Charlemagne_vf
*Pastiche plus ou moins évident de Julie ou la Nouvelle Héloïse, de Rousseau.
Citation:
J'avais encore en tête le nom de Nérondes, & avec lui, l'image que je me suis faite de ce moine idiot qui brisait les dents des ânes à coups de parpaings. J'ai trouvé ce souvenir, somme toute pas très lointain, farfelu. Suffisamment pour me convaincre de m'en fabriquer d'autres de cet acabit. Pourtant, j'aurais voulu que notre rencontre reste inconséquente. Ne l'avais-je pas dit ? Ce pourrait n'être rien qu'un rêve nébuleux. Mais vois-tu, je dis rêve, c'est que j'y ai trouvé un délice plutôt qu'un dégoût.
Mais dois-je être de ces gens tristes qui ne font que commenter l'instant passé ? De quel présent, de quel futur pourrais-je te parler, toutefois ? Je ne vois rien.
J'espère que de ce que je t'ai donné, tu as fait bon butin. Je crois que le Prince n'a pas même observé que quelques pièces manquaient : c'est qu'il doit en avoir beaucoup, assez au moins pour ne pas se soucier de quelques chandeliers. Si tu en veux encore, je t'en donnerais volontiers. Nous pourrions commencer une collection. Sans aller au crime, un ou deux chandeliers pris dans les meilleures maisons du Royaume, de l'Empire, même, ne feront de tort à personne. Égoïstement, ce pourrait m'être l'assurance que tu n'escalades aucune autre fenêtre que celle derrière laquelle je m'offre à Morphée.
Je suis un être exclusif, apprends-le. Je ne prétends rien posséder de toi, sinon des bribes nocturnes d'un instant révolu, mais hautement agréable. Mais je crois qu'il me plairait de posséder un peu plus. & après tout, m'aurais-tu glissé cette invitation à t'écrire si ce n'était pour te tenir un peu plus entre mes bras ? J'ai la prétention de penser que je t'ai séduit, un peu, sinon beaucoup.
Je ne t'ai pas caché mon ascendance noble, je crois. Je t'ai dit être seigneur, c'est peu. Mais dans le sang, je suis bien plus. Vois-tu, je suis sans doute un peu impie : tes gestes m'ont embrasé, & tu es un brigand. Mésalliance et infamie, je m'invertis en ta compagnie. Si tu n'étais aussi vil en morale que moi, j'aurais honte à écrire ces mots. Promets qu'ils ne seront lus que de toi. Moi, je n'ai pas de confidents. Les confidents sont des soucis, & au-delà, des ennemis. Si je devais en avoir, ce serait le temps de pleurer, de dire un mal-être s'il était dit que je doive être malheureux, puis enfin, mes secrets dévoilés, il me faudrait faire tuer celui qui les aurait connus. Toi qui partage le mien, ne te sans pas en danger. J'ai pour moi tes actes, & un peu sottement, je crois te faire confiance.
Mais ne te dis-tu pas que je suis un être désespéré. Moi, Cassian, jeune noble plein d'avenir, j'aurais besoin d'accorder crédit à ce pas-grand-chose que tu es ? Pas grand chose, dis-je. Au vrai, je n'en sais rien. Melchiore, ton nom, et Melchiore, ton corps : voilà tout ce que je connais de toi. Toi, tu en sais plus de moi. Tu sais où j'ai dormi, tu sais de quel vin je m'abreuve, tu sais même où faire mener mes lettres pour me trouver. Moi, je me contenterai d'un moine. Caches-tu un secret ? Nous en avons tous, je crois. Sauf les simples, mais tu ne l'es pas. Je le sais.
Tu ne peux n'être qu'un brigand : tu sais lire. J'ai la conviction que tu lis autre chose que les têtes mises à prix. Tu connais des contes, & tu les sais raconter. Moi, je les ai aimées, tes histoires de voleur et de prince. & moi, je me suis senti prince.
Toi, tu n'étais qu'un piètre voleur, toutefois.
Melchiore, dis-moi donc pourquoi, pourquoi ai-je eu ta faveur ? La faveur des mécréants est bien plus difficile à gagner que celle des princes. Ou me trompais-je en croyant avoir trouvé un peu de passion dans tes baisers ?
Je suis en chemin pour l'Anjou. Je ne sais encore à quel balcon on me trouvera, mais un chablisien ou un nivernais saura bien trouver C.d.C.
Dois-je aussi t'avouer que depuis ta venue, il m'a fallu bouder mon plaisir, & me contenter de la douceur de mon lit comme partenaire ? J'aimerais que tu m'amignonnes encore, comme j'aurais aimé que tu restes un peu. Il me semble qu'à défaut de me manquer, tu as réussi à me faire envier un peu. J'envie celui qui peut grimper aux branches et s'immiscer pour trouver l'être endormi que je suis. J'aurais aimé être toi, & que tu sois moi.
T'aurais-je déjà ennuyé ? Brûle, brûle tout si c'est le cas, & qu'il n'y ait de conséquences à rien. C'est que j'aurais été floué par moi-même.
