement à l'étage, croisant en chemin la Vicomtesse, qu'elle salua d'une courbette. La Dame se rendait dans la chambre attribuée au jeune homme et son expression un brin mécontente était la preuve que le comportement de celui-ci n'avait pas plu. Passant son chemin, la camériste monta directement dans la tour, ouvrant la porte avec sa clé, et posa un regard navré sur la silhouette frêle et secouée de sanglot de sa Maîtresse. S'approchant, elle posa une main bienveillante sur son épaule et en souriant doucement, elle dit.
Mademoiselle, le dîner sera bientôt prêt... Permettez que je vous aide à vous préparer. Un peu d'eau fraiche, une jolie robe, un peu de poudre aux joues et un coup de brosse, et il paraîtra plus rien de vos larmes...