Mon baiser sur toi.
C.d.C.
- A Melchiore.
J'avais encore en tête le nom de Nérondes, & avec lui, l'image que je me suis faite de ce moine idiot qui brisait les dents des ânes à coups de parpaings. J'ai trouvé ce souvenir, somme toute pas très lointain, farfelu. Suffisamment pour me convaincre de m'en fabriquer d'autres de cet acabit. Pourtant, j'aurais voulu que notre rencontre reste inconséquente. Ne l'avais-je pas dit ? Ce pourrait n'être rien qu'un rêve nébuleux. Mais vois-tu, je dis rêve, c'est que j'y ai trouvé un délice plutôt qu'un dégoût.
Mais dois-je être de ces gens tristes qui ne font que commenter l'instant passé ? De quel présent, de quel futur pourrais-je te parler, toutefois ? Je ne vois rien.
J'espère que de ce que je t'ai donné, tu as fait bon butin. Je crois que le Prince n'a pas même observé que quelques pièces manquaient : c'est qu'il doit en avoir beaucoup, assez au moins pour ne pas se soucier de quelques chandeliers. Si tu en veux encore, je t'en donnerais volontiers. Nous pourrions commencer une collection. Sans aller au crime, un ou deux chandeliers pris dans les meilleures maisons du Royaume, de l'Empire, même, ne feront de tort à personne. Égoïstement, ce pourrait m'être l'assurance que tu n'escalades aucune autre fenêtre que celle derrière laquelle je m'offre à Morphée.
Je suis un être exclusif, apprends-le. Je ne prétends rien posséder de toi, sinon des bribes nocturnes d'un instant révolu, mais hautement agréable. Mais je crois qu'il me plairait de posséder un peu plus. & après tout, m'aurais-tu glissé cette invitation à t'écrire si ce n'était pour te tenir un peu plus entre mes bras ? J'ai la prétention de penser que je t'ai séduit, un peu, sinon beaucoup.
Je ne t'ai pas caché mon ascendance noble, je crois. Je t'ai dit être seigneur, c'est peu. Mais dans le sang, je suis bien plus. Vois-tu, je suis sans doute un peu impie : tes gestes m'ont embrasé, & tu es un brigand. Mésalliance et infamie, je m'invertis en ta compagnie. Si tu n'étais aussi vil en morale que moi, j'aurais honte à écrire ces mots. Promets qu'ils ne seront lus que de toi. Moi, je n'ai pas de confidents. Les confidents sont des soucis, & au-delà, des ennemis. Si je devais en avoir, ce serait le temps de pleurer, de dire un mal-être s'il était dit que je doive être malheureux, puis enfin, mes secrets dévoilés, il me faudrait faire tuer celui qui les aurait connus. Toi qui partage le mien, ne te sans pas en danger. J'ai pour moi tes actes, & un peu sottement, je crois te faire confiance.
Mais ne te dis-tu pas que je suis un être désespéré. Moi, Cassian, jeune noble plein d'avenir, j'aurais besoin d'accorder crédit à ce pas-grand-chose que tu es ? Pas grand chose, dis-je. Au vrai, je n'en sais rien. Melchiore, ton nom, et Melchiore, ton corps : voilà tout ce que je connais de toi. Toi, tu en sais plus de moi. Tu sais où j'ai dormi, tu sais de quel vin je m'abreuve, tu sais même où faire mener mes lettres pour me trouver. Moi, je me contenterai d'un moine. Caches-tu un secret ? Nous en avons tous, je crois. Sauf les simples, mais tu ne l'es pas. Je le sais.
Tu ne peux n'être qu'un brigand : tu sais lire. J'ai la conviction que tu lis autre chose que les têtes mises à prix. Tu connais des contes, & tu les sais raconter. Moi, je les ai aimées, tes histoires de voleur et de prince. & moi, je me suis senti prince.
Toi, tu n'étais qu'un piètre voleur, toutefois.
Melchiore, dis-moi donc pourquoi, pourquoi ai-je eu ta faveur ? La faveur des mécréants est bien plus difficile à gagner que celle des princes. Ou me trompais-je en croyant avoir trouvé un peu de passion dans tes baisers ?
Je suis en chemin pour l'Anjou. Je ne sais encore à quel balcon on me trouvera, mais un chablisien ou un nivernais saura bien trouver C.d.C.
Dois-je aussi t'avouer que depuis ta venue, il m'a fallu bouder mon plaisir, & me contenter de la douceur de mon lit comme partenaire ? J'aimerais que tu m'amignonnes encore, comme j'aurais aimé que tu restes un peu. Il me semble qu'à défaut de me manquer, tu as réussi à me faire envier un peu. J'envie celui qui peut grimper aux branches et s'immiscer pour trouver l'être endormi que je suis. J'aurais aimé être toi, & que tu sois moi.
T'aurais-je déjà ennuyé ? Brûle, brûle tout si c'est le cas, & qu'il n'y ait de conséquences à rien. C'est que j'aurais été floué par moi-même.
Mon baiser sur toi.
C.d.C.
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